
Mémoires d’une guerrière
Pendant ce temps-là à Polis
La journée était bien avancée, lorsque Indra pu enfin sortir de la maison des soins, le guérisseur l’avait remise sur pied rapidement. La guerrière avait été légèrement blessée lors de l’explosion, quelques contusions et brulures qui ne mettaient pas sa vie en danger. Indra était tout de même encore grau gui, il fallait qu’Octavia la soutienne pour marcher.
« Tu n’es pas retournée près des tiens ? »
Octavia fit un signe de tête :
« Je suis chez moi. »
Les deux femmes se dirigèrent au centre de Polis où se trouvait la maison de celle qui fût le second de Heda. Une fois arrivées, Octavia fît asseoir Indra sur une chaise et lui servit à boire avant de s’asseoir en face d’elle et de poser ses mains sur la table qui les séparait.
Indra se saisit de la tasse et leva les yeux vers Octavia en l’interrogeant :
« Pike ? »
« Mort. » Répondit froidement la jeune femme.
A cet instant, pas une émotion ne filtra de l’expression de Octavia, Indra bu une gorgée d’eau avant de reprendre.
« Je vais aller dans la tour, pour savoir ce qu’il se passe pour la succession de Heda. »
« Tu veux dire l’élection de l’intendant ? »
Indra acquiesça.
« Lorsqu’ils auront choisi un leader tu te placeras sous ses ordres ? »
Indra grimaça :
« Lexa kom Trikru restera la dernière Heda auprès de laquelle je me serais battue, personne ne pourra prendre sa place. Maintenant, je me contenterai de suivre la voix du peuple mais je ne serais plus dans la garde rapprochée. »
« Je pense que tu devrais reconsidérer cela…La coalition a besoin de toi. Tu pourrais avoir de l’influence, ta voix compte et tu es respectée de tous. Si l’intendant, te demande à son service tu devrais y répondre. Tes conseils pourraient garantir la paix. »
Indra ricana.
« La paix ? Tu crois vraiment que nous serons un jour en paix ? »
« Lexa y croyait. »
« Regarde où ça l’a mené… » Dit-elle tristement.
« Je n’ai pas suivis Ontari…je n’ai pas suivis ALIE, la seule que j’aurais suivis jusque dans la mort était Heda. Pas de Natblida, pas de Heda…mon allégeance est morte avec Leksa. Je ne me battrais plus que pour mon peuple…ou toi. »
Octavia touchée par cet aveu posa sa main sur l’avant-bras de Indra.
« Quoique tu choisisses de faire, je te suivrais… »
« Dans ce cas, j’ai quelque chose pour toi. » La guerrière se releva en titubant, Octavia voulu l’aider mais elle lui fit signe de se rasseoir.
Indra se dirigea vers un coffre en bois cerclé d’acier, elle souleva le couvercle qui laissa échapper un grincement strident. Elle se saisit d’un objet et vint le déposer sur la table devant Octavia.
« Il y a longtemps maintenant, j’ai reçu ce présent d’une jeune guerrière…Un cadeau pour mes services à ses côtés lors de sa première bataille en tant qu’Heda… »
« Leksa swis » Dit-elle en Trikru.
Indra retira l’étoffe rouge qui protégeait l’objet. Octavia aperçu la lame étincelante d’un poignard dont le manche en ébène était serti d’une pierre d’ambre. A la base de la lame était incrusté le symbole Trikru. Une arme meurtrière d’une très grande finesse.
« Il est magnifique… » Dit Octavia des étincelles dans les yeux.
« Il est à toi désormais, Octavia kom Trikru. »
Octavia se saisit de l’arme pour l’admirer de plus près.
« Merci Indra. »
« Tu as combattu à mes côtés, pour sauver Polis. Il m’a été offert pour les mêmes raisons, il te revient. »
« Racontes moi, cette bataille. » Supplia Octavia.
« C’était la plus belle victoire que le clan Trikru ait remporté, de mémoire de natif, il n’y eut jamais de si grande bataille. Les gens en parlent encore des années après, et je crois qu’ils en parleront toujours. »
Indra se rassit lentement sur sa chaise en lâchant un râle de douleur.
