The Cadence of Part-time Poets

Harry Potter - J. K. Rowling
M/M
NC-17
The Cadence of Part-time Poets
Summary
“Ils sont… chaotiques,” déclara fermement Remus. “Et le chaos, c’est—”“Rock and roll.”Il lança un regard perçant à Sirius et, pour une fois, lui rendit son sourire. “Ouais.”“Alors peut-être que c’est mon excuse,” dit Sirius. “Je sème un peu de chaos maintenant, et peut-être qu’un jour, ça deviendra du rock and roll.”Après avoir perdu sa mère à onze ans, Remus a passé la majeure partie des quatre dernières années à faire le tour des écoles ou à courir dans Londres en prétendant ne pas être le garçon bien élevé que son père l’avait éduqué à devenir. Maintenant que toutes ses chances se sont épuisées, il est envoyé à Hawkings Independent School dans une ultime tentative pour redresser la barre. Là-bas, il rencontre les personnes qui marqueront le reste de sa vie et est forcé d’affronter les morceaux de lui-même qu’il pensait avoir perdus depuis longtemps.
Note
Coucou! Voici ma traduction de l’œuvre incroyable qu’est TCOPTP, écrite par la merveilleuse mostwolo!J’ai vu qu’il y a déjà une traduction en français mais il n’y a a que 8 chapitres donc je me devais de continuer, pour le bien des francophones ;)N’hésitez pas à me notifier de quelconque faute d’orthographe ou de grammaire, je jongle entre études et traduction donc je suis parfois HS hahaBonne lecture!PS:Certaines phrases sont en français dans la version originale, car quelques personnages parlent français. J’ai décidé de les laisser en français mais de les souligner afin que ça reste compréhensible, car c’est important dans certains passages.J’espère que vous comprenez ce que je veux dire :)
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Les Coins et Fissures

Got a feeling inside (can’t explain),
It’s a certain kind (can’t explain);
I feel hot and cold (can’t explain),
Yeah, down in my soul, yeah (can’t explain)...

- “I Can’t Explain” The Who, 1965

 

Il avait fallu une semaine aux autres garçons pour comprendre comment Remus avait passé ses vacances de Pâques, et c'était après qu'il ait été arrêté deux fois par ses nouvelles connaissances ; une fois dans la salle à manger par Renata et une autre fois quand Audrey et Alice l'avaient appelé alors qu'ils se dirigeaient vers la salle de sport.

"Que voulait Renata ?" demanda Peter la première fois.

Remus haussa les épaules en engloutissant les œufs. "Rien."

Sirius jeta un coup d'œil par-dessus l'épaule de Remus. "Qui est Renata ?"

"C'est l'une des amies de Sim", dit Peter.

Ils lancèrent tous des regards à Remus, impatients, mais il les ignora, la tête baissée sur son petit-déjeuner, le livre sur les genoux. Il devint plus difficile par la suite de les convaincre que rien ne s'était passé après qu'ils eurent vu Alice lui donner un sachet de tabac à priser. C'est pourquoi, après de nombreuses insistances de Sirius, Remus finit par avouer.

"Je n'arrive pas à y croire", s'exclama Sirius d'une voix étouffée, "tu as pris de l'acide sans nous ?"

"Vous n’étiez pas vraiment au bon endroit."

"James, il n’est même pas repentant !"

"Laisse Remus prendre ses psychédéliques en paix, Sirius."

"Oui", dit Remus, "laisse-le faire."

"Tais-toi, Lupin, espèce de traître. C'est comme les cigarettes, encore une fois : tu continues à nous cacher des choses. As-tu d'autres grands secrets à partager ? Tu cultives peut-être aussi du haschisch dans les jardins de l'an treize ?"

"Mon Dieu, tu es une drama queen."

"Et tu es un sale traître."

"Faut-il toujours que tu fasses un spectacle ?"

" 'Le monde entier est une scène', alors autant en faire ta chienne."

"Nous sommes à l'église", fit remarquer James dans un murmure.

Lily se pencha sur les genoux de Remus. "Oh, tu viens juste de remarquer ?"

Sirius se pencha également, touchant presque son nez du sien. "C'est impoli d'interrompre une conversation, Evans."

"Espace personnel, s'il vous plaît !" siffla Remus en pinçant le nez de Sirius, le faisant s'asseoir et retomber sur James. Un instant plus tard, Marlene les regarda et leur lança un regard perçant, puis tout le monde resta silencieux.

Rouler du tabac avait au moins été un succès pour Sirius. Selon lui, c'était une compétence bien plus utile que tout ce qu'ils étudiaient pour les examens, mais Remus ne put s'empêcher de remarquer la légère jalousie de l'autre garçon en apprenant que c'était Simeon qui le lui avait appris. Malgré tout, la plupart de ses souvenirs de son passage avec la bande de Byron House étaient pour le moins inégaux, mais c'était en grande partie grâce à leur amie "Lucy", qui était venue à plus d'une fête, bien que Remus n'ait jamais rien avoué, sauf la première fois.

"Il faut rentrer le bord et le lécher", expliqua Remus en montrant à Sirius la sienne à moitié roulée. "Il doit ressembler à un petit canoë, mais il ne faut pas qu'il soit trop fin à la fin."

Ils s'étaient installés à l'extérieur du bloc Galilei, nichée entre le mur extérieur du laboratoire de chimie de Sirius et une dépendance servant de stockage. Depuis, ils étaient passés du tabac au haschisch. Malgré les tentatives de Remus pour l'instruire, Sirius en était ressorti plus d'une fois avec ce qui ressemblait à de l'origan pulvérisé sur le bout de la langue.

"Putain", dit Sirius en crachant. "J'arrive pas à comprendre. Pourquoi j'arrive pas à comprendre ?"

