Absolution
L’heure était si tardive qu’elle en était déjà matinale, mais comme à chaque fois qu’elle était plongée en plein travail, le major Samantha Carter ne s’en était pas rendue compte.
Cela faisait déjà plusieurs jours qu’elle étudiait l’artefact confisqué à Sirius sans obtenir le moindre résultat. Elle n’avait même pas le début d’une théorie !
La voyant aussi frustrée, O’Neill avait bien essayé de lui ordonner d’arrêter les recherches, mais il n’avait réussi qu’à lui faire faire des heures supplémentaires qui ne comptaient pas comme telles. Il était vrai qu’elle préférait le travail dans son laboratoire à la solitude de sa maison, mais en l’occurrence, il n’était qu’un prétexte.
-Vous êtes déjà là ? demanda une voix depuis le seuil de la porte, la faisant sursauter.
-Oh, Daniel, souffla-t-elle en s’efforçant de sourire, une main sur le cœur.
Il s’approcha et déposa un gobelet de café sur le bureau, devant elle.
-Vous n’avez pas passé la nuit ici, j'espère ? interrogea-t-il encore d’un air suspicieux.
À ces mots, le sourire de Sam se tordit dans une grimace.
-Non, mentit-elle d’une voix plus aiguë que d’ordinaire.
-C’est moi qui ai dû me tromper, alors, commenta Daniel. Je croyais qu’on avait dit qu’on porterait du bleu, aujourd’hui ?
D’un geste du menton, il désigna l’uniforme vert olive de sa collègue. En effet, les quatre membres de SG-1 s’appelaient tous les jours pour choisir une couleur à revêtir. C’était leur manière à eux de montrer qu’ils formaient un groupe soudé.
-Ah, fit-elle, prise la main dans le sac.
Il y eut un moment de silence pendant lequel la jeune femme but une gorgée de café dans l’espoir de masquer sa gêne.
-Ce n’est pas votre faute, Sam, dit Daniel.
Il la dévisageait d’un regard pénétrant et le major détourna les yeux.
Elle détestait quand il faisait cela ; elle avait toujours l’impression qu’il avait la faculté de lire au-delà de ses pensées, jusqu’au plus profond de son âme.
-Je sais, murmura-t-elle.
Voilà qu’elle en avait à nouveau les larmes aux yeux ! Elle n’allait tout de même pas se remettre à pleurer, si ?
-Vous avez fait tout ce que vous avez pu, rappela Daniel d’une voix douce.
-Je sais, répéta Sam. C’est juste que…
Elle étouffa un sanglot.
Daniel fouilla un instant à l’intérieur des nombreuses poches de son uniforme et finit par en sortir un paquet de mouchoirs en papier – l’archéologue souffrait d’allergies et en avait toujours plusieurs sur lui. Sam l’accepta avec gratitude et se moucha bruyamment.
-Merci, articula-t-elle avec difficultés.
Elle renifla encore deux ou trois fois tout en essuyant ses longs cils perlés de larmes. Le mascara qu’elle portait avait beau être waterproof, il n’en avait pas moins fini par couler à force d’avoir été porté pendant si longtemps.
Sam respira plusieurs fois profondément dans l’espoir de reprendre le contrôle de ses émotions avant de se lancer dans des explications. Elle ressentait le besoin oppressant de justifier son hyper-émotivité soudaine.
-C’est juste qu’essayer de soigner Sirius avec l’appareil de soin Goa’uld et ne pas parvenir à le guérir, ça m’a rappelé…
Elle dut prendre une grande inspiration pour trouver le courage d’achever sa phrase :
-Ça m’a rappelé le jour de votre mort, à vous.
Elle sanglotait à nouveau et se moucha pour donner le change.
-Je comprends, assura Daniel d’une voix douce, pleine de compassion. Moi aussi j’étais dans le coma et l’appareil Goa’uld n’a pas marché comme vous l’espériez.
Incapable de prononcer le moindre mot, Sam se contenta d’acquiescer d’un hochement de tête.
Elle avait essayé ; elle avait vraiment essayé ! Elle y avait mis toute son énergie, toute sa concentration, mais tout comme avec Daniel dix-huit mois plus tôt, elle n’était pas parvenue à sauver la vie de Sirius.
-Et le fait que lui aussi ait visiblement accompli l’Ascension sous vos yeux… poursuivit l’égyptologue en hochant gravement la tête. Oui, soupira-t-il, je comprends que toutes ces similitudes vous troublent. Mais Sam, ajouta-t-il en plantant son regard dans le sien, ce n’est pas votre faute. Ni pour Sirius, ni pour moi.
Samantha déglutit avec difficultés mais se garda bien de le contredire.
Au fond d’elle, l’officier savait qu’en ayant fait de son mieux, elle ne pouvait pas être tenue responsable. Mais la blessure causée par l’empoisonnement et la mort de Daniel n’était pas encore tout à fait refermée, malgré le retour de son ami dans sa vie.
-Et puis, qui sait ? sourit-il encore, les yeux soudain rieurs. L’univers est vaste… Peut-être recroiserons-nous Sirius un jour prochain ?