The Cadence of Part-time Poets

Harry Potter - J. K. Rowling
M/M
NC-17
The Cadence of Part-time Poets
Summary
“Ils sont… chaotiques,” déclara fermement Remus. “Et le chaos, c’est—”“Rock and roll.”Il lança un regard perçant à Sirius et, pour une fois, lui rendit son sourire. “Ouais.”“Alors peut-être que c’est mon excuse,” dit Sirius. “Je sème un peu de chaos maintenant, et peut-être qu’un jour, ça deviendra du rock and roll.”Après avoir perdu sa mère à onze ans, Remus a passé la majeure partie des quatre dernières années à faire le tour des écoles ou à courir dans Londres en prétendant ne pas être le garçon bien élevé que son père l’avait éduqué à devenir. Maintenant que toutes ses chances se sont épuisées, il est envoyé à Hawkings Independent School dans une ultime tentative pour redresser la barre. Là-bas, il rencontre les personnes qui marqueront le reste de sa vie et est forcé d’affronter les morceaux de lui-même qu’il pensait avoir perdus depuis longtemps.
Note
Coucou! Voici ma traduction de l’œuvre incroyable qu’est TCOPTP, écrite par la merveilleuse mostwolo!J’ai vu qu’il y a déjà une traduction en français mais il n’y a a que 8 chapitres donc je me devais de continuer, pour le bien des francophones ;)N’hésitez pas à me notifier de quelconque faute d’orthographe ou de grammaire, je jongle entre études et traduction donc je suis parfois HS hahaBonne lecture!PS:Certaines phrases sont en français dans la version originale, car quelques personnages parlent français. J’ai décidé de les laisser en français mais de les souligner afin que ça reste compréhensible, car c’est important dans certains passages.J’espère que vous comprenez ce que je veux dire :)
All Chapters Forward

Tomny et Ses Gars

Magically bored,
On a quiet street corner;
Free frustration,
In our minds and our toes;

Quiet storm water,
M-m-my generation;
Uppers and downers,
Either way blood flows;

Inside outside, leave me alone,
Inside outside, nowhere is home;
Inside outside, where have I been?
Out of my brain on the five fifteen!

- “5.15” The Who, 1973

 

Lundi 1er Septembre 1975

L’appartement ne comptait que 2 chambres, et hébergeait certainement plus de deux personnes, mais d’une façon ou d’une autre Remus s’est quand même réveillé seul. Ce n’était pas sa chambre bien sûr, mais il se sentait plus chez lui ici qu’il ne l’avait été ailleurs depuis longtemps.

Comme la plupart des nuits d’été à l’appartement, il avait transpiré dans son sommeil et son t-shirt était collé à son dos, décrivant une silhouette maigre et une colonne vertébrale osseuse dans le miroir qui s’appuyait contre les portes du placard. À un moment donné durant l’été une petite fissure était apparue sans cérémonie dans le coin du miroir. Personne n’avait dit quoi que ce soit à propos de la fissure, probablement parce qu’il n’y avait rien a dire; même si le miroir avait engendré sept ans de malheur sur l’un d’eux, ça n’aurait pas d’importance. Les garçons se seraient juste partagé le malheur entre eux jusqu’à ce que ne soit plus que quelques jours de pluie, et ceux-ci étaient assez nombreux à Londres.

Remus cligna des yeux dans la lumière du matin qui perçait à travers les volets cassés. Il s’était endormi avec une seule chaussure aux pieds, apparemment, et conclut qu’il avait perdu l’autre quelque part dans l’appartement tandis qu’il ramassait sa ceinture et son autre chaussette par terre. L’appartement et le lit duquel il venait de se réveiller appartenaient à Tomny, ce qui aurait dû l’alarmer, mais en réalité cela signifiait juste que le garçon plus âgé avait sûrement suivit une nana autre part pour dormir chez elle, et d’autres affaires. Probablement Cheryl ou Donna. Juste parce que Tomny invitait constamment des gens ne signifiait pas qu’ils pouvaient squatter chez lui.