"On ne peut pas être parfait en tout, Black."

"Hmph. Bref, tu les finis alors."

Sirius s'adossa au mur de briques et posa un pied sur un genou, levant les yeux vers le ciel bleu au-dessus d'eux. Cette cachette était l'une de ses préférées depuis que Remus l'avait trouvée en janvier et l'avait notée sur son plan du campus, qui était devenu progressivement un fouillis de gribouillis, mais qui contenait néanmoins tous les secrets qu'il avait découverts sur l'école jusqu'alors. Le plan lui-même restait en grande partie secret. Sirius finirait par le débusquer (il avait un flair de chien de chasse pour les affaires des autres), mais pour l'instant, Remus se contentait de ne partager que de petits détails de lui-même à la fois. Ainsi, il serait moins blessé quand les choses finiraient par lui revenir en pleine figure.

Pendant que Remus travaillait, Sirius attrapa sa guitare. Ils avaient tous deux apporté leurs instruments sans même en discuter, comme s'ils s'accordaient tacitement sur le fait que leurs répétitions communes leur avaient manqué. Avant Pâques, Remus était trop nerveux pour jouer de la basse en dehors des cours de musique, et même là, il n'avait joué que sur la pointe des pieds sur les morceaux que Sirius l'avait aidé à jouer. Jouer uniquement ce que Buchanan lui avait assigné – principalement des exercices et des symphonies écrites par des Jerrys disparus depuis longtemps – était facile, et peu importait qu'il paraisse ringard, les morceaux eux-mêmes l'étaient déjà.

Jouer pour les amis de Simeon avait fini par être amusant, et Remus avait volontiers passé du temps avec le groupe jusqu'à leur retour de vacances. Mais jouer devant Sirius était devenu, disons, plus sérieux. Avec les autres, il s'agissait simplement de passer le temps, de combler le silence pour oublier leurs responsabilités, comme les examens et la remise des diplômes imminente. Remus, en onzième année, avait le meilleur des deux mondes : moins d'examens à gérer et seulement la fin du trimestre à attendre. Chaque fois qu'il s'imaginait jouer pour Sirius plutôt que pour Simeon, il ressentait une sensation désagréable au creux de l'estomac, incapable de dire si c'était de l'excitation ou de l'appréhension. Il avait donc complètement arrêté d'imaginer et avait laissé Alice le droguer jusqu'à la fin de la semaine. Après cela, il se contentait de faire comme si les soirées intimes se déroulaient dans un monde séparé de la réalité, et il ne recherchait plus les plus grands. Il aurait menti s'il avait dit que ce n'était pas agréable d'être reconnu par ceux qui ne le connaissaient pas seulement grâce à leurs cours ou à leur vie commune. Il fit un signe de tête à Simeon et Deacon depuis l'autre côté des talus, comme il l'aurait fait s'il croisait une connaissance de Tomny dans la rue, et laissa Renata lui pincer la joue lorsqu'elle le salua dans le couloir. Sirius le remarqua, bien sûr, et posa toujours des questions, mais Remus avait passé la moitié du temps avec eux complètement défoncé et ne pouvait donner que peu de détails.

"Je parie que si tu démontais le reste de tes clopes, tu pourrais récupérer leur tabac", songea Sirius, ses doigts dansant sur les cordes de la Rickenbacker jusqu'à ce qu'il tombe sur une fausse note et grimace. "Il faut changer les cordes."

"Ils brûleront moins bien", dit Remus en léchant le joint pour le sceller. "Je ne suis pas encore très doué pour rouler."

"Tu le seras."

Remus posa le joint terminé et, penaud, attrapa son étui, rapprochant la basse de lui. "Je peux jouer 'Sweet Emotion' en entier maintenant."

Se redressant, Sirius interrompit son jeu. "Ah oui ?"

Remus répondit en sortant sa Fender. Se redressant, il la posa sur ses genoux et joua avec les touches avant de pincer légèrement les cordes pour s'échauffer les doigts. Lorsqu'il commença à jouer, le début du morceau était nettement décousu et un staccato involontaire, mais au milieu, il s'était suffisamment détendu pour y donner un peu de rythme. Toujours incapable de jouer sans garder les yeux fixés sur les cordes, Remus dut attendre d'avoir terminé le morceau avant de lever les yeux pour évaluer la réaction de Sirius. Ce faisant, il constata que ses sourcils parfaits s'étaient haussés sur son front de surprise.

"Tu as fait ça en une semaine ?"

"Bah non, nous y travaillons depuis octobre."

"Tu ne jouais pas comme ça en octobre !" déclara Sirius. "T'as fait quoi, t'as mangé la partition ?"

"Non, espèce d'idiot. J'ai juste eu beaucoup de temps pour m'entraîner sans toi, James et Pete pour me distraire."

" Eh ben merde. Peut-être qu'il y a de l'espoir pour notre groupe, après tout. "

"Pas à moins que tu n’aies commencé à apprendre la batterie à Peter hier."

"Ha !" s'exclama Sirius. "Je savais que tu étais investi dans l'idée. Tu peux juste compenser le manque de Pete avec tes incroyables lignes de basse."

Remus baissa la tête, les joues rouges. "Je ne connais que quelques chansons, et aucune n'est 'Stairway to Heaven', alors calme-toi."

Sirius esquissa un sourire facile, celui qui adoucissait ses yeux. "Tu as le droit de te la péter, parfois, tu sais. Être fier, tout ça. Tu as très bien joué."

"Pourquoi devrais-je faire ça alors que tu te la pètes suffisamment pour nous deux ?"

"À quoi sert un leader ? À part être beau, je veux dire."

"Tu as plus confiance en toi que Jagger, Black."

"Oh, attends un peu, dans quelques années, Jagger priera pour être aussi beau que moi."

