
Faire face
Chapitre 1 : Faire face
Polis, salle du trône
Clarke restait muette, immobile à côté de Bellamy les yeux dans le vague. Elle ne prêtait même plus attention aux regards hagards des natifs et de ses amis tout justes délivrés de l’emprise de ALIE quelques minutes auparavant. La sortie d’Octavia les mains entachées du sang de Pike avait laissé tout le monde dans un silence pesant. Le temps était comme suspendu, cette atmosphère lourde sembla durer une éternité. Soudain, Murphy se décida à rompre le silence avec une réplique dont lui seul avait le secret dans un moment si difficile.
« Bien…qui est candidat au poste de chancelier?»
Bellamy en lui adressant un regard noir lui lança :
« Ferme-là Murphy ! »
Bellamy emprunta le même chemin que sa sœur et quitta la pièce les dents serrées.
Kane s’approcha de Clarke et lui posa une main sur l’épaule. Sortit de sa torpeur, elle tourna ses yeux embrumés de larme vers l’ex-chancelier.
« Est-ce que ça va ? »
Le visage de la jeune femme changea immédiatement, son masque de leader refit surface.
« Il faut qu’on parle ! »
Des heures s’étaient écoulées depuis que Clarke avait détruit la cité des lumières. La jeune femme avait rapidement réuni un maximum de dirigeant dans la salle du trône. Les Skaikru étaient présents à l’exception d’Octavia qui avait disparue. Tous les ambassadeurs de la coalition encore en vie étaient également présents. Durant des heures, elle avait exposé les faits, tous les faits, sa rencontre avec Becca et les avertissements d’ALIE. Tous, devaient savoir la vérité. Cette fois-ci, elle ne cacherait rien, elle ne referait pas ce qu’elle avait fait à Ton DC. Dans l’assistance, la confusion était totale. Certains remettaient en doute ses paroles, d’autres étaient effrayés, mais pour une fois les natifs écoutèrent sans menacer le Skaikru. Les ambassadeurs avaient été délivrés de ALIE par Wanheda et pour cela ils la respectaient et certains se sentaient même redevables.
Une fois les faits exposés, Clarke resta debout immobile à côté du trône de Heda, celui de Lexa laissant les dirigeants échanger leurs avis. Dans le brouhaha ambiant l’esprit de Clarke vagabonda de nouveau. A l’insu de tous, elle posa ses yeux sur le siège vide, comme aimantée par celui-ci elle laissa glisser le bout de ses doigts sur le dossier en bois. Une image lui revînt, celle de Lexa assise là dans sa tenue d’Heda, charismatique, sa seule vision imposant le respect à l’assistance. Clarke ferma les yeux une seconde, pour mieux la voir, pour essayer de ressentir encore une fois sa présence. L’image de Lexa lui apparaissait si clairement…La guerrière était baignée dans la lumière qui filtrait depuis le balcon derrière elle, l’image était si belle…
Clarke n’avait pas envie d’ouvrir ses yeux, elle ne voulait pas quitter ce souvenir. Elle n’entendait plus rien autour d’elle, pas même le bourdonnement des voix qui l’entourait.
« Clarke ?! Clarke ?! »
Arrachée à sa rêverie, Clarke regarda la personne qui l’appelait. Elle se rendit compte que tout le monde la regardait et que le silence était revenu. Abby se tenait devant les marches du trône et la dévisageait, incrédule.
Reprenant ses esprits Wanheda s’adressa à l’assistance :
« Nous ne savons pas si ALIE a dit la vérité, mais une chose est sûre, la division nous tuera tous. L’humanité entière risque de disparaitre, nous n’avons plus le temps pour les querelles de clans. Il va nous falloir agir ensemble ! »
Un homme âgé aux cheveux blancs et à la longue barbe qui lui donnait un air sage, l’ambassadeur du Sankru, clan du désert s’avança et demanda :
« Wanheda, nous n’avons plus de Heda, Ontari est morte…nous n’avons plus de guide. Sans chef, la coalition risque d’exploser. »
Clarke connaissait cet ambassadeur, il avait été le premier à donner son soutien à la reine Nia lorsqu’elle avait tenté son coup d’état.
