Les rats et les fées

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
Gen
M/M
R
Les rats et les fées
Summary
"Snape a toujours été fasciné par la magie noire, il était réputé pour ça quand il faisait ses études. Un type répugnant, avec ses airs doucereux et ses cheveux gras. Quand il est arrivé à l’école, il connaissait plus de sortilèges que les élèves de septième année et il faisait partie d’une bande de Serpentard qui sont presque tous devenus des Mangemorts."Récit de la quatrième année scolaire de Severus Snape à Poudlard, qui tournera au Cluedo macabre.Nouveau chapitre : Le joueur de flûte de Hamelin.
Note
Remarques importantes :- Quand j'ai commencé à écrire cette histoire, en 2003, je venais de finir de lire le tome 4, et le 5 n'était pas encore sorti. Elle est compatible avec le canon jusqu'au tome 6 inclus (à l'exception d'éléments concernant l'âge des personnages, leur généalogie, les Mangemorts, vu que j'avais dû imaginer pas mal de choses). On pourrait dire qu'il s'agit d'une sorte d'UA dans lequel Lily Evans et Severus Snape ne se connaissaient pas avant Poudlard.(Mais j'avais tout de même eu la vision d'un Malefoy pleurant dans une salle de bains et d'un intello avec une besace sans fond avant que ça n'apparaisse dans les livres, s'il-vous-plaît !)- Elle suit la forme des livres, avec un héros (ici, Severus Snape jeune), et son année scolaire. On pourrait d'ailleurs presque l'appeler "Severus Snape et la Potion de Gloire"... Elle devrait comporter 21 chapitres en tout (soit trois parties de sept chapitres chacune).- J'ai suivi l'orthographe originale des noms, à l'exception de Crouch/Croupton et Malfoy - je trouve "Malefoy" plus joli.
All Chapters Forward

Les larmes des sirènes

 

Chapitre 12

Les larmes des sirènes



Cela faisait une semaine déjà que les vacances de Noël avaient pris fin. Les élèves de Poudlard avaient pu savourer à nouveau la regrettée paresse matinale des congés… Nombre d'entre eux avaient effectivement besoin de forces en vue des devoirs qui allaient être finis le soir-même, à la dernière minute.

James Potter faisait partie de ces heureux tire-aux-flancs. En cet après-midi de janvier, il était vain d'espérer le trouver, lui et son inséparable Black, assis à une table une plume dans la main. Mais cette fois-ci, ce n'était pas pour s'amuser…

Il traversait la grande salle remplie de lits médicaux tous vides, excepté un.

Le maigre Lupin se redressa difficilement, l'air extraordinairement faible. Ses yeux étaient soulignés de cernes violacés, ses lèvres tuméfiées et entaillées.

James hésita quelques secondes avant de lui dire bonjour.

- Alors Remus John… ça va ? Je t'ai apporté du chocolat et du jus de citrouille.

Le lycanthrope tendit un bras recouvert de bandages sous lesquels transparaissait la couleur du liquide désinfectant utilisé habituellement par Mme Pomfresh.

- Merci James, répondit-il d'une voix atone.

Il rangea tout cela dans la table de nuit ; son camarade le laissa faire.

- Hum, Remus, je peux faire ton devoir d'histoire de la magie si tu veux.

- Non merci, ça va aller. Je vais demander un délai à Binns.

- Tu crois que tu pourras venir demain matin ?

- Ça m'étonnerait…

- Je lui demanderai pour toi dans ce cas, hein ?

- Où est Peter ? demanda Remus.

Il posait un regard glacé et douloureux sur la grande porte – Sirius Black y était demeuré, adossé au mur. Ses yeux bleus luisaient au milieu de sa figure blanche comme deux boutons de couture.

- Peter n'a pas encore fini son devoir. Il m'a dit de te souhaiter un bon rétablissement.

James se pencha vers son ami et lui murmura : - Tu sais, depuis qu'il s'est pris ce cognard dans le crâne, Sirius n'a plus toute sa tête… Déjà qu'avant…

- Il ne s'est pas excusé, dit simplement Remus.

Sa bouche eut un pli à la fois amer et triste.

James Potter s'humecta les lèvres.

- Hum… Tu ne t'ennuies pas trop ?

- Non. J'ai dormi toute la matinée. Puis j'ai discuté un peu avec mon voisin...

- Ton voisin ? s'étonna James.

- Oui, le petit garçon derrière toi, répondit Remus avec une condescendance amusée pour la myopie de son camarade. Il sera encore là demain, il m'a dit que McGonagall et Pomfresh allaient lui donner une version inédite de Poussos et l'opérer, et qu'il allait devoir rester là au moins une semaine.

- Mais… Remus, ce lit est vide.

Les sourcils de Remus se froncèrent.

- Mais non, tourne-toi.

James s'écarta, découvrant à son ami un lit inoccupé et fait.

- Ce n'est pas possible… Il était là il y a une minute ! Quand tu es entré, il était là avec toutes ses affaires !

- Il n'y avait que toi ici quand je suis entré, répliqua James. Et depuis quand McGonagall est une spécialiste en potions ?

- Il m'avait bien dit "le professeur de métamorphose"… "Le professeur de métamorphose lui-même…" Mince… Tu as raison.

- Tu devais faire un rêve à demi éveillé… Je ne vois que ça. Cela m'est déjà arrivé de rêver que je me levais le matin, que je m'habillais… Puis je me réveillais alors que je n'avais rien fait de tout ça.

