
Chapitre 3
« Il pleut. »
James cascade. L'eau cascade en perles de ses cheveux sur ses pommettes rouges, et son rire aussi cascade, poignées de ces perles qui dégringolent dans l'escalier. Les giboulées de mars. C'est vrai que l'hiver s'en va, et voilà James, son azur imbattable collé au fond des yeux, y a pas de pluie dans ce pays-là, c'est pas permis.
« Je vois ça, balbutie Steve, accroché à la poignée de la porte.
- Je te dérange ?
- Non, j'étais...
Euh seul. » termine-t-il plus bas en reculant pour dégager l'entrée.
James suspend son sourire, faussement timide, ou vraiment, en fait, il n'en sait rien, Steve n'en sait jamais rien.
« Je voulais faire un peu de sport mais... Avec tout ce qui tombe, personne ne veut sortir. »
Steve lève un sourcil dubitatif.
« Et toi, tu vas mieux ? » demande-t-il encore en ôtant ses chaussures sur le palier.
Des souliers de ville.
« Je ne vois pas de quoi tu parles », répond Steve, une serviette dans les mains.
James y étouffe son rire.
« Bienvenue, invite Steve. C'est petit. »
Ils se tiennent dans un séjour, qui devient chambre le soir quand la mère de Steve déplie le paravent pour occulter le canapé, salle de bains quand elle décroche le baquet d'aluminium du mur, cuisine autour du lavabo à l'émail piqué, la vaisselle rangée sur une desserte roulante. C'est aussi un atelier, un bureau, une salle de jeux, selon ce qu'on tire du coffre aux charnières cassées ou du buffet. Une porte entrouverte mène à la chambrette de Steve, un placard aménagé qu'il n'utilise que pour dormir.
« C'est joli. »
Le papier peint a noirci et se décolle dans les coins, les meubles sont dépareillés, rafistolés. Il y a bien un bégonia tristoune dans un coin et deux coussins rouges sur le canapé, mais il faut encore pas mal d'imagination pour trouver ça joli. Le regard de James a embrassé toute la pièce, et il demande maintenant, silencieusement, la permission pour s'avancer vers la table de bois collée à la fenêtre. Steve acquiesce. Son ami fait trois pas, pieds nus sur le plancher et se penche sur la chemise de carton restée ouverte là.
Il a gardé le cahier déchiré par Peter. Steve ne le lui a pas réclamé, il l'a probablement cru perdu ce jour-là. Il a fourré les papiers froissés dans ses poches et les a gardés comme une pie voleuse, attiré par ce qui brille sans savoir qu'en faire, à peine coupable, plutôt jaloux ; il regarde de temps en temps, le soir, les gribouillis dans les coins de pages, de minuscules fenêtres sur un autre monde, quelques traits presque abstraits qui avivent l'imagination, creusent le mystère.
« C'est beau... » murmure-t-il de loin, très loin, plongé dans la contemplation
A cette demande posée, il y a six mille ans, par l'Écclésiaste :
« Qui a jamais pu sonder les profondeurs de l'abîme ? »
deux hommes entre tous les hommes ont le droit de répondre maintenant.
Le capitaine Nemo et moi.
Il n'arrive pas à détacher ses yeux du portrait de Nemo étalé sur la table. Il contemple chaque ligne, le relief qu'elles font émerger, même un peu baveuses sur le mauvais papier, les mystères qu'elles ne laissent pas révéler ; frustrant, essentiellement et précieusement frustrant. Cela ne s'explique pas.
Il ne s'y attendait pas.
« Steve. » dit-il.
Steve.
Pas comme s'il l'appelait, ni comme si une phrase devait le suivre.
Steve.
« Quoi ? demande Steve.
- C'est bien fait, termine négligemment James.
- Merci, bredouille Steve qui l'a rejoint près du carreau inondé de pluie.
- Je ne savais pas comment l'imaginer quand je lisais, mais maintenant je trouve celui-là parfait. Tellement ténébreux. C'est incroyable de savoir... où et comment faire les traits, comme ça.
- Je me suis inspiré de ta tête le jour où Douglas a cassé la fenêtre.
- Non ?! »
Steve hoche la tête en riant silencieusement.
« Mais toi !
- J'y peux rien, tu étais tellement... Comme ça, là, le regard assassin !
