Le cerf au bois de cyprès

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
G
Le cerf au bois de cyprès
Summary
Prompt :Helena/Tom : Le pouvoir n'est pas toujours ce que l'on croit. Romance entre un fantôme et un être humain, opposant sagesse et ambition. Helena n’aimait que la nuit noire. Et Tom s’obstinait à garder son regard loin du sien.
Note
Prompt:  Prompt :Helena/Tom : Le pouvoir n'est pas toujours ce que l'on croit. Romance entre un fantôme et un être humain, opposant sagesse et ambition.Fleur : Cyprès : immortalité, deuil, mort

Février gelait encore le cyprès, pourtant ç’aurait pu être une nuit de printemps. Une nuit douce, où la neige transpirait encore tant elle avait tenté de bronzer au soleil, comme si elle voulait se débarrasser de sa pureté blanche. L’eau brillait alors comme la lune, lorsque cette dernière le voulait bien, redonnant un éclat lunaire à cette couche glacée. Et si l’eau étincelait, alors l’ombre du cyprès à la lisière de la forêt pointait à l’ouest.

Un cerf brama au loin. Il craqua la couche parfaite de glace qui couvrait son sol, sauta sans se soucier du bruit ; ici, il était roi.

Un cerf au bois de cyprès, dont les branches renfermaient un aigle de saphir.

 


 

Helena n’aimait que la nuit noire. Et Tom s’obstinait à garder son regard loin du sien.

« Ne portez-vous donc aucune valeur à la volonté de ce cyprès ? Au symbole d’immortalité que votre mère vous a offert sur son lit de mort ?

-Ce bout de buisson ne m’apporte aucun savoir, juste de l’ombre, comme ma mère de son vivant. Et puis un cyprès en Écosse ? C’est grotesque venant de ma mère.

- Vous renierez tout héritage de votre mère ? Se couper de ses racines ainsi, sans point de repère ? »

Tom fit tourner la bague à son doigt. Helena suivi le mouvement des yeux avant de répondre.

« Pourquoi t’obstines-tu, serpent ? Je n’aime pas cet endroits. Son ombre y est mauvaise, elle ne cache pas le soleil de midi si l’on veut lire face au lac.

-J’aime cet endroit, répondit Tom sans lever les yeux.

-Les gouts et les couleurs…

-Ne se discutent pas.

-Voyons, Tom. Ils peuvent s’éduquer, si l’on se laisse faire. »

Helena s’éleva du sol, le menton relevé.

« Je n’ai que faire, je m’en vais voyager. Mon contrat avec Barjow et Beurk s’est terminé. 

-Où allez-vous donc ?

-En Albanie. »

La silhouette d’Helena se fana légèrement, figée en l’air comme une biche pétrifiée par les phares d’une voiture. Tom continua en perdant son regard à l’horizon.

« J’ignore quand je rentrerai.

-Mais vous rentrerez.

-Bien sûr, mais assez tard pour devenir professeur.

-Ne tarde pas trop, malgré tout.

-Si je dois détruire le diadème, je souhaite l’étudier avant. Nulle réplique n’existe dans le monde et j’aime la rareté. 

-Il n’apporte rien, si j’avais pu le maudire il aurait apporté la peste à quiconque s’en approcherait, quitte à condamner l’Albanie.

-Laissons ce pauvre peuple tranquille. »

Tom fronça les sourcils. Helena se sentit s’opacifier.

« Et puis, vous savez comme je tiens à étudier l'artéfact de votre mère, ainsi que le sortilège qui l'entour.

-Que dois-je faire pour te faire changer d'avis ?

-Rien, madame. Je souhaite voir la magie à l’œuvre. Vaincre le temps ainsi...

- Peut-être que le temps aura détruit le diadème.

-Nous en avons déjà parlé.

-Je sais. Permets-moi donc de profiter de ce jour pour t’offrir un cadeau. »

Tom enfin leva ses yeux sur elle. Un ciel noir sans étoile, une immensité sans début ni fin. Elle mit du temps à remarquer son rictus.

« Vous essayez de m'acheter ?

- KARBY ! »

Helena fit claquer sa voix dans la nuit. Karby apparut quelques secondes plus tard, l’air ensommeillé.