« C’est à l’issue de cette bataille que la coalition a commencé à voir le jour. »
« Leksa venait d’accéder au pouvoir suite à son conclave, mais à cette époque les clans étaient en permanence en guerre les uns contre les autres. Polis n’avait pas le rayonnement qu’elle a aujourd’hui, ce n’était pas une si grande cité. Le Heda précédent était un grand guerrier, mais un piètre politicien. Chaque clans avaient des envies de conquêtes et saisir les territoires étaient le jeu des puissants. La guerre était le fléau des peuples qui en souffraient depuis des décennies. Lorsque Lexa a pris le pouvoir, le royaume était divisé. Il n’y avait pas comme aujourd’hui un conseil d’ambassadeur, juste des chefs de clans qui ne trouvaient des accords qu’à la pointe de leur épée. C’est Heda qui a mis en place ce système. Lexa était plus jeune que toi lorsque la flamme l’a choisi pour devenir Heda. Déjà à son âge, elle avait une sagesse qui dépassait de loin ses prédécesseurs. Anya avait été son mentor depuis son enfance. Quant à Gustus, il était le maître d’arme des Natblidas et je n’étais alors qu’un simple soldat dans la garde de Heda. »
Indra s’interrompit pour reprendre une gorgée d’eau, Octavia ne la quittait pas du regard impatiente d’en savoir plus sur les faits d’armes de son mentor.
« Cela faisait quelques semaines que Lexa était sur le trône, et bien qu’elle ait impressionné tout le monde lors du conclave par sa force et son intelligence du combat cela n’a pas suffi pour mettre au pas tous les chefs de clans. Beaucoup, espéraient prendre le pouvoir en voyant un Natblida de leur clan devenir Heda. Bien sûr, parmi les mécontents il y avait la reine Nia. »
« Leur querelle remontait donc à bien plus longtemps que l’assassinat de Costia. » Dit Octavia pour qui les récents évènements devenaient plus clairs.
« La nation des glaces a toujours été un peuple à part, leurs conditions de vies sont bien plus difficiles sur leur territoire. Cela en a fait un peuple querelleur avide de prendre par la force des terres plus hospitalières. » Expliqua Indra.
« C’est a peut prêt ce qui s’est passé, la reine n’a pas supporté l’ascension de Lexa. Elle a pris comme une offense la façon dont Leksa a expédié son combat contre le Natblida de son clan. »
« Un combat déloyal ? » Demanda Octavia avec des yeux ronds comme des billes.
« Déloyal ? Non bien au contraire… Il s’agissait d’un garçon, c’était un des neveux de Nia. Au moment du conclave il avait déjà vingt printemps et était d’une carrure solide. Tout le monde avait misé sur lui, il était d’ailleurs pressenti comme le vainqueur par la totalité de la foule. Lexa était une gamine, une brindille à côté de ce géant. Tout le monde pensait que ses frêles épaules ne supporteraient pas les coups de masses sur son bouclier. Mais ce que la foule ignorait c’est que cette jeune fille était déjà une fine lame et une tacticienne hors pair. Anya lui avait bien enseigné. La force ne fait pas tout Octavia si la tête n’est pas aussi affuté que la lame, on déjà est mort. »
Indra marqua une pause. Ses yeux dans le vide, elle était plongée dans ses souvenirs, le bruit des tambours, les odeurs de sang, la couleur du sable sous ses pieds, les encouragements de la foules…Tout lui revenait à l’esprit aussi clairement que le visage d’Octavia qui la regardait impatiente de connaitre la suite de cet épique récit.
« Alors ? » Ne put s’empêcher de demander la jeune femme.
« Alors au moment du choix des armes, lui a choisi la masse et le bouclier. Lexa créa l’étonnement général en ne prenant que deux dagues. Presque identique à celle qui se trouve devant toi. »
« Je me souviens du sourire moqueur de Nia, dans sa tête elle avait déjà gagné. Titus quant à lui avait un visage figé et après qu’il ait énoncé les règles du combat, les deux concurrents se sont fait face se toisant du regard à distance. Le neveu de la reine hurla quelques provocations, Lexa resta muette impassible devant ce colosse. Je me tenais au premier rang à côté d’Anya et ce qui m’a frappé ce jour-là c’est qu’elle souriait. Moi je pensais que cette gamine allait se faire mettre en pièce et ce sourire sur les lèvres d’Anya aurait dû m’alerter. »
Indra se mit à sourire.
