Les enveloppes rouges

Harry Potter - J. K. Rowling
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Les enveloppes rouges
Summary
Lavande Brown travaille pour le nouveau Ministre de la Magie. Pleine d'ambitions et d'espoirs après la guerre, elle ne lésine pas sur les efforts lorsqu'il s'agit d'aider à reconstruire le monde qu'elle a perdu, qu'ils ont tous perdu à cause de Voldemort. Malheureusement, les idées les plus nobles peuvent être détournées... et elle va en payer le prix auprès de ses amis.
Note
Ce texte est un OS écrit lors de la participation à l’ASPIC organisé par le serveur Discord Potterfictions. Vous pouvez le rejoindre via le lien suivant : https://discord.gg/5FHmSpEfvh Mes personnages étaient : Lavande Brown et le couple Blaise/Ginny Contrainte de texte 1 : "Marriage Law" Contrainte de texte 2 : "Cohabitation forcée" Mots imposés : Bouteille ; Cadeau ; Mer ; Superstition ; Touristes ; Village Je n'ai pas su publier dans les temps mais voilà malgré tout mon humble participation...

LES ENVELOPPES ROUGES


Voilà, ils y étaient. C’était maintenant. Pas de retour en arrière, pas de porte de sortie, pas de choix tout court.

Lavande était arrivée tôt à la Chaumière aux coquillages. C’était ici qu’ils se retrouvaient, tous, loin du brouhaha de Londres et du Ministère, loin des journalistes et des mauvais souvenirs. L’humble demeure au bord de la mer en aurait pu être un aussi, pourtant. Mais non. De la guerre, elle n’avait gardé que son symbole de refuge intemporel, son aura de sérénité inespérée au milieu du chaos…

Le chaos était toujours là, lui aussi. Sous une forme différente, bien sûr, un brin préférable pour la survie, mais… pas moins agressive. Plus sournoise, peut-être, plus contrôlée, plus hypocrite. Déguisée. Un chaos tenu en laisse et grimé.

Fleur et Bill s’étaient poliment tenus à l’écart. Ils l’avaient laissée, avec Luna et Neville, descendre vers les dunes, de grandes nappes blanches pliées sous le bras. À trois, ils avaient soigneusement étendu les larges bandes de tissu sur le sable encore humide de ce début de soirée. Ils avaient entouré le carré blanc de hautes lanternes noires à la lumière jaune chaleureuse, et disposé dans un coin les couvertures douillettes dont la plupart avaient été tricotées par Molly, ainsi que la généreuse boîte de sablés que Luna avait préparés pour l’occasion. Neville avait pensé à amener l’une de ses jeunes pousses de Wiggentree pour, selon ses dires, encourager l’apaisement et la légèreté du corps. Lavande était sceptique : elle semblait être faite de plomb ces derniers mois. Ce soir, c’était pire : ses os, sa langue et même les mèches de cheveux pesaient lourdement, comme si tout chutait vers son estomac noué. Elle se souvenait toutefois très bien de ses cours de botanique et savait que les Wiggentree étaient censés repousser les créatures malveillantes. À ce qu’on disait, les plus beaux d’entre eux peuplaient l’une des forêts du sud du pays. À eux seuls, ils attiraient des masses de touristes adeptes de silvothérapie sur les sentiers escarpés de randonnée. Les hommes, les femmes et les enfants venaient jusqu’à eux pour les serrer dans leurs bras, peut-être prier tout bas…

Lavande n’avait jamais accordé un grand intérêt aux pouvoirs des plantes. Aujourd’hui, elle observait le bébé Wiggentree de Neville, endormi dans son pot généreusement rempli de terreau humide, et sentait le bout de ses doigts la démanger. Elle se sentait un peu ridicule, mais elle avait très envie de toucher ses feuilles, imaginait sentir leur protection couler magiquement dans ses veines et… annihiler la douleur, la culpabilité, le chagrin. C’était devenu ça, ses créatures malfaisantes. Ou était-ce le Ministère ? Ou peut-être… elle-même.

