À chaque poisson son requin

Harry Potter - J. K. Rowling
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À chaque poisson son requin
Summary
(Ff Next gen. + Sev mentor) Severus Snape réapparait “par magie” au ministère, 20 ans plus tard, sous l’attention de Somnius Galdrar, l’actuel directeur du département des mystères. En parallèle, Albus Potter, en 3e année à Serpentard, obnubilé par l'homme dont lui vient son deuxième prénom, semble lier sa magie avec Severus Snape. 21 ans après la défaite de Voldemort dans un monde qui a avancé sans lui, Severus va devoir trouver une place à travers les déboires du monde. Un nouveau monde, de nouvelles politiques, de grandes révélations. Severus va avoir beaucoup à faire !
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Sauver le professeur Snape

 

Chapitre 1 : Sauver le professeur Snape.

 

Son cœur martelait contre sa poitrine, lui chantant sa fatigue. Celle-ci résonnait dans ses oreilles en une litanie insupportable, une affreuse migraine battant la mesure contre son crâne. 

Depuis combien de temps n'avait-il pas apprécié la chaleur tendre d'un oreiller ou d'un lit ? Depuis combien de temps n’avait-il pas eu le plaisir de la compagnie charnelle de sa femme ? Trop longtemps à son goût. La pile de travail s'amoncelait sur son bureau et à mesure que la pile grandissait, il voyait s'échapper tous ces instants de tendresse qu’il chérissait, nostalgique d'un confort que le monde magique ne semblait jamais vraiment vouloir lui offrir.

Bien sûr, Harry Potter était un homme heureux.

Comblé même. Sa famille, qu'il savait grandir à l'abri derrière les murs de Poudlard, en était la plus belle des preuves. Les rides qu'il prenait sur son visage et apercevait à chacune des toilettes qu'il s'octroyait entre deux réunions lui rappelaient combien il était bon de vieillir, effaçant, au profit de la vieillesse, la cicatrice en forme d’éclair. 

Quoi de plus belle victoire que de la savoir disparaître sous le poids doux de l’âge ? Lord Voldemort mort, Harry, lui, pouvait vivre. Il avait appris à survivre, qu’il avait été dur de vivre. Désormais il se voyait, sa cicatrice et lui, tels de vieux ennemis apprenant à se chérir. 

Mais ses forces et sa résilience, quoique grandes, le quittaient peu à peu à mesure qu'il demeurait enfermé dans son bureau à diriger des effectifs qui se tarissaient de plus en plus vite. Il n'osait imaginer Hermione, quelques étages au-dessus, qui, quoique bien plus ardue à la tâcheque lui, ne devait même pas s'octroyer un moment de toilette auquel lui avait droit de temps à autres.

Les réunions qu'ils dirigeaient avec les autres directeurs de département étaient interminables, éreintantes, violentes d'impuissance. 

Ils étaient impuissants face aux “attaques” que le monde magique subissait. Les vagues de tempêtes magiques déferlaient un peu partout sur le continent à des points qu’ilsn’arrivaient pas à définir à l'avance tant l'aléatoire semblait poindre en mot d'ordre. Il envoyait ses aurors un peu partout sur le territoire ; il coordonnait les langues-de-plombs qu'il avait sur le terrain avec l'aide de Galdrar. Mais même les plus pointilleux et savants sorciers du département des Mystères faisaient mouche là où la force vive des aurors s'avéraittout aussi inutile. Ils bottaient tous en touche, tapantdans une botte de foin à la recherche d'une aiguille dont ils ne savaient rien de sa véritable forme. Et quand bien même elle s'était égarée dans la botte par hasard, ils espéraient tous de cette aiguille qu’elle n'était pas guidée à dessein. 

Harry avait eu assez à faire d’un Seigneur des Ténèbres pour s’en farcir un deuxième. 

« Directeur Potter ? Le Professeur McGonagall arrive. Cheminée privée. »

Se redressant, la petite voix de sa secrétaire le ramenant à des pensées plus concrètes, Harry évacua la fatigue d'un geste sec des épaules, faisant craquer son dos alors que la directrice de Poudlard faisait son entrée d'une démarche assurée quoique fort empressée. Que pouvait bien amener Minerva à son bureau à une heure si tardive ? - l'horloge trônant au-dessus de la cheminée indiquant la soirée déjà bien avancée - il espérait de tout cœur que James n'avait pas de nouveau provoqué une dispute houleuse avec des camarades, lui valant les visites désagréables d'une directrice en colère. Et que Merlin le préserve des colères de son ancienne directrice de maison.

