
« Habille-toi. »
Hermione sortit de son livre pour regarder Luna avec étonnement. Cette dernière la fixait, habillée d’un manteau bleu, d’un bonnet sur lequel des pains d’épices faisaient une bataille de boule de neige et d’une écharpe qui lui couvrait le visage, ne laissant que ses grands yeux bleus dépasser. Autrement dit, habillée pour sortir.
« Mais…
-Habille -toi. Je t’attends dehors. »
L’ordre sonnait étrange avec la voix chantante de la Serdaigle. Sans attendre de réponse, Luna sautilla vers l’entrée de l’appartement, ses cheveux blonds flottant dans son dos. Elle claqua la porte, laissant une Hermione coite encore emmitouflée dans les couvertures.
« Par Merlin, mais qu’est-ce qui lui prend ? »
D’un geste brusque, elle rabattit son doux plaide pour s’habiller contre le froid de décembre. Une fois couverte de la tête aux pieds, elle dévala les escaliers de leur immeuble pour retrouver Luna à l’entrée, patientant en regardant Merlin savait quoi sur un mur.
« Luna, je peux savoir ce qui t’arrives ?
- C’est bientôt Noël, le village a été monté sur la place de la Victoire. »
Luna croisa son regard, son éternel sourire éthérée accrochée aux lèvres.
« Cela nous fera du bien de sortir.
-Mais…
- Et puis le hibou ne viendra pas tout de suite.
-Luna…
-Allons-y. »
Elle posa sa main sur la poignée. Hermione la stoppa au dernier moment.
« Luna, je…
-Nous ne pouvons pas rester enfermé ici. Nous partons dans trois jours.
-Ce n’est pas pour rien qu’on ne…
-Je pense que nous sommes plus que protégées, non ? »
Luna avait gardé son ton rêveur tout le discours, fidèle à elle-même. Hermione la fixa, bouche bée face aux propos directe de son amie.
« Comment ?
-Les jonchuruinnes. »
Il y a trois mois, Hermione aurait discrètement roulé des yeux.
« On y va ? »
La lionne avisa une nouvelle fois les portes aux vitres opaques. Elle s’imagina sortir, sentir l’air froid lui mordre les joues et le nez, ses cheveux geler et ses pieds glisser sur le verglas. Il y aurait du monde autour d’elle ; des familles, des gens solitaires, des couples ou des groupes d’amis. Elle se projetterait sur eux, imaginant Ron, Harry et elle marchant joyeusement vers les Trois Balais en parlant de Quidditch, de bière au beurre ou de devoir. Ils croiseraient peut-être Seamus, Dean et Ginny auxquels ils joindraient pour cracher sur les Serpentard et Rogue. Peut-être…
« Tu feras attention, les jonchuruinnes recommencent à tourner autour de ta tête. »
Hermione cligna des yeux en reprenant ses esprits. Elle s’ébroua puis racla sa gorge. Luna la couvrait d’un regard doux, patientant la main sur la poignée. Hermione agita sa main au-dessus de sa tête, comme pour chasser une mouche.
« Il ne faudrait pas qu’ils s’accumulent.
-Je te ferais du thé à la lavande si tu veux, ça aide à les éloigner. »
Hermione sourit à Luna, qui inclina la tête.
« On y va ?
-On y va. »
oOoOoOo
Le village était lumineux. Les guirlandes des chalets scintillaient de milles feux, faisant briller les yeux des enfants qui s’exclamaient devant les magasins de gâteries. Les adultes, les parents, les couples ou les groupes d’amis arpentaient les rues enneigées en dégustant un vin ou un chocolat chaud. Les rires se mêlaient à la musique de noël qui égayait la place.
Tout allait bien.
« Oh regarde, des chocogrenouilles. »
Luna tira la manche d’Hermione pour l’amener vers un présentoir de cloche dans lesquels sautaient des grenouilles en chocolats. Mais pas seulement, en avisant les couleurs diverses des gâteries magiques. Si certaines étaient d’un brun sombre, d’autre tiraient sur un chocolat au lait, voir blanc. Hermione haussa un sourcils devant une cloche refermant des grenouilles roses, grises ou vertes.
« Les vertes sont à la menthe, les grises à la myrtille et les roses à la framboise ! »
La lionne sursauta à la voix puissante du marchant, qui aboya un rire.
« Pardonnez-moi, p’tite dame. Tellement de gens demandent les parfums que je les dis à tout va ! Même quand on ne me l’a pas d’mandé ! »
Son rire puissant attira l’attention de quelques personnes, mais il resta concentré sur Hermione.
« Vous v’lez en gouter un, p’tite dame ? Pour me faire pardonner de vous avoir fait peur !
-Oh, euh…
-Ce serait avec joie. »
Hermione retint sur sursaut lorsque Luna parla juste derrière elle. Elle lui fit les gros yeux, mais Luna l’ignora en admirant comme elle savait le faire les pâtisseries sauteuses.
