À Brooklyn

The Avengers (Marvel Movies)
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À Brooklyn
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Summary
À Brooklyn, rien ne se passe comme prévu.Voici comment Bucky et Steve sont devenus amis inséparables et comment cette amitié a surpassé le déni et le refoulementVoici aussi comment Steve a entamé sa carrière d'artiste, et comment Bucky est entré dans l'armée.Un Slowburn, de l'art, de l'Histoire, un quartier et des garçons sans pères, dans le New York de la Grande Dépression.
Note
Si je vais jusqu'au bout, de 1931 à 2023, cette histoire sera racontée en cinq parties avec tous les tropes qu'on aime : friends to lovers, ennemies to lovers, triangle amoureux, slowburn, memory loss etc.Mais pour le moment, nous sommes à New York pendant la Grande Dépression, et Steve et Bucky sont de tout jeunes adolescents.Il n'est pas nécessaire d'avoir vu aucun film pour la lire. Les parties suivantes seront davantage intégrées dans leur récit, je vais m'efforcer de les rendre cohérentes en elles-mêmes mais le but n'est pas de re-raconter la saga, plutôt ce qui se passe entre les scènes.Malgré les recherches que j'ai effectuées, si des éléments historiquement improbables demeurent, je recevrai volontiers vos remarques.En ce qui concerne le passé des personnages, j'ai mélangé les sources, entre le film et les comics.Bonne lecture à vous
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Chapitre 35

Passé la première période infernale, Bucky n'eut pas davantage de temps pour dormir, manger, respirer, mais au moins il pouvait se concentrer sur un ordre à la fois. Il revint pour les fêtes de fin d'année, pour danser au bal du 31 décembre avec Frances et déambuler dans Time Square illuminé. « Tu te souviens de l'hiver dernier, quand on a plongé dans l'eau glacée ? Eh bien, je pourrais dire que c'était un premier entraînement :dans deux semaines, je pars en stage de commando !

- Oh ! Comment ça se passe ? demande William.

- On va suivre un scénario, type infiltration et sauvetage... Avec cartographie, manipulation d'armes : une semaine de bivouac. »

Il frime, Frances s'émeut, Steve lève les yeux au ciel. Il le dessinera face à la fenêtre le lendemain, quand ils seront seuls dans l'appartement. Steve prépare ses dossiers d'admissions aux écoles d'art. Le sol est recouvert de journaux grand ouverts, Bucky s'y allonge, étale les éclats de peinture au doigt, il bariole les actualités, barre et caracole. Son trait s'arrête sur une caricature. « Eh, c'est ça qu'on publie dans la presse ? Franchement, Steve, tu fais bien mieux que ça ! Tu devrais leur envoyer tes œuvres !

- Mais bien sûr...

- Arrête.

- Quoi ?

- Répondre ça, quand je t'encourage.

- Bucky, tu dis ça parce qu'on est amis, t'y connais rien, t'es pas objectif. Je vais me ridiculiser.

- J'y connais rien, mon œil ! Ça fait des années que j'te suis dans les musées et qu'on lit les mêmes revues ! Je m'y connais bien mieux que toi, justement parce que j'ai un regard extérieur ! Vraiment, regarde, compare ! Tu ne seras pas ridicule. Même s'ils ne les prennent pas, tu n'as pas à rougir de tes dessins. Quant à l'objectivité, bizarrement, quand j'te dis que t'es pas taillé pour certains adversaires, tu m'écoutes pas... Ouais, en fait, c'est ça, tu m'écoutes jamais !

Steve ? Steve ! »

Bucky fulmine. Steve, replongé dans son dessin, fait la sourde oreille. Son pied se balance lentement quand il est concentré. Outré, Bucky saisit sa cheville et tire. Les journaux glissent, le pinceau lui échappe des mains. « Eh, attention, mon dossier ! » Bucky mord son sourire et tire encore un peu. « Mais t'es insupportable ! » siffle Steve en se redressant, les yeux étincelants. Avec vivacité, il saisit son poignet, tente de l'immobiliser. Son ami rit et se laisse renverser en arrière. Son bras entoure toute la taille de Steve, qu'il entraîne dans sa chute, mais aussitôt, il le fait rouler et s'éloigne.

« Je ne veux pas me battre contre toi, dit-il en se relevant. 

- Tu dis ça parce que j'allais gagner » marmonne Steve, un peu perdu au milieu des feuilles.

Bucky pouffe sans sourire. 

« Tu veux qu'on aille faire du basket dehors ? propose encore Steve en se lavant les mains. On va passer tout l'après-midi enfermés, sinon.