- Pourtant, moi, je ne me suis pas réveillé… songea Remus en regardant le lit inoccupé.

 

 

* * *

 


« ARRESTATIONS ARBITRAIRES, INTERROGATOIRES MUSCLES, ATTEINTES À LA VIE PRIVEE : jusqu'où ira Croupton pour barrer la route au fanatisme ? »

Tel était le gros titre du journal qu'Alan Jodorowsky, le Préfet-en-Chef, distribuait contre la somme modique d'une mornille.

Severus Snape réfléchit, se demandant s'il était bien sage de dépenser une mornille pour cela… Depuis qu'il était élève ici, le Renard de Poudlard avait toujours dénoncé avec véhémence un certain attachement à la culture et à la tradition qu'il appelait "racisme du sang". Mais les articles étaient toujours très bien documentés, aussi une fois qu'il avait surmonté l'aspect idéologique et sauté la page consacrée à la « civilisation » moldue, Severus avait toujours été satisfait de sa lecture.

- Je peux jeter un œil sur le sommaire ? demanda-t-il.

Jodorowsky le considéra quelques secondes, comme s'il cherchait à l'identifier, puis reconnaissant sans doute le Pouilleux de Poudlard, il répondit : - Bien sûr.

Il lui tendit le premier journal de la pile. Severus remarqua qu'il sentait encore l'encre fraîche. Il passa le gros titre et la caricature – elle montrait des hommes coiffés de grandes cagoules noires dansant une ronde avec un nain au visage sévère et aux lunettes carrées - pour lire la table des matières en bas de page.

Ce numéro est dédié à notre collaborateur et ami, qui nous a quitté un soir de janvier (voir dernière page).

Civilisation moldue : Si l'énergie atomique m'était contée.
 Après avoir découvert les secrets de la matière dans notre dernier numéro, vous apprendrez comment les Moldus les exploitent pour se procurer de l'énergie, par Alan Jodorowsky.

L'histoire de Poudlard : Comment la vie s'organisa à Poudlard pendant la Domination de Grindelwald, par Théosébie Vélin.

« Encore une Serdaigle », songea Severus.

Quidditch : Pronostics, par Mélusine Brooks.

« Ce nom me dit quelque chose… »

Actualité : La démocratie chez les Sorciers : timocratie, oligarchie, ploutocratie ? La question de la démagogie latente et du pouvoir des grandes familles, par Angus Russell.

Humour : Les caricatures de votre fidèle Croc Très-en-Jambe.

« On dirait les dessins de Black… » constata Severus avec un frisson de jalousie.

Astrologie : Les prédictions de la nouvelle annéevérifiées par notre professeur de divination, par Pelasgus Pomponius.

« Hum… Quel ramassis de sornettes. »

Beauté : Comment maquiller un nez trop fort, par Tullia Banks.

« Mais quel ramassis de… »

- Hé, Severus !

La voix de Walden Macnair venait de retentir dans son dos.

- Qu'est-ce que tu fichais avec Lucius Malefoy, samedi soir ?

- Explique-moi en quoi ça te regarde.

- Oh, moi je dis ça pour ton bien, tu sais ce qu'on dit sur lui… Ce type est hyper dangereux.

Les yeux du jeune sorcier s'écarquillèrent devant l'évidence.

- Il t'a forcé, c'est ça !

Severus répondit oui pour avoir la paix.

Une jeune fille de quatrième année aux longs cheveux roux s'arrêta devant le Préfet-en-chef pour acheter un journal. Macnair se boucha ostensiblement le nez. Celle-ci fit comme si elle ne le voyait pas et s'en retourna en lisant la première page.

- Tu as un problème, Macnair ? demanda Jodorowsky.

- Non, aucun problème… répondit le Serpentard en ôtant ses doigts et en cherchant dans l'impassibilité du visage de Severus une réponse à son sourire complice.

- A propos de Malefoy, justement je voulais te parler de lui samedi soir… J'étais avec Gilderoy Lockhart, qui ...Tu as acheté le journal ?

- Non, pas encore… J'hésite.

- Je peux ?

Severus hocha la tête et lui passa l'exemplaire.

- Moi je crois que je vais l'acheter, conclut Macnair presque immédiatement en sortant une pièce de sa bourse bien remplie.

Glacial, Jodorowsky lui donna un journal.

- Donc j'étais avec Gilderoy Lockhart. Tu ne devineras jamais les révélations qu'il m'a faites.

Je sens que je vais bien rire, encore cette fois…

- Par contre, vaut mieux pas rester près de lui… Si tu vois ce que je veux dire.

Les deux élèves sortirent dans le cloître enneigé. Il faisait froid mais l'absence de vent et le soleil rendait le cadre agréable.

Macnair arbora un air sérieux, rabattit sur son visage sa capuche fourrée qui le faisait ressembler à un Inuit, puis demeura silencieux l'espace de quelques secondes, sans doute pour faire monter la tension.

- J'AI ENFIN LE MOBILE DU CRIME SEVERUS ! s'exclama-t-il brusquement, faisant sursauter son camarade.

Il brandit un calepin et une plume à réservoir intégré ; le Taciturne respira un bon coup, recomposant son visage stoïque.

- Je m'étais fourvoyé, ce n'était pas le Crime Passionnel ! Mais laisse-moi te mettre sur la voie : ça commence aussi par un C.

- Choléra, cocotte, café, chapeau, colimaçon, ciboulette, cerise, catastrophe, coquelicot… commença Severus.

