Les rats et les fées

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
Gen
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R
Les rats et les fées
Summary
"Snape a toujours été fasciné par la magie noire, il était réputé pour ça quand il faisait ses études. Un type répugnant, avec ses airs doucereux et ses cheveux gras. Quand il est arrivé à l’école, il connaissait plus de sortilèges que les élèves de septième année et il faisait partie d’une bande de Serpentard qui sont presque tous devenus des Mangemorts."Récit de la quatrième année scolaire de Severus Snape à Poudlard, qui tournera au Cluedo macabre.Nouveau chapitre : Le joueur de flûte de Hamelin.
Note
Remarques importantes :- Quand j'ai commencé à écrire cette histoire, en 2003, je venais de finir de lire le tome 4, et le 5 n'était pas encore sorti. Elle est compatible avec le canon jusqu'au tome 6 inclus (à l'exception d'éléments concernant l'âge des personnages, leur généalogie, les Mangemorts, vu que j'avais dû imaginer pas mal de choses). On pourrait dire qu'il s'agit d'une sorte d'UA dans lequel Lily Evans et Severus Snape ne se connaissaient pas avant Poudlard.(Mais j'avais tout de même eu la vision d'un Malefoy pleurant dans une salle de bains et d'un intello avec une besace sans fond avant que ça n'apparaisse dans les livres, s'il-vous-plaît !)- Elle suit la forme des livres, avec un héros (ici, Severus Snape jeune), et son année scolaire. On pourrait d'ailleurs presque l'appeler "Severus Snape et la Potion de Gloire"... Elle devrait comporter 21 chapitres en tout (soit trois parties de sept chapitres chacune).- J'ai suivi l'orthographe originale des noms, à l'exception de Crouch/Croupton et Malfoy - je trouve "Malefoy" plus joli.
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La fée de Lucius

PARTIE III

 

 

Chapitre 15

La fée de Lucius

 

Dans les couloirs de l'administration, c'était une pagaille comme on en avait rarement vue. Sous la première arche, Sirius Black était en train de vagir comme l'adolescent de quinze ans qu'il était (« Putain James j'en ai marre de m'en prendre plein dans la gueule tout le temps ! »), tandis que Mme Black se plaignait à la mère de Bellatrix que c'était un scandale que son fils ne soit pas en sécurité à l'intérieur de cette école, même si il était certain, de vous à moi, qu'il l'avait bien cherché. Sous la deuxième, un homme roux avec une boucle d'oreille et des mains comme des battoirs expliquait à un Dumbledore hochant lentement la tête qu'il ne comprenait pas comment son fils avait pu en arriver là, parce qu'il lui avait bien mis des torgnoles à chaque fois qu'il faisait des bêtises. Entre les deux, Tony Carrow, le batteur du groupe, un petit Gryffondor aux traits italiens, empêchait Alan Jodorowsky (« En tant que Préfet-en-chef, il est de mon devoir… ») de passer tout en faisant claquer ses bretelles. Plus loin, Evan Rosier, Roger Wilkes et Severus Snape attendaient sur un banc, sous l'œil agacé de McGonagall qui tenait un disque dans les mains, et du père de Rosier qui agonisait son fils de regards furieux.

La directrice adjointe montra aux deux adolescents la pochette du maxi-vinyle, intitulé, en français, Les Damiers. Sous fond de carreaux noirs et blancs, on y voyait un chat hérissé avec des yeux rouges.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? Mort d'un Moldu ? Anarchie à Poudlard ? Mais où sont-ils allés chercher ça ? »

« Vous avez mal interprété les paroles », répondit Evan Rosier les mains dans les poches. « C'n'est pas de notre faute si vous ne savez pas lire. »

Les sourcils de l'Ecossaise se haussèrent. Wilkes fit la grimace et détourna la tête.

« Comment oses-tu parler ainsi à l'un de tes professeurs ? » s'insurgea Rosier père. « Tu seras privé d'argent de poche jusqu'à la fin de l'année, voilà ce que tu as gagné. »

« Et en détention tous les soirs, est-il besoin de le préciser ? » ajouta McGonagall.

« J'm'en tape. Moi au moins je ne suis pas un sale pervers », murmura-t-il.

Dumbledore remonta avec le père de Wilkes.

