
Quand la porte de sa cellule s'était ouverte sur cette gamine, Ollivander avait soupiré.
Il se souvenait bien évidemment d'elle – Luna Lovegood, une baguette en peuplier, vingt-sept centimètres, cœur de dragon. Une combinaison étrange, tout comme sa propriétaire.
Son premier réflexe avait ainsi été très égoïste : pourquoi fallait-il qu'il partage sa prison avec une personne aussi dérangée qu'elle ? Ne pouvait-il pas avoir quelqu'un qui tiendrait une conversation sur autre chose que des créatures imaginaires ? Car il connaissait si bien le père qu'il n'avait aucun doute sur la teneur des possibles centres d'intérêt de sa fille...
Puis, presque immédiatement, il s'était sentit rougir de culpabilité. Luna Lovegood avait à peine seize ans. En somme, ce n'était qu'une enfant. Une gamine, qu'ils avaient arrêtés, qu'ils allaient emprisonner comme lui. Elle allait connaître la faim, le froid, la peur. À seize ans.
Ce n'était pas juste.
Qu'il ait donc certaines réticences quant à ses centres d'intérêt ne devait donc pas entrer en ligne de mire. Luna Lovegood était une enfant. Il se devait de la protéger.
Bien évidemment, il ne fut qu'à moitié surpris en réalisant qu'au fil des jours, c'était Luna qui le protégeait. Cette petite avait une façon de voir le monde qui n'appartenait qu'à elle. Son univers était rempli de créatures mystiques, de monstres gentils et de bêtes joueuses. Quand elle était arrivée dans sa cellule, c'était précisément de ces légendes dont il avait eu peur. Mais aujourd'hui... elles le maintenaient en vie. Au début, il n'était entré dans son jeu que pour la distraire, lui faire oublier les moments difficiles qu'ils vivaient. Au fil du temps, il avait trouvé lui aussi de l'intérêt dans ces échanges. Il n'y croyait absolument pas, pourtant en parler avec Luna égayait ses heures sombres.
Il fallait dire que la blonde était d'une présence rassurante. Elle était douce, gentille, empathique... Mais le plus impressionnant était peut-être son optimisme. Malgré la dureté de leur situation, elle demeurait bien décidée à voir les choses du bon côté. Chaque petite bonne nouvelle devenait pour elle source de célébration. Ollivander chérissait ainsi chaque sourire de la petite : ils avaient le don de le garder en vie.
Oui, Luna Lovegood était extraordinaire.
Mais pile quand il pensait qu'elle ne pouvait pas être plus merveilleuse, celle-ci lui démontra le contraire.
Ollivander avait été mené plusieurs fois à l'étage pour être interrogé par Voldemort. Il avait alors vu au sapin que le temps de Noël était arrivé. Quand il l'avait dit à Luna, elle n'avait pas été attristée de voir que tant de temps c'étaient passé. Elle avait simplement hoché gravement la tête, avant de déclarer d'un ton décidé :
- Il faudra qu'on le fête.
Le sorcier avait failli lui répondre que c'était impossible, mais l'optimisme de la blonde avait fini par détendre sur lui. Il acquiesça donc et, plusieurs fois, mit de côté un peu de sa maigre ration. Après plusieurs jours, ils estimèrent que Noël devait être arrivé et mangèrent alors leur frugal festin. Ollivander prétexta ne plus avoir faim pour laisser Luna manger la grande majorité des restes qu'ils avaient gardé.
Quand ils eurent terminés, elle lui demanda de fermer les yeux. Il sentit alors quelque chose dans sa main. Quand il eu l'autorisation de regarder, il vit un minuscule paquet, emballé maladroitement dans un bout de tissu sale.
- Désolé pour l'emballage, sourit la blonde. Ouvrez-le !
Trop surpris pour parler, Ollivander s'exécuta. Il déplia le tissu pour trouver un caillou, d'une curieuse forme allongée.
- Je l'ai trouvé près du mur qui s'effrite, expliqua Luna. J'ai trouvé qu'il ressemblait à une baguette. Je me suis dit que ça vous aiderait à vous souvenir qu'en dehors de ce cachot il y a un monde qui vous attend.
Le cadeau allait encore ; mais la phrase... Ollivander ne put se retenir. Des larmes coulèrent alors sur ses joues, alors qu'il serrait dans sa main le petit caillou.
- Merci... murmura-t-il. Merci mille fois.
- C'est juste un caillou dans un vieux Tee-Shirt, sétonna Luna.
- « Juste » ? Luna... tout ce que tu as fait a été de sauver ma vie.
La blonde fronça les sourcils, marquant son incompréhension. Cela ne la rendait que plus forte. Pour elle, tout ce qu'elle avait fait était normal. Mais pour lui... ces petits gestes représentait l'univers entier. Elle avait réussi à rester joyeuse et surtout humaine malgré les épreuves. Sans elle... Ollivander se serait noyé dans la douleur et les doloris. Son corps serait peut-être resté, mais son esprit aurait abandonné. Grâce à Luna, il se souvenait que les Mangemort pouvaient tout lui prendre, sauf une chose, la plus importante : son humanité.
Alors oui, il avait peut-être eu le réflexe malheureux de la juger à son arrivée dans le cachot.
Mais à sa sortie, et pour le restant de ses jours, le petit caillou allongé de Luna Lovegood resta son bien le plus précieux.