Macnair secoua la tête en signe de dénégation.

- Tu n'y es pas. Laisse-moi te raconter ce que Gilderoy Lockhart, élève de quatrième année de la maison Serdaigle, m'a raconté samedi après-midi…

Le grand dadais tourna une page de son carnet.

- Gilderoy Lockhart, comme tu le sais, a beaucoup fréquenté le préfet à un certain moment de l'année.

C'est juste, après qu'il ait vu qu'il avait de bonnes notes, cette sangsue m'a lâché pour Angus.

- Or, un soir, il fut le témoin d'une scène étrange… Alors qu'Angus Russell revenait de la bibliothèque en sa compagnie, il fut hélé par une solitaire silhouette dans la nuit : Lucius Malefoy. Le préfet se dirigea donc vers l'inquiétant jeune homme – si seulement il avait su que ce dernier l'assassinerait quelques semaines plus tard ! Mais non, il était plein d'une confiance aveugle… Il demanda alors à Gilderoy Lockhart de les laisser, mais notre fidèle témoin ne fit que s'éloigner.

Ben voyons…

- De l'endroit où il s'était caché, il pouvait observer la scène, bien que le son fit défaut. Malefoy dit quelques mots qu'il ne comprit pas, puis fouilla dans une poche de son pantalon… Il en sortit une grosse liasse de billets.

Severus ne put s'empêcher d'être surpris, ce que constata Macnair avec satisfaction.

- Russell s'empara de la liasse et la cacha dans une poche intérieure de sa cape. Il dit quelque chose, puis rit, mais Malefoy ne semblait pas avoir du tout envie de rire. Le blond dit quelque chose à son tour, puis Russell répondit en secouant la tête négativement. C'est alors que Malefoy sembla proférer une menace, et alors… il lui a secoué les épaules... Comme ça !

Macnair mit ses mains sur les épaules de son camarade et tenta d'imiter la chose. Severus s'arracha aussitôt de ce contact désagréable. Il ne supportait pas ce genre de familiarités…

- Non mais ça va pas ! …Et ? Ensuite ?

- Ensuite, Malefoy fit volte face, Russell emprunta un autre chemin, et Gilderoy Lockhart descendit dans la Grande Salle car c'était l'heure de dîner. Malefoy était présent à notre table, mais pas Russell. …Ça se trouve il lui avait dessoudé l'épaule ce barbare !

Severus soupira.

- Imaginons que ce que t'as dit Lockhart soit vrai. Quel rapport avec le « mobile du crime » ?

- Mais c'est évident ! C-H-A-N-T-A-G-E ! Russell le faisait chanter !

- Stupide, commenta Severus. Russell n'était pas le genre à faire ça.

- Qu'est-ce que tu en sais ? Réfléchis : il est pauvre. Comment crois-tu qu'il se payait tous ses livres ? Avec quel argent ? Il était le préfet, et avait deux radars à la place des yeux… De quoi voir plein de choses. Il a découvert que le fils à papa trempait dans de sales affaires, et a jugé opportun de tirer profit de la situation. Si j'avais été lui, personnellement, j'aurais fait pareil.

- Ça ne prouve pas qu'il l'ait tué. Et puis je ne crois pas à ton… témoignage.

- Ouvre les yeux mon vieux ! Russell a rigolé… Alors Lucius Malefoy le menace et le moleste… Russell a empoché l'argent mais s'est moqué de lui ! A la fin, Malefoy n'a plus eu le choix : il fallait le supprimer.

- Foutaises, grinça Severus.

Et pourtant… Il se sentait affreusement mal à l'aise, comme s'il sentait qu'au fond, Macnair avait au moins en partie raison. Pourquoi ? Qu'est-ce qui avait fait que le récit de Macnair apportait comme une réponse à une interrogation bien réelle ?

Peut-être ce petit-déjeuner lors duquel Bellatrix avait reçu une beuglante de sa mère, tandis que c'était de son père que Lucius avait reçu des récriminations : il se demandait où passait tout son argent. Plus tard, pendant les vacances de Noël, il avait fait une apparition mémorable dans la cheminée de la salle commune. « Il est impensable que je te donne à nouveau de l'argent… » Severus se souvint de l'air quasiment paniqué de Lucius… « Demande une bourse au ministère », avait conclu ironiquement Malefoy Père.

Maintenant que Severus y repensait, il était tout à fait anormal que la première chose dont ce soit enquis Angus Russell, ce matin-là, tout de suite après leur avoir souhaité un joyeux noël, ait été les cadeaux qu'ils avaient reçus. Severus se souvint d'ailleurs qu'il avait semblé déçu quand Lucius avait avoué ne pas en avoir reçu assez.

Quant à la moralité d'Angus, si il y réfléchissait, elle savait s'adapter aux circonstances. Il lui transmettait une formule pour transformer le cuir chevelu de James Potter en joyeuse ménagerie, l'important étant de ne pas se faire prendre et de ne dire à personne que c'était lui qui lui avait donné. Il remportait un duel contre Lucius, mais c'était de façon tout à fait déloyale : alors que Lucius était fair-play et ne l'attaquait pas alors qu'il était blessé, Angus en profitait pour le frapper alors qu'il ne s'y attendait pas – et de façon assez violente. Ils étaient à peu près du même niveau, et c'était Lucius qui aurait dû gagner…

Severus se rappela alors une chose qu'il avait trouvée étonnante sur le coup, mais sans s'y attarder, lorsque Lucius l'avait invité pour la première fois à son bureau. Quand Angus était sorti de la salle de bain commune où il avait vidé la bouteille de Macnair, il ne leur avait pas dit bonjour, ce qui était normal en ce qui concernait Severus puisqu'il avait conversé dix minutes auparavant avec lui, mais moins en ce qui concernait Lucius, qu'il avait complètement ignoré. Il ne leur avait même pas adressé un regard, comme s'il ne les voyait pas. Mais peut-être était-il simplement perdu dans ses pensées.