« Je crois qu'il est nécessaire que nous ayons une petite explication », déclara calmement le vénérable vieillard. « Nous étudierons le cas de M. Snape ensuite. »

« Vous nous reprochez quoi au fond ? » continua Rosier. « D'avoir des opinions politiques ? »

« Des opinions politiques, ça ? » s'exclama le père de Wilkes. « Je t'ai pourtant appris à être honnête ! A travailler et à respecter les autres ! Alors c'est quoi tout ça ! »

Il désignait les vêtements noirs de Wilkes et ses bracelets à médailles têtes de morts.

« Je vous l'avais dit, professeur », intervint Alan Jodorowsky. « Le lumpenproletariat constitue le lit du fascisme et fournit aux élites bourgeoises d'extrême-droite des chiens enragés à utiliser contre la jeunesse communiste. »

« C'est pour ça que vous avez attaqué M. Black, M. Snape ? » s'étonna McGonagall. « Parce qu'il était communiste ? »

« C'est quoi un communiste ? » demanda Evan Rosier.

« Mais je ne fais pas partie de leur groupe ! » protesta Snape.

Lucius Malefoy passa devant Alan Jodorowsky.

« En tant que Préfet de la maison Serpentard, il est de mon devoir de rappeler les faits exacts et précis dont j'ai été témoin. »

Alan haussa un sourcil dubitatif.

« Severus Snape a été provoqué par Sirius Black. Ce dernier s'est mis à l'insulter alors qu'il passait simplement devant lui. Une bagarre s'en est suivie, mais Severus n'avait aucune intention de tuer Sirius Black. »

« Encore heureux », commenta McGonagall.

« Il n'a également aucun rapport avec ces individus. »

Il désigna Rosier, Wilkes et Carrow, qui sursautèrent.

« L'incitation à la haine raciale », poursuivit Malefoy, « est un délit qui doit être sévèrement puni, Mme la Directrice adjointe. Aussi vous fais-je savoir que j'appuierai toutes vos mesures. »

Alan haussa un deuxième sourcil ; McGonagall grimaça.

« P**ain », souffla Wilkes à Rosier, « mais il est pire que Balai-dans-le-cul en fait ! »

« J'espère que vous punirez sévèrement mon fils M'dame », ajouta le père de Wilkes. « Depuis cette année, il se prend pour un Néo-Nazi. Il en veut aux Pakistanais. »

« C'est pas vrai ! » protesta Wilkes. « C'est les Sang-de-bourbe que j'aime pas ! »

Une deuxième gifle partit, qui laissa sur la joue du rouquin une grosse marque rouge.

« M. Wilkes ! On ne frappe pas les élèves dans l'enceinte de l'école ! »

Un peu plus loin, le petit Regulus donnait à son frère un sachet de ses friandises pour le consoler, mais ce dernier les répandit sur le sol du couloir.

 

* * *



« Une heure de détention chaque soir jusqu'aux vacances de Pâques, je trouve que tu t'en es bien tiré », commenta Lucius Malefoy une fois qu'ils furent de retour dans leurs quartiers. « Par contre, du même coup, tu vas te retrouver avec Rosier et Wilkes. Ces imbéciles nous ont quand même mis dans une posture... déplaisante. »

Il avisa les deux camarades, qui s'étaient laissés tomber dans le canapé. Rosier, ses cheveux blond jaunis par une teinture et ses grands yeux tombants ; Wilkes, casque blond vénitien et bras trop longs qui lui donnaient quelque chose du singe…

« T'avais besoin de parler comme ça à la prof ? » murmura le rouquin à son meilleur ami.

« Ta gueule », répondit l'autre.

Les yeux inhabituellement pétillants, Lucius s'arrêta pour regarder Severus.

« Ils s'entendent bien, c'est le principal. »

« Où est Bellatrix ? » demanda Severus, étonné de ne pas la voir soutenir ses deux compères, et se souvenant de ses paroles lors de la kermesse.

Son aîné fronça les sourcils, comme s'il se souvenait de quelque chose.

« Je ne sais pas… Tu avais entendu ce qu'elle avait dit à sa mère ? »

« C'est toi qui l'a tué… Je t'ai vu… Tu crois que… »

« Qu'elle accusait sa mère d'avoir tué Angus ? » compléta Lucius en montant l'escalier qui menait aux chambres. « C'est étrange qu'elle n'en ait pas parlé auparavant. En même temps, ça ne m'étonnerait pas de la part de cette femme. Elle est connue pour être très cruelle, et régler les problèmes de manière expéditive. Rappelle-toi la lettre qu'elle avait envoyée à Bellatrix. Et souviens-toi de ce que nous avait dit Angus : il était passé chez elles pendant les vacances de Noël, et elles se disputaient. Il ne nous a peut-être pas tout dit. Va savoir ce qui s'est passé. »

Ils étaient arrivés dans le dortoir. Lucius s'assit sur son lit et sortit une cigarette.