Les habituels – Harry, Ron, Hermione, Ginny, Fred et George – arrivèrent au compte-goutte. Ron vint l’embrasser modestement et entourer sa taille d’une brève étreinte. Harry était accompagné de Drago, Ginny de Blaise, Hermione de Pansy, et les jumeaux comme d’habitude indécollables. Un peu plus tard, Théodore les rejoignit. On entendait à chaque fois leurs éclats de voix plus haut, dans la maison, puis ils apparaissaient en haut des dunes, avec le même sourire timide et gêné. Ils échangeaient prudemment quelques paroles, parlant tous à voix basse et semblant si fatigués, comme s’ils souffraient tous d’une même étrange maladie.

Harry et Drago avaient fait un détour par le village le plus proche, où ils avaient acheté de l’alcool : bonne idée, tristement nécessaire. Fred et George étaient venus avec une solide réserve de sucreries et autres farces pour sorciers facétieux. Ce soir, cependant, même eux paraissaient douter de la thérapie par le rire. Ginny gonfla les réserves alcoolisées avec ses deux bouteilles de Whisky Pur Feu, même si elle en avait déjà entamé l’une des deux. Blaise fumait nerveusement tout en gardant sur elle un œil inquiet, sa paume pressant tendrement sa hanche, trahissant de son angoisse de la perdre à chaque seconde. Théodore, Pansy, Hermione et Ron restaient immobiles, tendus et figés dans le doux vent maritime, leurs cheveux fouettant leurs visages crispés. Quand Lavande passa près d’eux pour retourner dans la maison récupérer de quoi faire du thé – pour celles et ceux qui ne seraient malgré tout pas tentés par l’alcool, ou qui préféreraient attendre qu’il soit trop tard pour s’y perdre –, Ron serra doucement son poignet dans sa main froide.

— Ça va ? chuchota-t-elle.

Lavande hocha la tête, mais fut aussitôt ébranlée par une violente envie de pleurer. Hermione le pressentit certainement car elle la prit gauchement dans ses bras.

Elle ne devait pas craquer, ni maintenant ni plus jamais.

Les vagues faisaient plus de bruit que les retrouvailles de ces treize amis. Quand l’écume revenait frissonner sur le sable dur, à quelques mètres d’eux, elle leur donnait l’impression qu’ils pourraient peut-être disparaître avec elle, dans les fonds marins, en secret, en silence. Ils avaient toujours adoré être ensemble : ce soir, ils auraient voulu n’avoir jamais à se voir.

Quand Lavande revint avec le plateau de thé, tous ses amis s’étaient déjà installés sur les grandes nappes blanches. Elle s’accroupit pour soigneusement déposer ce qu’elle tenait en leur centre, puis s’assit en tailleur, entre Ginny et Ron. Ils avaient tous pris place de façon à former un cercle : serré, étroit, mais solide, comme l’était ce qui les unissait tous. Lavande fit lentement courir son regard sur leurs silhouettes dont elle pouvait sentir la tension émaner comme un grand feu. Elle observa les paquets de bonbons et les boissons disséminés de part et d’autre d’eux, se demandant un instant si toutes ces attentions étaient une offrande à la mer, comme certains moldus prient les dieux, un ultime cadeau désespéré à l’espoir, un rituel de réconfort, une superstition ayant peut-être le pouvoir et la magie de conjurer non pas le mauvais sort mais la mauvaise loi… ou tout cela à la fois…

Elle inspira longuement, puis poussa un soupir.

— Prêts ?

