La Salle des mélodies perdues

Harry Potter - J. K. Rowling
Gen
G
La Salle des mélodies perdues
Summary
Il est à Poudlard une salle qui bouge sans cesse, qui change sans discontinuer.Il est à Poudlard des âmes en peine qui parfois errent dans les couloirs sans savoir où aller.Ces soirs-là, si l'on tend l'oreille, on pourra entendre une petite musique confuse résonner dans le château.Qui vient de cette salle.Qui appelle les élèves qui savent l'écouter.La Salle des mélodies perdues.
Note
À l'origine, ce texte était un OS sur un tout autre personnage, un tout autre instrument, qui a dérivé en une petite fic de 4 chapitres que voilà (bon, pas mal de choses ont changé).Je publierai un chapitre par semaine à partir de maintenant.Les titres de chapitres seront des termes musicaux que j'expliquerai en fin de chapitre.Je vous souhaite une très bonne lecture !
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Agitato e staccato

Cho a entendu un bruit sourd, et son monde intérieur, chaud et plein, une sorte de paradis, une sorte de douce couverture dans laquelle s'enrouler en hiver, une sorte de bassin de rayons de soleil printaniers, se vide et se refroidit en même temps que la musique du violoncelle se tait et que celle de ses angoisses commence à s'imposer dans sa tête.

 

Elle est par terre elle ne bouge pas Cho s'y jette aussi elle crie il n'y a personne personne pour l'aider ses parents travaillent elle ne sait pas transplaner il y a la cheminée le cœur de Bao ne bat plus ou non peut-être il le faut l'hôpital s'appelle comment déjà ? Sainte quelque chose Sainte-Mangouste elle croit et puis est-ce qu'elle peut y aller directement avec Bao ? Non elle ne croit pas elle ira toute seule chercher les secours la poudre est où c'est comment déjà ah oui c'est vrai Sainte-Mangouste ! Il y a son salon puis il y a le feu vert il y a les cendres dans ses poumons il y a le noir puis il y a le lieu. Tout est blanc et plein de monde un médicomage il faut trouver un médicomage venez vite s'il vous plaît calme-toi petite elle entend explique nous alors Cho explique Cho balbutie Cho pleure Cho s'embrouille Cho panique mais ils comprennent son charabia sa langue de la peur panique cet idiome de l'enfance brouillon avec ces mots qui dansent mais ils la suivent ils transplanent c'est ça ? Cho avec eux ils sont de retour ils la trouvent la regardent la prennent tout va si vite et puis les sorciers en blanc emporte Bao dans une civière et puis un autre reste où sont tes parents ? Cho ne sait pas ne sait pas et comme elle ne peut pas suivre sa grand-mère elle s'agrippe au violoncelle comme à une corde dans le vide comme à une ancre dans la mer. Bao est partie et au port Cho attend. Avec une triste gamme mineure qui résonne encore dans la tête, comme en écho à la tragédie.

 

Le soir. Il est arrivé si vite. Mais en même temps... Assise sur une chaise solitaire du Ministère de la Magie dans le bureau de sa mère (département de la Justice Magique), Cho attend. Le temps passe et Cho attend. Quoi, elle ne sait pas. Une nouvelle, une bonne. Ou peut-être de se réveiller dans son lit, et de se lever, et de voir Bao en train de lire sur le canapé en bonne santé, heureuse. Ça DOIT être un cauchemar. Un mauvais rêve comme on en fait la nuit quand on oublie la couleur des étoiles.

Mais non, cette deuxième option n'est pas possible ou imaginable. Et la première s'éloigne s'éloigne s'éloigne. Sa mère écrit, concentrée. Elle a pris Cho à son travail parce qu'elle devait absolument terminer ce rapport ce soir, et ne pouvait laisser sa fille seule. Et Cho s'ennuie et Cho s'inquiète, et Cho tente d'oublier, de s'oublier juste un instant.

 

Alors Cho se lève comme une automate, dit quelque chose peut-être ou peut-être pas, elle ne sait pas, il lui semble que sa voix est partie en même temps que sa mamie.

Alors Cho marche dans les couloirs solitaires, sans demander la permission de sa mère alors Cho erre comme une âme en peine dans le ministère désert et puis Cho désespère et puis Cho accélère, et puis prend l'ascenseur. Pour aller où ? Cho ne sait pas. Ailleurs, elle espère.

 

Dans un autre monde.

 

L'ascenseur s'arrête quelque part et Cho sort. Département des transports magiques, dit la voix. Cho ne sait pas si elle veut aller là, mais tant pis elle y va. Elle avance entre les portes, les bureaux, les fenêtres. Elle suit les notes volantes juste pour voir. Des notes de service, pas de musique. Loin de la beauté de celles que Bao créait de ses doigts encore agiles, de son archet léger. Mais faute de mieux, Cho prend.

Et puis Cho entend. Une voix qui chantonne. Une voix malingre d'enfant. Et puis Cho frissonne. Et puis Cho suit, la note, qui semble suivre la voix qui continue d'égrainer ses notes. Et puis Cho avance, accélère, court presque. Et puis Cho voit la note s'engouffrer dans un bureau. Et puis Cho la voit. Elle.

 

Sur une petite chaise se tient une fille. Une fille aux cheveux ébouriffés, qui ferme les yeux emportée par la petite mélodie qu'elle fredonne. Une fille dans des vêtements un peu trop grand.