Un sourire éclaira le visage de Remus et Sirius le lui rendit en lui donnant un petit coup de chaussure. "Vas-y, joue les autres que je t'ai appris."

* * *

Samedi 1er mai 1976

Apparemment, l'annonce de la victoire de Southampton en FA Cup 1976 fut moins mémorable pour Remus que James ne l'avait prévu. Le match avait lieu un samedi, et des dizaines de garçons avaient passé la matinée et l'après-midi entiers, blottis autour du petit téléviseur de la salle commune de Godric, en bons Britanniques. Les garçons comme James mouraient de faim lorsqu'ils étaient à l'école, car il était rare que la télévision diffuse autre chose qu'un match de championnat.

Par un élan de clémence, Remus était en retenue avec le professeur Loughty, leur professeur de biologie, après avoir chassé le tabouret de Rogue de sous lui pour s'être moqué de Lottie alors qu'elle pleurait en classe. Lottie, qui adorait les animaux et jurait sans cesse qu'elle serait devenue végétarienne sans le poulet cacciatore de sa mère, pleurait à cause des poumons de mouton qu'ils disséquaient, provenant de la ferme de l'école. Malheureusement, Rogue portait un plateau sur lequel se trouvait son poumon et celui de Lily lorsqu'il était allé s'asseoir dans le vide. Le résultat fut une tache sanglante qui laissa le garçon déjà gras éclaboussé de sang de mouton. Le reste de la classe s'était tué de rire, bien sûr, mais le professeur Loughty avait été moins indulgent et avait donné à Remus deux jours de retenue à récurer tubes à essai et béchers. Au moins, Lottie lui en avait été reconnaissante.

Après cela, Remus retrouva ses amis sur la pelouse devant Godric House, profitant des derniers rayons de soleil de l'après-midi. James et Sirius étaient déjà loin lorsqu'il s'approcha, se jouant un ballon de foot. La plupart des gens avaient du mal à suivre le capitaine, même lors de ses jours de repos, mais Sirius tenait si bien la cadence que James n'arrêtait pas de répéter qu'il aurait pu devenir un joueur vedette s'il n'était pas si paresseux en dehors de la musique. Plus près, Lottie et Mary se faisaient bronzer sur des serviettes posées sur l'herbe, en short et haut de bikini, tandis que Lily et Marlene aidaient Peter à boiter dans ses devoirs de maths.

"Remus," appela Lily, le remarquant en premier alors qu'il traversait la pelouse, "tu as fini d'être l'esclave du professeur Loughty alors ?"

"Non, j'en ai encore pour demain, mais je crois que mes doigts vont être ratatinés pour toujours… regarde." Remus se laissa tomber à côté d'elle sur la couverture de pique-nique de Marlene et lui plaqua les mains devant le visage, ce qui fit légèrement frémir Lily et le repoussa.

"Tu sens la pomme", observa Peter. Il était allongé sur le ventre entre les deux filles, ses notes et celles de Lily étalées autour de lui.

"C'est le liquide vaisselle", soupira Remus. Le soleil tapait sur leurs têtes et il y avait peu de vent, ce qui lui donnait chaud sous sa chemise et son pantalon. Il avait été tenté à plusieurs reprises depuis que le temps s'était éclairci de ressortir son uniforme d'été, mais le bas n'était qu'un short gris et Remus ne pouvait s'empêcher d'imaginer à quel point il aurait l'air ridicule sur ses jambes maigres.

"C'est mieux que de sentir la côtelette d'agneau crue", dit Lottie à quelques mètres. À côté d'elle, Mary renifla, puis frappa la cuisse de Lottie.

"Ne me fais pas rire, je vais avoir des rides sur le visage."

Lily se moqua : "Ce n’est certainement pas comme ça que ça marche."

"Ne sois pas si hautaine, Lils. Tu nous rejoindrais si tu n'avais pas si peur d'avoir d'autres tâches de rousseur."

"Oh, ferme-la, toi."

"Parce que tu peux bronzer, Mary ?" demanda Peter en observant la peau brune et riche de Mary.

"Je ne suis qu'à moitié africaine", fit-elle remarquer. "Et ça fait une éternité qu'il n'a pas fait aussi beau, alors laissez-moi frire en paix."

Peter leva les mains et retourna à ses devoirs.

"Remus", commença Marlene. Il se tourna vers elle tandis qu'elle refermait son manuel et vit son visage s'illuminer d'un sourire. "Tu as entendu la bonne nouvelle ?"

Il secoua la tête et elle commença à vibrer pratiquement d'excitation.

"Southampton a remporté la Coupe !"

"O-Oh ?"

"Oui ! Ils ont battu Manchester zéro à un ! Une victoire d'outsider !"

Remus jeta un coup d'œil à Lily, qui affichait une expression indifférente, et lui adressa un sourire crispé. "C'est super, Marls. Santé."

Le sourire radieux de Marlene s'estompa légèrement et elle pencha la tête d'un air interrogateur. "Southampton n'est pas ton équipe préférée ? James m'a dit hier que si."

Remus cligna des yeux. Oh putain.

Était-ce Southampton qu'il avait dit à James soutenir ? C'était il y a si longtemps, ce en putain de septembre. Il avait simplement prononcé le premier nom qui lui était venu à l'esprit à l'époque: était-ce Lee ou Doss qui soutenait Southampton ? Il ne s'en souvenait même plus.

"Bon, eh bien, je suis un peu déconnecté depuis la rentrée", mentit Remus, maladroitement. "Je n'ai pas beaucoup regardé la télé et, tu sais, pas de matchs en direct. Mais bon, c'est super! Ils le méritent bien !"

Le sourire de Marlene revint juste au moment où Remus était frappé à l'arrière de la tête avec le ballon de football de James.