- Tssssk...
- Sauf que tu as les traits plus... Ronds. Souples. »
Steve passe le bois de son porte-plume sur les joues et le menton du dessin, comme pour refaire les contours. Précision du geste, c'est comme s'il l'avait dessiné, James voit fugacement, son propre visage.
« Lui, je l'ai fait sec... balbutie-t-il avant d'embrayer très vite : tu veux que je te montre ?
- Mon portrait ?
- Non, comment dessiner.
- Hum. Je pars de très loin.
- Moi aussi, au fond. On peut essayer. »
Steve taille un crayon au canif pendant que James feuillette des journaux illustrés.
« Oh, je veux faire ça ! »
C'est une publicité pour la dernière voiture de Stark Industries. Steve sourit en levant les yeux au ciel :
« Tu ne voulais pas faire un portrait ?
- Ben, il y a une fille à côté de la voiture, ça le fait.
- "Ça le fait" ? »
James sourit de toutes ses dents, absolument angélique. Steve s'allonge par terre sur le ventre et adresse un signe à son ami.
« Bon, fais comme moi (il s'interrompt pour réfléchir à ce qu'il fait) : tu commences par voir globalement le contour... Regarde les distances entre le capot et le pare-brise, la longueur... proportionnelle, l'angle... »
Il trace des ébauches qu'il confirme ensuite par des coups de crayon plus francs.
« Ensuite les formes : les vitres... Ah, je la fais trop longue, mais c'est plus sympa comme ça, en fait...
- Futur designer, approuve James qui dessine, un bloc posé sur les genoux, en regardant très vaguement celui de Steve.
- Attends, on va ajouter des... Ces trucs-là, comment ça s'appelle ?
- Ouais, je vois...
- Montre ce que t'as fait... fait-il en se redressant vivement sur ses genoux pour arriver à la hauteur de son ami. James !
- Ben quoi, tu fais la voiture, je fais la fille !
- Mais James !
- Quoi ? T'es si choqué ?
- T'as pas dépassé le stade du bonhomme en bâtons ? »
Steve tapote le crâne de son camarade avec le cahier.
« Bon, donne ça... »
Il ajoute un peu de rondeur dans les bras, de volume dans les cheveux, de bouffant dans sa jupe.
« Eh, elle est pas si longue sur la photo...
- Nan mais je ne sais pas dessiner les genoux, c'est pour ça.
- Ouh, Steve, petit timide.
- Allez tiens, cadeau. Et la voiture aussi, même si t'as pas mérité.
- Attends, je vais te faire un autre dessin. Je vais faire ton portrait.
- Oh non, non non...
- Mais si, je vais m'appliquer, promis.
- Deux points et une courbe dans un cercle, c'est ça ?
- Ne bouge pas Rogers, ou je te fais le nez de travers.
- Mon nez étant à peu près la seule chose droite chez moi, je te prierais de ne pas...
- Pas pour longtemps, si tu continues à te faire taper dessus. »
Steve ne répond pas tout de suite. Son sourire s'est évanoui. Une rumeur verte passe dans ses yeux bleus. James est près de s'excuser quand son camarade riposte :
« Ça ne ressemble pas à un dessin, ce que tu fais.
- Si, si. Ça te ressemble beaucoup. »
Il déchire enfin sa feuille de son bloc, en fait une boulette et la jette à Steve qui l'attrape au vol :
Liste des choses qui mettent Steven ROGERS hors de lui :
« Non mais...
Toi, soupire-t-il en secouant la tête, incrédule.
- Moi. » sourit James.
1. les insultes,
Et Steve se souvient.
C'était en janvier.
« Barnes ! Eh, tête de nœud, on te retrouve après les cours ou bien ?
- Tu y crois à ta revanche hein ? Rêve, il te reste deux jours pour rêver, après, ma punition sera levée ! »
Douglas adressa un geste licencieux à James en rigolant et entra en classe.
« Tu arbitreras ? demanda James à Steve le soir, en rentrant.
- Quoi ?
- Ma revanche au basket !
- D'accord.
- Ça ne va pas ?
- Quoi, non, si, non, pas du tout ! »
James lui donna une petite bourrade.
« Steve ?
Rogers ?
Steven Rogers ?
- Je ne comprends juste pas que vous vous donniez des surnoms pareils.