Il trouva son autre chaussure nichée sous la tête de Doss dans le salon miteux de l’appartement. Il était toujours tôt was still early hours en ce qui concernait les garçons de l’East End Londonien, mais Remus avait d’autres problèmes à résoudre avec en plus du retard matinal et une sensation nauséeuse dans son ventre. Lyall allait le tuer, à moins que Giles ne le devance.

La seule autre personne debout aux aurores était Seesaw, qui était appelé ainsi parce qu’il était borgne. C’était grâce à ça qu’il ne remarqua pas Remus jusqu’à ce qu’il s’avance devant lui dans la cuisine.

“´jour,” dit Seesaw, tandis qu’il sirotait sa tasse de whisky-café.

“´jour,” grommela Remus, presque souhaitant qu’il avait du temps pour une tasse lui aussi. Lui et Seesaw n’avait jamais été particulièrement proches, mais s’étaient dépanné l’un l’autre de quelques thunes ou un spliff à l'occasion, et s’étaient toujours rendu la pareille “Tomny est là?”

Seesaw secoua sa tête. “Il avait un truc à faire plus tôt. Mais il a dit qu’il serait de retour bientôt pour te voir avant que tu parte.”

Remus passa sa langue sur ses dents. Sa bouche avait un goût affreux. “Il est pas obligé. Il m’a déjà vu hier soir.”

“Tu t’en vas alors?”

“Ouais, je dois aller quelque part.” J’aurais déjà dû y être hier soir, en fait.

“Bon,” dit Seesaw, en levant sa tasse, “salut.”

“Salut,” dit Remus, avant de plonger ses mains dans son pantalon et de sortir par la porte d’entrée de l’appartement douteux.

Il ne regrettait pas de ne pas avoir dit au revoir —ils s’étaient dit au revoir plein de fois la veille, tandis qu’ils étaient sous l’influence de Dieu sait quoi. Généralement ils se racontaient juste un tas de bêtises, pendant qu’ils s'encourageaient les uns les autres à faire des trucs stupides, comme se balancer du bout des les pouces du balcon du troisième étage, ou jouer à un jeu qui consistait à poser une pomme sur le haut de sa tête, et laisser son pote y jeter une fléchette. Remus s’en sortait presque toujours indemne grâce à Tomny, mais il n’était pas impossible qu’il doive boire une bière cul-sec ou qu’il se fasse baisser son pantalon. Parfois ce n’était pas si mauvais d’avoir quinze ans.

Le téléphone le plus proche de l’appartement de Tomny était à trois rues de là et le plus souvent il y avait un clochard qui y dormait. Ses lacets toujours défaits, Remus fit le trajet seul, comme il le faisait toujours, cependant il était chanceux ce matin; pas de clochard. Il mit la monnaie dans le compteur, essayant de ne pas grimacer lorsque le son du cadran fit pulser encore plus fort son mal de tête déjà présent. Remus avait toujours assez de monnaie sur lui pour pouvoir passer un appel ou deux, et plus d’une fois avait été agressé pour quelques livres. Mais ça c’était arrêté dès que les autres remarquaient qu’il traînait avec Tomny. S’associer avec un groupe comme celui là signifiait qu’il n’avait pas à s'inquiéter de se faire mater dans la rue comme un bout de viande. Cela changerait pourtant—les réputations dans l’East End ne se maintenaient que tant que les gens te voyaient traîner dehors. Lorsqu’il reviendrait en Juin, il serait de nouveau en bas de l'échelle. Pire encore, si Tomny ne l’accueillait plus.

Mais Remus ne savait pas pourquoi il ne le ferait pas.

Giles décrochait toujours à la troisième sonnerie, sauf que cette fois le téléphone émit un clic, puis un silence qui se suspendit dans l’air. Il aurait pu croire que l’appel avait été complètement coupé si il n’avait pas entendu la légère respiration de l’autre côté du fil.

“Bien, où es tu?”

“b’jour a toi aussi, Gil,” grommela Remus, qui se frottait toujours les yeux de fatigue. “Tu viens me chercher?”

“Tu l’as vraiment fait cette fois, mon gars.”

“Oui, quelle heure est-il ?”

“Dis moi juste où tu es, petit vaurien.”