- Ça ne me dérange pas. »

Ils descendent pourtant. Bucky joue dans l'équipe des Black Warriors et il continue de devenir meilleur. De Brooklyn, il a emporté le basket, la sensation farouche du ballon lisse sous les doigts, ses percussions qui remontent le terrain, sèment tous les adversaires derrière lui, agile comme un diable, tendu jusqu'à la victoire. 

« En mars, on a une compétition contre les mecs de la Navy d'Annapolis. C'est en public, tu viendras ?

- Et comment ! »

La rivalité entre les deux académies est historique, encouragée, formatrice – à ce qu'il paraît. Fédératrice, mon œil, soupire Bucky. Les gradés appréhendent la compétition à venir avec plus de hargne que s'ils disputaient les jeux olympiques. La semaine précédant le match, trois gars d'Annapolis profitèrent d'une permission pour taguer les murs de la caserne de West Point. Deux vigiles qui faisaient des rondes nocturnes les repérèrent, et les rivaux furent outrageusement humiliés et rossés, une histoire de pisse, de sous vêtements féminins, d'autres dégradations de fort mauvais goût que Bucky épargna à Steve, dont les photos circulèrent et furent affichées à l'académie, servant de cibles à fléchettes. Mais qu'ils aient réussi à passer leur mur était déjà un pied de nez outrageux, et tout West Point tremblait de rage.

« ... Tu te souviens quand je me suis fait voler mon vélo sous mon nez ? Imagine la même chose dans un troupeau de mecs dont la pression hormonale avoisine la nitroglycérine. C'est de la pure fureur barbare, je suis sur une autre planète. Ils jurent de pendre leur mascotte, Bill the Goat, par les c***...  »

Steve fait une grimace dégoûtée. Ce n'est pas qu'il est particulièrement délicat, simplement il abhorre la barbarie, jusque dans les blagues potaches. Ses oreilles sifflent avant même que le jeu ne débute. Les joueurs à leur poste se foudroient du regard, l'air est bel et bien chargé d'une énergie explosive qui contamine aussi le public. C'est assez excitant si on se laisse prendre au jeu. Steve n'a connu que les matchs de quartier, portés par la fougue gouailleuse et imprécise de l'adolescence. Les athlètes de l'armée, c'est une autre intensité : ils se font face, incandescents, et sur ces éclairs dans leurs yeux, déjà leurs esprits sont en train de s'affronter. Aiguisés, comme s'ils avaient tout à perdre et tout à prouver. 

Les Midshipmen sont d'excellents adversaires, la qualité des Black Warriors est sévèrement éprouvée. Bucky joue. Son corps est battu par l'entraînement militaire, mais le jeu le transporte plus que tout. Ici, il décide, il agit, et le résultat crève la sèche satisfaction du cadre de l'armée. Il sinue dans l'équipe adverse, contre leur stratégie, tout semble évident et on devine que ça ne l'est pas, c'est là sa toute puissance. 

A la mi-temps, Steve gronde intérieurement contre la foule molle et bavarde qui ne quitte pas les gradins assez vite à son goût. Il hésite une, deux fois, et glisse sa silhouette frêle sous les strapontins amovibles. Personne n'a rien vu. Quelques joueurs s'assoient sur les bancs de touche, d'autres se dirigent vers les vestiaires, Steve observe l'avancée de leurs silhouettes à travers le découpage des sièges. Il suit Bucky qui marche au même pas que lui, juste de l'autre côté, entouré de ses coéquipiers et chuchote, quand son ami s'apprête à passer la porte :

Bucky !

Personne ne connaît ce nom, ici. Le jeune homme frémit, et s'il continue d'écouter son coach, la légère tension dans sa nuque aux aguets ne trompe pas Steve. Il est déjà ailleurs, déjà tourné vers lui, il lui fait même signe de rester caché. Steve recule, malicieux jusqu'au fond des gradins où son ami le rejoint avec moins d'habileté.

« Oserais-je demander ce que tu fais là ?

- J'arrivais pas à traverser la foule mais j'avais besoin de bouger. C'était ça ou marcher sur les sièges.

- C'est très impoli de marcher sur les sièges.