« Ça va me détendre », expliqua-t-il. « Tout ça m'a mis les nerfs à vif. »

« Merci de m'avoir défendu », murmura Severus.

« C'est mon rôle de préfet. Et on est amis, non ? »

Severus redressa brusquement la tête.

« Les amis se serrent toujours les coudes. Ils ne font pas comme Rosier et Wilkes. »

Son vis-à-vis ne savait pas quoi dire. Il avait le ventre agréablement noué, et ne parvenait pas à croire ce qu'il entendait. On est amis, non ?

« T'as l'air bizarre », constata Lucius en expirant un nuage de fumée, le fixant de ses yeux gris si énigmatiquement vaporeux.

« Je me demandais… »

Le blond détourna la tête. Si vous ne l'aviez vu qu'à certains moments de la journée, vous ne l'auriez jamais cru si arrogant.

« La boîte que tu as reçue pour ton anniversaire… Tu avais l'air tellement… sous le choc… On aurait dit que tu venais de voir un mort, ou quelque chose d'aussi horrible. »

« C'est presque le cas. »

 

* * *



Bellatrix était adossée contre le tronc d'un pin, et ses deux camarades s'étaient assis de part et d'autre d'elle, dans l'herbe humide. Les derniers vestiges de la kermesse avaient disparu du campus, il ne restait plus que des tracts froissés ici et là, des confettis trempés.

« Tu plaisantes ? » siffla Rosier entre ses dents.

« Non », répondit Bellatrix. « Elle montre un visage respectable… Mais c'est une meurtrière. »

Wilkes cligna des yeux, et se tourna vers elle.

« Tu l'as vraiment vue ? »

« Oui. Juste avant qu'il meurt… Juste avant que commence sa lente agonie. Elle avait mis quelque chose dans son verre. »

Bellatrix fronçait les sourcils, le regard noir. Elle n'avait plus que le visage obstiné d'un petit garçon en colère.

« Je n'avais que neuf ans. Elle a tué mon père. »

« Pourquoi tu ne nous en as jamais parlé ? » demanda Rosier.

« Je n'en étais pas sûre… Mais quand je l'ai vue hier, si fausse et glaciale… J'ai su que c'était vrai, que je n'avais pas rêvé ce jour-là. »

« La chienne », murmura Rosier. « Les adultes, c'est vraiment tous des pourris. Regarde mon père, qui joue au parent d'élève modèle devant Dumbledore. J'n'aurais jamais cru qu'il commandait des trucs de pédale dans ce catalogue. Et ces photos dégueulasses… »

Il se redressa.

« Tu sais quoi ? Elle devrait payer pour ce qu'elle a fait. »

« Tu as raison », renchérit Wilkes. « On devrait la dénoncer aux Aurors. »

« Qui parle d'Aurors ? » répondit Rosier. « Il n'y a pas besoin d'eux. De toute façon s'ils n'ont pas de preuve, ils ne pourront pas l'envoyer à Azkaban. »

« Attends, c'est sa mère quand même… »

« Non, Evan a raison », murmura Bellatrix. « Elle l'a tué, alors il faut la tuer. »

« Hein ? »

« Elle mérite de mourir. Et comme ça je serai débarrassée d'elle. Pourquoi aurait-on pitié d'elle ? Elle n'en a pas eu pour mon père. Elle n'en a pas pour Narcissa. D'ailleurs j'en viens à me demander si elle ne l'a pas tuée elle aussi. Après tout ce n'est pas sa fille du point de vue du sang. »

Le regard bleu d'Evan Rosier pivota de droite à gauche.

« Quand tu parles de la tuer… Tu veux dire nous ? »

« Oui. On la tue. »

 

* * *


Les jours qui suivirent, Severus Snape accompagna Rosier et Wilkes en détention, où il apprit la vérité en ce qui concernait la déclaration de Bellatrix accusant sa mère de meurtre. Celle-ci ne parlait pas du meurtre d'Angus Russell, mais de celui de son père, quand elle était enfant. Mais une autre question prit alors la première place dans son esprit : celle du contenu du paquet que Lucius Malefoy avait reçu pour ses dix-huit ans. Le lundi soir, il avait bien cru le voir sortir une boîte de sous son lit et l'emporter dans la salle de bains. Il en était ressorti une heure plus tard, souriant étrangement. Or il avait semblé à Severus qu'il l'avait déjà vu sourire ainsi, mais il ne se souvenait plus quand.