"Vous êtes des branleurs", siffla-t-il en s'emparant de la balle et en la lançant aussi loin que possible dans la direction opposée. Sirius, celui qui l'avait visiblement frappé, sourit et la poursuivit comme un chien qui joue à rapporter. James le regarda s'approcher du groupe et s'arrêter juste à côté de Remus.

"Marlene t'a annoncé la bonne nouvelle, Lupin ?" demanda-t-il en relevant le bas de sa chemise pour essuyer la sueur de son front. Remus détourna brusquement le regard et découvrit que Lily avait fait de même. Leurs regards se croisèrent et elle pinça les lèvres pour étouffer un sourire.

"Euh, ouais, mec", dit Remus, sans lever les yeux, "c'est une excellente nouvelle. Désolé de l'avoir ratée."

"Ce n'est pas grave. Ils feront un récapitulatif et des interviews d'équipe ce soir, alors tu pourras tout rattraper."

"Oh, génial." Bon sang.

"Stokes était une sacrée machine", continua James en s'accroupissant à côté de lui, "il a marqué à la 83e minute !"

Quatre-vingt-trois minutes, bordel ? Que quelqu'un me tue, tout de suite.

"C'était dingue ! On pensait tous que Manchester allait l'emporter. Benjy a commencé à parier à moitié sur la possibilité que Manchester raterait la rencontre en deuxième mi-temps…"

"Parce qu'ils ont commencé plus fort !" intervint Marlene, et James la pointa du doigt avec enthousiasme.

"Ouais ! Mais ils ont manqué leur chance. Ils n'ont rien pu faire passer devant Turner !"

"Je n'en croyais pas mes yeux quand ils sont allés en prolongation ! Leur entraîneur McMenemy a dit qu'ils n'avaient aucune chance !"

"Mince alors, j'ai cru que c'était fini quand Daly a tiré le dernier coup ! Turner aurait pu en laisser passer un, mais il ne l'a pas fait ! Mon Dieu, Remus, tu aurais dû voir les tribunes ! Il devait y avoir cent mille personnes !"

"Le présentateur a dit quatre-vingt-dix-neuf mille ! Je ne sais pas où Wembley les a tous mis", acquiesça Marlene.

Remus hochait la tête, se sentant moins idiot parce qu'il ignorait tout de ce qu'ils disaient, que parce qu'il avait pris la peine de mentir. Il aurait dû encaisser le coup porté à sa réputation dès le début de l'année ; au moins, il aurait été épargné par les diatribes de James.

Ils continuèrent ainsi un moment, et finalement, il parvint à prendre son hésitation pour de la négligence. Quand Sirius se lassa d'attendre, il frappa James avec le ballon de football, ce qui déclencha une partie de poursuite et de tacle entre eux. Peter se leva pour les rejoindre, mais Lily le rapprocha pour ne pas avoir terminé ses devoirs. Tandis qu'il se plaignait des suites d'arithmétique, Remus se traîna jusqu'à Marlene sur la couverture, occupée à consulter son emploi du temps.

"Southampton, c'est ton équipe alors ?" demanda-t-il doucement.

"Oh oui. Toute la famille soutient. Papa a grandi à Portsmouth, mais il a toujours soutenu l'équipe, alors c'est devenu une sorte de blague entre amis."

Remus hocha la tête, puis avoua : "Je suis pas pour Southampton."

"Ah bon ? Tu as une autre équipe alors ?"

"Non. En fait, je déteste le football."

Marlene leva les yeux vers lui et rit. "J'avais compris."

"Vraiment ? Alors pourquoi Potter a-t-il mis autant de temps à comprendre ?"

"Je ne sais pas. Mais tu ressemblais à Lily quand elle essayait de ne pas gronder James et Sirius ; les yeux écarquillés et un sourire, comme si ton visage était trop tendu."

"Et j’avais tellement hâte de faire carrière au théâtre", soupira Remus, la faisant rire.

"Tu es drôle, Remus. Sirius a dit que tu étais toujours si sévère et sérieux, mais il n'a pas raison du tout."

"Quand a-t-il dit ça ?" demanda Remus, indigné.

Marlene se mordit la lèvre, comme si elle réalisait qu'elle avait dit quelque chose de mal. "Oh, il y a un moment, avant Noël, du moins. Mais beaucoup de choses ont changé depuis."

"Le con pense qu'il sait tout de tout le monde…"

"Eh bien, il serait peut-être temps que quelqu'un te rende la pareille", dit Marlene d'un ton léger. "Tu comptes dire à James que tu détestes le foot ?"

"Je ne sais pas. À ce stade, ça pourrait lui briser le cœur. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais il est plutôt du genre à se laisser faire."

"Il va te faire jouer un jour, tu sais. Il te tirera sur le terrain par les oreilles. Il ne le dit jamais, mais je sais qu'il en a marre de jouer contre les filles ; il doit toujours y aller doucement. Pas avec moi, bien sûr, mais tu sais comment c'est."

"Il sera vraiment déçu de moi alors", dit Remus. "J'aurai de la chance si j'arrive à envoyer le foutu truc en ligne droite."

"Bon, tu veux au moins que je résume le match pour que tu puisses faire semblant un peu plus longtemps ?"

Il ne le voulait pas, mais elle semblait impatiente et c'était agréable d'entendre Marlene parler avec tant de passion d'autre chose que de l'école, alors que ses amis étaient assis sous le soleil paresseux de l'après-midi sans un souci, Remus s'est laissé régaler par la victoire extraordinaire de Southampton et pour une fois, il ne se souvenait pas de jours meilleurs.

* * *

Vendredi 21 mai 1976 — Deux semaines plus tard...

"Merci beaucoup pour ton aide, Remus. Je sais que je t'ai empêché de dîner."

"Pas grave. James a dit qu'il me prendrait une assiette pour plus tard."