- J'allais sortir quand je t'ai appelé, hein. »

Ils sont mal dissimulés par les pieds du public mais c'est un endroit où personne ne songera à regarder. Le sang de Bucky, déjà galvanisé par le jeu, rue maintenant vers son ami et il a le toupet de se persuader que c'est l'effervescence soulevée par son enfantillage. Bon sang, Steve est le pire des punks, un diable de gamin, et moi je le suis là dessous comme si c'était naturel. Et en quelque sorte, ça l'est. Si cette émotion des retrouvailles est familière, alors autant l'accueillir, quitte à la déguiser. Bucky est assez proche maintenant pour que Steve sente passer sur ses joues la chaleur qui émane de son corps, de son souffle court qui soulève sa poitrine, l'athlète impétueux constellé de sueur. Il ouvre la bouche pour le féliciter, Bucky ouvre la sienne pour demander pourquoi, mais les compliments et plaisanteries se pulvérisent. Il n'y a pas de plus claire réponse ni d'encouragement plus vif que les yeux bleus de Steve, sa mine de défi radieuse : un lampion arraché à Brooklyn pour se rappeler à son souvenir. Dans ce qu'il reste d'ombre, Bucky devine le regret et la culpabilité, spectres repoussés par l'excitation du match.

« On va leur montrer à ces petites pédales ! braille un supporter.

- Des tafioles suceuses de bites ! »

Bucky lève les yeux au ciel avec une moue faussement amusée, comme si c'était une blague un peu effrontée et pas sincèrement offensive. La Navy est encore entachée par le scandale de Newport. Il regarde derrière lui et revient à Steve qui a déjà fait trois pas en arrière :

« Va vite gagner ! J'ai à faire, moi aussi. »

 

Bucky promet et gagne. Ruisselant, euphorique, il fouille le public des yeux à la recherche de Steve, sans succès. Cette foule grouillante est trop imprécise, peut-être a-t-il même déjà filé sous les bancs pour le rejoindre au plus vite dans le hall. Il se précipite vers les douches, mais on le retient par le bras.

« Quoi ? tique-t-il avec humeur.

- Regarde ! »

On lui tend une feuille de papier. Des dizaines de prospectus identiques circulent entre les mains de son équipe qui les admire et embrasse en riant. Ce sont des caricatures de la mascotte des Midshipmen, Bill the Goat, empalée par l'épée des Black Warriors. « Il y en avait partout sur les sièges, tu n'as rien vu ? Ça volait comme des feuilles d'automne ! Annapolis est vert de rage ! » Bucky s'enflamme. Il a reconnu le trait de Steve, sans hésitation. « Je ne sais pas qui a fait ça, mais ils ont même réussi à dessiner sur leur drapeau 

- Comment ?

- Mystère ! » 

Que Steve ait "emprunté" le polycopieur du lycée, cela ne fait aucun doute. Mais comment diable a-t-il pu escalader le mât du drapeau ? Steve Steve Steve ! Bucky pivote et s'élance deux fois plus vite vers le hall, le visage arborant déjà une mine faussement réprobatrice. Punk, punk, punk ! « Cadet Barnes ! gueule Perlman à l'instant où il allait interpeler son ami, vous allez me débarrasser le plancher du stade de toutes les traces de la Navy. Une brosse, un seau, et que ça saute ! »

A la surprise de Steve qui s'est retourné en entendant son nom, Bucky salue et obtempère, la mort dans l'âme. Il lui avait annoncé qu'ils disposeraient d'une heure de quartier libre à la fin du match, mais bien entendu, à l'académie militaire, les corvées tombent, impromptues, même sur les vainqueurs.

« Je t'attends à la sortie ? bredouille Steve à sa moue peu convaincue.

- Mais qu'elles sont mignonnes ... » raille le caporal.

Bucky blêmit, pas à la remarque de Perlman, cet abruti, mais à la mine furibonde de Steve qui d'un bond est venu camper droit sur ses jambes face à cet adversaire qui fait deux fois et demi sa largeur : « Eh tu viens déjà de nous priver de quartier libre, tu crois que ça te rend plus important de l'insulter par-dessus ça ? »

Tous les deux se tournent vers Bucky. Dégage ! crient les yeux de Steve. Tu vas finir dans mon bureau demain ! grondent ceux du chef qui se retourne vers le jeune civil : « Tu sais à qui tu parles, minus ? Il va falloir apprendre à respect...

- C'EST QUI QU'ON TRAITE DE MINUS ? » rugit Bucky.

 

 

 

Ça en valait largement la peine, assure Bucky dans sa lettre suivante, et comme il ne décrit rien de sa sanction, Steve grimace en imaginant les pires tourments. Au moins, il n'a pas été exclus.

Steve, bon sang Steve ? Je crois que tu as surpassé le concept de dessin cochon : chaque cadet a gardé une de tes caricatures pour sa chambre et elles sont presque plus vénérées que notre bannière étoilée.

A mon retour, je vous invite, ta mère et toi, au restaurant ! On ira au Horn & Hardart, un truc de science-fiction, tu vas adorer ! 

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