Severus devait s'avouer qu'il ne voyait rien qui s'opposât au fait que le préfet ait fait chanter Lucius. Mais de là à ce que Lucius le tue… A moins que… Un sort de vengeance qui ait mal tourné…

Et si c'était cela l'explication de l'air fatigué qu'avait Lucius au début de l'année ? La pression du chantage… Il avait peur de ne plus s'en sortir et que le préfet révèle tout. Peut-être y avait-il de quoi l'envoyer en prison ! Et ensuite, les remords de s'être vengé…

- Si tu ne me crois pas, ce n'est pas grave. Je connais quelqu'un qui saura apprécier mes déductions.

- Ah oui ?

Severus revit Macnair parler au Médipsychomage samedi aux Trois Balais. « Eux ils m'écoutent au moins »… Heureusement que les dits psychologues n'étaient pas Aurors, songea Severus : avec tout ce que leur racontait Macnair, Lucius aurait bientôt été en garde-à-vue.

- Tu en veux ? demanda Macnair en sortant une bouteille d'orangeade qui, lorsqu'elle fut débouchée, libéra une drôle d'odeur de Vodka.

- Non merci.

On voyait que Russell n'était plus là pour le surveiller. Quoiqu'il en soit, son camarade avait déjà une sacrée résistance à la biture ; à l'évidence, ses neurones n'en sortiraient pas indemnes longtemps s'il continuait ainsi. Mais Severus Snape pensa qu'il aurait beau faire tout ce qu'il voulait, d'après ce qu'il avait pu en voir samedi, Macnair ne surpasserait jamais Gwénolé Kouign-Aman dans la descente.

- Franchement Severus, t'es vraiment pas drôle des fois ! Tu ne fais aucun effort pour résoudre le Crime. Si on était dans un roman policier… Heureusement que tu n'es pas le héros, le lecteur se serait déjà endormi !

 

* * *



Les cours furent annulés mardi matin, un peu plus d'une semaine après la mort de Russell.

Lorsque Severus descendit dans la salle commune, tous les dernière année y étaient groupés, habillés en noir.

C'était loin d'être la dernière fois que Severus devait voir des élèves porter le deuil dans l'enceinte de l'école.

Il s'approcha d'eux et toucha le haut du manteau de Lucius ; celui-ci se retourna, lui envoyant la fumée de sa cigarette au visage. Sa pâleur avait gagné des nuances verdâtres. Severus avait entendu dire qu'il ne fallait jamais fumer à jeun.

- Qu'y a-t-il, Severus ?

L'adolescent se sentit observé par les filles de dernière année. Il eut l'impression désagréable d'être pesé, évalué, étiqueté en l'espace de quelques secondes. Il se demanda si l'étiquette était « dédain » ou « dégoût ».

- Il y a un livre que j'aimerais emprunter… Mais je pense que si c'était toi qui le demandais, comme tu es plus âgé, tu aurais plus de chances d'avoir l'accord d'un professeur.

- On verra, répondit Lucius. Mais ce n'est pas vraiment le moment pour parler de ça.

Severus baissa la tête.

- Oui, d'accord.

Il s'éloigna. Ce fut alors avec un vague sentiment de déjà-vu qu'il aperçut les Première Année John, Jack et Jim se dirigeant vers Lucius. Les gamins n'étaient plus blonds mais bruns et portaient les cheveux mi-longs (« un peu comme moi », s'étonna Severus).

- Seigneur Malefoy !

- Quoi ? répondit sévèrement le blond.

- Pourquoi on ne peut pas aller à l'enterrement, nous ?

- Trop jeunes.

La bouche des petits se plissa et leurs yeux brillèrent un instant.

- Vous pourrez lui mettre ça sur sa tombe ? dirent-ils en tendant une carte faite main au Sang Pur.

Quelle niaiserie, comme si Russell allait la voir là où il est… pensa Severus. Il se fit la réflexion qu'il y aurait sans doute la tablette mortuaire qu'il avait vue la semaine dernière.

Lucius rangea la carte dans sa poche et reprit sa discussion avec les autres.

Severus sortit de la salle commune pour gagner le grand hall. La dernière fois qu'il avait assisté à un enterrement, c'était celui de sa mère et il n'avait aucunement envie de renouveler l'expérience. Il s'assit à côté de Macnair.

Il y avait d'autres personnes en noir dans la salle : il reconnut le préfet-en-chef, le capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor, et plusieurs autres élèves, surtout de sixième et cinquième année.

- Salut, fit mornement Severus.

- Salut, répondit Macnair.

- Elle n'est pas terrible, déclara Bellatrix qui était occupée à observer une Serdaigle habillée en noir.

- Qui est-ce ? lui demanda Severus, au grand étonnement de Macnair, qui ne s'imaginait pas que Severus avait de telles relations.

- Tullia Banks, l'ex de Russell. Il sortait avec elle l'an dernier.

Banks, ce n'est pas la fille qui écrit des articles sur les maquillages de nez ?