Sa cheminée était accessible à la vieille lionne et elle ne se gênait pas pour l'utiliser lorsqu'elle jugeait que remonter les bretelles d'un père trop laxiste lui paraissait opportun. Le visage tendude la vieille dame lui confirma cependant que James et ses quelques écartées insolentes n'étaientpour rien dans cette visite tardive.

« Minerva…? » 

Inquiet, il se leva, tant pour assurer son respect à la directrice que pour se préparer à un déplacement qu'il se doutait devoir faire dans le nord du pays.

« Harry mon garçon, pardonnez-moi de n'avoir pu venir plus tôt. Votre fils, Albus, est..- » 

Amorça-t-elle, sans plus de politesse, avant d'être violemment interrompue par un immense requin d'argent fondant sur la sorcière sans plus de procès.

Le patronus était impressionnant, ne put-il s'empêcher de penser. Le fait qu'il en connaissait très bien le détenteur ajoutait à sa grandeur. Mais l'urgence d’une utilisation du patronus doubla son inquiétude d'ores et déjà à son paroxysme. 

Le requin, laissant une Minerva sous le choc, ne s'embarrassa pas de la présence d'une tierce personne, ce qui étonna Harry, sachant son possesseur particulièrement méticuleux sur la délivrance discrète de ses messages. Un patronus lâché à la va vite par Somnius Galdrar n'était annonciateur que de nouvelles dont il se passerait bien à onze heure du soir.

« Potter. Severus Snape vient d'apparaître dans mon département. J'envoie Spéléon - le requin tourna sur lui-même avec l'adresse d'un prédateur tranquille - auprès de Madame la Ministre et vous-même. Mon département vous est ouvert à titre exceptionnel. Plus de précisions sur place. Spéléon sera votre passe-droit. Je tiens à préciser que Severus Snape est en vie. »

Il ne sut qui de la directrice ou de lui avait la mâchoire la plus tombante. 

Les yeux exorbités, ils s'étaient tous les deux raidis sous le choc d'une telle annonce. Ne sachant qui devait prendre la parole ou même bouger en premier. Le requin décida pour eux. Se dédoublant pour fondre plus haut vers les étages, le devinant à la recherche d'Hermione, le requin pressa le sorcier à le suivre d'une nageoire.

« Est-ce grave Minerva ? Pour Albus ? Sinon, j’aimerais que vous préveniez Ginny…il faut que…enfin, vous comprenez… je…»

Alliant les gestes à la parole, se tenant prêt à partir vers les profondeurs du ministère, il attendait cependant d’être rassuré par son ancienne directrice de l’état de son fils. Albus passerait avant bien entendu mais… 

Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas bredouiller comme un élève de première année. C'était pourtant la sensation de retourner à Poudlard plus de 20 ans en arrière qui lui prit les tripes alors qu'il venait d’entendre le nom de Severus Snape résonner dans son bureau. Son corps s'engourdissait, et la fatigue n'arrangeait rien. Il aurait pourtant eu la force de traverser tel un vif d'or le ministère vingt fois pour vérifier la véracité des propos de son collègue si la directrice n'avait pas été annonciatrice d'une toute autre nouvelle qu'il savait tout aussi urgente à traiter.

Minerva balaya ses doutes d'un revers de main. Se remettant, assez vite pour son âge, de tant d'émotions.

« Votre fils n'est pas en danger, il va bien. Je vais prévenir Ginevra. Pourrai-je revenir ici ? M'enquérir de…par merlin ! Severus…» 

Harry salua ses réflexes, accompagnant les genoux vacillants de la directrice du maintien d'un fauteuil qu'il fit glisser sous elle, la rattrapant de justesse tandis qu'elle semblait vieillir d'une centaine d'années encore ; son regard se voilant de milles souvenirs qu’il n’aurait pu que deviner. Il se douta qu'elle mouraitd'envie de le suivre. Mais personne n'entrait dans le département des Mystères sans y avoir été invité par son directeur, et le patronus avait été clair.

D'un hochement de tête, il donna son accord à la vieille dame, et sans attendre son départ, s'élança hors de son bureau, courant à perdre haleine vers quelque chose qu'il n'osait croire. 

Qui aurait pu penser que courir lui aurait permis de remettre ses idées en place alors que tout se bousculait dans sa tête. Ses années d'auror à compartimenter méticuleusement chaque information afin d'y tirer au clair ce qu'il y avait à savoir l'aida à occulter tous les sentiments qui ravageaient son esprit. Qui tourmentaient son âme. Severus Snape était en vie, là, sous les profondeurs du ministère.

Severus Snape était en vie.

