
Le commencement d'un project
Elle n’y arrivait pas.
Dans une petite chaumière invisible de tous, dans un salon aux couleurs chaudes, alors que ses parents l’avaient déposé sur un tapis de jeu avec quelques peluches pour l’occuper, un bambin nommé Harry Potter fronçait ses sourcils dans un tel désagrément que même la musique s’échappant de la petite boite enchantée pour calmer les bébés et les mettre à l’aise ne pouvait apaiser son malaise.
Son projet de bouclier mental marchait parfaitement. En effet, elle appliquait l'énergie mentale d'une personne adulte à une magie enfantine, n'ayant jamais appris à se défendre. Pourtant, alors qu'elle s'enfermait dans son esprit, se remémorant chaque brin de détails dont elle avait connaissance reliée à l'œuvre dans laquelle elle vivait à présent, elle ne pouvait s'empêcher de douter.
Elle ne connaissait qu'une version du futur de ce monde, une version qui n'était surement pas la sienne, car elle ne se voyait pas se comporter aussi bêtement que le Harry Potter original en ayant toutes ses connaissances adultes actuelles. Elle ne se voyait pas se soumettre, ne se voyait pas entrer dans une guerre sans plan et armes, ne se voyait pas aller à Gryffondor. Lorsque sa mère était encore là, elle était Poufsouffle ou Serdaigle, un petit génie qui adorait sa maman. Après l’entrainement de son géniteur, elle ne serait rien d’autre qu’une Serpentard.
Elle se rappela les combats, les empoisonnements, le vol, tous les crimes qu’elle avait commis, pour suivre les ordres, pour survivre, pour se venger. Elle se rappela la maxime La fin justifie les moyens qui avait régi sa vie. Non seulement cela, mais elle se rappela comment elle avait tout donné pour ses buts : d’abord satisfaire son père, puis quitter l’organisation qui la retenait et enfin devenir mère.
Elle avait vécu une vie horrible, douloureuse et traumatisante, seuls ses buts l’avaient éloigné de la profonde dépression ou la catatonie totale. Mais, dans cette nouvelle vie, la seule chose qui l’avait intéressée, c’était la perspective d’une vie de famille heureuse et la magie qui fourmillait dans ses veines, l’un allant la quitter dans tout juste quelques semaines, l’autre la mettant en danger de mort.
Elle ne pouvait pas viser la survie de sa famille, elle était trop faible pour cela. Elle ne pouvait se concentrer que sur sa survie. Pourtant, elle trouvait difficile de s’intéresser à cet objectif. Sa vie avait toujours valu peu, que cela soit à elle-même ou à son entourage. Se concentrer dessus en priorité de tout autre chose lui semblait contre-nature.
Des pensées démoralisantes ne cessaient de polluer sa réflexion. Pourquoi donc une réincarnation si nulle. En soi, elle était très enthousiaste sur la théorie selon laquelle toute création est un reflet d’un univers différent du nôtre, mais assez semblable pour pouvoir être interpréter par notre esprit à travers l’espace temps. De plus, l’idée de devenir une héroïne avec une fin heureuse et sûre était confortable et rassurante.
Mais, elle n’était pas une héroïne, mais un héros. Un héros encore enfant qui était censé affronter ou être manipulé par des sorciers qui avaient des décennies de plus que lui et étaient connus comme les plus grands sorciers de leurs siècles par leurs camps respectifs, Lord Voldemort et Albus Dumbeldore.
Plus elle y pensait, moins elle avait envie de continuer. Elle pourrait être dans n’importe quelle version du monde des sorciers. Une où Dumbeldore est juste un type bien qui fait des erreurs qui retomberont sur elle et Voldemort est un fou sans cervelle qui veut la détruire. Une où les deux sont prêts à tout pour leur vision d’un monde parfait, même à tuer et torturer des enfants, surtout elle. Une où Voldemort est la victime ou création d’un Dumbeldore Seigneur des Ténèbres. Peut-être même un où Voldemort est son âme sœur ou qu’il soit un descendant de Merlin.
Elle ne maitrisait rien, pas même son corps, vu son âge. Et elle ne trouvait pas de quoi se rattacher à la vie. Elle avait vécu une vie majoritairement horrible dont la seule lumière était sa fille, et elle en était destinée à un autre où elle ne pourrait même pas atteindre la majorité. Elle se retourna, saisissant sa peluche panda et enfouit son visage dans la fourrure. Si seulement elle pouvait trouver un autre objectif que de survivre ou même que d'échapper à ses grands joueurs d’échec.