- C'est la maquilleuse du Renard de Poudlard, tu ne connais pas ? fit Wilkes.

- C'est bien ce que je pensais.

Severus jeta un œil à la table des professeurs : il n'y avait pas que des élèves qui allaient à l'enterrement. Agni, Méliès, McGonagall, Chourave, Dumbledore et les Médipsychomages étaient eux aussi habillés en noir. Quant aux Maraudeurs, ils étaient toujours sans Lupin.

La matinée passa vite. Alors qu'il revenait du cours de soin aux créatures magiques, Severus rencontra dans le parc ses camarades qui revenaient de l'enterrement… ou plutôt de l'incinération à en juger leur propos.

- Le bruit horrible que ça a fait quand le cercueil a cramé, disait Sanchez à Parkinson.

- Ouais, ça m'a fait frissonner.

- Ça y est, vous avez enfin des remords ? fit Avery en grand deuil.

- On ne te parlait pas, Monsieur Remords, répliqua Sanchez. Et je ne vois pas pourquoi il se serait explosé pour quelque chose qui a eu lieu il y a six ans.

- Crétin.

- Toi-même. J'ai une toute autre interprétation de la chose.

- Ah oui ? Laquelle ?

- Demande à ton ami Mauvaise Foy.

Bellatrix, qui s'était décidée à se rendre à l'enterrement au dernier moment pour échapper à son cours d'histoire de la magie, vint aux renseignements : - Que se passe-t-il ? Malefoy a fait quelque chose de Mal ?

- Rien, des insinuations fausses et désagréables, c'est tout, répondit Avery.

Macnair s'était glissé aux côtés du jeune Snape, et le regardant d'un air entendu, il lui montra discrètement son calepin. Il venait d'écrire dessus : - Interroger Sanchez.

Severus se demanda s'il parviendrait à tenir jusqu'à la fin de l'année.

Il chercha des yeux Lucius mais ne le vit pas. Puis soudain, il sentit le contact du cuir sur ses paupières.

« Re bonjour », fit derrière lui la voix du Roi de Serpentard en français, avec un délicieux accent britannique.

Macnair pâlit et avala sa lèvre inférieure à ce spectacle affreux.

Les mains gantées de cuir noir s'écartèrent, découvrant la vue de Severus. Puis ce dernier sentit à nouveau le contact du corps de Lucius Malefoy dans son dos, alors que le jeune homme le serrait dans ses bras à la hauteur de la poitrine. Il sentit à nouveau le souffle chaud contre sa joue, souffle qui se transformait en légère vapeur dans l'air froid du parc.

- Ça va ?

- Oui, répondit Severus, qui malgré son cœur galopant à la limite de la crise cardiaque, était envahi par une chaleur très agréable.

- Pourquoi tu me regardes comme ça, Macnair ? Tu sais que c'est très mal poli ? fit Lucius.

- Je… Rien… Je… Je vais manger Severus.

Il détala.

- Il t'appelle par ton prénom ? s'étonna Lucius.

- Hum… Oui. Je me demande bien pourquoi, répondit Severus dont les joues étaient devenues cramoisies.

- C'est ton ami maintenant ?

- Non.

Le souffle disparut, pour reparaître dans son cou. Il sentit et entendit Lucius soupirer profondément. Un oiseau noir s'envola d'un des hauts arbres, secouant une branche et en faisant tomber la neige.

Enfin, l'étau se desserra et Severus put se retourner. Si pâle, Lucius se tenait face à lui dans la lumière crue du matin gelé.

- Comment ça s'est passé ? s'enquit Severus.

- Le bordel habituel. Enfin, c'est toujours une matinée de cours en moins.

- Qui est cette femme en noir, qui marche avec Dumbledore ?

- Il l'amène à son bureau, sans doute. C'est sa mère… la mère d'Angus. Ils ont dû l'emmener de force à l'incinération, et Dumbledore lui a teint sa robe couleur deuil.

- Et son père ? Il n'avait pas d'autres parents ?

- Non. Personne ne fait long feu dans cette famille. Il avait bien un oncle, mais il n'est même pas venu.

Severus se souvint alors des paroles de Macnair et de la légende de la malédiction des Russell – « Nobles, fous, fauchés et maudits... Leur emblème est un triton, et leur devise est Fluctuamus sed fluamus libenter. Le père du préfet, Bonimentus Russell, était un séducteur fêtard, et il en est mort. »

La femme devenait plus visible, son visage ovale était caché sous un voile de tulle sombre qui tombait de son chapeau pointu. Dumbledore lui tenait le bras, il était étrange de le voir habillé en noir, lui qui portait habituellement d'amples robes à couleurs chamarrées.

- Pourquoi tu dis qu'il a fallu l'emmener de force ? s'étonna Severus.

- Parce qu'elle ne se souvient même pas de son fils… C'est comme s'il n'avait jamais existé.

Les mains de Severus eurent un léger spasme ; la peau qui avait craqué à cause du froid lui envoya de douloureuses cuisures.

Soudain, la femme s'arrêta. Elle regardait fixement dans leur direction. Dumbledore l'observait, immobile. Puis elle s'avança.

- Elle vient vers nous… murmura Severus.

La sorcière s'arrêta devant eux et rabattit sa voilette. Son visage était aussi pâle et lisse qu'une dragée, mais les cernes, les cheveux brun foncé et le nez à la David rappelait son fils. D'ailleurs, elle portait un manteau de style Directoire qui n'était plus à la mode depuis longtemps. Ce qui la différenciait d'Angus était les yeux en eux-mêmes, très larges, gris, et la ride profonde entre les deux sourcils. On aurait dit une poupée ancienne dont le vernis s'était un peu écaillé à certains endroits. Elle semblait appartenir à un monde qui n'était déjà plus.