« Madame la Grise, quel honneur…

-Le cadeau, Karby. »

Karby dut claquer plusieurs fois des doigts pour faire apparaître une longue boite en bois au pied d’Helena. Cette dernière lui lança un regard de dédain avant de le congédier. L’elfe disparut dans un craquement sonore en murmurant gracieusement des remerciements pour l’avoir réveillé en pleine nuit.

« Dans cette boite se trouve un objet confectionné de mes mains durant mon voyage en Albanie. »

Tom la sonda du regard dans lequel Helena plongerait volontiers : deux trous dans lesquels tout pouvait tomber, se laisser glisser dans les ténèbres qui, de toute façon, allaient tout aspirer. Helena était prête à devenir la prunelle de ses yeux, enrouler le noir de ses iris comme une couverture, en faire une barrière répudiée par la lumière elle-même.

Lorsque le sorcier baissa les yeux sur le présent à ses pieds, c'était comme lui arracher la rétine, l’agresser avec la réalité trop lumineuse, l'aveugler dans une persistance rétinienne qui la rendrait aveugle au noir.

La boite était lourde, un bois clair dans lequel des arabesques de fer blanc serpentaient sur le couvercle. Tom fit sauter le verrou et révéla le contenu ; il ne vit pas Helena clignoter d’impatience.

Une petite dague trônait dans un velours pourpre. L’objet était cependant plus fin qu’une dague classique et la lame semblait trancher le velours sans le toucher. La lame ne faisait qu’un tiers de l’objet ; le manche fait du même bois que la boite sur lequel s’entortillait des gravures luisant sous la lumière de la lune.

Tom fronça les sourcils.

« Du bois de cyprès ? 

-Tu as l’œil. L’inspiration vient du javelot.

-Le javelot ?

-Une arme de chasse oubliée mais qui me fut fort utile dans la forêt d’Albanie pour chasser le cerf. J'en ai confectionné un que j'ai enchanté, pour qu'il ne rate jamais sa cible. Il n’en existe qu’un au monde, ceci n’est qu’une réplique miniaturisée.

-Le vrai est donc avec le diadème. »

Helena ne put cacher son rictus.

« Ramène-le-moi. Ou sert-en pour détruire le diadème. Tu pourras repartir avec la version miniaturisée à ton retour, et peut être même l’originale.

-L'originale et sa réplique, rien que pour moi ?

-N'aimais-tu donc pas ce qui est rare ? Un objet rare pour un autre. Et l'un est un cadeau, l'autre une babiole d'un pauvre fantôme sentimental.

-Un bois se promène non loin de l’aigle, » murmura Tom.

Helena sentit sa silhouette trembler.

« Douce ironie d'utiliser un cerf comme animal protecteur quand vous le chassiez pour survivre.

-Est-ce bien sage ? »

Tom se pinça les lèvres.

« De détruire le diadème ? Il est très bien là où il est, dans l’ombre d’un arbre à la vue de personne ? »

Tom l’observa du coin de l’œil, sa main enroulée autour de sa bague.

« Mais tu sais, murmura-t-il, tout ce que je veux, c’est ton bonheur. Et si le réduire à néant te procure le bonheur, je pourrais faire bruler la foret entière d’Albanie afin de le réduire en cendre. Littéralement. »

Tom crocheta un rictus à ses lèvres alors qu’Helena plongeait dans l’abysse de ses yeux.

Helena n’aimait que la nuit noire. Les nuits sans lumière. Rien de celle où la mort l'a fauchée sous l’œil complice de la lune. Elle voudrait s'y plonger pour éternité et ne jamais en sortir.

 


 

Un éclair zébra à l’horizon. Les écailles vertes du serpent étincelèrent sous la lune lorsqu’il frappa à la jambe du cerf. La pauvre bête brama à l’agonie alors que l’aigle ne pouvait se défaire de ses bois, ne pouvant que voir par son œil bleu son plumage devenir poisseux par le venin.

L’aigle se fit avaler par le serpent et le cyprès se figea dans la nuit pour pleurer pour l’éternité, sans plus jamais pointer l’ouest.