- C'est amical ! »
Steve haussa les épaules, pas convaincu.
2. les injustices ,
« Harrington en a après moi... bougonna James en s'asseyant si brusquement à table qu'il faillit renverser la carafe, rattrapée de justesse par Steve.
- Il est toujours persuadé que c'est toi qui as fêlé la vitre, non ?
- Bah oui, mais je ne vais pas balancer les gars non plus... Non, ne me fais pas cette tête, rétorqua-t-il en levant le doigt.
- T'as été puni ! Privé de sortie !
- C'est pas important.
- Te laisse pas faire par eux ! »
James suspendit sa cuillerée de purée à mi-chemin devant sa bouche ouverte, mais s'abstint finalement de répondre. La crevette me dit de ne pas me laisser faire, où va-t-on ?
« C'est pas juste ! argua encore Steve, agacé que James ne vît pas le problème.
- C'est pas grave d'être privé de sortie pendant deux semaines, dit James plus bas. (et avant que Steve pût riposter, très vite, il révèle : ) Si Douglas avait été pris, c'est des coups de ceinture qu'il aurait reçus.
- ... C'est vrai ? lança Steve après un silence.
- Oui. Mais ne le dis à personne.
- Comment tu sais, toi ? Il te l'a dit ?
- Bien sûr que non. J'ai vu des traces. Un gars qui a été placé temporairement chez les Barnes avait les mêmes. Ne le dis à personne !
- Non, à qui tu veux que je le dise de toute façon ?
- Je ne sais pas, je te le demande, c'est tout.
- Il a intérêt à être redevable. Tu peux pas encaisser comme ça pour les autres. C'est quand même lui qui a lancé cette balle !
- C'est comme ça. J'peux pas laisser faire ça, c'est tout. J'peux pas non plus casser la figure de son paternel, hein ?
Hein ?
Hein ?!!
- Hein ?
- Rogers... »
Steve abandonna son air faussement innocent dans un rire espiègle.
« Eh, fit-il avec un petit coup de pied. T'en fais pas pour moi, Rogers.
C'est gênant. »
James gloussait. Steve lui colla de la purée sur le nez.
3. les voleurs,
Février.
« Putain, Barnes ! rugit Declan. J'te savais pas comme ça, petit merdeux ! »
James haussa les épaules, sorry not sorry.
« Serre les poings, gronda Steve, je crois qu'ils vont nous coincer. »
4. sécher les cours,
« On va être en retard, dépêche-toi !
- On vient de se faire passer à tabac et tu t'inquiètes de ton retard ? soupira James qui se relevait difficilement. Et tu me demandes de courir ?! »
Steve s'élança sur le trottoir en claudiquant. Un mois après le coup de la balle, ça coûterait cher à James d'être à nouveau convoqué dans le bureau du directeur avec un oeil au beurre noir.
5. qu'on m'attribue ses prouesses,
« Barnes, que vous soyez un voyou, c'est votre affaire, mais n'entraînez pas Rogers dans vos méfaits ! »
James ne put s'empêcher de rire à la tête indignée de Steve qui se retenait de clamer : mais JE suis le voyou !, et cela lui valut d'être sanctionné pour son insolence, en plus du reste.
Il ne savait pas que Steve se retenait de clamer : James n'a rien d'un voyou !
Ils écopèrent d'une semaine de travaux d'intérêt général. Ils n'avaient pas le droit de se parler pendant leur sanction. Steve calculait sa localisation et lui adressait des messages en morse en tapant sur les tuyaux et les portes, il dessinait des cartes à la craie derrière les tableaux, semait des soldats de plomb après lui, et ils les faisaient avancer comme un jeu d'échecs géant dans tout le collège ; ils s'adressaient des signes avec un miroir par les fenêtres.
Une semaine de punition, ensemble et séparés, une semaine sans basket avec les copains, mais James dut bien, quand ce fût terminé, admettre qu'il en aurait bien repris
de cette complicité inattendue
de ces ruses étonnantes
glissades illicites sur le sol lessivé
grimaces de vitre à vitre, messages sur la buée
l'étincelle franche et fine de son regard
et rentrer fourbus sur les trottoirs nocturnes, riant encore
« Bonne nuit, Bucky, et bon week-end.