La semaine qui suivit, le numéro spécial du Renard de Poudlard, rédigé dans l'urgence, partit en masse. Les rédacteurs, supervisés par Alan, y dénonçaient la montée du racisme à Poudlard ainsi que dans tout le monde sorcier d'Angleterre. Rosier et Wilkes s'en étaient moqués pendant leur heure de retenue, expliquant à Severus que ça ne les étonnerait pas que l'administration Croupton ait fabriqué elle-même les disparitions, assassinats suspects et attentats qui s'étaient produits récemment, afin de jeter le discrédit sur l'extrême droite. Wilkes, qui avait l'air très calé en politique, prétendit que c'était une manipulation vieille comme le monde, et que ce Voldemort n'existait sans doute même pas.

« Si tu crois un mot de ce que te bonimentent ces vieilles cannes du Ministère, Severus… Tu es vraiment naïf. Tu vas même te faire rouler dans la farine… S'ils sont arrivés là où ils sont, c'est parce qu'ils étaient plus pourris et menteurs que les autres. C'est comme ça que tu fais ton trou dans la société. En faisant semblant d'être ce qu'on attend de toi. D'ailleurs… si on faisait pas ça, ce serait la guerre. Pas vrai Evan ? »

« Je suis censé le prendre pour moi ? »

« Tu t'es fait virer de cours trois fois aujourd'hui, et même Agni a failli t'en coller une. C'est drôlement productif comme rébellion. »

« J'm'en balance. Et arrête de jouer au grand sage, ça m'tape sur le système. »

« Evan a découvert que son père était lui aussi un menteur. »

« Ta gueule. T'as pas intérêt à lui dire… »

« Me dire quoi ? »

« Rien », dit Wilkes, en reprenant le nettoyage du mur, sur lequel avait été tagué POUDLARD AUX VRAIS SORCIERS.

 

* * *



Severus n'avait été collé qu'une heure après les cours, alors que ses camarades deux ; il était donc libre à dix-huit heures.

Quand il quitta les couloirs qu'il devait nettoyer, les proverbes adolescents de ses compagnons de punition tournaient encore dans sa tête. « Tous des menteurs, et des pourris. » Menteurs, ou bien trop cachottiers ? Il repensait au sourire de Lucius. Le type de sourire que vous ne pouvez réprimer, celui qui plie vos lèvres involontairement et laisse un fourmillement dans les joues… Et quand il avait essayé de se souvenir du moment où il l'avait déjà vu, il ne se rappelait plus que de la marelle de Novalis, dans la Tour d'astronomie.

« Sna-snape ! » clama une voix stridente. « Qui croit que les chiens vont avec les chats ! Les poissons avec les oiseaux ! Les fées avec les rats ! »

Le dit Snape sursauta ; c'était encore Peeves qui se donnait en spectacle à quelques mètres de lui, au centre de la cage d'escalier mouvante. A l'étage inférieur, il y avait Lucius Malefoy qui lui faisait signe. Peeves plongea dans le vide en tourbillonnant, pour se coller devant le blond jeune homme avec forces gesticulations. Severus ne put entendre ce qu'il lui disait ; il vit juste Lucius sortir sa baguette, ce qui fit disparaître l'esprit frappeur. Il le rejoignit alors et ils regagnèrent leur chambre pour travailler.

D'abord Severus s'assit sur le lit et sortit un carnet de sa poche. Il en dégrafa une page qu'il tendit à son aîné.

« Voici la liste des ingrédients à acheter à Pré-aux-lard ce week-end », déclara-t-il calmement. « Nous pourrons tester le précipité de menthe et de peau de lézard dimanche. Par contre, il va falloir du matériel. Plusieurs pipettes, et deux alambics complets. De vrais alambics d'alchimiste, en cuivre. »

« J'ai ça », répondit Lucius.

« Tu es sûr ? » demanda Severus avec hésitation. « Ils sont hors de prix. Peut-être qu'on accepterait de nous en prêter. »

« Je te dis que j'en ai. »

« Très bien alors. »

Lucius avait l'air distrait.