Mme Buchanan leva les yeux de son estrade, où elle rangeait et triait des papiers. Laissant tomber la dernière chaise, Remus s'épousseta les mains sur son pantalon et se dirigea vers les gradins de la salle, où il avait laissé son sac, le tirant sur une épaule. Ranger après ses études privées en salle de musique ne le dérangeait pas, et Sheila le récompensait souvent avec des partitions supplémentaires qu'elle avait composées elle-même à partir de chansons entendues à la radio. C'était un peu irritant, mais Remus avait commencé à regret à appeler sa professeure par son prénom en passant (mais jamais en face), preuve supplémentaire de la mauvaise influence de Sirius sur son subconscient.

Comme la plupart des cours à Hawkings, les périodes d'étude privées étaient uniques et obligeaient les élèves à changer constamment de salle pour s'assurer de bénéficier de l'aide de tous leurs professeurs. Remus était toujours plus productif lorsqu'il étudiait avec Lily, mais Sheila était suffisamment compétente dans la plupart des domaines pour un professeur de musique devenu chef de chœur, et Remus appréciait la détente qu'il ressentait pendant ses cours, à condition que les instruments les plus bruyants soient cachés.

"Tu t'es vraiment amélioré ces derniers mois, Remus", dit-elle en hochant la tête vers la basse tandis que Remus traversait la salle de classe.

"Je me suis entraîné avec Sirius."

"Ah, et c'est un bon professeur ?"

Remus haussa les épaules. "Quand il le souhaite."

Sheila lui sourit. "As-tu pensé au cours optionnel que tu suivras l'année prochaine ?"

Remus atteignit le bas des marches et marqua une pause. Il n'avait pas du tout pensé à l'année scolaire suivante, ayant passé la majeure partie de sa première année à attendre le moment où ils le vireraient ; mais il était là, neuf mois plus tard, à étudier seul et à viser au moins un 'B' à son examen de biologie moderne. Battre Sirius serait un plus, mais il se disait qu'il n'avait vraiment de chance qu'en littérature ou en histoire.

Hawkings avait fonctionné alors, supposa-t-il. Cette satanée école l'avait ennuyé et l'avait distrait pour qu'il se comporte bien, et hormis quelques retenues minables, son dossier était vierge. Remus n'avait pas eu une année scolaire aussi tranquille depuis ses onze ans. Giles serait si fier – ce qui, pour lui, était synonyme de 'suffisance'.

Sheila sembla interpréter son silence comme de l'indécision et se remit à fouiller dans ses papiers. "Je sais que tu n'as pas eu le choix de faire de la musique cette année, mais si tu n'as rien d'autre en tête, j'aimerais beaucoup te revoir en cours l'année prochaine, Remus."

Il leva les yeux, un peu impressionné qu'une enseignante vienne de lui dire qu'elle le voulait dans sa classe. "Seras-tu toujours ma professeure en tutorat ?"

"C'est possible. Tu sais ce qu'on dit de mes résultats. Peut-être que tu auras… 'obtenu ton diplôme' ?"

"Impossible", dit Remus en secouant la tête, "Sirius dirait que ça devient ennuyeux."

Sheila claqua la langue. "Eh bien, moi aussi je détesterais devenir ennuyeuse." Sortant de derrière son pupitre, elle tendit quelques partitions à Remus. Cette fois, c'était 'I Walk the Line' de Johnny Cash.

"Essaie de maîtriser ça d'ici la fin de l'année", dit-elle. "C'est peut-être un peu répétitif, mais…"

"La répétition c'est la cousine plus relax de la pratique", répondit-il timidement.

"Je savais que tu étais attentif pendant les cours. Maintenant, vas-y, ton dîner t'attend."

Après un signe d'au revoir, Remus laissa son professeur derrière lui et sortit du Bellchant Music Hall. Les élèves allaient et venaient au réfectoire, certains le nez plongé dans leurs cahiers d'examen, d'autres discutant avec leurs amis. Il parcourut une quinzaine de mètres avant que Sirius n'apparaisse, tenant une boîte de poulet Caprese du dîner, ce qui lui fit immédiatement gargouiller l'estomac. Il avait sauté le déjeuner pour aller à la bibliothèque avec Lily et Marlene.

"Comment se fait-il que je ne sois jamais là quand Buchanan te donne ces retenues ?" demanda Sirius en lui prenant l'étui de Fender pour que Remus puisse manger pendant qu'ils marchaient.

"Je n'ai pas eu de retenue", a-t-il dit, la bouche pleine.

"Alors pourquoi t’a-t-elle retenu si tard ?"

"J’aidais à nettoyer."

"Ça ressemble à une retenue pour moi."

Remus l'ignora. "Où est James ?"

"Je ne sais pas. Il est parti après le dîner en disant qu'il avait quelque chose à faire. De la chimie, peut-être ? J'avais les écouteurs, donc je ne l'ai pas vraiment entendu."

"Hm."

"Alors pourquoi restes-tu tout le temps à faire le ménage ?"

"Parce que je peux ?" Les mots furent plus forts qu'il ne l'aurait voulu, mais Sirius se contenta de lui lancer un regard noir et continua son chemin. Remus soupira et referma la boîte.

"Je ne savais pas que tu avais le béguin pour notre professeur de musique", dit Sirius du coin de la bouche.

Remus se hérissa. "Tu es dégoûtant."

"Non, je comprends. Enfin, si tu devais choisir n'importe quelle cougar, Buchanan serait un bon choix – un bon sept sur dix. Un corps correct pour son âge, quand elle ne porte pas ces robes ridicules. Elle a un peu de gris aux tempes, mais beaucoup de mecs aiment ça. Oh, tu n'as pas de complexe d'Œdipe, si ? Parce que ce serait…"

Remus s'arrêta brusquement. "Oh mon Dieu, tais-toi !"