Souriante, elle tendit ses deux mains gantées ; la teinture noire commença à disparaître, envahie par le violet claquant sur la pointe des doigts ; ils se posèrent sur le visage de Lucius.

- Tu es mignon, dit-elle. Tu es un gentil petit garçon.

Sa voix était étrangement berçante, on aurait pu l'écouter pendant des heures. Elle sortit sa baguette.

- Ouvre tes mains.

Lucius les ouvrit, l'air davantage peiné qu'horrifié. Mme Russell prononça une formule et des bonbons apparurent dans les austères gants de cuir.

- Tu reviendras encore me voir, n'est-ce pas ? Si ton papa veut bien.

Lucius hocha la tête.

- Au revoir, petit ange.

Elle fit demi-tour et rejoignit Dumbledore. Severus regarda les bonbons : c'étaient des caramels.

 

* * *



Trois jours plus tard, Severus Snape devait connaître de nouvelles surprises au cours de la visite journalière du seul lieu de Poudlard qu'il pouvait appeler son royaume : la bibliothèque.

Il n'y avait l'air d'avoir personne au bureau en ce jeudi après-midi, mais le Serpentard perçut le volettement de fiches qu'on trie. Il posa son autorisation sur le comptoir.

Des cheveux blond cendré attachés en une queue de cheval… Gwénolé Kouign-Aman, qui était vêtu d'un caban marin d'un bleu profond, se releva, découvrant un T-shirt à slogan :

Les Gobelins sont nos amis

Il faut les aimer aussi.



- Mme Pince n'est pas là ? s'étonna Severus.

- Non, elle est souffrante alors c'est moi qui la remplace. Quel est ce papier ?

- Une autorisation de mon professeur de potions pour un livre de la réserve.

- Il faut une autorisation pour les livres de la réserve ?

- Oui.

- Bon…

Il se leva et disparut derrière la chaîne qui marquait l'entrée de la réserve. Severus se mit à tapoter des doigts sur le comptoir.

Le Médipsychomage revint, posa le livre sur le comptoir.

- Alors… Je crois qu'il faut écrire votre nom sur la petite fiche, à la fin, puis je dois reporter tout cela sur le gros cahier. Oh, bel ouvrage de magie hum, grise… Donc votre nom ? …Ton professeur te laisse lire ça ?

- Oui, c'est pour apprendre. Severus Snape, c'est mon nom.

- Alors… Nous sommes le 14 janvier 1975… Tu es bien sûr que tu veux emprunter cet ouvrage ? Tu veux apprendre à faire quoi avec ça ?

- Cela me regarde, il me semble, répondit Severus.

Kouign-Aman soupira.

- Severus… Je ne vois pas l'intérêt de connaître tous ces sorts mentaux vicieux visant à faire d'autrui un objet quand on ne se destine pas à l'aurorat. Ce n'est pas bon pour toi, Severus. Certains livres sont dangereux ici.

- Qui vous dit que je ne me destine pas à l'aurorat ?

- Qui te dit que je ne sais pas que c'est faux ? Cela m'étonnerait que tu étudies cela dans le but de te défendre. Je connais bien les adolescents et…

- Je peux avoir mon livre ? grimaça le Serpentard, de plus en plus agacé.

- Mais bien sûr, bien sûr… Il posa sa plume sur la deuxième colonne de la fiche. Il n'a pas été emprunté par grand monde ici…

Il tendit le livre à l'élève avec un sourire que ce dernier trouva ironique.

- Sinon, tenta Severus, vous ne connaîtriez pas un auteur grec dont le nom commence par les lettres "Sap" ?

- Sap ? Je vais regarder dans les fiches. Grec moderne ou ancien ?

- Ancien je crois. De la poésie.

- Alors..., fit Gwénolé en faisant défiler les fiches, nous avons… Sanotius, Sappien, Sappho. Poésie ancienne en grec. C'est tout ce qu'il y a commençant par SAP. La poésie, c'est très bien Severus, ça éveille la sensibilité.

- Magnifique... Je voudrais l'emprunter s'il vous plaît.

Gwénolé retourna la fiche.

- Le problème c'est qu'il est rangé dans la réserve, il te faudrait une autorisation.

- Bon, tant pis.

- Quel dommage Severus, une telle lecture t'aurait aidé à exprimer tes tensions intérieures. Si tu as besoin d'en parler, un jour, n'hésite pas à venir au bureau, à l'infirmerie.

- Venir parler de quoi ?

Le médipsychomage baissa la voix, et lui dit presque à l'oreille.

- Ce que tu ressens vis-à-vis des garçons…

Le Serpentard devint rouge.

- Severus, un problème ?

Lucius Malefoy venait de quitter sa place. Son regard de serpent froid allait et venait de son cadet au bibliothécaire remplaçant.

- Non.

- Je disais juste à Severus que ne pas accepter ce que l'on est peut parfois mener à des extrémités regrettables…

Le blond jeune homme haussa un sourcil.

- Des extrémités regrettables ?

Le médipsychomage desserra le sourire de ses yeux, puis éclata d'un grand rire franc et lumineux.

- Allons, allons, ne te mets pas dans des états pareils, jeune homme ! Je ne parlais pas forcément de toi !

