
Deux étranges visiteurs
PARTIE II
Chapitre 8
Deux étranges visiteurs
Rutilant et couronné de fumée, le Poudlard Express venait d'entrer en gare, mais il ne partirait pas avant une demi-heure.
Une femme d'âge mûr aux lèvres pincées ainsi qu’un homme très brun aux yeux gris surgirent de l'un des piliers de pierre de la voie 9 3/4. Ils étaient vêtus luxueusement et accompagnés d'un enfant d'une douzaine d'années vêtu lui aussi de couleurs sombres. Derrière eux venait un adolescent brun à la dégaine étrange.
« Allez, dépêche-toi Sirius, encore à la traîne. »
Le garçon rejoignit ses parents et son frère grâce à un petit pas de course. Sa mère lui jeta un rictus contrit.
- Quels affreux vêtements, murmura son père. Ce Sang-de-bourbe a vraiment une mauvaise influence sur toi. Dire que nous t'avions fait confiance... Nous t'avons laissé aller en vacances chez ton ami. Tu avais bien sûr omis de dire que c'était un fils de Moldus.
- Tu sais bien qu'il ne faut jamais faire confiance à Sirius, dit Walburga Black.
- Papa, c'est le capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor, ça n'est pas n'importe qui. Et, je me suis tellement amusé chez lui ! Si tu t'imaginais les trucs épatants qu'il m'a montrés !
- On se l'imagine déjà Sirius, tu n'as pas arrêté de nous en parler ces trois derniers jours.
Mais Sirius ne l'écoutait plus. Il venait de tourner la tête, souriait, les yeux radieux. Sa mère regarda ce qui se trouvait dans son champ de vision : une famille de sorciers de la middle-class.
- Ce n'est pas ton ami Romulus là-bas, avec ses parents ?
Sirius posa sa valise et s'élança à travers le quai.
- Irrespectueux... bruyant... insupportable… gémit Mme Black.
- N'exagérez pas ma chère, Sirius n'est encore qu'un enfant, déclara son mari.
Il fit suivre la valise et le trio rejoignit la famille Lupin.
- Bonjour Monsieur, bonjour Madame, fit Sirius, tout d'un charmant sourire. Je vous souhaite une très bonne année.
- Tu t'es bien remis de ton accident, Sirius ?
- Oui, merci pour les bonbons.
Il tourna la tête vers Remus. Ses cernes avaient disparu et son visage avait pris des couleurs ; les vacances l'avaient remplumé.
- Remus ! C'est trop bon de te revoir, mon vieux !
- Tu as passé de bonnes vacances ?
- Excellentes ! Je te raconterai quand les autres seront là.
- J'aime bien ton manteau.
- C'est moldu.
- Bonjour, Mme Black, dit Mme Lupin à l'arrivée du reste de la famille.
- Ravis de vous rencontrer, répondit Orion. Sirius n'a plus que le mot « moldu » à la bouche. Rendez vous compte, quel déshonneur pour nous et pour son sang... Heureusement qu'il nous fait honneur par ses résultats scolaires. Il nous parle beaucoup de votre fils. Il nous a dit s'être beaucoup plu chez vous durant les dernières grandes vacances.
- C'est un garçon absolument adorable, affirma Mme Lupin, ignorant la superbe de Mme Black.
- Mais qu'il a grandi en quelques mois ! s'exclama Lupin père. C'est devenu un jeune homme. Tu as vu ça Remus, on dirait qu'il t'a rattrapé.
Les joues de Sirius rougies par le froid devinrent plus rouges encore.
- Oui, et il a déjà presque une voix de baryton, ajouta Black père.
- J'ai amené vos cadeaux, Remus, dit Sirius, que le point précédent de la conversation ne semblait pas enchanter.
- Moi aussi.
- Et ton album ? Tu as pensé à ton album ?
- Oui, je n'ai pas oublié.
- Géant !
- James et Peter viennent de monter dans le train, je viens de les voir.
- Alors nous allons peut-être vous laisser, dit M. Lupin.
Orion Black donna l'accolade à son fils, mais sa femme se contenta d'un regard glacial.