« HARRY ! »

Ne se retournant pas, sachant que la course qui se joignit à la sienne était tout aussi svelte que pouvait l'être une ministre en talons, ils continuèrent à courir d'une même allure vers les ascenseurs privés des directeurs de département, fiévreux tous les deux d'arriver auprès d'une vérité qu'ils avaient toujours du mal à croire.

Ce ne fut qu'une fois enfermés dans la cage d'ascenseur, le souffle au bord des lèvres, qu'ils se tournèrent l'un vers l'autre. Hermione, les cheveux d'habitude si miraculeusement maîtrisés, sortaient de ci de là de son chignon. Ils avaient dûfaire un inquiétant spectacle à tous ceux les ayant vu courir vers les ascenseurs dans une course qu'ils avaient sans doute jugé urgente.

S'appuyant contre la rambarde ornant la cage qui n'avançait pas assez vite à son goût, Harry ne cessa pas d'observer son amie, il retrouvait sur son visage des traits inquiets qu'elle n'arborait qu'en privé lorsqu'elle s'abandonnait à Hermione Granger plutôt qu'à Madame la Ministre. Ils en avaient oublié le patronus qui flottait sobrement au-dessus d'eux, permettant à Harry de pénétrer dans le département le plus secret et le plus inaccessible du ministère. 

Même Hermione y avait ses limites. Et Somnius y régnait sobrement avec la loyauté de son rôle. Un atout essentiel pour quiconque dirigeait les profondeurs du ministère.

« Bon sang, Harry. Snape. »

Hermione fut la première à briser le silence alors que défilaient les étages à une vitesse folle. La Ministre, baguette en main, avait semble-t-il accéléré la cadence, elle aussi trouvant que l'ascenseur n'avançait que trop lentement. Harry se doutait qu'Hermione se posait actuellement dix millions de questions. Des questions auxquelles Harry et elle n'avaient bien sûr aucune réponse à donner. Ça leur faisait une belle jambe tiens ! mais ils étaient habitués ces dernières semaines à n'avoir réponse à rien de ce qui se passait sous leur nez. Une frustration bien trop familière à son goût naissait, comme si elle n'était jamais partie, alors que les profondeurs approchaient à grand pas, la froideur des lieux se faisant ressentir bien des étages en amont.

« McGonagall était dans mon bureau juste avant que Spéléon ne fasse irruption, elle sera là à notre retour. Elle sait pour Severus. » 

Il ne savait pas bien quoi faire de cette information jetée à la volée, il préféra donc se taire, les souvenirs de la bataille de Poudlard remontant lui serrant la gorge.

Severus Snape était mort dans ses bras. Severus Snape s'était vidé de son sang sur un pull qu'il gardait dans un carton et qu'il se refusait à jeter. Severus Snape était mort il y a plus de 20 ans, et même si son corps n'avait pas été retrouvé après l’incendie de la cabane, il était mort par Merlin. Mort. Comment pouvait-il être sous leurs pieds 21 ans plus tard ? 

Hermione semblait se poser les mêmes questions alors qu'elle caressait d'un doigt nerveux sa baguette qui faisait aller à la vitesse du Poudlard express un ascenseur qui grinçait sous une allure qu'il n'aurait jamais dûprendre.

« Procédons intelligemment Harry. Nous devons être pragmatiques. Ne laisse pas tes émotions t'envahir. J'ai tout autant de questions que toi, mais nous devons d'abord écarter tous dangers. »

Ce n'était pas tant sa meilleure amie, que sa supérieure qui parlait. Il ne lui en tint pas rigueur. Elle avait besoin du directeur Potter, et non d'Harry, à l'heure où un rien pouvait déclencher le feu aux poudres. Quand bien même tout cela était vrai, ils devaient agir prudemment. Bien plus prudemment qu'à l'époque où la chasse aux horcruxes dépendait d'une guerre frontale quand l'inconnu et les responsabilités politiques leur faisaient désormais face. Cela avait peut être tout à voir avec les évènements actuels. Ils devaient donc agir intelligemment. Même si tous deux mouraient d'envie d'être Hermione et Harry, ils se devaient en ce moment d'être Ministre et Directeur.

Ils ne furent pas surpris d'atterrir au département des mystères dans un silence de plomb, ils auraient juré être les seules âmes qui vivent à dix lieues à la ronde si le directeur du département n'avait pas bouché de sa carrure le couloir unique qui menait à la porte qu'Hermione et lui ne connaissaient que trop bien. - Ils étaient tous deux souvent réticents à descendre aussi bas tant les souvenirs pouvaient y être douloureux. Sirius… -

« Je vous attendais… »

Spéléon le requin se glissa de l'ascenseur en premier, retrouvant nid dans la baguette du sorcier face à eux qui pendait négligemment au bout de son bras.