« Bon, tu achèteras ça alors », ajouta Severus.

Il hocha la tête, puis se laissa tomber sur le dos, sur l'édredon moelleux et satiné, comme vaincu par une force invisible.

Mais qu'est-ce qu'il a ?

Severus jugea bon de l'imiter, et s'allongea lui aussi.

« Lucius ? »

« Oui ? »

« Le père de Rosier… Tu le connais ? »

Lucius fit la grimace.

« Oui… euh, non », répondit-il, l'air brutalement miné. « Enfin je veux dire, je l'ai déjà vu, mais je n'ai jamais parlé avec lui. »

« Roger a dit que c'était un menteur. »

« Tous les parents sont des menteurs. Et ce type, ce n'est qu'un vieux beau inintéressant, si tu veux mon avis. Il ne se teint pas les cheveux alors qu'il est brun. Et ce hâle et cette barbe de trois jours, c'est vraiment mauvais goût. Il me donne envie de vomir... »

Severus ne dit rien. Les minutes passèrent. Il n'entendait que la respiration de Lucius. Il tourna la tête pour le voir ; il avait l'air triste.

« Lucius ? »

« Quoi ? »

« …Qu'est-ce qu'il y a dans la boîte ? »

Le regard gris s'alluma soudain, accompagné d'un sourire en biais.

« Pourquoi je te répondrais ? »

Il fallait réfléchir vite. Trouver les bons mots.

« Tu m'a dit que nous étions amis. Les… Les amis se disent tout non ? Entre amis, tout est commun, tu m'avais dit ça. »

Lucius sourit. C'était le Sourire.

« Tu es capable de garder un secret, Severus ? »

« Oui, bien sûr ! »

« Hum… Il nous faudrait un endroit où on pourrait être tranquilles, avec de la place ? »

« Il y a mon oubliette. »

« Très juste. »

Lucius se redressa sur ses pieds d'un bond, puis il tendit ses mains sous le bois de son lit, en murmurant une formule inaudible. Quand il ressortit ses bras de l'ombre du sommier, il avait la boîte en pierre dans les mains. Bellatrix avait raison : elle ressemblait à une urne.

Ils redescendirent. Lucius lança toute sorte de sorts de détection et de protection quand ils entrèrent dans le cachot, puis il posa l'urne sur le bureau.

Cette oubliette, c'était un abri silencieux et obscur où Severus pouvait venir soigner les blessures causées par la fréquentation de ses contemporains. Ou y être seul avec sa douleur, et souffrir encore plus… Il se souvint du jour où il s'était coupé les cheveux, et Lucius était venu derrière lui. Il lui sembla que cela faisait une éternité. Tout comme la fois où Lucius lui avait parlé à l'oreille, quand il était venu chercher des alambics au cours de Novalis. Le cours de Novalis ! Oui, c'était là qu'il avait vu Lucius sourire ainsi ! Il le revit se balancer sur sa chaise, puis se tourner et le regarder, le visage posé sur son bras replié. Puis ses mains sur son oreille, et il avait eu ce sourire…

Est-ce qu'il y avait une chance que… ?

Lucius souriait toujours. Il tendit sa baguette en direction de l'urne, et l'on vit soudain la surface de pierre se creuser à certains endroits, comme des reliefs se dessiner. Des fenêtres, une porte… Une maison ? La pierre elle-même se transforma, pour devenir bois. Bois peint en rose et blanc.

« Mais… Mais… On dirait une maison de poupées moldue ! » s'exclama Severus.

« C'est le cas. »

« Tu as eu une maison de poupées pour ton anniversaire ? »

« Oui. »

« C'était juste ça ? »

« Bien sûr que non. D'ailleurs, elle est ensorcelée. Il y a même un ciel artificiel quand on referme la boîte. Elle me l'a dit. »

« Qui ça, elle ? »

Lucius donna un petit coup sur la porte. Severus ouvrit de grands yeux. La porte s'ouvrit. Ouverte par une petite fairy de dix centimètres de haut, blonde, en robe blanche brillante, avec des ailes dans le dos.

« Une fée ? »

« Elle est jolie n'est-ce-pas ? »

Souriant de ce sourire que Severus trouvait maintenant affreux, il prit la fairy dans sa main et lui caressa délicatement les cheveux, du bout de l'index. Puis il tendit négligemment un carré de carton plié en deux à Severus.