- Conduis-toi bien, murmura-t-elle sèchement. Regarde ton frère, est-ce qu'il fait l'imbécile, lui ? Et la prochaine fois, il ne sera pas question de vacances chez les Moldus, pas plus que d'échapper aux traditions de ta famille. Comme par hasard, tu n'es pas là la semaine de la taxidermie de Gretell...
- Mais ça m'fait gerber ces trucs là, maugréa Sirius entre ses dents.
De son côté, Mme Lupin serra son fils dans ses bras.
- Bon courage, murmura-t-elle.
On aurait dit qu'elle avait les larmes aux yeux.
Les deux adolescents grimpèrent dans le wagon le plus proche, en agitant les mains. Une fois dans le couloir, il leur fallait trouver le compartiment où s'étaient installés leurs amis. Ils firent glisser la première porte et tombèrent sur des Serpentard de cinquième année.
- Bonjour cousine, fit Sirius.
- Adieu cousin, répondit Bellatrix.
Si les vacances semblaient avoir profité à Remus, elles avaient eu sur elle l'effet contraire.
Sirius ouvrit la porte suivante. Encore des Serpentard. Lucius Malefoy. Ébouriffé. Du moins par rapport à d'habitude.
- Désolé, fit Sirius avec un sourire ironique en refermant la porte.
- Tu as vu ça ? Si Malefoy néglige sa coiffure, c'est qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
- Il s'est peut être arraché les cheveux en s'apercevant à quel point il était con, répondit Sirius.
Il regarda Remus ; ce dernier éclata de rire.
Après avoir ouvert toutes les portes du couloir, ils passèrent dans le wagon suivant ; ils n'eurent pas à chercher longtemps : James et Peter allaient à leur rencontre.
- Venez, on s'est installé vers le bout du train !
La scène des émouvantes retrouvailles se conclut par l'installation de Remus et Sirius dans le compartiment occupé par Peter et James.
- C'est quoi ce manteau de fille ? demanda James à Sirius.
- C'est pas un manteau de fille, tous les mecs moldus branchés ont ça, James.
- « Branchés » ?
- À la mode, quoi ! Éric m'a filé de ses fringues qui lui étaient trop petites.
- Tu ne te fais plus couper les cheveux aussi ?
- Oui, je vais les laisser pousser encore pour voir.
Remus eut une petite grimace, ôta sa cape-manteau en laine, son bonnet, sa grosse écharpe, et s'assit près de la fenêtre, bien au chaud dans son pull irlandais écru à col roulé.
- Si vous saviez les trucs que j'ai vu chez Éric ! s'exclama Sirius en enlevant son manteau à son tour, découvrant un pull-over plus bariolé que l'arc en ciel ainsi qu'un pantalon très moulant en haut et très évasé en bas. Ils ont l'équivalent de nos balais, sauf qu'ils ne peuvent pas voler avec. Ils appellent ça les « motocyclettes » !
Le jeune poursuiveur leur raconta ses autres découvertes tandis que la locomotive quittait la gare.
- Au fait Remus, tu ne devais pas nous montrer tes photos de quand tu étais petit ? rappela James.
Remus sortit l'album de sa valise et le tendit à James.
- T'es vraiment tout petit là... fit James en feuilletant les premières pages. Et voilà, c'est celle dont tu nous avait parlé... quand tes parents avaient pu te prendre en photo quand tu n'étais encore qu'un tout petit louveteau. Et là ! Mais regardez moi cette espèce de bouille... !
Sirius lui arracha littéralement l'album des mains. Il pencha la tête dans le livre et sourit jusqu'aux oreilles.
- ...les petites joues... !
- Passe-le moi, couina Peter, tout frétillant sur son siège.
D'un geste ample, Sirius lui passa sans lui accorder un regard. La porte s'ouvrit.
- Excusez-moi. Ce compartiment est plein ?
- Il reste deux places, dit James en désignant le côté de Remus.
Un homme brun d'une cinquantaine d'années, à la mise impeccable, entra. Il était de taille moyenne, vêtu à la manière moldue dans le genre britannique : chapeau melon, canne-parapluie, noir.