« Le garçon a lancé un cri de guerre et a couru vers Lexa, l’arme au poing bouclier en garde. Il fît tournoyer sa masse au-dessus de sa tête. Lexa n’a pas bougé le laissant s’approcher à toute allure. Et comme un félin au dernier moment elle a évité la masse s’est abaissée et a planté chacune de ses dagues dans les mollets du jeune homme. Il a hurlé de douleur et il est tombé à genoux dans le sable. Il ne pouvait plus bouger. Il était à sa merci… Lexa a ramassé la masse tombée à ses pieds. Elle a regardé le jeune guerrier dans les yeux, lui a murmuré des mots que je n’ai pas pu entendre et à abattu l’arme sur son crâne. Ce fût son premier combat dans le conclave…Elle avait donné le ton pour ses prochains adversaires. »
« Il y eut un moment de flottement, la foule stupéfaite s’est tût avant de rugir à nouveau pour acclamer Lexa. La reine a quitté la tribune ivre de rage. »
« Pas étonnant que ces deux-là ne puissent pas se sentir… » Pensa Octavia.
« Qu’en était-il de Luna ? » Demanda la jeune femme, très curieuse d’avoir l’avis de son mentor sur cette affaire.
« Luna a fui le conclave, une traitresse à son sang… » Grogna Indra.
« Si elle était restée penses-tu qu’elle aurait pu battre Leksa ? »
Indra fît mine de réfléchir mais la réponse ne se fît pas longtemps attendre.
« De ce que j’ai pu voir et entendre dire, Luna était une bonne combattante et une femme intelligente…Mais, je pense que si l’on est lâche on ne peut pas être choisi par l’esprit du commandant. La détermination et le courage font toute la différence. Leksa n’aurait pas perdu car, elle était déjà Heda dans son cœur et dans son âme. Luna s’est montrée faible. Cette faiblesse Leksa l’aurait exploité et même à force égale elle l’aurait mise à terre…Oh non Octavia…je te l’assure Luna ne serait pas sortie victorieuse de ce combat-là. » Indra croisa les mains devant elle puis marqua une pause l’air absorbée.
« Je me suis égarée, je voulais te raconter la bataille et me voilà à me remémorer la première fois que j’ai vu Heda. Elle ne l’était pas encore, mais ce jour-là j’ai su qu’elle monterait sur le trône. »
« Je suis heureuse que tu partages ça avec moi. Lincoln… » Octavia eut un air triste à l’évocation de son amour disparu, elle soupira avant d’ajouter :
« Lincoln m’a raconté beaucoup d’histoire, mais j’ignore encore tellement de choses…j’ai envie de savoir ce par quoi vous êtes passé, comprendre vos peuples et vos coutumes. »
« C’est un plaisir pour moi de t’enseigner tout ça, bien que certaines périodes de notre histoire soient encore douloureuses. »
« Tu voulais me raconter le jour où tu as reçu ce cadeau du commandant. »
« Suite au conclave, Nia a mis en place une alliance avec quatre autres clans pour renverser Leksa, et s’emparer de Polis. Le clan Trikru à l’époque n’était pas aussi fort qu’aujourd’hui, et Lexa ne reçut le soutien que de deux clans ; Trishana et Ouskejon Kru. Les autres chefs décidèrent de ne pas se mêler du conflit, mais c’était d’avantage un abandon face à l’armée de Nia. Ils ramasseraient les miettes que la reine daignerait leur accorder une fois qu’elle aurait anéanti le Trikru. Notre armée était largement inférieure à la leur. Comme pour le combat lors du conclave, Heda était donnée perdante. Polis n’était pas la ville fortifiée que tu connais aujourd’hui, Leksa devait conduire son armée plus au nord pour faire barrière et affronter Nia. Bien sûr, la reine d’Azgeda a choisi d’attaquer pendant l’hiver, profitant de la neige, des conditions climatiques qui lui donnaient un sérieux avantage. »
« Il y avait dix mille hommes du nord, contre quatre mille d’entre nous. Malgré cela, nous avons marché pour protéger Polis et faire face à la reine. Lexa était secondée par Gustus et Anya. Quant à moi comme je te l’ai dit, je n’étais alors qu’un soldat de la garde. Les conditions étaient pénibles, on a perdu beaucoup d’hommes en route, ce qui réduisait nos rangs toujours un peu plus. »
« La veille de la bataille dans la plaine d’Azaïs, j’étais de garde dans le campement devant la tente d’Heda. Je me souviens d’une nuit glaciale, jamais plus je n’ai eu aussi froid que cette nuit-là, j’ai vu les chefs de guerres aller et venir dans la tente pour établir le plan de bataille. A l’horizon on pouvait apercevoir les milliers de flambeaux qui nous attendaient à quelques kilomètres. C’était une nuit sans lune, et toutes ces lumières, les chevets des guerriers d’Azgeda m’avaient fait frissonner un peu plus. »
« Tard dans la nuit, Heda est sortie de sa tente, elle m’a dépassé de quelques mètres les mains dans le dos. Comme pour venir jauger l’ennemi. A cet instant, en la voyant toute proche, j’ai réalisé que ce n’était encore qu’une toute jeune fille, mais elle avait la prestance d’un lion… »
« Elle est restée de longue minute dans le noir, impassible, puis s’est retournée vers moi et nos regards se sont croisés. »
« Tu as peur m’a-t-elle demandé ? »
« Non, Heda » Ai-je répondu avec aplomb.