Du coin de l’œil, elle guetta les réactions. Aucune exclamation, subtils assentiments. Pansy renifla avec mépris, Blaise hocha brièvement le menton, comme Ron, Luna, Hermione… Fred et George haussèrent les épaules. Sur la main de Drago, celle d’Harry se referma dans un sursaut. Théodore leva ses grands yeux vers Neville qui semblait se retenir de vomir, et lui caressa la joue du revers de ses doigts. Ils s’étaient séparés dès que la loi avait été officialisée, peut-être pour éviter de souffrir davantage mais, à la façon dont leurs iris tremblaient quand ils se regardaient, Lavande sut qu’ils n’avaient pas su se sauver.

Ginny fut la seule à croiser son regard : elle avait l’air déterminée, mais ses lèvres vacillaient pourtant. Elle était blottie contre Blaise, et ses yeux semblaient défier n’importe qui d’oser les séparer. Lavande tenta d’y puiser une raison d’espérer.

Elle aurait aimé leur parler, mais sa gorge était nouée. Elle aurait voulu leur dire que ce n’était pas la fin du monde, que ça allait bien se passer, qu’aucun d’entre eux n’avait à s’infliger cette triste mine et cette souffrance. Que ça ne changerait rien, ou presque, qu’ils seraient toujours liés et soudés, certains un peu différemment mais… Mais quoi ? Qu’est-ce qu’on peut vraiment dire à nos amis quand on les voit s’aimer et qu’on s’apprête à les séparer pour toujours ? Quel mot peut suffire ou encore avoir du sens ?

Elle aurait voulu s’excuser, aussi. Dire pardon, désolée, plein de fois et plus encore. Elle n’avait pas voulu ça. Pas comme ça, pas de cette façon.

Elle aurait voulu dire des tonnes de choses et elle était sûre qu’eux aussi, mais personne n’avait plus la force de subir l’attente. Ils y étaient. C’était maintenant.

Lavande se tourna vers le cartable en cuir clair qu’elle avait amené avec elle, et posé sur le coin blanc de la nappe pour ne pas qu’elle s’envole. Et si tout ce qu’il contenait, tous ces papiers et ces enveloppes, pouvait s’envoler aussi ?

Toussotant discrètement, comme si cela allait suffire à dénouer sa gorge, Lavande glissa une main fébrile dans la poche de son cartable. Elle en ressortit quelques parchemins noircis d’encre et tamponné du sigle du Ministère, ainsi qu’un tas soigneusement ficelé de treize enveloppes rouges. Elle les déposa devant ses pieds sans même oser les regarder – en réalité, personne n’osa vraiment, si ce n’est Ginny, qui les fixa comme si un simple regard allait pouvoir les désintégrer. Elle les mettait au défi, elles aussi : allez, vas-y, fichue lettre, essaie seulement nous séparer.

Lavande s’occupa d’abord des parchemins, dont elle déroula le premier exemplaire pour lire à voix haute :

En vertu de la loi votée le 05 juin 1999 par les membres du Conseil et le jury public de sorciers et sorcières représentatif de la population magique anglaise, les sorciers et sorcières de tout rang et de tout statut de sang sont désormais tenus de respecter l’obligation matrimoniale définie en ces termes :

1° Le mariage devra faire l’objet d’une cérémonie sorcière officielle, à compter du lendemain de la déclaration de mariage jusqu’à trois mois après envoi par hibou de ladite déclaration. Tout manquement sera pénalisé d’une amende pouvant aller jusqu’à cinq cents (500) gallions et/ou d’un appel en procès devant le Magenmagot pour obstruction légale. La date doit être communiquée au Ministère par voie officielle.

1° bis Le procès devant le Magenmagot ne pliera en la faveur des deux parties mariées que dans le cas où elles seront toutes deux en mesure de justifier de manière pertinente le manquement à la loi dont elles se sont conjointement fait coupables. Par justification pertinente, le Ministère entend :

  • Maladie de longue durée de l’une ou l’autre ou des deux parties concernées par l’obligation de mariage, dont l’événement n’aurait pas encore été communiqué au Ministère par voie officielle ;
  • Mort de l’une ou l’autre ou des deux parties concernées par l’obligation de mariage, dont l’événement n’aurait pas encore été communiqué au Ministère par voie officielle ;
  • Présence à l’étranger – hors Royaume-Uni – de l’une ou l’autre ou des deux parties concernées par l’obligation de mariage, dont l’événement n’aurait pas encore été communiqué au Ministère par voie officielle.