 


 

La nuit était noire, ce soir. Le vent ne soufflait pas et le cyprès était silencieux. L’hiver avait figé les branches des arbres sous un manteau blanc, à l’abri du temps.

La nuit était noire, ce soir. Vous savez ? Ces nuits de nouvelle lune, dont l’obscurité ne laissait passer la lumière des étoiles. Cette obscurité qui avalait tout sur son passage, ne laissant ressortir que la véritable nature des choses. Si le vent pouvait murmurer, il aurait soufflé que, durant ces nuits, Helena Serdaigle se perchait toujours dans la tour d’astronomie, le nez en l’air. Si sa mère pouvait parler, elle aurait appris à tous comment sa fille, de son vivant, se baignait nue dans le lac noir pour ne devenir qu’une étoile dans l’immensité obscure. Si Helena avait ouvert son cœur, l’on y aurait vu la sensation d’être un soleil dans le noir total, diffusant une lumière aussi douce que celle de l’aube d’été dans un monde obscure et froid.

A l’horizon, le ciel devenait la terre et seul le lac scintilla dans l’obscurité.

Mais ce soir, Helena guetta le soleil toute la nuit. Ses pieds frôlaient l’herbe gelée, qui semblait si fragile qu’un simple souffle pourrait raser la terre et la mettre à nue. Au-dessus d’elle, le cyprès de sa mère projetait une ombre dans la nuit noire, pointant à l’est.

Les fantômes ne dormaient pas, ne se fatiguaient jamais, n’était soumis à aucune loi de la physique. Les fantômes n’étaient que volonté de vie, l’essence à l’état pur, accédant à la vérité pure, à la magie la plus pure. Les fantômes sont insensibles au pendule de la vie : ni ennui, ni souffrance. Tous oublient juste que sans souffrance l’on ne peut apprécier le bonheur et sans ennui l’on n’a jamais connu le bonheur.

Être fantôme, donc, prive du bonheur, qui devient alors intrinsèque à l’être humain, au vivant.

Ridicule.

Helena voulait être heureuse ; de son vivant, l'ombre de sa mère l'en avait privé. Son vivant fut souffrance, son existence ectoplasmique n’était qu’ennui. L’ennui était donc l’essence des fantômes ? Un excès de bonheur qu'elle n'a jamais connu ? Avait-elle été si heureuse de mourir par la lame du Baron Sanglant qu’elle aurait décidé de vivre en ectoplasme dans le château de sa mère ?

Ridicule.

Les fantômes pouvaient être heureux, il n’y avait qu’à regarder Peeves et son sourire lorsqu’il envoyait des verracrasses sur les élèves. Il suffisait de provoquer le bonheur.

« Ma Dame. »

Un élève lui fit la courbette. Helena s’éleva du sol pour toiser le garçon aux cheveux trop clairs. Ce dernier osa lever les yeux sur sa personne. Des yeux verts, comme la prairie sous le soleil d’été.

« Es-tu Serdaigle ?

-Bien sûr, ma Da…

-Penses-tu en être digne ? 

-Beh… oui ? »

Helena roula des yeux et traversa un mur.

Son existence n'était qu'ennui. Aucune ombre ne planait sur son existence, elle était morte. Pouvait-elle au moins être morte et heureuse ?

Tom allait rentrer d’ici peu, elle le savait. Il lui fallait patienter. Malgré tout, son retour serait accompagné par le passé d’Helena. Cette dernière ignorait sa réaction lorsqu’elle serait face au diadème détruit, dernier vestige de sa mère dans le monde des vivants.

Peut-être que la mort lui enseignait le bonheur : savourer l'ennui par la souffrance et ainsi retrouver le bonheur ? La vie, après tout, n'était-elle pas un pendule oscillant entre l'ennui et la souffrance en passant par le bonheur ? Peut-être que détruire le diadème était un sage décision, peut importe ce qu'elle ressentirait : soit elle se libérait d'un poids et devenait heureuse, soit elle souffrait un temps pour pleurer sa mère pour ensuite retrouver le bonheur. Après tout, le deuil pouvait peut être contrebalancer l'ennui, non ?

Maintenant, elle ne pouvait qu'attendre.