« C'est la carte qui allait avec. »

Il sourit à sa petite fée, qui passait sa minuscule main dans ses longs cheveux d'or.

« Je l'aime », dit-il.

Severus pensait qu'il n'était pas possible d'être plus choqué qu'il ne l'était déjà. Il avait tort. Quand il ouvrit la carte d'anniversaire, il eut à peine le temps de discerner les mots « trouvée en France » que la signature du destinataire lui coupa le souffle.





Happy birthday,

Angus.

 

* * *



Cher Lucius,

si tu reçois ce paquet, le soir de la fête de ton anniversaire, c'est qu'il m'est arrivé quelque chose.

Lors de mon voyage en France, j'ai trouvé cette petite dame, ou plutôt l'ai ôtée des mains de ses ravisseurs, dans des circonstances qui seraient trop longues à développer.

Mais j'ai bien peur que les brigands ne m'aient suivi. Du moins, je me suis senti suivi... J'ai donc caché « la fée » dans l'endroit le plus sûr du monde (enfin où personne n'aurait l'idée d'aller fouiller !) : la Poste. Si tu reçois ce colis, c'est que je n'ai pu venir la récupérer. La date programmée d'envoi ainsi que le papier cadeau sont une mesure de prudence supplémentaire ; tu ne devrais pas l'avoir reçu dans la Grande Salle.

Maintenant, et c'est de la plus haute importance, il faut que tu l'aides à rentrer chez elle. Je crois deviner que tu dois la ramener aux Royaume des Fées, si tu es sensible à la beauté de ce pur joyau. Et je fais confiance à ta jugeote.

Joyeux anniversaire,

Angus.

P.S. : la mort, est-ce vraiment si froid ?

P.P.S. : épouse qui tu veux, mais pas Bellatrix. Elle est folle.


« Il est vraiment mort, ou pas ? », demanda Severus stupéfait, la carte toujours dans les mains.

« Si j'en crois la date du tampon, le paquet a été envoyé deux jours avant sa mort. »

« Hum… »

Severus s'assit, regardant alternativement la maison de poupée et la fairy blonde dans la main de Lucius.

« Il dit que cette fée a été kidnappée… Mais des fées, il y en a plein à Poudlard déjà, non ? »

« Apparemment elle est française. »

« Mais qu'est-ce qu'il allait faire en France ? »

« Il voyageait beaucoup pendant les vacances. Il faisait toujours un tas de choses à la fois. »

Il reposa la fée sur le patio de la maison. Severus sortit une loupe d'un des tiroirs de son bureau et observa la créature plus attentivement. Ses cheveux étaient blond doré, légèrement ondulés, son visage rond, ses yeux larges et bleus ; dans son dos, des ailes transparentes reflétaient la lumière en s'irisant. Elle prenait la pose devant lui, à la manière d'un mannequin.

« C'est étrange. J'ai l'impression de l'avoir déjà vue quelque part. »

« Ah ? »

« Comment fais-tu pour communiquer avec elle ? »

« Je lance un sort pour accroître le volume sonore, mais je ne l'ai fait qu'une fois par peur qu'on l'entende. »

« Qu'est-ce qu'elle t'a dit ? »

« Qu'elle ne se souvenait plus de rien au moment où elle s'est réveillée enfermée dans un bocal sombre. Elle ne se souvient même plus de son prénom. Puis Angus l'a délivrée et l'a installée dans cette maison pour qu'elle puisse avoir tout le confort. »

« Donc on ne sait pas grand-chose sur elle. Ça va être difficile de la ramener… On devrait peut-être demander aux autorités. »

« Je ne suis pas sûr que les autorités actuelles aient grand-chose à faire des fairies de dix centimètres. »

« Tu as raison… Surtout en ce moment. »

« Pff… Si seulement on pouvait poser des questions à Angus pour en savoir davantage », soupira Lucius. « Mais cet imbécile… »

Severus sursauta.

« Il y a peut-être un moyen en fait. J'ai… Une fois j'ai vu son fantôme dans l'infirmerie. »

« Quoi ? »

« Oui, il… »

« Pourquoi tu ne m'as rien dit ? »

« Je ne pensais pas que ça t'intéresserait… Et j'avais peur que ce soit une hallucination… »

Lucius regarda sa montre.

« Il est 19 heures, on peut encore y aller. »

« Je ne sais pas si… »

Mais le jeune homme avait déjà enfilé ses gants.