1° ter Le formulaire à remplir concernant la cérémonie officielle de mariage se trouve à tout guichet du Ministère. Les deux parties tenues par l’obligation de mariage doivent impérativement signer magiquement ledit document.

2° Le mariage doit impérativement être consommé et fournir l’héritage sorcier attendu endéans les vingt-quatre premiers mois. Au-delà de ce délai légal, les deux parties tenues par l’obligation matrimoniale seront convoquées dans les bureaux du Ministère afin de répondre de cette situation et d’éventuellement la justifier (les équipes médico-magique et psycho-magique du, Ministère devront appuyer et valider leurs justifications). Aucun contrat de mariage ne pourra être rompu ou modifié suite à cela, même en cas de stérilité de l’une ou l’autre ou des deux parties. Si telle est la situation, la prime annuelle réservée aux parties mariées sera diminuée à un taux qui leur sera communiqué en temps et en heure, selon leur profil.

3° Les deux parties tenues par l’obligation matrimoniale ont le devoir de cohabiter légalement et officiellement sur le territoire anglais, à partir du lendemain de l’envoi par hibou de la déclaration de mariage jusqu’à deux mois après la cérémonie officielle. Tout manquement sera pénalisé d’une amende pouvant aller jusqu’à cinq cents (500) gallions et/ou d’un appel en procès devant le Magenmagot pour obstruction légale.

L’adresse de la cohabitation des parties mariées doit être communiquée au Ministère par voie officielle – avec signature magique des deux parties concernées.

3° bis Pour toute demande de déménagement ou d’emménagement à l’étranger – hors Royaume-Uni –, les deux parties doivent s’adresser au Ministère par voie officielle.

Et ça continuait, encore et encore et encore. Lavande avait déjà la gorge sèche. Elle connaissait ces phrases par cœur. C’était elle qui les avait rédigées. Ses amis le savaient. En ce moment, ils avaient certainement autant envie de la consoler que de l’étriper. En dépit de tout, c’était quand même un peu de sa faute, à elle aussi.

— Le reste est de moindre importance, même si je vous conseille bien sûr de tout lire avant d’apposer votre signature tout à la fin…

Elle distribua les parchemins dans le silence. Évidemment, elle n’était pas censée faire ça comme ça. Normalement, elle recevait les sorciers et sorcières dans son bureau peut-être une semaine ou parfois seulement quelques jours après qu’ils avaient respectivement reçu leur courrier de déclaration de mariage. Elle était là pour leur expliquer ce contenu dense et obscur, pour leur proposer un mouchoir aussi, de temps en temps. Souvent, c’étaient des gens qui se connaissaient déjà, mais peu, ou mal. Rarement, c’étaient des couples déjà formés. Ces fois-là, c’étaient des larmes de joie que Lavande voyait rouler sur leurs joues. Alors elle pleurait, elle aussi, mais pour d’autres raisons : parce qu’elle savait que ça ne pourrait pas arriver à la plupart de ses amis.

Elle n’avait pas pu se résoudre à les laisser être convoqués dans ses petits dix mètres carrés. Elle leur en avait parlé, bien sûr, dès le début, et son idée de cérémonie entre eux, ici, au bord de l’eau, avait été timidement reçue, mais approuvée. Tout mieux que le Ministère et ses couloirs froids, où elle seule, parmi eux, avait la force de travailler. Et puis, c’était déjà un peu moins douloureux d’apprendre à qui on allait être marié de force quand on était entouré de ses amis, solidaires dans le même malheur.