Sirius se retourna pour lui faire face, continuant à reculer de quelques pas avant de s'arrêter. "Je plaisante."

"C’est pas drôle putain."

"Si c'est drôle", dit Sirius d'une voix basse. "C'est putain d' hilarant."

"Non. Ça l'est. Pas."

"Qu'est-ce qui te met dans cet état ?"

" Toi ", gronda Remus. " Maintenant, va voir ailleurs si j'y suis. "

Fourrant le récipient de poulet à moitié mangé dans les mains de Sirius, Remus reprit son instrument et le dépassa en trombe sur le chemin pavé. Il y eut un moment de silence, et il faillit croire que Sirius était resté, avant que l'autre garçon ne lui emboîtât le pas, juste au moment où ils tournaient au coin de House Lane.

"Lupin, je suis désolé. Je ne voulais pas m'en prendre à toi alors que tu passais une mauvaise journée."

"Je n'ai pas passé une mauvaise journée", dit Remus d'un ton appuyé. "Ma journée était parfaite avant que tu y arrive."

"C'était le truc d'Œdipe ? Parce que je n'aurais pas dû dire ça. Je sais que ta mère est…"

"Ce n’était pas à cause de ma mère !"

"Alors je ne sais pas ce qui t’a mis dans cet état !"

"Tu n'écoutes pas ?" demanda-t-il. "Toi ! C'est toi ! Toi et ta grande gueule !"

"Allez." Sirius leva les yeux au ciel. "Ne me dis pas que je suis la première personne que tu rencontres qui aime rire de temps en temps."

"Non ! En fait, tu ne l'es pas ! Je connais plein de gens capables d'être drôles sans gâcher l'ambiance."

" Est-ce que l'une d'elles est Mary ? Parce qu'elle tient son sens de l'humour de moi, tu sais. "

"T'es vraiment un con !" gémit Remus. "Je parlais des autres, des gens hors de cette foutue école !"

Voilà. Ce que Remus refoulait au plus profond de lui depuis Pâques, lorsqu'il avait réalisé à quel point ses prétendus amis et lui se connaissaient peu. C'était là le danger de mener une double vie, supposait-il ; Tomny connaissait une moitié, et Sirius et les autres connaissaient l'autre. Seulement, s'il comprenait pourquoi Tomny ne posait jamais de questions sur l'école ou la maison, il était quelque peu gêné qu'aucun de ses colocataires n'ait jamais posé de questions. Ils exigeaient tant de lui maintenant, mais se fichaient éperdument de qui il était avant de le connaître. Peut-être que ça ne leur importait pas non plus, mais quelle était leur excuse alors ?

Sirius fit la moue. " Eh bien, ils doivent être vraiment géniaux ! "

"Ils le SONT!"

Accélérant le pas, Remus continua d'avancer péniblement, voulant retourner au dortoir par lui-même, mais Sirius le suivit, toujours déterminé à avoir le dernier mot.

"J'ai dit pardon", souffla-t-il, "je ne sais pas ce que tu veux que je fasse d'autre."

"Non, tu ne sais pas, parce que tu ne sais rien de moi. Aucun de vous ne sait."

Remus pouvait à nouveau sentir les yeux de Sirius rouler.

"Putain, de quoi tu parles encore ?"

"Je ne suis qu'un voyou de Londres tombé entre vos mains", a-t-il rétorqué. "Je ne sais rien de vous et vous ne savez rien de moi."

"Attends." Une main se referma sur l'épaule de Remus, le faisant tressaillir violemment. Sirius recula, pivota sur lui-même et leva les mains en signe de reddition. "Qu'est-ce qui te rend si fâché, Lupin ?"

"Je ne suis pas fâché, je fixe des limites entre nous. J'aurais dû le faire il y a longtemps."

"Ouais, d'accord, mais tu pourrais peut-être m'indiquer quelles limites parce que je ne te suis pas."

Remus prit une grande inspiration, essayant de garder son calme. "James parle toujours de sa famille, et j'ai rencontré la plupart des membres de celle de Peter, mais toi… tu es un foutu mystère. Cette école est basée sur la famille, l'héritage et l'argent, et tu essaies de faire comme si tout ça n'avait aucune importance. Comme si les problèmes de ta famille n'avaient aucune importance, comme si mes origines ne changeaient rien !"

Sirius le regarda en plissant les yeux. "Je me fous de ta famille et de tes origines, Remus."

"Bien. Belle conversation alors."

"Lupin", gémit Sirius en l'attrapant tandis qu'il s'apprêtait à passer. Remus ne broncha pas cette fois, mais Sirius relâcha rapidement son étreinte et regarda autour de lui. Ils étaient seuls sur le trottoir, mais il faisait encore jour, et d'autres élèves réfléchissaient et auraient facilement pu les entendre s'ils s'étaient trop approchés.

"Allons là-bas", murmura Sirius, en mettant sa main libre dans sa poche et en se dirigeant vers un petit jardin situé entre Bronte et Finch House. À contrecœur, Remus le suivit et regarda Sirius s'asseoir sur un banc vide, les jambes repliées sous lui. De son angle de vue, Remus pouvait voir l'endroit où le visage enfantin de Sirius laissait place à une mâchoire masculine. Si ses cheveux continuaient à pousser, ils lui chatouilleraient les épaules comme ceux de Jim Morrison, et les filles se jetteraient alors sur lui. Le beau salaud

Remus s'affala sur le banc, sa basse entre les jambes, fixant le jardin comme si ses fleurs pouvaient se faner sous la fureur de son regard.

"Je ne voulais pas dire que je me fichais de ta vie… ou de ta famille…" murmura Sirius, le regard fixé droit devant lui. "Je pensais juste savoir tout ce que j'avais besoin de savoir."