« Ontari n’a jamais été Heda » corrigea Clarke froidement.
« Elle n’avait pas la flamme. Votre dernier Heda était Lexa kom Trikru et il est possible qu’elle reste la dernière véritable Heda. Cela ne veut pas dire que son héritage doit mourir avec elle. Lexa a formé cette coalition pour instaurer la paix entre tous les peuples, vous devez respecter cela.»
Des voix s’élevèrent dans l’assemblée, mais Clarke ne se démonta pas :
« Il est possible de trouver un autre Natblida et peut être que l’esprit du commandant le choisira, mais cela pourrait prendre beaucoup trop de temps et du temps nous en manquons.»
« Et que proposez-vous Wanheda ? »
La jeune femme prit un instant avant de répondre avec la même autorité affichée qu’elle avait vu si souvent sur le visage de Lexa.
« Je propose un vote. »
Une nouvelle fois les voix s’élevèrent, l’indignation des natifs se fît entendre jusque dans les pièces attenantes.
« Nous ne sommes pas les Skaikru, Heda n’est pas sujet à un vote, c’est le sang qui compte. » Répliqua le vieil homme.
Clarke leva une main en l’air pour imposer le silence.
« Je suis Wanheda, le sang je connais et je peux vous dire que trop de sang a coulé. Je suis aussi Fleimkepa, dépositaire de la flamme et je ne la transmettrai que lorsque vous aurez trouvé un autre Natblida. Je ne vous demande pas d’élire Heda, je vous demande de choisir un chef parmi vous, choisissez parmi vos rois ou vos reines, guerriers, ambassadeurs peu importe. Ce choix vous appartient, cette personne deviendra Intendant, il prendra les décisions et devra garantir la coalition. »
Kane prit la parole : « Nous allons nous même choisir notre représentant dans les plus brefs délais, notre priorité doit-être de garantir la paix et de nous mettre le plus rapidement possible au travail pour savoir si la menace annoncée par ALIE est réelle ou non. »
« Choisissez votre chancelier avec plus de discernement que la fois précédente Skaikru… » Répondit le vieil ambassadeur sur un ton qui s’apparentait d’avantage a un avertissement qu’a un simple conseil.
Kane hocha la tête : « Les erreurs du passé ne doivent plus être reproduites et cela est valable pour tout le monde. »
« Vous avez quatre jours ! » Déclara Clarke d’un ton ferme et sans appel.
Tous relevèrent à nouveau les yeux vers elle, elle reposa la main sur le trône et ajouta :
« Pendant que vous ferez votre choix, nous commencerons à rechercher la vérité concernant ce risque nucléaire. »
En regardant sa fille s’exprimer ainsi devant tous ces dirigeants, Abby ne savait que penser. Clarke semblait totalement inflexible, elle ne parlait plus comme une ambassadrice ou une Skaikru. Elle ressemblait à quelqu’un d’autre…et le docteur Griffin savait bien de qui il s’agissait…
A la suite de cette assemblée, les ambassadeurs envoyèrent des cavaliers aux quatre coins du territoire de la coalition, pour informer de la situation et pour s’enquérir des décisions des différents souverains et souveraines. Clarke décida de réunir les membres du Skaikru pour mettre en place un plan. Elle entraina tout le monde dans son ancienne chambre à l’abri des oreilles indiscrètes.
« Qui va devenir le chancelier ? » Demanda Abby.
« Il va falloir faire voter les gens d’Arkadia. » Répondit Kane.
Murphy en levant les yeux au plafond :
« Ok, mais qui est candidat ? »
Bellamy l’air grave, en désignant Kane du regard :
« Je pense qu’il n’y a qu’un candidat légitime à ce poste. »
Murphy moqueur :
« Dommage que tu ne l’aies pas soutenu avant, on ne serait pas dans ce merdier. »
« Ça suffit !» Rétorqua une voix venue du fond de la pièce. Jaha s’était mis en retrait depuis qu’il avait pris conscience de toutes les atrocités qu’il avait perpétrées en tant que bras droit d’ALIE.