« Je gouterais bien la myrtille, s’il vous plait.
-Et une myrtille, une ! Et vous, p’tite dame, qu’est-ce qu’il vous faut ?
-Ne m’appelez pas comme ça…
-Pardon ?
-Euh… Menthe. Je vais prendre menthe, je vous prie.
-Et une menthe ! »
D’un coup de baguette, le vendeur souleva la cloche pour faire voler les deux grenouilles. Il les présenta sur un petit carton aux deux sorcières, qui les saisirent au vol. Luna fredonna un merci avant d’avaler sa gâterie en s’éloignant ; Hermione s’apprêta à remercier le vendeur lorsque ce dernier parla.
« Choisissez toutes les pâtisseries que vous voulez, c’est offert par la maison. »
La lionne fixa avec stupeur le vendeur, ne comprenant pas.
« Je vous demande pardon mais… Pourquoi ?
-C’est Noël ! La magie nous rend généreux !
-Vous êtes un vendeur…
-Et vous êtes une p’tite dame qui se pose trop de questions. »
Il illustra ses propos en désignant du menton la chocogrenouille verte dans la main d’Hermione.
« Mangez, v’zallez aimer.
-Comment vous savez ? »
Le vendeur sourit. Hermione remarqua alors que ses yeux étaient d’un noir profond.
« La magie de Noël… »
Elle le détailla. Il était massif et de haute taille, son front disparaissait sous les décorations clignotantes. Ses bras étaient dessinés de formes ondulantes, comme des serpents ou des dragons. Sa barbe épaisse couvrait son visage mais ne cachait pas le sourire immense qui illuminait son regard.
Il lui rappelait quelqu’un. Quelqu’un de confiance. S’il avait des cheveux longs, une barbe plus poilu et un manteau taupe sentant l’animal exotique…
Hermione croqua dans la chocogrenouille. La menthe poivrée mit en valeur le chocolat amer de la pâtisserie, lui chatouillant le palais et la langue. Elle rit.
« C’est délicieux !
-Héhé ! Je le savais ! Quel merveilleux sourire vous avec ! Qu’est-ce qui vous ferait plaisir d’autre ? »
Hermione se laissait prendre au jeu du vendeur, désignant les grenouilles vertes, noires et brunes. Elle prit aussi des chocogrenouilles à la myrtille, qui semblait avoir plut à Luna. Alors qu’elle commençait compter ses galions, le vendeur s’exclama.
« C’est cadeau ! »
Sans plus de cérémonie, il lui fourra le papier d’emballage dans les main. Hermione le rattrapa comme elle put, essayant de ne pas renverser sa bourse en même temps.
« Ne vous inquiétez pas p’tite dame ! Je vous l’ai dit, c’est la magie, c’est l’hiver ! Joyeux Noël ! »
Il rit, et à nouveau attira l’attention de tout le monde. Hermione rougit alors que tout le monde la regardait. Elle croisa avec bonheur les yeux rêveurs de Luna et la rejoignit, laissant le vendeur.
« Tu as dit une blague ? »
En grognant, Hermione attrapa Luna et la tira loin du chalet, loin des regards, éliminer la sensation désagréable sur sa nuque.
« Elle devait être rigolote pour que tu le fasses rire.
-Luna.
-Tu as pris des bonbons. »
Elles étaient arrivées dans une rue parallèle, bien plus calme. L’intensité lumineuse amoindrit laissait voir les étoiles de la nuit sans lune. Hermione regarda le paquet d’un air circonspect, puis se ravisa et sourit à son ami.
« Oui ! Tiens, c’est cadeau.
-Oh ! Tu as pris des myrtilles ! Merci ! »
Luna lui embrassa la joue avant d’ouvrir un paquet gris. Hermione la regarda un instant manger sa gâterie avant d’attraper un paquet vert sur lequel un « M » était joliment calligraphié. En regardant les alentours, elle remarqua au loin le parc municipal.
« Il semblerait que le parc soit ouvert. »
Luna regarda en avalant une grenouille chocolat blanc.
« On y va ?
-On y va. »
oOoOoOo
Bras dessus, bras dessous, le duo pénétra dans le parc vide. Rapidement, Luna abandonna Hermione pour courir après un être invisible. La lionne secoua la tête en observant son amie regarder en l’air. Elle préféra errer dans le parc, observant la végétation blanchit par la neige ou les traces animales qui perçaient le manteau blanc çà et là. Laissant l’instinct la guider, Hermione marcha, bras croisés contre sa poitrine. Son esprit erra de souvenir en souvenir, lui renvoyant sa mère et elle jouer dans la neige pour faire un bonhomme de neige. Elle revit son père amener une buche glacée de leur pâtisserie préférée sous les acclamations d’une petite fille aux cheveux déjà fous. Harry et Ron marchaient plus loin, parlant de Quidditch ou faisant une bataille de bouless de neige avec Ginny, Dean et Seamus.