“Retrouve moi à l’endroit habituel” Remus reposa le combiné et se frotta le visage, laissant un léger gémissement. Il faisait sacrément chaud dans la cabine et il se sentait toujours malade de la veille, mais une vérification rapide de ses poches lui indiqua qu’il avait toujours ses cigarettes. Il en avait tout juste allumé une de sa dernière allumette lorsqu’un claquement fut émis par les portes de la cabine derrière lui. Faisant presque tomber sa cigarette, il se tourna, prêt à faire passer un sale quart d’heure à ce con d’avoir provoqué une bagarre si tôt le matin, mais quand il vit à qui appartenait la sale gueule qui le regardait ses épaules se relaxèrent.

“Ça va, Lu?” cria Tomny, qui plissait ses yeux à travers le verre rayé.

Remus lui fit signe de reculer et poussa la porte pour sortir, sortant sur le coin de la rue. “T’es vraiment un branleur.”

Tomny lui lança un sourire, ses yeux bleus plissés par le soleil du matin. Il étendit son bras et piqua la cigarette de la bouche de Remus et en pris une profonde bouffée, même si il en avait déjà une perchée sur son oreille.

“Où tu crois que tu vas?” dit Tomny, parlant à travers la fumée.

Mordillant sa lèvre inférieure, Remus regarda en bas et sortir uneautre cigarette. Avant même qu’il puisse vérifier sa boîte d’allumettes vide Tomny sortit son propre zippo métallique, alluma la flamme d’un clic et le tendit vers lui. Remus inspira et laissa la fumée s'élever entre eux avant de parler.

“Tu sais où. Je dois rentrer chez moi. Je devrais déjà y être”

Tomny hocha la tête traquillement. “Mais tu l’es pas.”

“Juste parce que je t’ai écouté.”

“Toutes les bonnes histoires commencent comme ça de toutes façons,” dit Tomny, en souriant. “Ça veut oas dire que tu peux juste partir sans dire au revoir.”

Remus haussa les sourcils his eyebrows de manière exagérée. “Tu n’étais pas à l'appart quand je me suis réveillé. Et on s’est déjà dit au revoir hier.”

“Foutaises. C’était qui au téléphone?”

“Personne. La maison. Comme d’habitude.”

Tomny le regarda. “Hm.”

Remus lui rendit son regard. “ Hm .”

Cela lui valut un autre sourire, et après avoir expiré un peu de fumée par son nez, Tomny se tourna et traversa la route jusqu’à un petit muret. Il se tourna de nouveau et s’y percha au bord, et après un instant d’observation, Remus le rejoigna.

“Il fait vachement chaud aujourd’hui, pas vrai?” dit Tomny, ses yeux plissés vers le ciel d'Août (Septembre maintenant, réalisa Remus). Quelques boucles blondes cendrées tombaient sur ses yeux tandis qu’il regardait en l’air, et il les balaya sur le côté avant de se gratter le nez.

“J’ai pas de thunes sur moi,” dit Remus.

Tomny reposa son regard sur lui, avec un sourire en coin. “Comment ça?”

“Tu parles toujours de la météo quand t’es défoncé, tocard.”

Tomny afficha un sourire mesquin, froissant les coins de ses yeux. “Je suis devenu prévisible, hein?”

“Nan,” Remus fit un geste de la main, “c’est juste moi.”

“C’est ça,” dit Tomny, pointant ça cigarette vers lui, “je peux rien te cacher. Parce que tu vois les choses, Remus Lupin. Tu vois les gens. Ça doit être ta taille, j’te jure t’as grandit 15 centimètres ce mois ci.”

Incapable de répondre à ça, Remus pris juste une autre bouffée de sa cigarette, le goût familier du tabac bon marché brûlant sa gorge tandis qu’il sourit pour lui-même. Il ne pouvait pas s’empêcher d’être un grand mec maigre, et voir les gens était plus simple que de les connaître, mais ce n’était pas difficile de comprendre Tomny Armstrong.

Né ‘Thonas Daniel Armstrong’, après que sa propre mère ait mal écrit ‘Thomas’ sur son certificat de naissance alors qu’elle était défoncée aux oxy, Tomny vit chaque jour comme s’il était le dernier. A peine un homme et déjà une terrible habitude de prendre des substances—pas que cela ne semblait le ralentir—il fit du East End son royaume, et chacun de ces pèquenauds, ses sujets. Il causait des ennuis quand cela lui chantait, et fit le bien lorsque cela ne lui chantait pas, et il prenait soin des siens.