Elle se redressa brusquement, émerveillé par l’idée qu’elle venait d’avoir. Voldemort et Dumbeldore étaient des joueurs d’échec, des joueurs qui prenaient le pauvre petit Harry Potter pour un pion. Et si, par un hasard malencontreux, ce pion devenait un joueur. Et non seulement ça, mais aussi, et si ce petit nouveau joueur, bien à l’aise avec les manipulations et les guerres, les battaient tous les deux.
Un ricanement s’échappa des lèvres en bouton du bambin qui rêvassait de victoire. Bien sûr, un plan bien ficelé devait être préparé, mais elle avait déjà un avantage. Elle avait sa jeunesse qui lui donnerait une apparence d’innocence. Elle avait son intelligence déjà mature et ses connaissances avancées et variées pour créer des stratégies complètes. Elle avait une expérience en révolution qui pourrait la mettre à la tête d’un gouvernement.
La seule chose qu’elle devait choisir s’était la tranche de population qu’elle allait viser et quel type de révolution elle devait viser. Elle allait bien sûr viser la jeunesse, car elle serait plus impétueuse et idéaliste, donc plus manipulable. De plus, si le titre de Garçon-Qui-À-Survécu lui revenait encore, toutes les générations venant après lui auront grandi dans sa légende, ce qui les rendra plus réceptifs.
Quant à la révolution, elle hésitait entre imiter les occidentaux et faire tomber une fausse démocratie comme celle du ministère pour instaurer une monarchie ou de s’inspirer des orientaux en utilisant une organisation religieuse pour convaincre les nouveaux dirigeants qu'elle avait installés de la suivre. Elle penchait plus pour le second choix, car elle ne voulait pas prendre le temps de gouverner après la prise de pouvoir, mais elle savait aussi que ne pas tenir fermement ce-dit pouvoir ne ferait que la rendre vulnérable à long terme.
Elle recommença à plisser les yeux lorsque son cheminement de pensée l’amena à une solution élégante. Elle pourrait rendre le dirigeant amoureux, ce qui lui donnerait un contrôle assez important sur lui. Après tout, les jeunes écoutent plus leurs amants que leurs amis, leurs parents et les représentants de l’autorité. Cependant, elle devrait se positionner en dominant dans la sphère privée et comme égal voir dominé dans la sphère publique.
Elle posa son minuscule poing sous son menton potelé en réfléchissant au choix de son partenaire idéal, celui qui deviendrait le roi du monde des sorciers. En premier lieu, cela devrait être un homme. Alors qu’elle n’avait pas de préférence entre les deux sexes, pouvant être séduite par les deux, le monde des sorciers semblait plus patriarcale.
Si elle se mettait en couple avec une femme avec son nouveau corps masculin, elle serait vue comme le dominant du couple, ce qu’elle cherchait à éviter. De plus, son choix serait à contre-courant de la majorité, ce qui renforcerait son statut spécial. Cependant, n’importe quel homme ne faisait pas l’affaire. Il en fallait un naïf, voir timide qui est habitué à écouter les avis des autres, mais peut diriger s'il le doit. Elle devait pouvoir le diriger si besoin, mais il devra pouvoir gérer un gouvernement sans son aide.
Le seul qui correspondait à ses critères était Neville Londubat. Un petit garçon timide, paraissant maltraité par sa famille, qui avait pourtant gérer une Résistance aux Mangemorts dans le dernier livre. Il était sang-pur, mais sa famille connaissait assez Dumbeldore pour connaître un peu la prophétie, donc pas d’opposition des deux camps.
Elle enfouit à nouveau sa tête dans la fourrure bicolore du panda, satisfaite d’avoir enfin réussi à se trouver un objectif, un projet, qui lui donnerait envie de vivre. Elle deviendra la reine masculine d’un nouveau monde magique. Elle fera échec et mat aux deux plus grands sorciers de ce siècle. Son sourire s’adoucit quand elle pensa au garçon qu’elle allait couvrir d’amour, ce futur roi auquel elle allait donner sa couronne.
Elle replongea dans son paysage mental pour affiner son plan.