Le vent siffla dans les branches du cyprès de Serdaigle, le faisant pleurer. Un fruit tomba par terre. S'il restait à l'air, il sécherait et craquerait par le manque d'eau. Helena se souvient encore de l'effet de la neige sur la graine qu'elle pensait tuer sur le sol froid d'Albanie, de la pousse verte qu'elle a laissé croitre alors que l'eau gelée hydratait la plante coriace. L'ombre de la petite pousse pointait déjà à l'ouest, ce jour là.

Elle refusa d’y penser, aujourd’hui.

 


 

Un serpent glissa sur la pierre froide. Un trophée apparut dans une pièce, se perdant presque dans les montagnes d’objets qui reliaient le plafond et le sol de l’immense salle semblable à la Grande Salle de Poudlard.

Sous la lumière des bougies, un œil bleu pleurait sur des graines fissurés sans jamais combler sa soif.

 


 

Karby tenait debout malgré la fatigue, trop heureux de servir la Dame Grise, répétant à qui mieux mieux sa joie d’être esclave. Helena ne cachait pas son ennui, et cela avait de bien chez les elfes ; même le mépris, la haine et dégout était un signe de reconnaissance.

« C’est un honneur, ma Dame. Oui oui oui, Karby est très content de servir ma Dame la Grise. »

Helena faisait le bien, donc, à cracher sur le visage du petit elfe rabougrit à ses pieds.

Karby tenait debout malgré ses maigres bras prêts à céder à n’importe quel moment sous le poids de la boite en bois qu’il tenait. Le bois de cyprès n’était pas des plus légers, en effet.

« Karby, remontre-moi la lettre.

-Est-ce que Karby doit…

-Tu sais utiliser la magie ? Alors sert-en ! »

Il fallut cinq longue minutes à Karby pour faire voler la lettre sous le nez d’Helena. Le papier flottait dans l’air, emporté par une magie qu’elle avait perdu dans les bras meurtriers d’Albanie. A chaque fois, elle suivait des yeux le papier volant dans l’espoir de voir se révéler des mots qu’elle aurait manqués. Et lorsqu’elle ne pouvait nier l’évidence, la déception teintait son âme morte.

Demande si tu sais, mais tu ne sauras rien si tu demandes.

« Mais que dois-je demander ?! »

Karby éloigna la lettre alors qu’Helena devenait une boule d’éther et de colère.

Tom ne revenait pas. Il avait affirmé arriver dans deux jours il y a de cela cinq mois.

Avant que le soleil ne se lève, Helena renvoya Karby qui la remercia mille fois avant de disparaître dans un craque sonore en emportant le présent.

 


 

Demande si tu sais, mais tu ne sauras rien si tu demandes.

Helena se trouvait face à la tapisserie de la Salle sur Demande. Sa silhouette disparaissait presque, absorbé par la nuit noire sans lune.

« Tom. »

Elle tourna dans le couloir pour faire trois allers-retours. Rien ne se passa.

« Tom Jedusor. »

Rien.

« Amour. »

Rien. Elle mit plusieurs minutes pour demander l’évidence.

« Diadème de maman. »

Une porte se dessina face à Helena. Derrière elle, le nuit s’éclairait doucement, peignant le ciel d’une douce lueur bleuté.

Demande si tu sais, mais tu ne sauras rien si tu demandes.

Elle savait ce qu’elle allait trouver.

Helena traversa la porte. Et ce qu’elle vit lui fit comme se la prendre en pleine tête.

Tom n’était pas là. Le diadème se trouvait sur des bois de cerf, brillant d’un éclat sombre. A côté, le javelot d’Helena était planté dans le front d’une tête de cerf sans bois dont le regard reflétait la lumière bleue du diadème.

Le diadème était intact, et en émanait une lueur irréelle. Les fantômes n’étaient que volonté de vie, l’essence à l’état pur, accédant à la vérité pure, à la magie la plus pure. Et ce qu’Helena voyait pouvait être répudié par la mort elle-même.

Dehors, le soleil se leva et le cyprès projeta son ombre vers l'est. Dedans, Helena se perdit dans la nuit la plus sombre.

Après tout, n’était-ce pas ce qu'elle voulait ?