“Les gars étaient contents que tu viennes hier soir,” dit Tomny cigarette au bec, dépliant le col de sa veste afin de cacher sa nuque du soleil.

“Ah ouais?” dit Remus, regardant ses pieds tandis qu’il balançait ses baskets éraflées contre le mur jusqu’à ce qu’elles se cognent contre le ciment. “Je suppose que t’étais furieux, alors.”

“Mon petit Lu,” dit Tomny avec ironie. “Bien sûr que j’étais content. Ce matin, j’ai pratiquement couru hors de chez Burrin pour te dire au revoir, petit con. J’ai eu de la chance de t’attraper alors que tu t’échappais.

“Burrin était un patron — un boss que Tomny considérait comme plus proche que de la famille après toutes ces années passées à courir dans l’East End pour lui, avant même que les autres garçons ne le connaissent. C’était Burrin qui avait acheté l’appartement au départ, bien que cela fasse des années que l’appartement soit au nom de Tomny.”

“Je m’échappais pas,” souligna Remus, “ à cause de toi j’ai loupé mon train. Je vais me faire dépouiller quand je rentre”

“Ça pourrait aider avec ta grande gueule. Mais je suppose que c’est le boulot de ton école de nerds. Je sais que t’es excité.” Il agita ses sourcils de manière malicieuse.

“C’est faux!” répliqua Remus vivement. “Et j’y vais pas parce que je veux. Mon père a juste trouvé ce programme. C’est ça ou il va vraiment me faire passer un sale quart d’heure. Après ma dernière embrouille avec les flics, je pensais qu’il allait vraiment me laisser dans le pétrin.” Et Lyall l’aurait peut-être fait, si l’idée de lire ‘ Le Fils du Ministre Fini en Prison ’ ou ‘ Lupin en Prison pour le Plaisir de Sa Majesté ’ en gros titres dans “ The Daily ” ne lui semblait pas aussi déplaisante.

“Je t’en veux pas, Lu,” dit Tomny, glissant brièvement dans l’accent écossais qu’il avait quand il était plus jeune, avant que sa mère ne l’emmène de Dunoon à Londres. Parfois, il alternait entre ça et son argot de l’East End juste pour draguer des filles.

“Pas tout le monde a une chance de sortir d’ici, tu sais ?” continua Tomny. “Je comprends. Mais je dois avouer que ça fait plaisir de penser à l’un de mes gars, qui part pour un endroit tout chichiteux.” Tomny tapa Remus dans le dos, et ce dernier faillit laisser tomber sa clope entre ses jambes. “Tu disais que c’était quoi le nom de cet endroit, déjà ?”

Remus sentit son estomac se serrer. “Je l’ai pas dit. C’est juste une école de prout-prout, c’est tout.”

“Eh bien, je suis sûr que tu vas vite l’apprécier alors, petit .”

J’en doute. “J’ai rien en commun avec des bourges.”

“Tu parles comme eux.”

“C’est faux!”

“Si c’est vrai!” Tomny ria. “Quand t’es fatigué, bourré ou défoncé, tu retombes toujours dans ton accent de bourge. Tu peux peut-être tromper les autres, mais pas moi, mon vieux John Lupin. T’as une belle prononciation, ta mère doit être fière.”

“J’aurais jamais dû te dire mon deuxième prénom,” grogna Remus. “T’as l’air ridicule.”

Les yeux de Tomny brillèrent. “T’as appelé Doss ‘chou’ hier soir.”

“J’ai pas fait ça !”

“Et si! Vous rigoliez de lui, mais quand même. Et après Cheryl t’a fait baiser sa main.”

Remus grogna et cacha son visage, gêné. C’était ça le problème avec la gnole de rue, ce genre d’alcool bon marché. Une seconde, tu étais parfaitement lucide, en contrôle de tes actions, et la seconde d’après tu te retrouvais ivre, la tête la première sur les cuisses de quelqu’un.