Indra se mit à rire.
« Bien sûr je mentais, j’étais terrifiée Octavia… totalement terrifiée… »
« C’est bien normal, j’aurais étais dans le même état » Admit Octavia sans une certaine gêne.
«Sais-tu ce qu’elle m’a répondu ? » Dit Indra en riant.
Octavia fît non de la tête.
« Elle m’a dit que j’étais un bon soldat, mais que seul les fous n’avaient pas peur en pareil instant ! »
Les deux femmes rirent de bon cœur.
Puis Octavia prit la parole
« Tu sais que les décisions de Lexa m’ont déçu par le passé, je ne me suis jamais remise de sa trahison au Mont Weather. A vrai dire… je ne l’aimais pas… »
« Mais maintenant que tu me racontes son histoire, je me dis que je ne la connaissais pas et que prendre certaines décisions a dû être bien souvent très difficile pour elle. »
« Le fardeau de Heda… » Répondit Indra.
« La bataille a eu lieu le jour suivant, les deux armées se sont avancées dans cette plaine enneigée, Lexa montée sur son destrier de guerre s’est tournée vers nous en sortant son épée du fourreau. Elle nous a exhorté à être sans pitié, à marcher sur l’ennemi et le pourfendre même si pour cela nous devions passer dans l’autre monde. « Jus drein jus daun ! » L’armée entière a poussé un cri, un rugissement qui est monté jusqu’aux nuages. Comme si les cieux nous avait fait écho, la neige s’est mise à tomber… »
« Heda faisait bondir son cheval, son masque de guerrière sur le visage, sa lame brandit au-dessus de sa tête, ses cheveux virevoltants dans les airs, le rouge de sa cape tranchait avec la blancheur immaculée de la neige. Cette image restera gravée dans ma mémoire jusqu’à mon dernier souffle. »
« Elle s’est tournée une dernière fois vers nous et a hurlé : « Si j’avance suivez-moi ! Si je recule tuez-moi ! Si je meurs vengez-moi ! ». »
Indra répéta plusieurs fois cette phrase…Son regard était de nouveau absent, elle n’était plus à Polis avec Octavia elle était de retour des années auparavant sur le champ de bataille aux côtés de Heda.
Elle la revoyait lancer la charge, se battre avec une férocité animale, elle revoyait la plaine virginale devenir rouge…
« Nous nous sommes battu Octavia kom Trikru, comme jamais nous nous étions battu, cette fille nous a galvanisé, elle nous a porté jusqu’à la victoire. Durant le combat je suis restée à ses côtés, je ne l’ai pas quitté des yeux une minute. La seule peur que j’ai eu pendant la bataille, c’était de la perdre et je crois que c’était pareil pour chacun de ses guerriers. Au-delà de notre combativité, c’est son sens tactique qui nous a sauvé. En grand stratège Lexa avait lancé des troupes pour prendre l’armée ennemie a revers et cela a marché Nia a sonné la retraite et il s’en est fallu de peu pour Lexa ne la rattrape. »
« A l’issue de la bataille Heda a fait égorger tous les chefs de guerres des quatre clans qui s’étaient alliés à Nia, leurs dépouilles ont été pendues le long de la tour de Polis en guise d’avertissement. La reine est la seule qui a réussi à s’échapper, elle et ce qui restait de son clan se sont fait oublier les années qui ont suivis. Ce fût le début de la coalition… Bien sûr, il y a eu encore de nombreux conflits, mais Lexa étant crainte comme chef de guerre, à partir de ce jour-là tout fût différent. »
Octavia était accoudée sur la table, sa tête posée sur ses mains, totalement absorbée par le récit de son mentor.
Indra se saisit de la dague et en la désignant à Octavia reprit le cours de son histoire.
« A la fin de la bataille, alors que nous achevions les blessées ennemis, Leksa est venue vers moi, son visage recouvert du sang de nos adversaires, elle a dégainé ce poignard et me l’a tendu en me disant :
« Désormais, il n’y a plus de raison d’avoir peur. »
« Une fois rentrée a Polis, elle m’a fait appeler auprès d’elle pour la seconder, le plus grand honneur de ma vie… »