« Je suis d’accord avec Bellamy, Kane est le leader dont nous avons besoin… » Ajouta-t-il.
Murphy provocateur : « Tiens voilà qu’il parle à nouveau…On n’a pas besoin de ton avis. O grand gourou de la cité de mes fesses ! »
Abby d’un signe de la main lui fît signe de se taire.
Murphy irrité de ne pouvoir s’exprimer librement se dirigea vers la porte.
« Ok, de toute manière on ne m’écoute jamais. Faites ce que vous voulez, choisissez le chancelier qui vous plaira, j’en ai rien à foutre après tout ! Je me casse !»
Clarke tenta de le retenir par le bras, mais Murphy lui fit lâcher prise. Il la regarda un instant et lui dit calmement : « Je vais rejoindre Emori. »
Une fois Murphy sortit Kane déclara : « Il y a une autre personne qui a d’avantage de droit sur cette place…Clarke… Elle nous a sauvé d’ALIE, elle est respectée des natifs, ils la connaissent, peut-être la suivront-ils ? »
Abby avec un air désapprobateur :
« Non, non Clarke à assez souffert, laissons-là en dehors de ça. Tu portes la marque Marcus, tu es tout désigné. »
« Je ne veux pas de ce rôle, Marcus… » Murmura Clarke avec toujours le même regard vide qui ne la quittait plus depuis son retour de la cité des lumières.
« Je suis d’accord avec Abby. » Répondit Bellamy.
A cet instant, la jeune blonde se remémora la conversation qu’elle avait eu avec le jeune homme quelques semaines auparavant. Elle se rappela qu’il l’avait accusé de prendre les mauvaises décisions, d’être la responsable du fiasco de Month Weather.
Kane sentit qu’il n’était pas la peine d’insister.
« On va rentrer sur Arkadia, et on laissera le choix à notre peuple de décider. Peut-être que d’autres voudront se porter candidat ? Cette fois-ci si je suis élu, je ferais tout ce qui est possible pour qu’on retrouve une unité dans le camp et qu’ensemble on face front devant la catastrophe à venir. »
Ce discours fît apparaitre un sourire timide sur chacun des visages, mais leurs yeux les trahissaient, la crainte et la lassitude de l’adversité montrait que le cœur n’y était plus. Tous avaient trop soufferts. Ils étaient fatigués de se battre, usés de faire face aux pires atrocités. Ils avaient besoin de repos et d’apaisement. Hélas une fois de plus ils n’en auraient pas le temps.
Jaha se rapprocha du groupe et déclara : « Je ne viens pas avec vous, je ne peux pas rentrer à Arkadia…du moins pas tout de suite. Ma présence risque de diviser notre peuple. Je vais rester et surveiller l’avancée des votes des douze clans. Nous nous reverrons dans quatre jours. »
Personne n’omis d’objection, à vrai dire cela arrangeait tout le monde même s’ils ne l’auraient pas avoué en présence de l’ex-chancelier. En effet, aucun d’eux n’avaient réellement envie de voyager en compagnie de Jaha et encore moins de le voir déambuler dans le camp comme si de rien était.
Une fois les choses dites, tous se dirigèrent vers la sortie, tous sauf Clarke.
« Tu viens Clarke ? » demanda Abby devant la porte.
« Euh…j’aurais besoin de quelques minutes, je vous rejoindrai plus tard. »
Abby sortit en refermant les portes derrière elle. Elle savait que sa fille n’allait pas bien mais elle se sentait impuissante devant le mutisme de Clarke.