Hermione mit ses mains dans les poches et sentit l’emballage cartonné de la chocogrenouille menthe poivrée. Elle le sortit et détailla les arabesques vertes et argents qui entouraient le « M ». Hermione pouffa au souvenir de ce vendeur étrange en ouvrant la boîte.
C’est la magie de Noël.
Elle manqua alors de la faire tomber.
La grenouille était figée, ne ressemblant qu’à un chocolat moldu. En revanche, le verso de l’emballage était annoté dans une écriture fine.
Joyeux Noël, H.
Elle reconnaissait cette écriture. Jetant un œil à Luna dansant plus loin avec les flocons de neige, Hermione sortit son sac de perle. Elle sortit d’entre les livres et les encyclopédies une petite boîte métallique. Maintenant assise sur un banc gelé du parc, elle déverrouilla le cadenas avec hate. Une pile de lettre se dévoila à elle, toutes adressée à son nom. Toutes écrites avec la même calligraphie fine que le « Joyeux Noël, H ». Hermione attrapa la dernière et la déplia soigneusement après avoir posé le paquet.
Chère H.
Il me tarde de te retrouver. Notre dernière nuit date de bien trop longtemps. Je reste convaincu que le théorème de Morgane prévaut celui de Merlin. Et je pense que ton parfum préférée est la menthe poivrée.
J’espère te voir avant Noël.
Signé ~
Les mots la firent sourire. Le grand orateur qu’elle connaissait avait une plume bien pauvre. Puis elle repensa au vendeur, et elle comprit. De la chaleur enlaça son cœur, pour la première fois depuis… longtemps.
« Hermione ? »
Luna s’approcha d’un pas dansant, des papillons de neiges volant au-dessus d’elle.
« Le lac est gelé. »
Hermione la regarda sans comprendre.
« Tu veux faire du patin ?
-Oh… Pourquoi pas. »
Luna lui tendit le bras en lui offrant un sourire dont elle avait le secret. Hermione le lui rendit et rangea à la hâte ses affaires. Elle constata alors que sa chocogrenouile s’était enfuit…
« Rah zut.
-Ta chocogrenouille s’est envolée ?
-Comment tu… ah, je sais. Les jonchuruinnes. »
Elle avait ri sans se moquer. Luna continua.
« Ils disent bien des choses.
-J’imagine. »
Attrapant son bras, Hermione se laissa tirer par Luna vers la surface gelée. D’un coup de baguette, elles firent apparaître des patins puis se laissèrent glisser sur la glace.
« La dernière fois que j’en ai fait, c’était avec mes parents. »
Luna lui lança son éternel regard rêveur avec une pointe d’interrogation.
« Harry et Ron ne patinaient pas ?
-Oh non ! »
Les souvenirs des chutes mémorables des garçons firent rire Hermione aux éclats. Elle revoyait leurs mines déconfites et les joues rougit de froid, mais surtout pas de honte. Non madame.
« Tu as un très beau rire. »
Hermione regarda Luna.
« On dirait une boite à musique. »
Cette fois, la lionne haussa un sourcil.
« Une boite à musique ?
-Ou un xylophone. »
Luna fredonna. Elle fit tournoyer sa baguette en murmurant un sort. Une douce musique s’éleva dans les airs, faisant tournoyer les flocons en rythme.
« C’est un sort que mon père lançait quand j’allais patiner sur le lac à côté de chez nous. »
Hermione écouta un instant la musique éthérée, ses bras s’accordant au tempo lent. Elle imagina une petite Luna aux grands yeux bleus tournoyer sur la glace dans un équilibre précaire, son père sur la rive en faisant danser les flocons.
« C’est joli… »
Luna regarda le ciel. Sans un mot, elle leva un bras, puis l’autre. Elle commença à patiner, traçant des courbes tout en tournoyant en rythme avec la musique ; les flocons suivaient ses mouvements, ressemblant à un ruban de gymnaste. Hermione la regarda un instant avant de se lancer à son tour, avec bien moins de grâce. Elles tournoyèrent l’une autour de l’autre, oubliant le monde. Ce soir, il n’y avait qu’elles, la musique et la neige. Ce soir, tout allait bien.
Hermione manqua de tomber lorsqu’elle vit une loutre se former parmi les flocons. Elle flotta un instant avant d’être rejoint par un lapin sautillant. Les deux animaux de neige volèrent ensemble, sous le regard émerveillé d’Hermione. Luna arriva derrière elle, attrapant ses épaules et posant son menton dessus.
« Joyeux Noël, Hermione.
-Tu es en avance de quatre jours.
-Ce n’est pas grave. »
La musique continua, les flocons dansèrent, le lapin et la loutre firent un roulé boulé. Et Hermione rit en mêlant ses doigts à ceux de Luna.
« Joyeux Noël, Luna. »