
Surprise
oOo
Pour un immortel, les années passaient sans distinctions les unes avec les autres. En un battement de cils un siècle s’était écoulé. En un claquement de doigts, l’humanité passait de péquenots coincés dans leurs châteaux à explorateurs des sept mers. Et un éternuement après, ils avaient créé la bombe H et marché sur la Lune.
Dieux, que l’humanité était complexe. Horrible et magnifique à la fois, capable du meilleur comme du pire.
Il l’avait appris dès son enfance. Il avait vécu dans la peur, craignant pour sa vie à chaque chevalier s’approchant du village. Il avait vu les atrocités dont étaient capable les Hommes. Bûcher, décapitation, malédiction, empoisonnement. Mais en grandissant il avait aussi vu l’amour, la féerie, l’entraide, les découvertes… Le pire. Et le meilleur.
Il avait vu les deux en Arthur.
(Il avait vu les deux en lui-même.)
Arthur avait été sa boussole, son guide, son destin. Toutes les actions de sa jeunesse avaient tourné autour de son ami, de son roi.
Le perdre avait manqué de le tuer. Devoir apporter son corps à Avalon l’avait anéanti. C’était son univers entier qui avait vacillé à ce moment-là. Il avait fuit Camelott et s’était réfugié dans les bois, vivant dans la grotte de son père durant un temps indéfini mais bien trop long. Il avait fallu une enfant, une jeune druidesse perdue et terrifiée par sa magie pour l’aider à sortir de son apathie.
Alors il était rentré à la maison Camelott. Il avait aidé sa reine à gouverner. Il était resté dans l’ombre, taisant au monde entier sa magie. Gaius avait été le dernier de cette époque à savoir pour ses dons.
Il avait camouflé son éternelle jeunesse, gagnant des rides et des cheveux blancs en même temps que sa reine. Il avait simulé sa mort quelques mois après celle de Gwen, laissant la nouvelle génération aux commandes.
Il était parti dans les bois, devenant enfin le dirigeant qu’on espérait qu’il soit. Il était devenu le « roi » des druides. Il les avait guidés et protégés. Il les avait aidés à grandir durant quelques décennies puis s’était à nouveau fait passé pour mort.
Il avait quitté sa terre natale, découvrant le reste du monde. Il avait traversé les siècles, visitant d’abord ce qui s’appelait aujourd’hui l’Europe, puis l’Asie et il avait même poussé jusqu’à certaines îles de Polynésie avant de revenir sur ses pas. Il avait bifurqué vers l’Afrique avant d’aller en Amérique durant le second voyage de Christophe Colomb. (Un type un peu imbu de lui-même, mais cela pouvait se comprendre. Il avait un foutu pays nommé en son honneur !)
Il avait visité et exploré, s’imprégnant de nouvelles cultures et quelques fois de nouvelles magies. Il avait fait cela vraiment rarement et toujours sous une fausse identité, préférant vivre comme un non-magique.
Il avait eu quelques relations au fils des siècles. Jamais magique.
Elles se ressemblaient toujours un peu. Brune, avec des yeux sombres. (Comme la gardienne d’Avalon). Ou blondes, avec des yeux clairs (Comme son roi).
(Aujourd’hui, après le passage des années il pouvait s’avouer qu’il avait certainement eu plus que de l’amitié pour Arthur. Il ne s’était même pas imaginé que de genre de romance soit possible à l’époque. Et puis de toute façon, Arthur avait BESOIN d’une reine.)
Il avait rencontré sa dernière compagne, complètement par hasard, lors d’un passage à Bruxelles. Elle était anglaise et étudiait les Runes… magiques. Sans le vouloir il avait replongé à pied joint dans ce monde qu’il avait fui depuis… longtemps.
Il l’avait suivie en Amazonie, apprenant toute l’histoire moderne des sorciers (Il était logique qu’il ait raté Grindelwald. À l’époque, il était sur le front Pacifique, mais Voldemort ?! Dieux, qu’il était déconnecté du monde magique…) et surtout découvrant avec une certaine hystérie comment son nom était utilisé.
Il ne comptait plus le nombre de fois où il s’était mordu les joues en entendant sa compagne dire un « Par la barbe de Merlin. »
Andrew étouffa un ricanement en regardant dans le miroir. Peut-être qu’un jour il lui dirait la vérité : il n’avait jamais été très barbu… Mais en attendant, il était temps d’aller travailler. Il était médecin ! Gaius serait si fier.
Le faux moldu alluma le contact. La moto ronronna entre ses jambes. C’était un de ses petits plaisirs du monde moderne. Ça, les caleçons et les brosses à dent. Meilleure invention au monde la brosse à dents !
Il filait à toute allure dans la campagne anglaise, le cri du moteur résonnant dans ses oreilles lorsqu’un tiraillement violent manqua de lui faire faire une sortie de roue. Faisant criser les freins et déraper les roues sur l’asphalte, il s’arrêta en catastrophe. Il arracha son casque. Les yeux écarquillés et le souffle court il tentait de comprendre ce qu’il venait de sentir.
Camelott !
C’était la pierre-cœur de Camelott !
L’artefact protecteur qu’il avait nourri de sa magie dans l’espoir de protéger le château et son roi. En l’absence d’un sorcier pour l’alimenter régulièrement la pierre-coeur était tombée en sommeil. La dernière fois qu’il l’avait vu, c’était quelques jours avant sa première « mort », plus d’un millénaire auparavant !
Comment ?!
Comment par tous les dieux est-ce que la pierre-coeur de Camelottt était-elle réveillée ?!