Les rats et les fées

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
Gen
M/M
R
Les rats et les fées
Summary
"Snape a toujours été fasciné par la magie noire, il était réputé pour ça quand il faisait ses études. Un type répugnant, avec ses airs doucereux et ses cheveux gras. Quand il est arrivé à l’école, il connaissait plus de sortilèges que les élèves de septième année et il faisait partie d’une bande de Serpentard qui sont presque tous devenus des Mangemorts."Récit de la quatrième année scolaire de Severus Snape à Poudlard, qui tournera au Cluedo macabre.Nouveau chapitre : Le joueur de flûte de Hamelin.
Note
Remarques importantes :- Quand j'ai commencé à écrire cette histoire, en 2003, je venais de finir de lire le tome 4, et le 5 n'était pas encore sorti. Elle est compatible avec le canon jusqu'au tome 6 inclus (à l'exception d'éléments concernant l'âge des personnages, leur généalogie, les Mangemorts, vu que j'avais dû imaginer pas mal de choses). On pourrait dire qu'il s'agit d'une sorte d'UA dans lequel Lily Evans et Severus Snape ne se connaissaient pas avant Poudlard.(Mais j'avais tout de même eu la vision d'un Malefoy pleurant dans une salle de bains et d'un intello avec une besace sans fond avant que ça n'apparaisse dans les livres, s'il-vous-plaît !)- Elle suit la forme des livres, avec un héros (ici, Severus Snape jeune), et son année scolaire. On pourrait d'ailleurs presque l'appeler "Severus Snape et la Potion de Gloire"... Elle devrait comporter 21 chapitres en tout (soit trois parties de sept chapitres chacune).- J'ai suivi l'orthographe originale des noms, à l'exception de Crouch/Croupton et Malfoy - je trouve "Malefoy" plus joli.
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Un peu d'envergure

 

Quand cette histoire avait-elle commencé ? Qui en était le héros, où était son passé, et où était son présent ? N'y avait-il jamais eu que cette scène, et les ouvertures qui permettaient de la percevoir, et la langue qui permettait d'en saisir les contours ?

« Tu ne veux pas venir jouer avec moi ? »

Il n'en savait pas assez pour répondre à l'invitation. Il n'avait pas la force de parler. Il n'avait pas la force de bouger, car il ne connaissait plus ses jambes.

Les arbres se reflétaient en ombres sur le goudron.

L'enfant brun recula d'un cran sur la marelle de craie. Il posa sa main sur sa poitrine, tel une madone blessée.

« Tu en es certain ? »

Alors le jeune garçon ouvrit son thorax, comme si son vague uniforme avait été sa peau, une carapace une et dure, sur laquelle il eut été vraisemblable que se trouve fixée une poignée.

Vraisemblable ?

La terreur circulait dans l'air comme un parfum. L'air se mit à cogner, à faire mal.

Au fond de l'ouverture carrée, quelque chose de luisant bougeait dans l'obscurité. Le garçon - quel âge devait-il avoir ? onze ans ? - y introduisit sa main. Il en sortit la chose luisante, c'était un poisson qui gigotait entre ses doigts, palpitant et se tortillant ; il le jeta par terre. Ses mouvements s'espacèrent. Il agonisait.

« Qui es-tu ? »

Le héros avait réussi l'effort de lui demander malgré toute sa fatigue.

Demander...? Oui, pourquoi ! 

« Oh, je m'appelle... »

Snape, moi je m'appelle Severus Snape...

Severus se réveilla en sursaut, le cœur battant. L'aube n'était pas encore là. À sa gauche, Julius Baxter ronflait bruyamment.

 

 


 


Sirius Black était réveillé depuis longtemps ; le tic-tac de l'horloge semblait exacerber son ennui, son excitation et sa solitude. Il avait lu sur le calendrier qu'on était le 20 novembre 1974. C'était le calendrier des autres.

La porte s'ouvrit.

- Ah, tu es réveillé.

- Bonjour !

L'infirmière prit une chaise et s'assit près du lit.

- Alors ? Tout va bien ?

- J'ai mal au ventre et dans le cou, dans le dos aussi, mais sinon... J'ai pris un cognard, c'est ça ?