Remus ricana. "Comme quoi ?"

"Je sais comment tu prends ton thé du matin avec plus de sucre que la moyenne des gens en consomme en une journée, et comment tu bouges la jambe quand tu es anxieux ou que tu as juste besoin d'une clope."

"Tu es observateur, dis moi." rétorqua Remus d'un ton sarcastique, et Sirius lui lança un regard noir.

"Je sais comment tu es quand tu es en colère, comment tu t'éteints et refuses de parler à quelqu'un. Je sais que tu n'arrives pas à établir un contact visuel quand tu es gêné. Je sais que tu adores The Who et Queen, mais que tu as une aversion stupide pour Bowie et The Sweet…"

"The Sweet est pas si mal. "

"Mott the Hoople, alors."

"De toute façon, ils ne sont plus bons depuis que leur chanteur est parti."

"Tu comprends ce que je veux dire ?" demanda Sirius d'une voix traînante. "Je sais aussi que tu détestes Noël. Je sais que tu aimes les livres et que tu liras tout ce qu'on t'offre si la personne qui te l'offre te dit qu'elle a apprécié. Je ne sais pas pourquoi tu fais ça, mais tu le fais et tu ne te plains jamais. Tu n'aimes pas qu'on te touche – oui, j'ai remarqué – mais tu ne dis jamais rien quand on te touche, parce que je pense que tu as secrètement peur de blesser quelqu'un."

Remus serra la mâchoire à cela, mais Sirius n'avait toujours pas fini.

"Tu poses des questions dont tu connais déjà la réponse, juste pour que les autres puissent parler. Et je sais que tu as du mal à dormir, mais je… je sais aussi que c'est pas mes affaires."

Entre Bowie et les livres, le regard de Remus s'était atténué. C'était pour le moins inattendu, mais il se sentait aussi partagé. C'étaient des choses que toute personne ayant passé une année entière à vivre avec quelqu'un d'autre pouvait savoir. Il n'était pas sûr que ce soit suffisant.

"Et tu n’as jamais voulu demander pourquoi ?" demanda finalement Remus.

"Aurais-tu voulu me le dire ?"

"... Non."

"Eh bien." Sirius baissa les yeux vers ses mains et la boîte à lunch. "Je pensais que c'était suffisant. La musique, les cigarettes… Je ne veux pas qu'on me juge d'après ma famille. Je voulais être moi – la musique que j'aime – les choses que j'aime… Je veux que ça suffise. Je suppose que je pensais juste que tu étais pareil."

"Je suis pareil !" Remus prit une inspiration. "C'est juste que… Tu es tellement curieux sur d'autres sujets."

Les coins des lèvres de Sirius se retroussèrent. "Seulement les choses amusantes."

Remus ne savait pas quoi répondre. Il serra l'étui entre ses jambes, caressant le vinyle usé de ses doigts, cherchant les fissures sur les bords.

"Réponds à une question", dit-il, "et je ne serai plus en colère."

"Je savais que tu étais en colère. Très bien. Pose ta question."

"Pourquoi as-tu mis la musique si fort ? Je veux dire, quand on est arrivés. Et pourquoi James et Peter avaient-ils toutes tes affaires ?"

"Ça fait deux."

"Fais pas le con."

Sirius sourit comme si c'était impossible. "Ma mère n'aime pas beaucoup la musique – enfin si, mais pas le rock and roll. Si elle savait que j'avais ces trucs – qu'Andy me les avait donnés – elle les prendrait ou les casserait sous mes yeux. Je préfèrerais les renvoyer à la maison avec les garçons et ne pas les avoir de tout l'été plutôt que de la laisser tout gâcher."

Pendant que Sirius parlait, les doigts de Remus avaient trouvé prise dans une partie usée du vinyle de l'étui, et il dut se forcer à ne pas le toucher. "Et le volume… ce foutu bruit ?"

Sirius marqua un long silence, puis murmura : "Le silence est bruyant… Tellement bruyant, Lupin. Le seul moyen de s'en débarrasser, c'est de le couvrir avec autre chose. Deux mois de silence et je… je reviens et tout ce que je veux, c'est du bruit. Je sais que ça torture James et Pete, mais ils le laissent passer parce qu'ils sont de bons amis. Contrairement à moi."

Remus repensa à la cité des Lupin, où l'on n'entendait que les aboiements des chiens et le silence du vide. Les bruits bruyants de l'East End avaient toujours été plus réconfortants en comparaison.

"Je comprends. La maison est… trop calme."

Sirius le regarda droit dans les yeux pour la première fois depuis qu'ils s'étaient assis. "Alors, ça ne te manque pas ?"

Remus détourna le regard, les joues rouges. "Non, mais c'est compliqué. La famille, c'est pas marrant—mais mes amis à Londres, ils sont sympas."

"Alors, ils te manquent, tes potes à la maison ?"

"Ouais, je crois. Ça… J'avais hâte de les voir. Dommage que je n'aie pas pu." Il se pencha pour poser son menton sur le bord de l'étui.

"Pourquoi ne les appelles-tu pas tout simplement ?"

"C'est impossible. Ça ne marcherait tout simplement pas."

"Je comprends", commença Sirius, avec une énergie nouvelle. "Les gars m'ont toujours manqué pendant les vacances… Et ça ne s'arrange pas avec le temps."

"Tu veux dire comme Miles ?"

S'il n'avait pas regardé de travers en posant la question, Remus aurait peut-être manqué la façon dont Sirius s'était à nouveau dégonflé, les yeux écarquillés de surprise. Il regrettait presque d'avoir abordé le sujet, mais il supposait que c'était tout naturel après avoir passé la majeure partie de l'année à éviter complètement le sujet. Aucun d'eux n'avait mentionné l'ancien colocataire de 4A depuis leur dispute avec Sirius dans l'escalier du balcon de l'église avant Halloween. Cela semblait remonter à une éternité. Il aurait fallu dix mains pour compter tout ce qui avait changé depuis, tout ce qu'il avait appris sur ses camarades d'école et ses amis à la maison.