« Au revoir, ma jolie », dit-il à la fée. « Nous revenons bientôt. »

Il la fit rentrer à l'intérieur et redonna à la maison son aspect initial d'urne en pierre.

« On la laisse ici. Viens. »

Les deux camarades remontèrent jusqu'au rez-de-chaussée et sortirent pour gagner l'aile ou se trouvait l'infirmerie. Dans le cloître, ils passèrent devant Salinger qui jouait de la guitare sèche assis dans l'herbe, accompagné de Magda et Sirius. Severus fit semblant de ne pas les voir. Lucius, lui, ne les vit pas du tout, il avait l'air de réfléchir.

« Tu sais, Lucius… On devrait peut-être tout simplement la relâcher dans la nature. Après tout elle a des ailes. C'est comme les libellules, ou les pigeons. Ma mère, les doxies, elle les tuait à la bombe. »

« As-tu seulement un cœur ? » siffla Lucius.

Il frappa à la porte de l'infirmerie.

« Entrez », dit Mme Pomfresh. « Qu'est-ce qui vous amène ? »

« C'est Severus », dit Lucius en lui posant une main sur le front. « Il a une migraine. »

« Oui. »

Ses yeux noirs bougèrent de droite à gauche.

« Tu as juste mal à la tête ? Pas mal au ventre ? »

« Oui. Mais j'ai très mal », répondit Severus en fronçant les sourcils.

« Je vais te donner du Migrainus. »

Elle disparut dans le local.

« Je ne vois pas de fantôme », murmura Lucius.

« Peut-être qu'il est parti se promener… »

« Snape, je n'aime pas qu'on me raconte des salades. »

Snape ? Cela lui rappelait de mauvais souvenirs.

« De toute façon… »

L'infirmière revint avec le Migrainus dans une petite bouteille.

« Deux cuillérées ce soir et deux demain matin. »

« Merci. »

Ils sortirent.

« C'est sûr qu'il ne va pas se montrer vingt-quatre heures sur vingt-quatre », grogna Severus sous le portique. « Et puis de toute façon, son fantôme a douze ans tout au plus. Il ne pourrait peut-être pas nous donner les renseignements que nous désirons. »

« C'est étrange, ça… Que ce fantôme ait douze ans. Tu es sûr que tu n'as pas déliré ? »

Severus haussa les épaules.

« Il y a bien les tableaux… »

Pourquoi était-il si désagréable avec lui ? En fait, depuis que cette créature de dix centimètres était apparue dans la vie de Lucius, il n'y en avait plus que pour elle...

« Je ne comprends vraiment pas qu'on ne relâche pas cette fée », reprit-il. « Elle retrouvera le chemin de chez elle toute seule. En plus, ce n'est pas comme si c'était un être humain. Les Fairies, ça n'a pas de cerveau. »

« Si elle n'avait pas de cerveau, Angus l'aurait écrasée avec une tapette à mouches », répondit Lucius.

« Je ne sais pas, moi… Il aimait peut-être jouer à la poupée. »

Ce n'est pas le seul d'ailleurs. Ça se trouve il la regarde se déshabiller, ce voyeur !

 

* * *


Une semaine passa. Ils avaient laissé la maison dans l'oubliette, ce qui leur permettait de communiquer avec la fée librement. Mais Severus n'avait pas appris grand-chose de nouveau, si ce n'était qu'elle avait une façon très particulière de parler, avec un léger accent français ainsi qu'une distinction presque aristocratique ; et malgré son maintien gracieux, elle se grattait souvent le dos, ce qui faisait grimacer Severus mais attendrissait Lucius.

« Elle est mignonne… » disait souvent celui-ci.

« Je ne comprends pas ça… Comment peut-on aimer quelqu'un qu'on connaît à peine ? » murmura Severus pour lui-même.

« Je n'ai jamais dit que je l'aimais », répondit Lucius.

« Mais si ! »

« Je ne crois pas... »

« Tu passes ton temps à la regarder, c'est comme une drogue... »

« C'est parce qu'elle est jolie. Tu penses qu'on pourrait l'agrandir pour qu'elle ait une taille humaine ? »

« Ce serait contraire à l'éthique. Il faut la relâcher dans la nature, dans son habitat d'origine. On est pas la SPF je te signale. »

Lucius le fusilla du regard.