- Oui, en pleine tête malheureusement. Mais rassure-toi, il ne devrait y avoir plus aucune trace dans quelques semaines... Tu es resté inconscient plusieurs jours. Tes camarades étaient très inquiets pour toi tu sais, ils étaient tout le temps à traîner dans mes pattes.

- Je ne comprends pas ce qui m'est arrivé.

- Cela arrive souvent en Quidditch, mais...

- Non ce n'est pas ça...

« J'ai entendu sa voix, j'te dis », entendit-on brusquement dans le couloir ainsi que des bruits de piétinements.

On frappa à la porte.

- Oui ? fit Mme Pomfresh.

Trois adolescents se ruèrent dans la longue pièce.

« SIRIUS ! »

Il y eut des battements de capes et la clique des Maraudeurs se posa devant lui. James avait la larme à l'œil et la main sur la bouche ; sous son épaule, la face joufflue de Peter exprimait la joie ; deux têtes plus haut, Remus souriait, mais ses traits étaient tirés et ses paupières gonflées - même Sirius avait l'air plus en forme.

- Salut les gars, lança ce dernier avec un sourire étrange. C'est la dernière fois que je joue au Quidditch, ça je vous le garantis...

Son regard quitta le visage des Maraudeurs et sembla se perdre derrière eux.

 

 


 


« J'aime bien ça, cette époque de l'année, pas vous ? Par contre le sol dehors est un peu crasseux dès qu'il pleut. »

« On caille Lucius, alors les feuilles oranges, tu parles d'une chaleur ! Novembre c'est déprimant pour moi. »

« Lucius aime la beauté, sauf quand elle lui colle sous les semelles. »

Les cinq Serpentard mâles de dernière année, Malefoy, Sanchez, Russell, Parkinson et Avery, étaient en route pour assister au cours d'histoire de l'ennuyeux professeur Binns.

- Oh, Snape ! s'exclama le blond en apercevant au fond du couloir une tâche sombre aux contours familiers.

Severus se retourna et attendit que Lucius arrive jusqu'à lui.

- Il faut qu'on se voit. Tu as une minute à toi aujourd'hui ?

- À toi... ? répéta le jeune garçon aux cheveux noirs.

Lucius fronça les sourcils.

- Non, pas à moi, à toi...

- Ah. Oui, excuse moi, balbutia Severus en secouant la tête. Oui, j'ai quelques minutes à moi.

- Ce soir ? Tu es libre ce soir ?

Severus, qui regardait davantage le carrelage que son interlocuteur, remarqua que la jambe droite de son aîné était secouée d'une agitation nerveuse.

- Oui.

- Tu finis les cours à quelle heure ?

- Seize heures.

- Je peux t'attendre à la sortie ?

Ce carrelage rappela soudain quelque chose au quatrième année.

- C'est toi qui vois, répondit-il. Au fait, que m'avais-tu dit pendant la classe d'alchimie ?

- De quoi parles-tu ?

- Hier, quand je suis venu chercher des alambics, tu m'as dit quelque chose et... je n'ai pas bien entendu.

- Ah, oui, répondit Lucius Malefoy, avec un léger sourire. Je m'en souviens maintenant... Tu n'avais pas remarqué ? Je te demandais si tu avais vu Salinger. En fait, Angus – tu sais, le préfet – faisait son arithmancie pendant le cours, donc il ne regardait pas ce que Salinger écrivait au tableau. Alors Avery - tu vois qui c'est ? - faisait apparaître « Virez-moi de Poudlard » sur le dos de Salinger. Et chaque fois qu'Angus relevait la tête ou que les yeux de Novalis quittaient le tableau, Avery les faisait disparaître... c'était très drôle. Bon, je vais être en retard... À ce soir, n'oublie pas !

Severus poursuivit son chemin ; un peu plus loin, un groupe d'élèves de première année, petits et courbés sous leurs paquets de livres comme des nains partant à la mine, s'élancèrent à travers le donjon avec des voix de petits oiseaux, puis firent une embardée sur sa gauche.

« C'est Snape, il est en quatrième année. J'adore son look, il est darkness ! » murmura le petit John à ses deux amis Jack et Jim.

- Oh, Severus !

Severus tourna la tête à droite ; c'était Dumbledore.