- Je me présente, dit-il en serrant la main des adolescents. McAlistair. Erwin McAlistair. Vous êtes un Black ?
Il s'était tourné vers Sirius.
- Oui, comment vous le savez ?
- Les traits de votre visage. Vous devez être en quatrième ou cinquième année.
- Quatrième année. Moi, c'est Sirius. James Potter, Remus Lupin et Peter Pettigrew. Vous venez à Poudlard pour quelle raison, si c'est pas indiscret ?
- Le professeur Dumbledore vous expliquera tout à notre arrivée, répondit l'Ecossais.
L'arrivée de l'inconnu avait reporté la distribution des cadeaux à leur retour dans le dortoir. Néanmoins ils ne s'ennuyèrent pas car McAlistair leur posa des questions sur l'école, soucieux de savoir si les choses avaient changé « depuis sa prime jeunesse ». Un quart d'heure plus tard, la porte coulissa à nouveau, s'ouvrant sur un grand dadais que Sirius Black aurait qualifié d'« hippie ». Vêtu d'un grand manteau bleu foncé ouvrant sur une chemise à fleurs roses et un pantalon bien trop court pour être porté en hiver, l'homme, dans la trentaine, était nanti de petites lunettes rondes aux verres fumés. Sous son chapeau pointu de Médicomage, de longs cheveux blonds délavés ondulaient légèrement jusqu'aux épaules.
- Je n'ai pas trouvé d'autres places, patron ! clama-t-il.
- Ce n'est pas grave Gwénolé, venez là. Cet homme est Gwénolé Kouign-Aman, mon assistant.
- Bonjour petits apprentis, fit ce dernier en souriant.
- Vous êtes d'où ? demanda Remus en remarquant l'écusson noir et blanc sur la gigantesque valise.
- D'origine, je suis français. Mais si je n'ai aucun accent, c'est parce que mes parents sont britanniques.
Il s'assit près de McAlistair, lequel sortit un journal et un sandwich de son chapeau melon.
- Ça ça s'appelle voyager léger ! s'exclama Gwénolé.
- Tenez.
- Oh merci patron, vous avez donc deviné que j'avais une petite faim...
- Vous avez toujours une petite faim.
Erwin McAlistair se plongea dans la lecture de son journal tandis que son assistant dévorait son sandwich ; quand il le retourna, Peter, Sirius et James purent lire parmi les gros titres « Disparition d'une élève à Beauxbâtons ». Le sous-titre explicitait : « L'élève dont on est sans nouvelle depuis une semaine n'a toujours pas été retrouvée ».
Sirius poussa un soupir, jeta un regard sur Remus dont la tête lasse oscillait faiblement contre la vitre, puis montra à James le vinyle collector de Led Zeppelin dont Éric Salinger lui avait fait cadeau.
Le train entra en gare quelques heures plus tard alors qu'il faisait déjà nuit. Les quatre Maraudeurs furent extrêmement surpris lorsqu'ils constatèrent que le débarquement sur le quai de McAlistair fut immédiatement salué par l'exclamation d'une voix professorale bien connue.
« Erwin mon ami ! »
Minerva McGonagall se précipita vers lui, le visage lumineux. Hagrid, posté non loin de là, jeta un coup d’œil interrogateur sur le parapluie du visiteur.
- Minerva, quel plaisir de vous revoir ! Cela faisait si longtemps.
- Vous vous connaissez ? demanda Gwénolé.
- Nous étions à Poudlard ensemble, répondit McAlistair.
- Je serais presque heureuse, dit le professeur de métamorphose... Mais ce qui est arrivé est si terrible...
Elle renifla et porta une main à ses yeux ; McAlistair lui tendit un mouchoir.
- Merci, dit-elle en essuyant la larme qui avait perlé. Qui aurait cru que cela pouvait arriver... Personne ne pensait...
- Ne vous inquiétez pas Minerva, nous sommes justement là pour éclaircir les choses.
Lorsque Severus Snape entra dans la Grande Salle pour le dîner de rentrée, ce fut avec stupéfaction qu'il s'aperçut que les couleurs de Gryffondor avaient laissé place à du noir.