Une fois seule, dans cette pièce qui lui rappelait le plus mauvais souvenir de sa jeune existence. Clarke regarda autour d’elle, son couvre-lit était encore taché du sang noir de Lexa. Rien n’avait bougé, tout était exactement dans le même état que le soir ou…
Clarke inspira profondément comme pour ravaler ses larmes et tenter de faire revenir un courage qui lui faisait aujourd’hui défaut. Elle se décida à faire un paquetage des affaires qu’elle n’avait pas pu emmener dans sa fuite de Polis. Elle s’approcha d’une commode, elle ouvrit le tiroir du haut et récupéra quelques vêtements Trikru offerts par Lexa à son arrivée. Où qu’elle soit dans la pièce elle faisait son possible pour ne surtout pas poser à nouveau les yeux sur son lit. Alors qu’elle se déplaçait à travers la pièce son pied heurta un morceau de poterie. Elle venait de marcher sur le vase brisé qu’elle avait lancé sur Titus lorsqu’il l’avait prise pour cible. Un vague d’émotion commença à la submerger. Tandis qu’elle contenait encore ses larmes, ses yeux se posèrent sur une pochette contre le mur.
« Ma pochette à dessin. »
Elle la saisit et alla s’asseoir sur un des fauteuils. Tremblante elle hésita à l’ouvrir, sachant très bien qu’à la vue de ses dessins elle ne pourrait plus contenir sa peine. Mais, Clarke savait qu’elle était là…Lexa était sur chacune de ces pages…elle voulait la revoir même si son cœur allait saigner…il fallait qu’elle la voit c’était plus fort qu’elle.
D’une main tremblante elle retira le contenu de la pochette. Lexa était là, ses traits fins dessinés avec application au fusain. Clarke n’aurait jamais pensé que ça serait la dernière image qui lui resterait de celle qui avait volé son cœur. Les larmes se mirent à couler lentement le long de ses joues, des gouttes tombèrent une à une sur le papier. Les yeux bleus de la jeune femme furent submergés, un torrent de larme, des sanglots de plus en plus forts. Elle eut l’impression d’étouffer, son cœur devenait irrégulier, elle ne pouvait pas retenir ses pleurs qui ne demandaient qu’à sortir. Clarke ne serait plus jamais la même, perdre l’être aimé deux fois était trop pour elle. Les idées les plus noires l’envahirent. La jeune femme avait envie d’hurler, de crier sa souffrance si fort que tout Polis pourrait l’entendre, mais rien ne pouvait sortir à part des gémissements étouffés. Personne ne devait l’entendre, personne ne devrait savoir…Elle se devait encore d’être forte…pour un moment du moins…
Loin de l’avoir apaisée, ses pleurs lui avaient quand même permis d’extérioriser ce qui la rongeait depuis des semaines. Cet instant de recueillement aussi cours fût-il et aussi douloureux soit-il lui avait permis de prendre de nouveau sur elle sans avoir l’impression d’être au bord des larmes à chaque fois qu’on lui adressait la parole. Désormais, il était temps de partir. Si sa pochette à dessin avait été soigneusement rangée dans un sac à l’arrière du Rover. Une chose ne quitterait jamais Clarke, c’était la flamme qu’elle gardait en permanence dans sa poche. Elle s’était même surprise à penser que même si un enfant du sang était trouvé, elle serait incapable de se séparer de l’IA. Cela pouvait passer pour de l’égoïsme, mais cette chose contenait l’esprit de Lexa et on ne pourrait pas encore la lui arracher.
Tous les Skaikru avaient quitté Polis dès la destruction de la cité des lumières. Clarke et ses amis étaient les derniers à rentrer à Arkadia. Seule Octavia n’était pas du voyage. Bellamy l’avait cherché partout mais, lorsque la jeune Blake ne voulait pas être retrouvée il était impossible de mettre la main dessus. Bellamy était donc reparti le cœur lourd, en sachant qu’Octavia devait probablement avoir retrouvé Indra. Le voyage se passa sans encombre, mais dans le véhicule personne ne parlait, comme si chacun se retrouvait face à ses propres démons et profitait de ce moment de calme pour réfléchir à ses actions.