À Brooklyn

The Avengers (Marvel Movies)
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À Brooklyn
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Summary
À Brooklyn, rien ne se passe comme prévu.Voici comment Bucky et Steve sont devenus amis inséparables et comment cette amitié a surpassé le déni et le refoulementVoici aussi comment Steve a entamé sa carrière d'artiste, et comment Bucky est entré dans l'armée.Un Slowburn, de l'art, de l'Histoire, un quartier et des garçons sans pères, dans le New York de la Grande Dépression.
Note
Si je vais jusqu'au bout, de 1931 à 2023, cette histoire sera racontée en cinq parties avec tous les tropes qu'on aime : friends to lovers, ennemies to lovers, triangle amoureux, slowburn, memory loss etc.Mais pour le moment, nous sommes à New York pendant la Grande Dépression, et Steve et Bucky sont de tout jeunes adolescents.Il n'est pas nécessaire d'avoir vu aucun film pour la lire. Les parties suivantes seront davantage intégrées dans leur récit, je vais m'efforcer de les rendre cohérentes en elles-mêmes mais le but n'est pas de re-raconter la saga, plutôt ce qui se passe entre les scènes.Malgré les recherches que j'ai effectuées, si des éléments historiquement improbables demeurent, je recevrai volontiers vos remarques.En ce qui concerne le passé des personnages, j'ai mélangé les sources, entre le film et les comics.Bonne lecture à vous
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IV - Heart as big as a whale

La veille de sa rentrée, Bucky frappe au carreau de Steve, en rythme avec le chant de Cab Calloway qu'écoute un voisin invisible. Trois mesures plus tard, il déboule comme il entrerait en scène.

« Tu es tout beau, James ! » s'écrie Sarah.

C'est ça que Steve voulait dire. Non, pas ces mots-là. 

« On est allés chez un photographe, Barnes était fier que j'entre au lycée ! »

Voilà donc pourquoi il porte les cheveux courts et gominés, la chemise blanche amidonnée, des chaussures neuves. Il fait sérieux.

« J'étais censé enlever ma tenue pour la garder propre mais je voulais... »

Te faire la surprise, que tu voies ça.

« Frimer encore un peu, haha ! »

Quand il rit comme ça, le jeune garçon s'échappe des coutures étroites de son costume d'homme, et Steve respire.

« Tu me montreras la photo ?

- Si tu veux. Mais tu sais, le rassure-t-il en posant solennellement la main sur son épaule, on ne va pas se séparer pour toujours hein ? T'auras pas le temps d'oublier mon visage que je reviendrai déjà t'embêter.

- Crétin ! »

Bucky rit en retenant le coude que Steve essaie de dégager. Il renifle.

« T'es déjà enrhumé ? L'automne arriverait en avance, cette année ? »

Steve fait une pichenette sur sa main qui le tient et renifle encore, intrigué :

« Cologne ? »

Bucky hausse un sourcil mutin.

« Barnes a récupéré plein de vêtements neufs avec l'armée ! Tu voudras qu'on regarde pour toi ?

- Ils font les tailles enfant ? s'émerveille Sarah, moqueuse.

- Maman ! »

Steve demeure un garçon maigre, perché sur ses longues jambes, pointu partout où Bucky s'étoffe. Il sait, bien entendu, que Bucky est bien plus grand et développé que lui, il le constate chaque jour qu'ils vont se baigner dans la rivière, chaque fois qu'une fille le balaie de son regard de velours, il le sent même à sa respiration nocturne, devenue plus profonde. Voilà qu'à la veille de la rentrée, il a coiffé sa mèche rebelle, caché ses genoux sales sous des pantalons, et qu'il entre avec aisance dans des habits taillés pour les militaires. Il semble à Steve, alors même que Bucky serre encore son coude, il lui semble que son ami vient d'embarquer dans le tram pour le lycée et que lui reste planté dans le caniveau, les pieds trempés par une flaque.

« S'il peut nous procurer quelques chemises, en revanche, continue Sarah, je saurai les rétrécir. Tu me diras combien elles coûtent ? »

Bucky acquiesce.