Cho tourne le tête. La porte du bureau est ouverte et dedans, elle voit une femme, le portrait de la fille en brune, qui travaille, mais qui l'écoute en même temps avec un sourire attendri.

 

Cho s'avance encore un peu. La dame la voit, prend d'abord un air étonné puis, complice, lui fait un clin d'œil et un signe de tête vers la fille comme pour l'inciter à aller là voir. Cho s'exécute, heureuse de cette approbation, soulagée dans sa légitimité à parler à cette inconnue, à interrompre le chant.

 

Aucune musique ne devrait s'interrompre avant la fin se dit-elle. Aucune musique, mais celle de Bao s'est tue de la manière la plus brutale qui soit. Cho résiste à l'envie de pleurer, encore. Ses parents lui ont toujours dit de ne pas le faire, de ne pas se dévoiler, de ne pas monter sa faiblesse. Alors Cho prend sur elle encore une fois, et doucement, s'approche de la fille qui chante, et doucement pose sa main sur son épaule.

 

La fille ouvre les yeux, qu'elle a ronds, ronds et marrons, ronds étonnés, intrigués et un peu énervés par cette interruption. Mais la curiosité semble prendre le dessus et c'est avec un petit sourire et une voix un peu espiègle qu'elle lui parle.

 

— Tu es un fantôme ?

— Quoi ?

— Oui, est-ce que tu es un fantôme ? Il n'y a personne d'habitude par ici, et encore moins des enfants.

— Non. Mais toi, est-ce que tu es une sirène ?

— Une sirène ? Ah oui, le chant. Eh bien, figure-toi que non. On est pas sous l'eau au cas où tu ne l'aurais pas remarqué.

— Oui mais un nouveau type de sirène, une sirène terrestre ! Ton chant m'a attirée aussi sûrement que l'or attire le Niffleur.

 

La fille rit. Puis elle regarde encore Cho avec ses yeux joyeux.

 

— Toi, tu n'es pas banale ! Viens avec moi, on va marcher dans les couloirs. Quand c'est le soir et qu'il n'y personne, j'aime l'imaginer être un esprit qui hante les lieux. Et puis j'y découvre toujours de nouvelles choses. Au fait, je suis Marietta mais tu peux m'appeler Mari.

— Moi c'est Cho. Et... Tu peux m'appeler Cho.

 

Elles rigolent un peu et elle se lèvent, et puis se baladent. Et puis l'espace d'un instant Cho oublie sa peur si grande, qui la glace de l'intérieur. Marietta l'a fait fondre, pour ce soir au moins. Et si Cho ne le savait pas encore avec certitude, elle le pressentait déjà : ensemble elles resteraient pour longtemps.

 

***

 

Cho marche, Cho marche. Seule cette fois. Les couloirs de Poudlard sont aussi déserts que ceux du Ministère ce jour-là. Elle ne sait pas où elle va. Elle monte des escaliers, prend des virages, s'arrête parfois dans un recoin. Penser de toutes ses forces n'est pas un remède à la mélancolie mais elle peut essayer.

 

Et puis soudain, au loin, une mélodie. Une mélodie au violoncelle, étouffée, une mélodie comme surgie du passé. Elle semble venir de nulle part et de partout à la fois. Elle est de celles que Bao jouait pendant les après-midi pluvieux d'automne et ceux, ensoleillés de l'été.

 

Cho la suit, la suit. Ça faisait si longtemps qu'elle n'avait pas entendu le chant grave du violoncelle. Elle le suit et elle se souvient. Si longtemps...

 

***

 

Quand Cho était rentrée chez elle ce soir-là, son père était là, et il pleurait. Ou tout du moins il avait pleuré, parce que dès que sa mère et elle avaient poussé la porte, il ne parlait plus, et semblait faire des efforts pour se contenir, ou pour se reprendre. Et quand il avait parlé, lui qui d'habitude était si assuré, sa voix tremblait, tremblait. Et Cho tremblait tout autant en l'écoutant.

 

— Ah... Vous êtes là. Cho... Viens me voir, ma souris.

 

Cho s'exécute, étonnée de cette rare marque d'affection et surtout effrayée par ce que son père allait lui dire. Et elle faisait bien, et elle faisait bien malheureusement. Parfois, ne pas espérer préserve. Préserve de la chute trop haute depuis la montagne que l'espoir ne peut s'empêcher de bâtir. Moins on espère, moins on est déçu. Même si là, au fond d'elle et même partout, chacune des cellules de Cho espérait comme elle n'avait jamais espéré.

 

— Oui Bà ?

— Cho, il va falloir que tu sois courageuse.

 

Ce n'était pas une très bonne manière de commencer la discussion mais y en a-t-il dans ces cas-là ?

— Non...

— Si. Bao... Mamie nous a quittés, petite souris. Son cœur s'est arrêté.

— Non...

— Elle a rejoint les autres. Ses parents, ton grand-père...

— Non...

 

Et puis son père a pleuré encore une fois, lui qui même s'il ne le montrait pas, était si attaché à sa mère, elle qui l'avait élevé seule dans un pays qu'elle découvrait, elle qui a ait accepté sa magie, elle qui savait toujours réchauffer les cœurs d'un simple air de violoncelle. Elle dont on parlait au passé désormais.

 

— Non !

 

Cho a crié, Cho a couru, Cho est partie. Et elle ne laisse derrière elle que deux parents qui se regardent impuissants comme on l'est toujours dans ces cas-là.

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