"Oui", commença Sirius en baissant les yeux, "mais je crois que ça s'est amélioré. Au début de l'année, j'étais encore très en colère, et je crois que je m'en suis pris à toi. Je te voyais comme une sorte d'envahisseur, peut-être. On avait toujours été que tous les quatre, et puis Miles est parti et on a eu quelqu'un de complètement nouveau dans le coup. Je ne voulais pas que tu gâches tout ce qu'on avait, alors j'ai été un vrai con… Désolé."

Remus releva le menton de sa valise et s'adossa au banc, un peu gêné intérieurement. "Ne t'inquiète pas", dit-il en s'éclaircissant légèrement la gorge. "Moi aussi, j'étais un con. Je ne voulais pas être ici—ni vous avoir comme colocataires."

"Et maintenant ?"

"J'y réfléchis toujours."

"Aïe", dit Sirius, les faisant rire tous les deux. Remus se détendit un peu.

"Tu n’as jamais essayé d’appeler Miles ?"

Sirius secoua la tête. "Ça ne marcherait pas non plus."

"Oh. Dommage."

"Mmm." Sirius marqua une pause, tapotant le sol devant lui du talon. "Alors, c'est comment, Londres ?"

Remus haussa un sourcil. "Tu n'y es jamais allé ?"

"Non, enfin, je l'ai fait une fois en 9ème année. Au lieu de rentrer à Noël, je suis descendu avec James et Pete et je les ai suivis. Ça n'a duré que jusqu'à ce que maman vienne me chercher. Elle n'aime pas les villes—elle les trouve sales."

"Eh bien, elle a raison sur ce point."

Sirius gloussa. "La maîtresse de mon père vit aussi à Londres."

"Maîtresse ?" Les yeux de Remus s'écarquillèrent.

"Ouais. C'est une Dame Lady avec un mari mort qui avait deux fois son âge. Je l'ai rencontrée, tu sais, à un de nos dîners."

"Elle est venue chez toi ?"

"Bien sûr. Le cercle de l'argent est si petit, Lupin. C'est étouffant. Et cette femme…" Sa voix s'éteignit, et Remus eut le sentiment qu'il ne parlait pas de la maîtresse de son père. Sirius inspira profondément pour réessayer ; "Si je pouvais, je…" Sa voix s'interrompit de nouveau et se mordit la lèvre.

Remus baissa timidement les yeux vers ses mains. La dernière fois qu'il avait vu Sirius au bord des larmes, c'était après leur retour de Noël, et il y avait eu de vraies larmes, mais il n'avait jamais donné d'explication et Remus n'avait jamais posé de questions. Peut-être se trompaient-ils tous les deux ; Remus n'avait pas non plus cherché à comprendre Sirius au-delà du présent. Il avait sans doute été trop dur.

Quand Sirius releva les yeux, il ne pleurait pas, mais il renifla un peu avant de pouvoir dire ses mots.

"Je vais le faire. Je vais obtenir mon diplôme et je n'aurai plus jamais à les revoir. Reg peut être l'héritier, de toute façon, je m'en fous."

"Alors, ça te va d'être un clochard sans le sou ?" demanda Remus en pensant à Tomny et aux autres, tous errant entre différents appartements, la plupart sans même un lit à eux.

"J'ai hérité d'Oncle Al", dit Sirius avec un sourire malicieux. "Il y a des avantages à se lier d'amitié avec le mouton noir de la famille Black, tu sais. Je ne serai un clochard qu'aux yeux de mes parents."

"Cela ressemble presque à une chanson."

"Une bonne chanson", approuva Sirius, "avec une bonne fin."

"Je vais te montrer", dit Remus en tordant ses doigts sur ses genoux.

"Hm ?"

"Je vais te montrer Londres. Pas les beaux quartiers, mais les pires : les caniveaux, la racaille et les trucs vraiment horribles. On peut voir les bars miteux et ces scènes minables. Tu peux fumer avec des vrais gens, on les trouvera. Ils sont là, quelque part, au milieu des cigarettes, des crades, des coins, des fissures et…" Remus dut s'arrêter pour reprendre son souffle. "Je pense que tu aimerais ça, ce Londres. Tout le monde s'en fout de la famille là-bas. Tu peux créer la tienne."

Sirius afficha ce sourire facile, les yeux rivés sur lui. "Ça a l'air sympa. On pourrait jouer nos chansons au coin de la rue pour quelques centimes."

"Et James et Pete ?"

"Ils peuvent venir aussi. Ils sont assez compétents. On sera un groupe de quatre, il suffit de donner un seau ou quelque chose à Pete."

"Et James ? Dans l'East End ? Il perdrait la tête."

"C'est de là que tu viens ? De l'est de Londres ?"

Remus tendit la main pour frapper Sirius à la tête. Il le regretta aussitôt, car ses cheveux étaient si doux. "Tu sais bien que non, espèce d'idiot. J'ai juste…"

"Ne t'inquiète pas", dit Sirius. "On a le temps. Je verrai ça un jour et, en attendant, je devrais commencer à te soutirer les détails un par un. Comme ça, au moins, je serai prêt pour les moments difficiles."

"Tu ne pourrais rien me soutirer même si tu essayais."

"Je pourrais certainement le faire, je le ferai !"

"C’est un pari ?"

"Absolument."

Remus secoua la tête avec un sourire apathique. "Et quels sont les enjeux ?"

Sirius leva la tête vers le ciel. Il était maintenant d'un orange rouille, comme un incendie.

"L'immortalité."

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