« Qu'est-ce que tu fiches ? »

Steve a collé son pied contre le sien, le regard déterminé.

« Ce sont les plus petites ? demande-t-il en désignant ses chaussures.

- Je ne sais pas.

- Tu en demanderas aussi pour moi ? »

Bucky baisse les yeux. Il a envie de rire. Ils font au bas mot deux pointures de différence, trois serait plus honnête. Et Steve fait clairement une taille enfant.

« Bien sûr. »

Il sait que Steve n'est pas dupe. Steve sait qu'il le sait. Mais cela leur fait plaisir. Il frotte la paume de sa main sur ses cheveux qui scintillent de tout l'or de l'été, et Steve se dégage, se hausse sur la pointe des pieds pour le rattraper. A la radio, Cab Calloway chante l'histoire de Minnie the Moocher, au cœur aussi grand qu'une baleine. Bucky fait swinguer ses souliers brillants sur le plancher en chantant avec Sarah les Hi de Ho - un peu faux, mais brûlants de l'enthousiasme claironnant des cuivres. On ne résiste pas bien à cette voix, aux rubans des trompettes qui s'enroulent autour des épaules et des hanches. Encore trois pas de danse, et Bucky l'invite dans le séjour trop petit. Son audace secoue la timidité de Steve. La pointe des pieds nus, si fins, glisse en rythme sur le plancher.

« Je dois rentrer, soupire Bucky à la fin de la chanson. Le gros Barnes m'a interdit de me salir.

- Tiens, demande lui de faire pareil avec Steven, quand c'est moi, il ne comprend pas...

- MAMAN !

- Ah ben si vous voulez, je l'emporte avec moi !

- C'est ça, déguerpissez, profitez de vos dernières heures de vacances. »

Les mots de sa mère irritent Steve comme une guêpe dans sa tête. Elle s'agite tant qu'il craint qu'elle n'appelle le soir trop vite. Bucky arrête ses gesticulations sur le trottoir en passant un bras sur son épaule, au fond de la gorge des derniers Hi de Ho, tout bas, tout près. L'odeur de son eau de toilette s'atténue lorsqu'il revêt sa vieille chemise de petit gars dans sa chambre, et la guêpe s'apaise aussi. Ils vagabondent dans les rues sans se préoccuper de l'endroit où ils vont, le ventre mal habitué au spleen, l'esprit mal habitué aux promesses, les mains un peu moites à cause des dernières chaleurs. Quand elles se bagarrent, elles saisissent un peu trop fort et longtemps une épaule, un bras, réticentes à se lâcher. Mais on n'est pas familier des déclarations. Bucky annonce vaguement que Barnes va se procurer des places pour assister à un match de base-ball, il en prendra une pour Steve, Steve a entendu parler d'un nouveau film de science-fiction, Bucky jouera dans l'équipe du lycée et Steve viendra voir ses compétitions, ils sifflent des chants de Harlem, établissent encore mille et un plans extravagants, et surtout imaginent comment ils pourront se planter de façon encore plus spectaculaire. 

« This is the end of the line », déclare Steve arrivé devant son immeuble, en équilibre sur la bordure du trottoir. Il se retourne vers son ami. La lumière écarlate du couchant rebondit sur toutes les fenêtres du quartier et se déverse sur les joues de Bucky, qui murmure : « Ouais... » et puis il sourit aussi, et rectifie : « Non, c'est pas ça, le bout de la ligne. » 

Steve regarde ses pieds, Bucky regarde au loin et ils se sentent bêtes d'être si solennels, de ne pas réussir à se séparer, de plus en plus bêtes, mais aussi de plus en plus complices d'être bête à deux tandis que passent les secondes qui les figent là. Le jour ternit pour de bon, et dans le crépuscule, Bucky se décide à lever les yeux pour dire au revoir. Steve le regardait déjà. Il sourit, espiègle, fier d'une ultime réplique qu'il vient de trouver :

« Eh, Bucky ? Toi et moi, on est ensemble jusqu'au bout de la ligne ! »

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