“C’était vraiment très charmant,” dit Tomny, en poussant Remus légèrement jusqu’à ce qu’il retire ses mains. “Cheryl voulait te donner un baiser en retour, mais tu t’es juste vidé dans la poubelle.”

Remus grimaça. “Ouais, charmant.”

Tomny tourna son sourire vers l’autre côté de la rue, au-delà de la cabine téléphonique sale. Le muret sur lequel ils étaient assis était orienté à l’ouest, leur dos exposé au soleil. Les gens passaient sans hâte, la tête baissée, le col remonté, complètement fermés. C’était mauvais, de croiser le regard des inconnus dans des rues comme celles-ci. Pas que Tomny en ait grand-chose à faire. Quand ils étaient ensemble, Remus pouvait se permettre d’être distrait par des choses comme la façon dont le soleil d’été éclairait les boucles blondes sales de Tomny, les rendant dorées. Ses cheveux ne faisaient pas ça — ils étaient trop bruns et ternes — alors il les regardait tandis que Tomny frappait ses talons contre le mur de ciment et se mettait à fredonner un air du coin de la bouche. Remus le reconnut immédiatement : « Hello, Goodbye”, des Beatles.

Il aurait bien voulu lui mettre un coup.

Ils restèrent là un bon moment, côte à côte — Tomny fredonnant, Remus bougon — chacun prenant son temps. Giles ne serait pas à l’endroit habituel avant un bon moment de toute façon. Comme un chauffeur de taxi ordinaire, il refusait d’aller dans la plupart des coins de l’End de peur qu’un gamin mal élevé ne souffle sur son précieux Rolls-Royce.

Tandis qu’ils restaient là, Tomny continuait à fredonner, content de profiter du calme au milieu du bruit du quartier. C’était ça qu’il y avait de bien avec Tomny : il ne se pressait jamais. Il ne laissait jamais les autres se presser non plus. Tomny était du genre à « s’arrêter et sentir chaque rose », et s’il n’y avait pas de roses, il sentirait la merde au coin de la rue et te dirait que ça sentait le soleil et des foutus arcs-en-ciel. Si quelqu’un avait essayé de dire à Remus, il y a un an, qu’il traînerait encore avec la plus grosse contradiction ambulante d’un gamin de dix-huit ans, il aurait probablement appuyé une cigarette entre leurs yeux pour leur faire comprendre qu’ils étaient en train de se foutre de lui. À l’époque, Remus pensait que pour être un dur, il fallait être le pire du quartier, le plus gros et le plus méchant ; mais ça, c’était pas Tomny. Gentil et impitoyable, dur et tendre à la fois ; Tomny avait le cœur sur la main et le tenait comme un étendard de fierté. S’il avait des défauts, c’était la drogue et la façon dont il devenait nerveux, aussi bien sous influence qu’à jeun. Mais Remus pouvait difficilement lui en vouloir pour ça.

Né là-dedans, avec une mère presque inconsciente pendant la plupart de son enfance, il y avait peu de choses pour des garçons comme Tomny, à part la rue. Après avoir quitté l’école à dix ans, il avait passé son enfance à courir avec les autres chiens du coin jusqu’à ce qu’il ait assez de faveurs pour obtenir son propre petit coin au sommet, et il n’a jamais cessé d’être généreux. Tomny offrait son passé comme des cadeaux de fête; un secret pour toi, une histoire de tristesse pour toi — mais si tu me plains ne serait-ce qu’un peu, je t’en colle une .

Si Remus avait eu le choix de son propre “cadeau-histoire”, il aurait demandé comment Tomny avait eu cette cicatrice sur la lèvre supérieure. Celle qui lui donnait l’air d’un méchant de James Bond dans une lumière tamisée plutôt que celui d’un gars du coin. Un combat, il imaginait, mais avec qui — et était-ce juste une lèvre fendue qui avait mal cicatrisé, ou bien y avait-il eu des griffures ? Qu’est-ce que ça faisait de passer ses doigts sur la petite bosse ? Ou d’embrasser une fille ? Elle la sentirait-elle ? Est-ce qu’elle la trouverait mystérieuse et intrigante et passerait autant de temps à y penser que lui…

“J’ai un truc sur la gueule, Lupin ?”