La bouche de l'aristocrate eut un sursaut de révulsion.

- Tu as tout ce qu'il te faut Severus ?

Le Sombre, un rien perturbé par ce qu'il venait d'entendre, hocha la tête.

- Je crois que je vais continuer dans la Salle Commune. Je prends mes affaires, tu viens avec moi ?

Le Sang Pur n'attendit pas sa réponse pour aller chercher leurs affaires sous le regard sarcastique du Médipsychomage breton qui s'était replongé dans les registres et les classeurs.

- Ce type ne m'inspire pas confiance, déclara Lucius une fois qu'ils furent sortis de la bibliothèque.

- Il a des yeux bizarres… Comme s'ils vous perçaient et vous devinaient, murmura Severus. Des yeux de legilimens, je sais, mais ils me rappellent quelqu'un. Dumbledore, peut-être... Ceci dit, il y a une chose qui me le rend sympathique, c'est qu'il a remis Lockhart à sa place samedi.

- Lockhart ? Boucles D'or ? Le petit blond qui collait Angus ?

- Oui. Il racontait qu'il avait battu une goule pendant ses dernières vacances en Roumanie.

- Quel ramassis de bobards.

- Ce type est un mythomane, déclara Severus se rappelant l'histoire du chantage, quoiqu'il raconte, je ne le croirai pas.

Les deux garçons firent leur entrée dans la salle commune ; Lucius déposa ses livres et ses cahiers sur la table, près de la cascade magique.

- C'est surtout qu'il n'y a plus de goules en Roumanie, précisa-t-il.

- Pourtant… Dans mon livre sur les créatures magiques…

- Que Boucles D'or a sans doute lu.

- Mais le Médipsychomage lui aussi a dit s'être fait attaqué par une goule dans la forêt des Carpathes… Il a même montré sa cicatrice.

- Alors ça devait être il y a une bonne dizaine d'années. Tu n'as jamais entendu parlé du Grand Nettoyage de la Roumanie ?

- Non… L'histoire de la magie n'est pas ma matière de prédilection.

- C'était il y a peu. Goules, liches, vampires, monstres en tout genre, quasiment tout a été exterminé ou emprisonné par les Aurors d'Europe. Paraît-il que Croupton aimerait faire la même chose en Angleterre. Les loups-garous et autres créatures magiques feraient mieux de se cacher… Croupton prétend que nous devrions "prendre la situation en main" tant qu'il en est encore temps. On le comprend. Créatures maléfiques, mages noirs, tout ce petit monde s'agite follement en ce moment. Les disparitions et les morts étranges se multiplient. Les mages noirs ne reculent plus devant rien, et éliminent ceux qui ont le malheur de s'immiscer dans leurs prospères nouvelles affaires. Les Arts Sombres sont de plus en plus étudiés, ils sont en passe d'être reconnus, et partout on s'inquiète de toute cette invasion de Sang-de-Bourbe. Regarde, rien qu'à Poudlard. Personne ne le dit tout haut, mais… Même les gens qui se disent indifférents à la question, quand ils en voient un, ils pensent "fils de Moldus" avant de penser "brun, Serdaigle" et tout le reste. A part le club des Intellos Pleins de Bons Sentiments du torchon que tu achètes, la vérité c'est que personne ne considère les Sang-de-Bourbe comme nos égaux. Alors quand viendra le jour… Tu vois ce que je veux dire ?

Severus, qui était resté debout, s'assis face à lui.

- Oui, je vois… Hum, ton magistère avance comment ?

- Bien. Mon coéquipier m'avait envoyé ses notes avant de claquer, grinça Lucius.

- Je ne comprends pas pourquoi Bellatrix est comme ça avec toi, déclara brusquement Severus.

- Parce que tu crois qu'il serait naturel qu'elle me tombe dans les bras ?

Il sembla réfléchir trois secondes, la main sur le menton.

- C'est vrai, conclut-il. Mais le problème est que de mauvaises langues l'ont mal informée à mon sujet.

Battements de cœur précipités.

- Ah ?

- Oui. Elle ne cesse de dire (tu l'as déjà entendue je suppose) qu'un homme qui passe une heure dans la salle de bain le matin ne peut pas aimer les femmes. C'est stupide. D'ailleurs je me demande comment elle sait ça.

- Rosier et Wilkes ont dû lui raconter.

- Quoiqu'il en soit, j'ai l'impression que cela m'a définitivement grillé auprès d'elle.

Lucius ne remarqua pas que dans un des cadres, sur la photo de classe de septembre, Feu le préfet de Serpentard s'était mis à siffloter, l'air de rien, une petite auréole sur la tête.

 

 

* * *



Lorsque arriva l'heure du dîner, Severus remarqua une fois de plus que Macnair l'évitait comme la peste depuis qu'il avait compris qu'il était ami avec Lucius Malefoy.

Le taciturne garçon se retrouva donc entouré de filles de sa classe. Elles étaient occupées à discuter de la directrice de Serpentard, pourquoi elle était toujours dans un état de semi-coma ; l'une avait émis l'hypothèse que c'était parce qu'elle passait la nuit à faire des "choses fatigantes" avec Bhima Agni, le professeur de potions. Severus faillit ricaner mais il se retint – rire devant ces filles aurait nuit à son image de marque.