- Je suis heureux de vous voir. Comment allez-vous ?

- Je survis, monsieur le directeur, répondit l'élève d'une voix grinçante.

Le lieu où il se trouvait lui rappelait la première fois où il s'était retrouvé dans son bureau, et ce souvenir le remplissait de rage.

- Si vous avez des problèmes...

- Je vais très bien, professeur Dumbledore.

Le souvenir de Lucius venait de remplacer celui du bureau. Je vais le voir ce soir, il ne me méprise pas, j'ai de la valeur pour lui... Severus avait l'air sincère, la joie troublait son visage. C'était assez inhabituel pour que Dumbledore le note.

- Bien, bien... murmura le vieux magicien. Parfait... Mais... faites quand même attention à vos fréquentations...

Le Serpentard haussa un sourcil.

- Et... cette petite oubliette ? ajouta Dumbledore en souriant avant de poursuivre son chemin dans la direction inverse.

En raison de ses bons résultats (du moins c'était la raison « officielle », bien que la chose n'ait en fait rien d'officiel, et que Dumbledore ait même conseillé à Severus de ne pas aller le crier sur les toits), Severus s'était vu accorder par le directeur de Poudlard une pièce personnelle pour pouvoir s'entraîner à l'art des potions en toute tranquillité.

- Elle me convient parfaitement monsieur le directeur, et je vous en remercie encore.

 

 


 



Cet hébétement... Le Serpentard était encore sous le choc. Il tourna sa tête à droite et à gauche en sortant de la salle de cours. Il était tout juste seize heures.

- Qui est-ce que tu attends, Snape ? Ta petite amie ?

- Occupe-toi de ce qui te regarde, Potter, répliqua Severus qui se sentit brusquement redevenir lui-même.

- Tu vas attendre combien de temps ?

- Hum, je crois que tes domestiques t'appellent, là-bas... (il désignait Lupin et Pettigrew) Il paraît que Black s'est réveillé ? Déjà que je doutais de l'intégrité de son cerveau... ce cognard n'a pas dû arranger les choses.

Un éclair de mépris traversa les yeux de James.

- Il aura beau être frappé par tous les cognards du monde, lâcha le Gryffondor, il ne sera jamais plus répugnant que toi.

Il laissa un Severus se mordant les lèvres près de la porte du cours et rejoignit ses amis qui l'attendaient pour se rendre à l'infirmerie. Une fois sur place, ils constatèrent qu'Eric Salinger, le capitaine d'origine moldue, s'y trouvait déjà. Sirius Black était toujours alité, mais il tenait dans ses mains une pochette de disque et semblait tout excité.

- Tu vas mieux depuis ce matin ? demanda James.

- Oui, ne vous inquiétez pas pour moi, répondit Sirius. Ah les gars, je suis content de vous voir ! Eric m'a amené un truc marrant, regardez... C'est un disque moldu. Regardez le type, là, vous ne trouvez pas qu'il ressemble à Snape ?

- C'est vrai ! Tout en noir avec de longs cheveux gras... Regarde Peter.

- En fait ils ressemblent tous un peu à des sorciers dans ce groupe.

- C'est peut-être des sorciers, dit Remus. Regardez le nom... « Black Sabbath »...

Salinger éclata de rire.

- Le guitariste est un peu barge mais je crois que c'est pour le décorum, dit-il.

Ses quatre jeunes compères le regardèrent comme s'ils s'attendaient à obtenir une traduction.

- Il lui ressemble vraiment, murmura Sirius.

- Tu fais quoi l'an prochain, après tes ASPIC ? demanda James.

- Du Quidditch dans une grande équipe ? proposa timidement Peter.

- J'y avais pensé, répondit Salinger. Mais vu ce qui se passe en ce moment avec les mages noirs, je préfère essayer de travailler au Ministère. Ils ont besoin de bras. Je crois que c'est mon devoir de le faire, même si je dois abandonner le Quidditch.

- Tu veux être Auror ? demanda Remus.

- Pourquoi pas.

- Ça me fait trop rire, dit Sirius.

- Quoi ?

- Ce type qui ressemble à Snape.

- On a compris, Sirius.

- Bon, j'y vais petit elfe, rétablis-toi bien !