- Quoi ? »
James, trois marches plus haut sur le perron, se retourna. Steve qui s'était déjà éloigné clama : « Mister James Bucky Barnes ! », les bras ouverts dans la nuit.
Et Bucky, flamme dans le regard, sourit.
Pendant tout l'hiver, les soldats de plomb continuèrent d'envahir les salles de classe, d'espionner le bureau de Harrington qui trébuchait dessus et fulminait. Certains élèves remarquaient leur avancées et faisaient des pronostics que les complices échangeaient en secret à la récréation mais personne ne parvint à les prendre sur le fait. Il y en avait aussi plein dans l'immeuble : ils avaient peint deux équipes, une bleue et une noire, elle s'affrontaient dans les cages d'escalier, se dissimulaient sous les tapis, dégringolaient les marches, reconstituaient des batailles historiques en un peu plus épique. La vieille du troisième avec laquelle la mère de Steve jouait aux cartes le soir s'en plaignait, elle les balayait régulièrement et c'était alors un jour de deuil national, des commandos étaient organisés pour récupérer les otages dans le caniveau.
Bucky continuait de jouer avec ses copains au collège et au parc, mais jamais loin du regard de Steve, qui ne manquait pas de l'acclamer, en silence, sinon ce serait un peu ridicule. Il s'y joignait parfois, arbitrait de temps en temps. Il commentait avec énergie et animation, ça amusait les gars, dans le bon sens : c'est qu'il parle bien la crevette. Personne ne sut d'où venait le surnom de Bucky – ni pourquoi James refusait que certains l'utilisassent -, personne ne savait pourquoi Steve arrivait parfois amoché, personne ne savait à quel point la vie devenait plus supportable au collège pour Steve depuis que Bucky marchait à côté de lui.
Ils ne virent pas l'hiver passer.
Un des premiers matins de mars, Steve ne descendit pas sur le trottoir. Bucky l'attendit longtemps sous la neige. Les hommes au chômage erraient déjà, emmitouflés dans leurs manteaux, c'est tout ce qui leur reste, ils déambulaient en espérant se réchauffer à force de marcher, en attendant que les agences ouvrent. Bucky aussi piétinait pour réchauffer ses orteils. Agacé par le défilé des voitures qui le laissaient sur la touche et les regards des misérables, il se décida à avancer mais chaque pas frémissait d'hésitation, et quand il arriva au bloc suivant où Douglas et sa bande l'attendaient en pestant contre son retard, il lui semblait qu'il avait laissé son fantôme là-bas.
« Je peux copier ton devoir d'histoire ?
- Non » marmonna Bucky avec indifférence.
Stanley insista, fit miroiter dix cents : « T'abuses, allez ! Ça te coûte rien à toi ! »
C'était vrai. Bucky avait griffonné son essai en vingt minutes. Il souffla sur ses doigts gourds et les enfouit dans ses poches dans l'espoir vain de les réchauffer. Ses ongles dérapèrent sur la tête d'un soldat de plomb.
« Maussade, Barnes ?
- J'ai oublié quelque chose.
- Merde. Eh, qu'est-ce que tu fous, tu vas être à la bourre ! Harrington ne va pas te louper ! »
Il adressa un vague signe aux gars, déjà élancé dans l'autre sens. Son sac battait ses côtes, ses chaussures dérapaient sur les pavés verglacés. Il se projeta dans une longue glissade pour avaler quelques mètres, grimpa les escaliers quatre à quatre et frappa, à demi effondré sur la porte.
Personne ne répondit. Il laissa son sac tomber par terre et se pencha, les mains sur les genoux, en grimaçant. Ses poumons brûlaient et luttaient pour avaler de l'air. Ça ressemblait à ça, l’asthme ?
Mais pourquoi il se met constamment dans des états pareils ?
Mais pourquoi t'es resté ?
Il rit tout seul et frappa encore.
« Steve, tu es là ? »
Il entendit tousser péniblement.
« Steve !
- Bucky ? Mais t’es en retard..., répond une voix caverneuse.
- Qu'est-ce que tu as ?
- Une angine.
- Ça fait mal ?
- Va à l'école, voyou.
- Soigne-toi bien, vaurien. » dit Bucky en anglais, et ça sonne comme "punk".