L'ambiance était beaucoup moins joyeuse du côté des dernières années. Lucius Malefoy mangeait face à un dossier de siège, comme à chaque repas depuis maintenant presque deux semaines. Son regard se posait dans le dos des Serdaigle, parfois se perdait dans son assiette. Avery, qui s'asseyait souvent à côté de Bellatrix et ses deux amis pour pouvoir discuter, s'était mis à sa place habituelle aujourd'hui, et dévisageait Lucius par à-coups, sans dire mot. Ce dernier ne semblait pas y prêter attention. Au bout d'un moment, il cessa de promener sa fourchette dans ses pommes de terre et la déposa aux côtés de son couteau.

- J'en ai assez de cette chaise vide, murmura-t-il.

Lucius promena ses yeux de cobra autour de lui.

- Snape ? Tu ne veux pas venir t'asseoir là ?

Tout le monde s'arrêta de discuter, et Severus sentit les regards braqués sur lui. S'il passait en bout de table, au milieu des dernières années, c'était une drôle de promotion. D'un autre côté, c'était "la place du mort", lieu funeste. Cette réflexion éclair ne réussit pas à le décider. De toute façon, s'il désobéissait, Lucius risquait de lui en vouloir, surtout que cela équivalait à une humiliation publique.

Severus prit donc son assiette puis alla s'asseoir face au Sang Pur, entre Sinistra et Avery.

- C'est mieux, apprécia Lucius en souriant et en lui servant de la boisson.

Sanchez murmura quelque chose à l'oreille de Parkinson ; ses lèvres disaient : - Il l'a bien dressé, son petit clebs aux cheveux gras.

Le petit clebs sentit son estomac descendre dans ses talons.

Parkinson adressa au "nouveau" un sourire hypocrite. A quelques mètres de là, Macnair dévorait sa purée à toute vitesse.

Le fait de devoir manger et boire devant Lucius faisait battre le cœur de Severus, il en avait des sueurs froides, et bien du mal à tenir fermement sa fourchette... A la table de Gryffondor, Sirius Black ne commenta même pas l'événement. Il n'avait pas parlé pas depuis le début du repas. Severus se retourna furtivement pour épier sa réaction. Mais Black, le visage d'une pâleur grisâtre et les membres fébriles, semblait malade.

 

* * *



Le soleil s'était déjà couché depuis plusieurs heures lorsque le jeune sorcier fiévreux prononça le mot de passe puis pénétra dans la salle de bains des préfets, à la recherche d'eau et de mousse. Paraissait-il que les Moldus soignaient les fous en les aspergeant d'eau froide.

- Il n'y a personne ? clama-t-il à la ronde.

Aucune réponse ne se faisant, Sirius Black décida qu'il pouvait occuper la piscine. Il se passa la main dans les cheveux en soupirant.

- Frappé, je suis complètement frappé, se répéta-t-il à lui-même.

Il s'avança vers le bassin, mais avant de se déshabiller il préféra tout de même y jeter un coup d'œil.

La néréide blonde dormait tranquillement dans son cadre. L'eau arborait des couleurs chatoyantes et japonaises : le bleu de la céramique, le doré des flots de bronze, des nymphéas, des nymphéas singuliers d'un rouge de gouache primaire. Et un visage humain.

L'adolescent ne put réprimer un cri d'effroi.


Bientôt, le bruit courut dans tout Poudlard qu'une Gryffondor de cinquième année venait d'être retrouvée morte dans la piscine.

 

* * *



- Je me souviendrai toujours de ce jour où je vous ai rencontré, dit Gwénolé, alors qu'il laissait glisser son regard sur la licorne d'une tapisserie, dans le hall d'entrée de Poudlard.

McAlistair sourit.

- Certains se laissent berner par l'amour fugace d'une femme où ils ne cherchent qu'une rencontre avec leur propre plaisir, déclara l'Ecossais. Mais il existe des amours qui ne comportent pas ce type de pulsions.

Les yeux bleus de Gwénolé luirent, comme s'ils riaient par eux-mêmes.

- Nous nous comprenons parfaitement, toi et moi.

- Nous nous sommes toujours compris. Ah, Gwénolé… Les réflexions s'agitent et s'assemblent dans ma tête. Allons donc boire un verre dans un endroit tranquille pour voir ce que nous pouvons en tirer.

- C'est une excellente idée, patron. J'ai quelques bonnes bouteilles dans ma chambre…

- Des bouteilles ! s'exclama Rusard avec mépris.

Le concierge loqueteux venait de surgir d'un escalier.

- Le directeur m'a demandé de vous prévenir, ajouta-t-il. Vous devez tout de suite vous rendre à l'infirmerie. Il y a eu un problème avec une élève.

 

 

* * *



Alertée par Rusard, Mme Pomfresh venait de sortir de l'infirmerie en catastrophe. Severus Snape, venu pour un mal de ventre (le stress du dîner sans doute…), dévisageait le petit garçon comme on dévisage un revenant.

Assis au bord de son lit en chemise médicale, l'enfant faisait se balancer ses jambes dans le vide. Il était indubitable que ses cheveux étaient bruns et que ses yeux étaient verts.

Severus Snape regarda avec méfiance le contenu du verre dont il venait d'avaler la moitié.

Il était également indubitable que l'enfant n'avait pas plus de onze ans. Celui-ci considérait ses jambes nues, l'une était trop courte. Il soupira en passant sur sa main sur sa jambe gauche.

« Pauvre petite sirène », dit-il en souriant avec dépit, comme s'il se raillait lui-même.

Severus Snape se frotta les yeux. Le lit était vide.

 



A suivre

 

Forward
Sign in to leave a review.