Salinger gratifia Sirius d'une légère tape sur l'épaule et sortit.

- Tu me feras écouter « Pink Floyd » ? s'exclama Sirius.

- Oui, je n'oublie pas...

- Tiens, je t'ai ramené tes livres préférés, intervint Remus, en sortant des volumes de son sac. Ça t'occupera.

- Merci. Ma pauvre tête doit ressembler à cette table de nuit fracassée par Peeves, gémit Sirius. Je n'ai pas osé me regarder dans un miroir depuis que je me suis réveillé.

- Tu n'as pas vraiment changé, le rassura James.

- C'est vrai, confirma Peter. Tu ne veux vraiment pas te regarder ?

- Bah, de toute façon ça ne changera pas grand-chose, dit Remus avec un léger sourire. Tu étais déjà très laid avant.

- Ouais, il a raison, fit James. Tu étais affreux.

- Je sais.

- Pff... On sait que tu es beau, et que tu plais aux filles, Sirius !

- Il veut qu'on le lui dise...

- Je vous trouve mieux que moi, murmura Sirius sans être entendu.

- Ah, je me demande la tête que tu aurais si tu étais un chien...

- J'ai déjà réussi à me faire apparaître les oreilles et les pattes, donc je les ai vues, expliqua Sirius, retrouvant d'un coup toute son animation. J'ai hâte d'y arriver. J'y ai réfléchi, on pourra faire plein de choses quand on aura réussi ! Déjà, on pourra voir Remus en loup. Et quand je serai cet énorme chien, je pourrai enfin réussir à battre Remus à la lutte. Je serai le champion du plaquage.

- Ne te vante pas trop vite, répliqua Remus en faisant craquer ses phalanges.

- Au fait, coupa Peter. Qu'est-ce qui t'est arrivé pendant le match, Sirius ? Tu n'es pas obligé d'en parler mais... En fait juste avant que tu tombes il s'est passé quelque chose de bizarre...

- C'est vrai. Tu ne participais plus du tout au jeu.

Sirius se redressa et cala son oreiller derrière son dos.

- « Bizarre »... C'est bien le mot. Je n'en ai qu'un vague souvenir, sans doute que ce cognard a dû l'abîmer. Vous vous rappelez quand les Serpentard m'ont entouré ? Ils étaient vraiment effrayants – non ? – avec leurs manteaux à capuche tout noirs à cause de la pluie. Et vous avez vu quand ils se sont approchés de moi ? Tous en cercle. Et ils m'ont comme dit des choses... sans parler. J'ai entendu mes os qui cliquetaient... et mon cœur qui battait... et c'était comme si tout d'un coup plus rien n'avait de sens, comme si je ne pourrais plus jamais ressentir de joie. J'ai du mal à l'expliquer avec des mots en fait... Enfin, maintenant c'est passé, et je ne m'en souviens presque plus, je n'arrive plus à le ressentir. Tant mieux d'ailleurs.

- Les Serpentard ne t'ont jamais entouré, Sirius, dit James, le visage inquiet.

- Je trouvais cela bizarre, encore, répondit Sirius en riant. J'en ai parlé à Eric tout à l'heure. Il dit que c'est comme si j'avais fait un « mauvais trip ». Il pense que j'ai eu une hallucination à cause de la fatigue. Ou alors que je « fumais trop » et que « ça expliquait tout »... Je me demande ce qu'il voulait dire par là.

 

 


 


Après avoir vainement attendu Lucius Malefoy pendant une dizaine de minutes, Severus pensa qu'il ferait mieux de rejoindre les appartements de sa maison.

Dans la salle commune, Rosier et Wilkes, les presque inséparables, avaient investi les deux fauteuils les plus moelleux, chauffant leurs têtes d'endives, leurs poings et leurs grands pieds près de l'âtre ; deux de ses camarades de classe, Daisy Ollivander et Julius Baxter, papotaient ensemble. La plupart des élèves étaient cependant occupés à étudier. Alexandre Avery écrivait en silence, les yeux mi-clos derrière ses lunettes aux montures épaisses, son furet perché l'épaule lui mordillant le lobe de l'oreille. Bellatrix lisait elle aussi, mais en lévitation, assise dans l'air, tandis qu'Angus Russell faisait le tour de la salle en tenant sa baguette devant lui.