Cela effaça momentanément sa disconvenue. Il y avait quelques minutes de cela, Lucius Malefoy était parti s'asseoir avec les autres sans même lui dire bonjour, alors qu'ils avaient passé la première semaine des vacances ensemble.
Mais Severus n'était pas inquiet. Tous ses professeurs étaient ici bien vivants à quelques mètres de lui – dont ceux qui comptaient – ... alors pour qui aurait-il bien pu s'inquiéter ?
Il s'assit près de Macnair ; qui plus est, il y avait deux nouvelles têtes à la table des enseignants.
- Bonne année Severus, dit Macnair.
- Tous mes vœux à toi, lui répondit-on sombrement.
- Tu as vu ces types ? Je me demande ce qu'ils vont enseigner.
Severus vit bien qu'il brûlait de lui présenter sa théorie, mais le tintement d'une cuillère qu'on cogne contre une coupe de cristal mit fin à cette occasion : McGonagall annonçait que le directeur allait parler. Le front de la sorcière s'était plissé en une expression douloureuse et ses yeux clairs brillaient. Dumbledore se leva.
- Bonsoir à toutes et à toutes, annonça le directeur d'une voix terne. Vous avez sans doute remarqué que nous avions deux invités... Je vous présente donc Messieurs Erwin McAlistair, et son assistant, Gwénolé Kouign-Aman, Médipsychomages. Ils sont à votre écoute, n'hésitez pas à aller leur rendre visite si vous avez besoin d'un conseil ou d'un soutien. J'espère que vous leurs ferez bon accueil. Quant à moi, j'aimerais pouvoir vous faire tout de suite mes vœux de bonne année, mais je dois hélas en venir à un sujet beaucoup plus grave.
Le visage de ce vieillard habituellement si vif et joyeux s'assombrit et ses traits se figèrent en une grande tristesse.
- Certains d'entre vous ont sans doute appris à la fin des vacances la disparition d'un de leur camarade.
Manifestement, beaucoup d'élèves n'étaient pas au courant. Leurs yeux se tournèrent vers la chaise où aurait dû ne pas se trouver Remus Lupin. Mais il était bien là.
- Cela a été un grand choc pour nous également, reprit Dumbledore. Qui aurait cru que ce jeune homme si agréable, si plein de vie qu'était Angus Russell… ait pu mettre fin à ses jours. Un tel geste ne s'explique pas facilement, et il doit tous nous faire réfléchir.
Des murmures de stupéfaction coururent dans la salle. Certains Serpentard se couvrirent le visage. Les amis que Russell avait dans les autres maisons semblaient très affectés également. Alan Jodorowsky, le préfet en chef, repoussa son assiette pour ne plus y toucher. Walden Macnair ravala sa salive et agita la tête comme quelqu'un de blasé.
Abasourdi, Severus tourna son regard vers Rosier et Wilkes, qui se dévisageaient sans dire mot.
- C'est une plaisanterie ? leur demanda Bellatrix, après avoir détourné les yeux de la chaise vide qui faisait face à Lucius Malefoy.
- Je ne crois pas… répondit Roger Wilkes.
Un autre élève de sixième année, celui que Severus avait remarqué ce matin de novembre où Bellatrix avait reçu une beuglante, fixait à nouveau la jeune fille de son regard clair et ombrageux, de la même façon que lorsqu'elle avait montré à tous en plein petit-déjeuner une des blessures que lui avait faites sa mère.
- Bellatrix... Tu as l'air songeuse tout d'un coup... Pourquoi donc ?
Les yeux du garçon étaient rivés sur ses épaules basses, ils se mirent à étinceler d'une lueur humide comme la dernière fois. Severus connaissait son nom à présent. Il s'appelait Lestrange.
- Ça devrait pourtant te réjouir, non ?
Bellatrix se mordit les lèvres.
- Ce n'est pas moi qui le regretterait, en tout cas, lâcha-t-elle d'une voix dédaigneuse.
Dumbledore se rassit. Sur le visage de Lucius Malefoy nul signe d'émotion ne transparaissait.
à suivre