Se redressant brusquement, Remus détourna les yeux et chercha sa cigarette ; mais il l’avait laissée se consumer jusqu’à rien pendant qu’il rêvassait.

“Putain de gâchis,” grogna-t-il, jetant le mégot et attrapant son paquet. Tomny tendit la main, et Remus glissa une nouvelle cigarette entre ses doigts sans réfléchir, avant d’en poser une autre entre ses dents.

“Tiens.”

Tomny tendit la main avec son propre briquet et enroula ses doigts autour de la cigarette de Remus. La sienne était déjà allumée, et il soufflait la fumée sur le côté de sa bouche tout en se concentrant sur le moment où il parviendrait à allumer celle de Remus. Ils étaient suffisamment proches maintenant pour que Remus puisse sentir l’odeur aigre de l’alcool qui traînait encore sur ses vêtements. Il y avait aussi un grain de beauté, juste sous l’oreille droite de Tomny, à la limite de sa ligne de cheveux.

“Allez, Lupin. Inspire !”

“Désolé !” Remus s’écria, inspirant profondément tandis que la cigarette s’allumait. Il la pinça entre ses doigts pour en tirer une bonne bouffée, et Tomny s’éloigna, son zippo se fermant avec un bruit sec et satisfaisant.

“T’as l’air tendu, Lu,” observa Tomny.

Remus souffla la fumée et secoua les épaules, essayant de les détendre tout en observant un gars qui descendait la rue d’en face, portant un costume qui avait plus de patchs que de tissu. “J’pensais juste au fait de devoir partir.”

“Faut pas trop y penser. Tu t’habitueras vite à être loin, t’inquiète.”

“J’veux pas m’habituer à ça,” marmonna Remus. Il sentit un coup sur son coude et tourna la tête pour voir Tomny le regarder avec son expression familière et ironique.

“Tu t’en sortiras très bien.”

“Ce n’est pas ça.”

Haussant les épaules, Tomny étendit ses jambes devant lui avant de laisser ses talons cogner contre le mur. “Eh bien, si tu galères vraiment, tu pourras toujours te trouver une nana. Comme ça, tu pourras te plaindre et râler auprès d’elle de combien tout ça est injuste.”

Remus renifla. “Connard.”

Tomny se pencha très près, et Remus sentit quelque chose dans sa gorge s’agiter. “J’ai entendu dire que ces filles des écoles privées étaient des grosses cochonnes.”

“Et c’est d’où que tu tiens ça ?”

“J’ai mes sources.”

“Hm.”

“Tout ce que je dis, c’est qu’il doit bien y avoir un truc bien—comment ils appellent ça ? Un espoir—”

“Une lueur d’espoir.”

“Ha ! T’es vraiment un snob.”

“Oh, va te faire foutre, branleur.”

Tomny rit et secoua ses boucles, attrapant le bord du mur entre ses jambes, se penchant en arrière pour fixer le ciel bleu. “Une lueur d’espoir,” il réfléchit enfin. “Ça a pas l’air si mal, si ?”

Remus suivit son regard vers le ciel. “Non, je suppose que non.”

“Fais-moi une faveur, Lu ? Oublie pas ça.”

Les yeux de Remus se détournèrent brusquement vers Tomny, mais ce dernier regardait toujours vers le ciel.

“Cet endroit,” il dit, doucement, “La crasse et la merde—les clodos et les casseurs. Les clopes et les gars, les coups et les fractures. Les mauvaises herbes, la poussière, le crado…” Tomny s’arrêta, comme s’il n’avait plus de mots, mais Remus comprenait.

“J’oublierai pas, Tom.”

Le sourire doux de Tomny s’élargit jusqu’à devenir un vrai rictus. Puis il baissa enfin les yeux. “T’es un bon, Lupin.”

“Connard.”

“Ouais, c’est moi, Tomny le Connard ! Et toi, t’es Lu, tout en genoux cagneux, jambes de sauterelle et t’as le parler chic. Tu t’en rappelleras. Toi— ”

“LU ! TOM !”

Ils tournèrent la tête en même temps et repérèrent un petit groupe de gars qui leur faisaient des signes en remontant la rue. Tomny esquissa un sourire tranquille et leva une main à son front pour plisser les yeux sous le soleil de fin de matinée.