- Qu'est-ce que tu furètes, Gussie ? s'enquit Bellatrix de sa hauteur.

Le jeune homme, d'habitude si gentil et compréhensif avec tout le monde, lui adressa un regard glacial qui aurait effrayé un Détraqueur.

- Oh Black prends-le de moins haut, tu veux ? Ce n'est pas parce que ta mère t'a obligée à marcher avec des bouquins sur la tête pendant toute ton enfance que cela te donne le droit de mépriser tout le monde. Et je vous rappelle que dans une heure certains de vous ont une retenue.

- Nous n'oublions pas, lança Rosier. Salut, Severus.

- Bonsoir, Evan.

- Je suis sûr qu'elles sont là haut, se chuchota Angus à lui même en continuant à marcher, puis en montant l'escalier.

- Tu sais quoi Béatrice ? fit Avery. Je crois qu'il ne t'aime pas.

- J'avais remarqué.

- Vous n'auriez pas vu Lucius Malefoy ? demanda Severus de la voix la plus neutre possible.

- Il vient de partir à ta recherche, justement, répondit Avery. Il était occupé à son travail de spé' et il n'a pas vu le temps passer. Je pense qu'il ne devrait pas tarder à revenir.

Ces mots soulagèrent Severus ; se rappelant alors qu'il avait quelque chose à demander au préfet, il monta au dortoir.

Le dernière année arpentait la vaste pièce et sa vingtaine de lits, sa baguette oscillant faiblement de droite à gauche. Il y avait peu de gens que Severus appréciait à Poudlard. Angus Russell en faisait partie : malgré son visage agréable et ses cheveux impeccables, c'était un élève sérieux, respectueux du règlement devant lequel tous étaient égaux, et il l'avait plusieurs fois sauvé des méfaits de Potter et Black.

- Angus ?

- Oui ?

- Hum... Que fais-tu exactement ?

- J'essaye de sauver le jeune Walden Macnair de la déchéance.

- J'étais curieux de savoir... comment tu avais appris à lire sur les lèvres.

- Dans un livre. J'ai aussi appris à reconnaître les signes du mensonge... Ça peut être très utile pour un préfet. Ça t'intéresse, Snape ? Je peux te le prêter si tu veux...

- Oui, merci.

- Et tant que j'y pense, ajouta le brun avec un sourire complice, la formule qu'il te faut, c'est « Capillus Grassus ».

- Comment ça ? répondit Severus avec méfiance.

- Si tu veux faire une beauté aux cheveux de Potter. Car c'est pour Potter que tu as besoin de ce livre, je me trompe ? Et, si tu veux rajouter quelques petits animaux, c'est « Milliari Vermiculi »... Celle-là, c'est moi qui l'ai inventée, il y a quelques années. Mais... ne dit à personne que c'est moi qui te les ai données. Et sois discret, la règle d'or ! Oh oh... Je crois que tu brûles, Angus...

Sa baguette oscillait comme le battant d'une pendule. Il s'arrêta devant un tapis, près du lit de Macnair, le souleva.

- Dalle sonnant creux. Voyez vous ça, une belle bouteille de vin de sureau... Toi ma petite, tu vas finir dans la cuvette des toilettes !

Le préfet sortit la bouteille de sa cachette et partit dans la salle de bains.

Severus redescendit, songeant avec plaisir à la tête que ferait Macnair quand il trouverait sa réserve vide. Sa joie fut de courte durée car Lucius Malefoy venait d'entrer : il le vit se diriger vers la personne qui lévitait près d'Avery. La main gauche ivoirine encore marquée par les griffures de la beuglante pendait dans le vide sous la jupe plissée, à la hauteur du visage de Lucius. Le blond Serpentard tendit le bras, saisit la main de Bellatrix et y déposa un baiser.

- J'espère qu'elles ne te font plus mal, dit-il d'une voix douce en posant ses yeux gris sur les yeux sombres de la jeune fille.