« C'est quoi ton problème ? Tu dis qu'on ne peut pas aimer quelqu'un qu'on ne connaît pas, mais il me semble que tu es mal placé pour dire ça. »

Severus pâlit.

« Je n'ai jamais dit que… »

« Tu prétends me connaître, peut-être ? Qu'est-ce que tu sais de moi ? Ça fait combien de temps qu'on parle, tous les deux… Trois à quatre mois ? Je suis sûr que tu n'as pas le quart du début d'une idée de ce que je peux ressentir en ce moment. Et tu te prétends mon ami ? »

Atterré, Severus ne put d'abord rien dire, le corps devenu rigide et les mains tremblantes. Il avait juste envie de pleurer.

« Je n'ai jamais rien demandé… » finit-il par bafouiller, les yeux brillants.

Il sortit du cachot sans fermer la porte. Il sait que je l'aime et il me méprise... Puisque même son dernier asile avait été envahi par les ennemis Beaux et Gracieux, il fallait quitter ce nid pour les caveaux humides des Serpentard. Et comme il n'y avait rien à faire d'autre en attendant que la douleur passe, il alla chercher ses livres dans les dortoirs puis s'installa dans la salle commune, le ventre toujours noué. Derrière lui, sur le mur, les lettres du cadre d'Angus sur le travail de groupe s'étaient mises à clignoter. Severus se retourna et y lut : « Le travail en équipe, voilà la solution. »

La solution, la solution… ronchonna intérieurement Severus en regardant le profil enfantin de l'ancien Préfet. T'étais peut-être boiteux mais toi au moins t'étais beau !

Tss, Lucius, il ne le comprenait vraiment pas. Un coup il pouvait être vraiment délicieux, et le jour suivant, il était si cruel avec lui. Il ne savait même pas s'il s'en rendait compte… Mais si les sentiments qu'il éprouvait pour lui n'étaient pas réciproques, cela n'avait rien d'étonnant. D'ailleurs, comment pourraient-ils être réciproques ? Peeves l'avait bien laissé entendre : les chiens ne vont pas avec les chats.

D'un autre côté, les humains n'allaient pas avec les fées non plus. Il y avait peut-être un espoir de ce côté-là…

« Salut, Severus », fit Macnair avec hésitation.

« Salut », répondit Severus sans lever la tête.

Macnair s'assit à côté de lui. Comme il restait silencieux, Severus l'observa un instant. Sa frange sombre tombait sur ses yeux baissés, d'une couleur ce jour-là difficilement identifiable ; il avait un long nez, un peu comme celui de Remus Lupin ; un léger duvet ombrait le haut de sa lèvre supérieure. Enfin, ses mains tournaient nerveusement autour d'un carnet bleu foncé, son calepin d'enquêteur, sur lequel seule la dernière note, Interroger Gabriel Sanchez, n'avait pas encore été rayée.

« Severus… T'es vraiment sûr que si je continue à enquêter sur lui, Lucius Malefoy va me buter ? »

Buter, buter, peut-être pas… Mais comme il était le premier à faire les frais de ses sautes d'humeur…

« C'est sûr. Il t'a bien montré ses bagues creuses. »

« Pourtant j'y étais presque Severus… C'est l'instinct de l'investigateur tu vois… »

« Bien sûr, bien sûr… Mais un détective vivant vaut mieux qu'un détective mort. »

Macnair regarda son carnet avec tristesse, et en déchira la dernière page, qu'il froissa et jeta à la poubelle.



à suivre

 





"Show me how you do that trick 
The one that makes me scream" she said 
"The one that makes me laugh" she said 
And threw her arms around my neck 
"Show me how you do it 
And I promise you I promise that 
I'll run away with you 
I'll run away with you" 

Spinning on that dizzy edge 
I kissed her face and kissed her head 
And dreamed of all the different ways I had 
To make her glow 
"Why are you so far away?" she said 
"Why won't you ever know that I'm in love with you 
That I'm in love with you" 

You 
Soft and only 
You 
Lost and lonely 
You 
Strange as angels 
Dancing in the deepest oceans 
Twisting in the water 
You're just like a dream 

Daylight licked me into shape 
I must have been asleep for days 
And moving lips to breathe her name 
I opened up my eyes 
And found myself alone alone 
Alone above a raging sea 
That stole the only girl I loved 
And drowned her deep inside of me 


The Cure, Just like heaven.

 

Note:

L'album des Damiers est ici !
http://petite-dilly.livejournal.com/787022.html

 

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