“Tiens, v’là les tocards, » lâcha-t-il avant de leur faire un signe. “Ça roule, les mecs ?”

“Ça roule, Tom !” répondirent-ils en chœur.

“Flacky est avec vous ?”

“Bah ouais !” brailla Flacky, agitant ses petits bras tandis qu’il rejoignait la bande, avec Doss à côté en grosses godasses et Lee qui traînait derrière, les mains dans les poches.

“J’croyais que ta daronne t’avait buté pour avoir encore chouré chez Bailey ?” lança Tomny avec un sourire amusé.

Flacky lâcha un sourire, montrant un trou à la place d’une de ses dents. Il n’avait que 13 ans, plus jeune que Remus, mais il était avec Tomny depuis aussi longtemps que lui “Elle m’a juste un peu tiré les oreilles,” he said. “je me suis tiré par la fenêtre!”

“Brave petit.”

“Qu’est-ce que vous foutez debout si tôt ?” demanda Remus en hochant la tête vers Doss. “T’étais affalé sur ma godasse ce matin. J’ai failli parier que t’étais crevé, en vrai.”

“Seesaw nous a réveillés,” grogna Doss. “Et j’suis pas encore mort, connard.”

Tomny se redressa contre le mur et tapa dans ses mains. “Alors vous arrivez pile à l’heure, mes braves !” déclara-t-il, théâtral, “pour dire adieu à notre p’tit John. Mais c’est pas nous qui allons chialer, hein.”

D’un geste brusque, il leva la main vers le ciel avant de la pointer droit sur Remus, avec un sourire de sale gosse. “Les gars, chopez-le.”

Avec des sourires de démons, Lee et Doss se jetèrent sur lui, et avant que Remus ait eu le temps de tourner les talons vers la cabine téléphonique, ils l’avaient déjà chopé par les bras, le tirant du mur pour le bloquer entre eux.

“Lâchez-moi, bande de cons !” gueula Remus, mais il riait déjà, parce que tout ça, c’était juste une connerie de Tomny, un dernier petit spectacle.

“Mesdames et messieurs, notre pote Lupin nous quitte !” annonça Tomny. “Il s’en va loin, loin de nos charmantes ruelles. Oh oui, là-bas, l’attendent de vastes prairies, des petits bourges coincés et, j’en suis sûr, de sacrés fils à papa bien comme il faut.”

“BOUUUH !” beugla Flacky.

“Il nous abandonne pour eux ! Pour ces petits merdeux bien élevés et friqués—”

“Fais gaffe, Tom, tu vas finir par manquer d’adjectifs,” lâcha Remus, toujours coincé entre ses potes.

“Il nous abandonne pour des gens qui savent c’que c’est, un ‘adjectif’ !” brailla Tomny en réprimant un rire.

Remus tordit le bras que Lee lui tenait et agita sa cigarette. “C’est pas ma faute! Vous savez que mon père—”

“Excuses,” coupa Tomny. “C’est un blasphème.”

“Trahison !” hurla Doss juste à côté de son oreille.

“Sédition !” ajouta Lee, ce qui surprit Remus. Il aurait parié que ce con-là n’avait pas la moindre idée de ce que ce mot voulait dire.

“C’est une insulte du plus haut degré,” continua Tomny.
“Abandonner notre bon vieux Londres crasseux pour devenir un p’tit intello bien nourri…” Il coinça sa cigarette au coin des lèvres et souffla une bouffée de fumée par le nez comme un foutu dragon. Remus baissa la tête, se mordant la lèvre pour ne pas sourire.

“Et donc,” demanda-t-il en se tortillant dans la prise de Lee et Doss, “vous voulez que je fasse quoi ? Que je vous embrasse pour vous dire au revoir ?”

Le sourire de Tomny s’élargit. “Nan, rien d’aussi tendre. On est pas là pour gâcher ton éducation, Lu. On veut juste t’apprendre une p’tite leçon, c’est tout. Doss, fais-lui goûter au sucre d’orge, hein ?”

“Oh, put—non !” s’écria Remus, mais Doss lui coinça le bras dans le dos, le tordant jusqu’à presque le disloquer. Un instant plus tard, Lee était en train de lui malaxer l’autre bras comme une foutue serpillière, lui brûlant la peau en riant comme un dégénéré.