Un frissonnement parcourut Severus de la tête aux pieds. La pudeur le fit détourner rapidement le regard ; pour rencontrer celui, interrogateur, d'Avery. Avait-il remarqué sa réaction ? Et lui-même, avait-il vraiment tremblé, ou le frisson qu'il avait ressenti n'avait pas dépassé les limites de sa peau ?

- Enlève tes sales pattes de ma main, Malefoy, répondit Bellatrix.

La gêne fit rougir Severus, gêne d'être pris en flagrant délit d'émotion forte, qu'on découvre son attachement (il ne trouvait pas d'autre mot pour qualifier ce fait de se sentir concerné par une personne en particulier qui pourtant rationnellement ne devrait vous être rien) à Lucius Malefoy, qu'on découvre qu'une telle scène le gênait, que Lucius Malefoy était susceptible de provoquer chez lui des émotions fortes. Un attachement tout à fait ridicule et inexplicable selon Severus, donc d'autant plus honteux. La dernière fois qu'une semblable chose lui était arrivée c'était à l'école primaire de Londres. Il était en première année et il y avait une petite fille qu'il n'osait pas regarder. Elle non plus ne le regardait jamais, mais il doutait que ce fut pour la même raison.

- Lucius, intervint Avery, Severus est là. Je crois que tu le cherchais.

- Excuse-moi pour le contretemps, dit Lucius sur le ton de quelqu'un qui ne s'excuse pas.

- Bellatrix le fait rougir, ajouta Avery en se tournant vers Severus avec un sourire de renard.

- Je préfère encore sortir avec Severus qu'avec Malefoy, décréta Bellatrix.

- Tu as entendu Severus ? Tu as une touche, profites en, lança nonchalamment Lucius. Cela fait des mois qu'elle me repousse avec la plus grande cruauté.

- Tu vas sortir avec Bellatrix, Snape ? s'exclama Julius Baxter qui venait de capter un morceau de la discussion.

- Pas du tout ! protesta son camarade de classe comme si on l'accusait d'un crime.

- Severus est un garçon sérieux, déclara Lucius qui s'approcha de lui en le fixant des yeux sans aucune gêne. Il a autre chose à faire que flirter. On monte ?

L'usage du prénom, le regard à la fois pénétrant et délavé, l'association de « flirter » à « on monte » faillirent faire chanceler le petit Serpentard.

- Tu vas bien ?

- Oui, assura-t-il l'air nauséeux.

Lucius eut une moue de doute-étonnement et monta l'escalier qui menait au deuxième dortoir des garçons.

- J'ai des livres qui pourraient t'intéresser chez moi. Notre bibliothèque est très ancienne et très fournie. Mon père m'y a posé quand j'avais cinq ans, comme on pose un bébé au milieu d'un parc. Je les ai presque tous lus. Pas forcément compris par contre.

De l'humour sans sourire. Il se dirigea vers son bureau. Angus sortit de la salle de bains et quitta la pièce.

- Assieds-toi. Il paraît que tu es fort en potions. J'ai des livres très intéressants sur les poisons. Tu aurais du mal à les trouver ailleurs. S'il y a quelque chose qui t'intéresse... Tu as fini le bouquin de nécromancie que tu lisais à la bibliothèque ?

- Oui. Il était intéressant, répondit Severus de sa voix déjà grave et coupante.

Il essaya de se mettre à l'aise alors que son cœur battait moins vite, appuyant ses coudes sur la table et posant son visage entre ses mains.

- Et tu lis quoi en ce moment ?

Le sombre adolescent risqua un coup d'œil sur son camarade, ces flammèches d'or pâle purement émouvantes, aussi brillantes que des aiguilles qu'on vous enfoncerait dans la chair. Il éprouva à nouveau cette douleur d'une adhésion aussi totale pour une chose, plus une intensité insoutenable en fait qu'une douleur, un émerveillement intense baigné d'une joie incrédule. S'il y avait bien une chose qui ne lui déplaisait pas dans la vie...

- Je ne me souviens plus du titre... Il est sur mon bureau.

Il était si heureux qu'elle existe. Cette petite pensée ridicule allumait une fournaise au centre de son corps. Il se pencha légèrement, comme s'il ployait sous son poids.

- Attends, je vais le chercher.

Lucius se leva et rejoignit lestement le bureau de son camarade.

- Désolé, je crois que j'ai fait tomber le marque-page.