Il déposa sur le pas de la porte un soldat bleu, sur lequel Sarah trébucherait quelques heures plus tard, en pestant qu'elle avait abîmé sa chaussure et qu'il était trop vieux pour jouer avec ces bêtises et ne te découvre pas, attention aux courants d'air ! lorsque Steve surgirait des couvertures pour aller le chercher. Il en trouverait un autre dans la boîte aux lettres.
Pendant toute la semaine, ils eurent le sentiment de manquer quelque chose quand ils ne se rejoignaient pas sur le trottoir chaque matin, même si Steve faisait briller un miroir à sa fenêtre pour épeler son nom en morse, tout grelottant de fièvre dans le courant d'air. Chaque matin. Bucky semait son sourire là, au coin de la rue, avant d'égrener des soupirs le long du trottoir. Manque de lui, de ses jeux à tiroirs, de son humour fin, de l'étincelle de son admiration qui le couronnait quand il marquait au basket. Il lui apporta ses devoirs, en songeant que le chemin du retour était plus tranquille quand il ne se souciait pas des voyous qui pullulaient. Vraiment, trop tranquille.
Il songeait qu'il ne voulait plus manquer un seul de ces jours qui étaient à chacun toute une aventure
Bucky avance, émerveillé par la tristesse, parce que Steve lui manque.
Et aujourd'hui, samedi, il pleut, et il est secrètement ravi que personne ne veuille sortir.
« Pfff », fait Steve en chiffonnant à nouveau la boulette.
Bucky l'attrape au vol.
« T'as pas mis le plus important.
- Quoi ? C'est quoi ? C'est pas qu'on m'attribue tes prouesses peut-être ?
- Voyou, va, riposte Steve.
- Hoho, rit Bucky, une insulte ? »
Steve hausse les épaules. Il a essayé, il se rend compte que ça ne lui va pas, cette attitude vulgaire de pote de Bucky, et il se sent bête.
« Punk, lance Bucky, avec un petit sourire en coin.
- Voyou. » répète Steve avec l'autre moitié du sourire.
« Sarah », sourit la mère de Steve, légèrement rose.
Steve lève les yeux au ciel et pose sur la table une boite de carton, celle qu'il a si difficilement récupérée des mains de Peter et Declan. Il y prélève une ampoule médicale.
« Qu'est-ce que c'est ?
- De l'adrénaline.
- Woah ! s'écrie Bucky.
- Quoi ? s'étonne Steve.
- C'est pas... C'est pas un truc qui rend sur-puissant, l'adrénaline ? »
Steve éclate de rire.
« Ben si : regarde-moi ! Une forme olympienne. »
A peine gêné, Bucky répond, espiègle :
« Qui sait ? Je ne sais pas d'où tu pars.
- Vrai. »
Et Steve sourit en refermant la boîte :
« Grand prématuré. Asthme, tu sais déjà, scoliose, arythmie. Anémie aussi. »
Bucky baisse les yeux avec une moue, le genre de sourire dont on veut cacher l'embarras.
« Ouais. C'est un super sérum, ce truc alors.
- Non, sourit Steve. C'est une hormone qui décontracte les muscles et diminue les vaisseaux. C'est bon pour les crises d'asthme.
- Pourquoi tu n'en as pas pris l'autre jour ?
- Il faut faire une piqûre.
- Brrr. »
Il fait tourner la petite ampoule entre ses doigts.
« Et si moi j'en prends, ça fera quoi ?
- Ça va exciter ton cœur et ton système nerveux. Ça va faire monter ta tension.
- Mouais, d'accord, je veux bien essayer. »
Steve lui enlève l'ampoule des mains en riant.
« Non.
- Je vois, tu veux garder tous les super pouvoirs pour toi...
- C'est cher. »
Sarah apporte un gratin de pommes de terre, s'excuse de la rusticité du plat et pose un brin de persil dessus pour faire chic. Steve lève les yeux au ciel. Bucky, enfant chéri.
« Vous voulez du Coca Cola ?
- Mais maman ! Depuis quand on boit du Coca Cola à table ? »
Bucky éclate de rire et tend un verre de soda à son ami :
« Tiens, prends du sucre, ça te fera grandir !
- Ah, mais très drôle... »
Il touille dans son plat de purée. Bucky lui donne un petit coup de genou. Steve boude plus fort. Il peut toujours insister.
Et il insiste.