Somnius Galdrar était grand. Très grand. Harry se savait de petite taille, mais il paraissait presque enfant devant l'imposante mais svelte carrure de son homologue. Personnification parfaite de son département, le directeur, plus âgé qu'Harry et Hermione d'il ne savait combien d'années - les informations autour des directeurs de ce département étaient toujours jalousement gardées par la Ministre et le directeur lui même - les regarda, avec une fatigue poignante que Somnius n'arriva pas à cacher. Si Somnius était fatigué, c'était que la dernière roue du carrosse ministériel était en marche. Tous les trois tendus à l'extrême, Somnius salua d'un signe de tête respectueux sa supérieure et d'un sourire simple son collègue.

« Somnius ! Guidez-nous, je vous prie. » caressa la voix d'Hermione qu'Harry apprécia calme plus qu'autoritaire. 

Là où sa propre voix se serait perdue dans le fond de sa gorge, celle d'Hermione illuminait de sérénité feinte. Somnius n'était pas dupe au vu du regard inquiet qu'il leur jeta, mais il se permit de les devancer sans donner son avis sur la question. Il préféra enchainer sur le déroulé des évènements.

« Nous avons eu semble-t-il un évènement magique semblable à ceux que nous observons depuis plus d'un mois. Et ce au sein même du département, dans une des salles oubliées - Harry se rendit compte qu'il passa vite sur le nom du lieu que lui ne connaissait guère. Hermione en revanche acquiesça - Marcus m'y a fait venir en urgence, et l'équipe sur place a réussi à contenir l'implosion. Nous sommes chanceux en comparaison dessites que nous avons eu la possibilité d'observer. Il est possible que nos travaux aient pu déclencher cet événement, tout comme le hasard des apparitions peut être la raison de tout cela. Je n'ai pas d'autres hypothèses à donner pour le moment. Le mode est le même que sur les sites référencés, à la différence près qu'un homme vivant ait résulté de cette vague-ci. Un homme qui, semble-t-il, n'est pas censé être ici. Là est notre plus grande divergence. »

Ils avançaient à pas vifs depuis déjà quelques minutes, la question tordait les lèvres d'Harry, tout autant que celles d'Hermione à en juger par la nervosité de ses mains jointes, et Somnius, les observant de biais depuis le début de leur marche, les soulagea en leur donnant plus d'informations. Celles qu'ils attendaient visiblement plus que l'étendue des dégâts pouvant être admis.

« C'est bien Severus Snape, sa signature magique, aussi faible soit-elle, est la même que celle que nous avons dans nos registres. - “les fameux registres”, pensa Harry, ceux référençant avec des informations fournies, mais top secrètes, tout sorciers ayant vécus ou en vie, et dont seul le directeur, la ministre, et deux ou trois personnes avaient loisirs de consulter - L'équipe de médicomages affiliée aux secrets du département est avec lui. Nous ne pouvons le déplacer à Sainte-Mangouste sans avoir établi les mesures de sécurité propre au département, et bien sûr sans votre accord Madame la Ministre. Il semble cependant que son état soit dû à un empoisonnement , des blessures plus superficielles sont à noter. Et sa magie est grandement perturbée. Il est à souligner qu’il ne semble pas avoir l’âge qu’il devrait avoir si l’on écarte la piste d’un saut temporel. »

La conclusion était la même, jugea Harry, pour les trois personnes qui constituaient le cortège privilégié s'enfonçant dans les dédales du ministère. Severus Snape avait fait un bond de 21 ans en avant, par un biais inconnu, et était mourant. Aussi mourant qu'il l’était lorsque Harry l'avait laissé dans la cabane hurlante 21 ans en arrière. Il se maudit instantanément de l'avoir cru mort si l'hypothèse d'un bond dans le futur était admise comme vérité. 

A en juger par la grimace qui tordait nerveusement le visage de son amie, elle aussi envisageait la même conclusion.

Somnius, qui les regardait toujours, leur décrocha un regard insondable. Il ne les dévisagea pas plus longtemps, les laissant à leur réflexion et s'attardant sûrement aux siennes.

Hermione et lui n'avaient pu dire un seul mot, écoutant religieusement ce que disait leur aîné, comme s'ils avaient été à l'école. Somnius faisait cet effet là à beaucoup de gens, quand bien même l'on soit un héros de guerre ou la ministre en personne. Somnius prévalait en sagesse et si l'aura de Dumbledore était inégalable, Somnius, en force tranquille, donnait autant le change que son patronus ne le faisait déjà, si ce n'est plus. 