Il se baissa pour le ramasser.

- Tiens, une Chocogrenouille... Ne me dis pas que tu fais la collection ? Oh. « Numéro un de la Sécurité au département de la justice depuis 1971, le Grand Auror a vaincu en combat singulier le géant Beornid en 1972 et a assaini la Roumanie. Ce sorcier très puissant a gardé jusqu'à présent son identité secrète pour mener à bien son combat contre les forces du mal. » Très amusant. Le Grand Auror... Tu sais ce qu'on raconte sur lui ? Ses parents auraient été tués par des mages noirs, c'est pour cela qu'il serait devenu Auror. Il a été nommé chef à l'arrivée de Croupton. Ce qui se passe en ce moment ne doit pas lui plaire... Tu sais, de plus en plus de gens se rallient à ses idées, même si cela reste secret.

- « Lui » ?

- Voldemort.

Il observa sa réaction. Severus n'en eut aucune. Son visage demeura impassible. Lucius sourit en le fixant de ses yeux pâles, il en ressentit un pincement dans le thorax. Il y avait quelque chose d'enfantin dans ce sourire.

Comment un homme peut-il être aussi beau ?

Lucius demeura plus d'une heure avec lui dans le dortoir vide à parler de poisons. Plus jamais il ne le snoba. Il le saluait quand ils se croisaient, et au cours des jours qui suivirent il vint même plusieurs fois discuter avec lui. Severus comprit que Lucius était beaucoup plus important à ses yeux que ne l'avait été la petite fille de l'école primaire. Cerise sur le gâteau, Gilderoy Lockhart ne venait plus l'exaspérer, sans doute s'était-il trouvé un bon élève de sa maison sur qui copier. Les journées sans Black passaient vite. Début décembre, le classement des dix meilleures moyennes pour le premier trimestre fut affiché dans le hall…

« Vous avez vu ? Russell a vraiment grimpé ! »

« Comme quoi ça sert de faire le gentil toutou avec les profs... »

« En tout cas il n'aura aucun mal à entrer au Ministère avec de telles notes. »

« Trop fort ! Snape et Black sont tous les deux seconds... »

La publication de ce classement eut immédiatement des effets divers.

Le meilleur élève de l'école reçut dans l'heure suivante de nouveaux surnoms de ses détracteurs. À « 160 », qui le suivait depuis l'époque où son ami Alan Jodorowsky lui avait fait faire un test d'intelligence moldu, et à d'autres en rapport avec un ustensile ménager que nous tairons par égard pour sa dignité personnelle, s'ajoutèrent désormais les charmants sobriquets de « Lèche-bottes numéro 1 », « Grosse tête de Poudlard », et, issu notamment de la partie la plus conservatrice et anti-russellienne de Serpentard, à ce moment-là occupée à se passer négligemment la main dans ses longs cheveux noirs épais et brillants, « Crétin de Premier Rang » .

Loin de tout ce tapage médiatique, le deuxième meilleur élève de Poudlard s'efforçait pour sa part de passer le temps dans l'infirmerie comme il pouvait, occupant sa prodigieuse intelligence à la mise au point d'une version inédite et sophistiquée de la Bombabouse, qu'il dédia à James Potter en l'honneur de leur « immarcescible amitié ». Le dédicataire, trop ému pour prononcer un mot, reçut le prototype dans ses mains les yeux mouillés, du moins jusqu'à ce que l'invention, qui ne devait pas être encore complètement au point, explose à pleine puissance. De retour de la lingerie, Pom-Pom poussa un cri en voyant l'état de son dispensaire et bientôt il fallut ranimer l'infirmière.

Quant au deuxième meilleur élève ex-aequo de Poudlard, il continuait à s'entraîner à lire sur les lèvres afin de compléter son ouïe aiguisée et faire renvoyer, d'un coup de coude discret et serpentin, le fléau qui partageait injustement sa marche du podium.

Et il eut bientôt quelque chose d'intéressant à entendre... À en croire James Potter, Sirius Black avait des moments d'angoisse le soir venu : la peinture verte peut-être, l'odeur écœurante des plantes médicinales et des désinfectants sans doute, et la nuit, lorsque les médicaments ne faisaient plus effet, il était réveillé par la douleur. Remus proposa donc à ses compagnons une visite nocturne, histoire de remonter le moral du convalescent et de lui montrer que ses amis étaient là.