“Rassure-toi, Lu, c’est juste un aperçu de la douleur qu’on ressent en te laissant partir pour toujours,” déclara Tomny avant de finalement s’approcher et d’écarter les deux bourreaux, libérant Remus de son supplice de cour d’école.
Il aurait bien voulu leur faire remarquer qu’une seule année scolaire, c’était pas “pour toujours”—et encore, seulement s’il ne se faisait pas virer comme dans toutes les autres écoles avant celle ci—mais il préféra leur foutre un bon coup d’épaule chacun et tendit la main pour frapper Tomny.
Celui-ci attrapa son poignet avec un petit sourire en coin et lui serra doucement. Pris au piège, Remus lui rendit son sourire et Tomny le tira contre lui pour une accolade soudaine, l’écrasant dans ses bras avec assez de force pour le soulever légèrement du sol. Par-dessus son épaule, Remus jeta un coup d’œil aux visages de ses potes, chacun marqué de crasse, de taches de rousseur ou de petites cicatrices blanches, mais tous souriants malgré tout.

Ce serait un enfer d’être sans eux. Peu importe où il allait, il savait qu’ils allaient lui manquer, ces idiots. Et ce qui l’attendait… ce n’était rien de comparable à l’été qu’ils venaient de passer ensemble. Cette prise de conscience rendait la séparation encore plus brutale.

“Allez,” soupira Tomny en s’écartant, mais il garda une main ferme sur la nuque de Remus. Ses doigts étaient chauds, et quand Remus croisa son regard, quelque chose se retourna dans son estomac. “Tu vas assurer,” déclara-t-il d’un ton ferme. “Tu vas leur montrer ce qu’un sale gosse de Londres est capable de faire.”

“T’es malin, Lu,” lança Doss.

“Ouais, et s’ils sont plus malins que toi, fous juste le feu à leurs devoirs,” ajouta Lee, serviable comme toujours.

Tomny ricana et resserra légèrement sa prise sur la nuque de Remus. “Pas une si mauvaise idée.” Puis il sortit son zippo de sa poche et le tint entre eux, à hauteur de leurs visages. “Pour te souvenir,” dit-il avant de le glisser dans le col du t-shirt de Remus. Il tapota la poche, juste au-dessus de son cœur, avant de finalement reculer et de rejoindre les autres sur le trottoir, laissant les fissures du béton les séparer.

“Je reviendrai,” dit Remus, la gorge serrée. “Ils m’auront sûrement foutu dehors avant Halloween.”

“Ce serait un nouveau record,” fit remarquer Tomny, d’un ton qui laissait croire qu’il contrôlait tout, “mais te presse pas trop.”

Lee haussa les épaules. “Ou alors fais-le.” Doss lui colla un coup d’épaule pour ça.

“On sera toujours là,” ajouta Flacky en attrapant la cigarette glissée derrière l’oreille de Tomny. Ce dernier le laissa faire, et lui ébouriffa même affectueusement les cheveux. Puis il reporta enfin son attention sur Remus, lui adressa un signe de tête sec— file maintenant —et lui fit un clin d’œil.

Remus aurait pu être en retard à ses propres funérailles, il aurait quand même pris le temps de graver ce moment dans sa mémoire. Il détailla chacun de leurs visages, imprimant leurs sourires amers dans un coin de son esprit, comme une photo qu’il pourrait ressortir plus tard. Et quand il n’y eut plus de sourires à capter, il hocha lentement la tête et se détourna.
La marche jusqu’au prochain carrefour lui parut interminable, mais il se força à ne pas regarder en arrière. Une petite voix dans sa tête lui disait que s’il le faisait, ils auraient peut-être déjà disparu, et il ne pouvait pas encaisser ça. Alors il continua, encore et encore, jusqu’à ce qu’il tourne à l’angle de la rue.
Après un été à courir dans les rues crasseuses de la ville, ses baskets n’étaient plus qu’un peu de caoutchouc et de colle tenant miraculeusement ensemble. Pourtant, jamais ses pieds ne lui avaient semblé aussi lourds.

Forward
Sign in to leave a review.