Alors elle n’avait pas envoyé les lettres. Elle avait tout gardé, sans rien ouvrir, sans rien savoir, jusqu’à ce soir. Ce n’était pas elle qui décidait des mariages. C’était le Ministre en personne.

— Rien n’est dit sur l’adultère…, souffla Drago.

— Non, répondit Pansy avec espoir.

— Vous pouvez être sûrs qu’ils y ont pensé, grinça Blaise. Laissez tomber.

— Ils ne disent rien non plus sur le nombre d’héritiers à pondre ? railla sèchement Ginny.

— Non, répondit la voix chevrotante de Lavande. Un, au minimum, par mariage, c’est suffisant.

Elle n’était pas censée leur dire… ou si ? Elle n’en savait rien. Mais elle ne pouvait pas s’empêcher de vouloir les rassurer.

— Il est temps d’ouvrir les enveloppes…

Lavande les avait comme toujours triées par ordre alphabétique. Elle les distribua, et le silence fut d’autant plus pesant. Chacun put lire avec l’avidité de l’impatience et l’effroi de l’angoisse l’autre nom auquel le Ministère avait décidé de les lier en lettres d’or. Au vu de leurs visages, Lavande crut comprendre que personne n’avait pu avoir un peu de chance. Pas même elle… Mais elle se rendit compte, quand elle n’en éprouva rien, qu’elle n’avait jamais espéré un dénouement heureux.

C’est surtout le regard terriblement noir que Harry adressa à Hermione qui la mit mal à l’aise.

— Harry, qu’est-ce que… est-ce que… ça va… ?

Il se leva aussitôt, le parchemin et l’enveloppe rouge à la main, et fuit vers la mer, ignorant la main de Drago qui tenta de retenir son poignet. Entre ses jambes, son propre parchemin retomba et Lavande reconnut immédiatement le nom Granger à l’envers.

— Non… trembla Hermione. Non, pas ça…

Lavande jeta un regard plein de désespoir à Drago qui ne put que le lui renvoyer. Hermione se leva, titubant sur ses jambes, et regarda vers la mer plongée dans l’obscurité naissante. Harry allait la haïr, c’était inévitable. Après tout ce qu’ils avaient traversé ensemble, elle allait partager sa vie avec la personne dont il était éperdument tombé amoureux, et qui l’avait aidé à se rétablir de ses traumatismes.

— C’est une blague !? s’énerva Ron en arrachant de sa main la déclaration de mariage de Lavande. Tu vas te marier avec mon ancienne copine !?

— Vieux, j’y suis pour rien, gémit George, de l’autre côté du cercle. Je suis vraiment… désolé…

— Gin’… appela faiblement Blaise, que personne n’avait jamais entendu la voix aussi brisée. Ginny, s’il te plaît…

Mais Ginny, le visage ruisselant de larmes et rouge de fureur, remontait déjà les marches vers la chaumière. Blaise regarda son ami Théodore, qui le fixait avec dépit. Il hocha le menton et Théo se leva pour venir s’asseoir près de lui et entourer ses épaules de son bras.

— Fais attention à elle, lui souffla Blaise. Elle est… c’est vraiment quelqu’un de bien, Théo.

— Et toi ? demanda péniblement Théodore après avoir acquiescé timidement.

— Astoria…

— Pas mal, tenta Théodore, sans trop y croire.

— Pas Ginny, renifla Blaise.

À l’autre extrémité du cercle, Pansy s’approcha de Neville.

— Neville, hein ?

L’interpellé leva les yeux vers elle. Il tentait encore de digérer l’annonce. Elle avait l’air plus déterminé que lui. Elle lui tendit la main, et il ne sut si c’était pour la serrer ou pour l’aider à se relever, alors il fit les deux.

— On n’a jamais eu l’occasion de parler beaucoup. J’imagine qu’on le pourra, maintenant.

— Euh… Oui, répondit-il, hésitant.

— Théo m'a dit que tu aimais les plantes...