Le sagace Serpentard se devait de sauter sur l'occasion. Bientôt Black serait de retour, et plus rien ne retiendrait Potter de combiner avec la pie aux yeux bleus d'ignobles façons de le ridiculiser. Severus avait presque fini par s'habituer à cette accalmie, l'appréhension due à la future reformation du duo infernal n'en était donc que plus forte. De plus, être humilié devant son nouvel ami, Lucius Malefoy, ne le tentait guère.

L'attention de ce jeune homme le rendait heureux. C'était autre chose que ces petites satisfactions cruelles, les maigres bonheurs de la vengeance, qu'il réussissait de temps en temps à obtenir de ses tortionnaires. Autre chose que les compliments des professeurs, car bien que cette estime l'emplît d'une joie plus haute que tout, elle était trop ternie par l'idée que Black et Potter y avaient également droit. C'était quelque chose à la fois plus puissant et plus subtil, répandu dans tout son corps. Indéniablement physique, voire physiologique. Il se sentait plus léger, quand il marchait, quand il dormait, et les heures passaient vite. Comme si on avait dilué dans tout son sang un peu de l'alcool de Macnair, ou ôté de celui-ci une humeur mauvaise qui lui parasitait tout le corps.

Pff. D'une façon ou d'une autre, ils allaient tout gâcher bien sûr. Mais cette fois, il aurait du mal à le supporter. La seule vue du faciès perfide de ce sale hypocrite de Potter lui donnait des tics. Il devait quitter Poudlard. Il fallait plus que jamais que lui et ses sous-fifres soient renvoyés. Il en allait de sa santé mentale.

Le jeune Serpentard réfléchit. Il trouva un stratagème imparable pour les faire surprendre par Rusard sans être lui même puni.

À l'heure où les Maraudeurs devaient être auprès de leur camarade, il sortit sans bruit des quartiers de sa maison et se mit en quête du concierge. Les miaulements de Miss Teigne l'avertirent bientôt qu'Argus Rusard ne devait pas être loin.

« Qui va là ! C'est encore toi, Peeves ! Non... J'entends de petits pas d'élève... Oui, tu les as sentis toi aussi ma jolie... »

- Monsieur le concierge ! s'exclama Severus en se jetant brusquement en travers de son chemin.

- Oh... qu'y a-t-il encore ?

- J'ai très mal au ventre... Alors je voulais savoir si je pouvais aller à l'infirmerie...

- Petit menteur... grogna Rusard. Tu t'es fait surprendre et tu cherches à filer en douce, oui...

- C'est la vérité monsieur Rusard, insista Snape en essayant d'arborer une expression de douleur.

- Eh bien puisque tu tiens tellement à aller à l'infirmerie, je vais t'y accompagner...

Le Serpentard se réjouit intérieurement ; Rusard était si prévisible... Ils se rendirent immédiatement à l'infirmerie. Le concierge fit signe à Severus de faire silence en entendant les bruits de conversation qui venait du dispensaire.

Il entra brusquement dans la pièce, sa lanterne éclairant Remus Lupin, James Potter et Peter Pettigrew, assis près de Sirius Black.

- Alors mes agneaux, on fait des visites nocturnes ? Vous savez que c'est contraire au règlement ?

- Snape... cracha Sirius.

- Allez, retournez dans vos chambres, et j'en parlerai à votre directrice ! Avec toutes les âneries que vous avez faites depuis le début de l'année, ça ne m'étonnerait pas que vous soyez renvoyés...

Les Maraudeurs se levèrent et le rejoignirent en file indienne avant de sortir.

James marmonna une insulte en passant devant Severus, puis Peter lui lança un regard se voulant impressionnant. Enfin Remus se tourna vers lui et lui enfonça des yeux si méprisants que Severus en ressentit de la peine, sans savoir pourquoi. Cela troubla légèrement sa satisfaction pourtant immense, et Rusard lui trouva l'air bien réjoui pour quelqu'un censé être en proie à de fortes douleurs abdominales.

 

 

à suivre

 

 

 

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