
Un nuage lourd avait pesé toute la journée dans le ciel de Londres. D'ordinaire, Drago n'aimait pas ce climat gris où il avait l'impression que le soleil ne reviendrait plus jamais. Ce jour-là, cependant, il fut heureux de constater que le ciel c'était accordé à son humeur. Il se sentait ainsi moins seul à être mélancolique...
Son humeur était si maussade que tous ses collègues avaient passé l'accord tacite de ne pas l'agacer d'avantage. Il fallait dire que Drago s'apprêtait à passer les fêtes de fin d'année seul : ses parents étaient encore à Azkaban – sa mère n'avait plus qu'une année à faire, contrairement à son père qui y resterait à vie. Quand la sentence était tombée, il s'était préparé à rester seul un bon bout de temps. Mais le matin du 24 novembre 1998, Luna Lovegood avait frappé à sa porte. La guerre lui avait prit son père et elle ne voulait rester avec ses amis, qui feindraient d'être enjoués.
« Toi, je sais que tu seras aussi déprimé que moi. Et puis, on a déjà passé un Noël ensemble, on peut le refaire » avait-elle justifié sa venue. Drago avait été ébranlé de voir avec quelle désinvolture Luna avait fait référence aux événements de l'année précédente, à son emprisonnement et à la manière dont il avait essayé de se donner bonne conscience en lui glissant en douce des friandises... Toutefois, si il avait été surprit, il lui avait ouvert la porte sans hésiter.
Année après année, ils avaient perpétués cette tradition, ne se voyant que durant cette semaine entre Noël et le jour de l'an, se racontant en une poignée de jour leur vie écoulée durant l'année. Au bout de cinq ans, cette semaine volée était devenue le moment préféré de Drago.
Mais cette année, la tradition serait brisée... Luna avait en effet prit part à une expédition zoologique au Tibet qui avait pour but de chasser des papillons carnivores dont les ailes pourraient être utilisées dans des potions contre l'amnésie. L'expédition aurait dû se clôturer début décembre mais une tempête avait bloqué ses membres dans les montagnes escarpées. Drago avait apprit ce retard via les journaux et son humeur était exécrable depuis. Il était en effet triste à l'idée de passer un Noël sans Luna, mais aussi inquiet pour elle : allait-elle bien ? Les informations ne disaient rien de l'état de la troupe coincée depuis vingt jours désormais.
Pour essayer d'oublier son inquiétude, il avait tout fait pour retarder son départ du bureau. Les piles de dossier avaient été triées trois fois, les rapports relus cinq fois, la comptabilité vérifiée tout autant. Compréhensifs, ses collègues avaient même requis ses services pour des raisons plus que douteuses mais Drago avait joué le jeu, faisant semblant de ne pas remarquer qu'ils essayaient d'occuper son esprit.
Toutefois, à dix-huit heures, le blond dû se rendre à l'évidence : il n'avait plus rien à faire, ni même à refaire. Il ne lui restait plus qu'à rentrer au manoir et à affronter la soirée...
Il commença alors à ranger ses affaires quand la porte de son bureau s'ouvrit sur Justine, l'avocate qui occupait le bureau d'à côté.
- Tu as de la visite, annonça-t-elle.
Elle s'effaça pour laisser entrer l'intruse... qui n'était autre que Luna.
- On a été dégagé ce matin. Je devais rentrer demain mais j'ai réussi à négocier une place dans le premier Portoloin. Je voulais te faire la surprise, dit-elle gaîment.
Elle était égale à elle-même : aussi joyeuse qu'à son habitude, ses grands yeux bleus étaient rêveurs mais plein de vie, ses cheveux blonds emmêlés et pourtant hypnotiques. Cependant, son visage était changé : une grande balafre cisaillait sa joue.
- Ce n'est pas aussi grave que ça en a l'air, commenta-t-elle en voyant son regard. On ne voyait rien à cause du brouillard donc j'ai trébuché et...
Elle ne termina pas sa phrase : Drago s'était rué pour la prendre dans ses bras.
- Je suis tellement soulagé... J'ai cru que... que je ne te reverrai jamais.
- Cela aurait été si terrible ? Rigola la blonde.
En temps normal, Drago aurait répondu par la négative, taquina Luna pour lui dire que tout compte fait, sa perte aurait été négligeable, voire une aubaine. Mais après ces longues journées où toutes ces pensées avaient été tournées vers elle, il réalisait qu'il n'avait pas la force de lui mentir.
- Oui, admit-il donc. Ne plus jamais te voir aurait été la pire chose qui pouvait m'arriver.
Il vit alors Luna sourire, ce qu'il ne comprenait pas bien ; se moquait-elle de lui ? Mais à sa grande surprise, il la vit se rapprocher de lui, jusqu'à ce que son souffle ne se mêle au sien.
- Tant mieux. Car moi aussi, j'aurai détesté ne plus te revoir. Ce n'est pas pour rien que je me suis ruée ici.
Drago eu à peine le temps de comprendre ce qu'elle disait que ses lèvres s'étaient posées sur les siennes. D'abord hésitant à cause de la surprise, il répondit rapidement au baiser.
Quand ils se séparèrent, Drago avait enfin retrouvé le sourire : il avait l'impression que sa vie s'était enfin remise en état de marche.
- Je me disais... dit-il d'une voix rendue rauque par l'émotion. Peut-être que cette année, au lieu de partir après le jour de l'an, tu pourrais rester quelques jours supplémentaires ?
Luna accepta avec un sourire.
Ils ne savaient pas encore que Luna ne repartirait jamais du manoir.
Ou peut-être le pressentaient-ils, mais n'osaient pas encore l'admettre à eux-mêmes.