— Oui…

— Cool…

Fred se frottait les yeux de dépit. Il était promis à Luna. Luna Lovegood. Une gamine qu’il côtoyait régulièrement depuis la guerre, et qui était comme une nouvelle petite sœur à ses yeux. Jamais il ne l’avait regardée autrement, et il vit, à ses yeux à elle, qu’elle se demandait elle aussi comment ces regards là allaient pouvoir changer, se transformer comme il le faudrait.

— Avec qui se retrouve Harry ? souffla Ron en direction de Drago dont les doigts tremblaient autour du parchemin.

— Susan Bones.

— Une fille…

— Évidemment ! cracha Malefoy, les yeux rouges. Qu’est-ce que tu croyais, Weasley ? Qu’ils nous feraient une fleur, à nous ?

— C’est Harry Potter, ça aurait pu, tenta Ron, démuni.

— Bien sûr que non !

Drago se leva et porta une main à son front, visiblement pris de vertiges. Hermione, le visage baigné de larmes, le rejoignit aussitôt, tendit une main vers lui.

— Drago, tu…

— Ne me touche pas ! Je te l’avais dit ! Je vous l’avais dit à tous et surtout à toi, Brown ! Ça ne servait à rien qu’on se mette ensemble, parce que maintenant, on… on doit se séparer et c’est… c’est…

— Drago.

Pansy se jeta dans ses bras et Malefoy lâcha le parchemin vers le sable sombre où le vent tourbillonnait.

— Je suis désolé. Désolé, désolé, désolé…

Lavande, déboussolée, vagabonda vers la mer.

— Harry… Harry, je suis… je ne voulais pas que…

Harry pleurait bruyamment. Elle tenta de poser une main sur son épaule mais il s’en dégagea vivement, avant de la pousser loin de lui. Ses pieds trébuchèrent dans l’écume rageuse.

— Va-t’en ! C’est de ta faute ! C’était ton idée, ces foutus mariages arrangés ! Ton idée ! Comment t’as pu ?

— Je n’ai pas choisi ça, cria-t-elle par-dessus les vagues et les trémolos – les siens, ceux d’Harry. Je ne l’ai pas choisi ! Ce n’était pas ce que je voulais non plus !

— Laisse-le, Brown.

Lavande se retourna, le vent battant ses cheveux dans son dos. Blaise la regardait sombrement.

— Laisse-nous, tous.

Elle se sentit brisée de l’intérieur. Elle leva les yeux vers les autres, au loin. Le cercle soudé avait éclaté en mille morceaux. La scène ressemblait aux enterrements et aux deuils. N’était-ce pas cela, après tout ? N’était-elle pas, elle, en train de perdre plus que n’importe lequel d’entre eux ? Sa foi en un système, ses convictions, ses valeurs… en plus de ses amis et de leur bonheur.

— Je ne suis pas responsable de…

— Tout le monde le sait mais personne ne veut l’entendre, là, reprit Blaise.

Elle baissa les yeux vers le sable qui semblait mouvant dans l’obscurité. Elle le sentait s’accrocher à ses pieds, l’attirer dans ses profondeurs glacées et dures, sous sa surface tendre et trompeuse. Elle aurait voulu s’y enterrer, disparaître. Là, tout au fond, où elle n’aurait plus entendu Harry sangloter.

Elle se tourna encore une fois vers les autres, puis vers le ciel, comme si le désespoir venait de tout en haut, comme si c’était ça qui pleuvait sur eux. Une pluie qui n’en finissait pas, jamais, qui les trempait jusqu’aux os depuis des années déjà, sans leur laisser le moindre répit, la moindre lueur de soleil, l’étreinte douceâtre et heureuse d’un été qui n’avait le goût ni des cendres ni du gel.

Alors, c’est ça, se dit-elle. C’est ça, le prix à payer de la guerre ? Qu’est-ce qu’on a gagné, au final, à part d’autres raisons de se battre ?