Tel un requin aux regards abyssaux faisant de l'océan qu'était le département des mystères son terrain de prédilection où tout non-initié pouvait vite se sentir proie.

Harry, appréciant le contact de son collègue par les échanges uniques qu'ils pouvaient avoir tous les deux, n'était pas très à l'aise à l'idée d'être sur le terrain de son homologue, et à en juger par le port de tête un peu trop raide d'Hermione, elle aussi se préférait plusieurs mètres au dessus. Ils le suivirent pourtant avec la conviction qu'ils allaient avoir beaucoup à faire.

Et tandis que commençaient à grouiller une activité qu'ils avaient rarement vu en ces lieux à mesure qu'ils parcouraient les couloirs vers leur destination, Harry sentait poindre ce sentiment fort qu'il avait eu au moment où le patronus de Somnius avait délivré son message.

Il devait à toutprix sauver Severus Snape.

 

 

« Je vais bien je vous assure ! Lily, James, arrêtez bon sang, je vais bien ! Scorpius ! Dis-leur que je vais bien ! »

La supplique se perdit dans le regard gris du serpentard qui se tenait en retrait du petit groupe que formait la famille Potter-Weasley. 

Son grand frère avait déboulé quelques minutes plus tôt dans l'infirmerie tel un ouragan, demandant à pleins poumons où était son petit frère chéri. 


Malgré le sobriquet qu'il réservait à Albus d'un ton moqueur, son ton avait été bien plus inquiet qu'il n'aurait voulu le laisser croire. S'en était suivie une flopée de tornades rousses, brunes et blondes ; une grosse partie de sa famille s'étant élancée au pas de charge dans l'infirmerie avant que l'éternelle Poppy Pomfresh ne sorte de son bureau tel un dragon chassant les inconvenants venus troubler le silence réparateur des lieux qu'elle gardait d'une main de fer. 

Seuls son frère et sa sœur avaient été autorisés à rester avant que ne vienne - l’infirmière l’espérait au plus vite - un de ses parents. 

Malfoy se fit la réflexion, qu’il chassa d’un tic nerveux de bouche, que les Weasley -comme le disait son père- poussaient vraiment comme du chiendent. La moitié de Poudlard semblait avoir été habitée par des têtes rousses. 

Lily et James, depuis déjà dix bonnes minutes, bassinaient Albus de questions, plus imagées et inquiètes les unes que les autres ; en offrant une moins convaincue de temps à autres à Scorpius qui ne cessait d'observer Albus dans un mutisme qui inquiéta le jeune Potter. Il s'était évanoui. Mais peut être que Scorpius avait vu quelque chose qu'il n'avait pas vu dans son inconscience ? Le blond ne semblait pas prêt à le dire dans tous les cas.

« Al’, c’est mon rôle d’être dans le pétrin, ne me vole pas ma seule gloire ! » Gronda gentiment son frère, tapant sans mal Albus sur l'épaule. 

Sa petite sœur s'agitait en de petits sanglots contre lui et il offrit un sourire désolé à James, accueillant la remarque anodine comme une source de réconfort maladroite mais agréable. Il serra un peu plus sa sœur contre lui, essayant de la rassurer. Une bonne nuit de sommeil, et il pourrait alors parler librement à Scorpius de ce qui était arrivé cette après-midi, quelques flashs lui revenant pas bribes à mesure qu'il reprenait un peu plus conscience.

C'était sans compter sur les rideaux du lit qui se tirèrent sur sa mère, morte d'inquiétude, et sur le professeur McGonagall au visage blême. Lily, apercevant sa mère, se jeta contre elle, James, surpris de la voir ici, se recula pour prendre place devant son frère, comme habitué aux remontrances de leur génitrice et voulant éviter cela à son petit frère. Seul Scorpius ne bougea pas d'un poil.

« Albus, mon chéri, comment vas-tu ? »

Sa mère semblait bouleversée plus que de raison et il se demanda si cela n'avait à voir qu'avec son passage éclair à l'infirmerie.

Il eut la réponse lorsqu'elle se tourna vers McGonagall.

 « Rejoignez Harry, Minerva. Je m'occupe de mon fils, merci de m’avoir prévenu. » 

« Le ministère est au courant pour l’incident de monsieur Potter, ils ne devraient pas tarder. Prévenez Poppy s’il y a besoin de quoique ce soit. Elle saura me joindre. »

La directrice partit aussi vite qu'elle était arrivée. 

Venait-elle de courir littéralement sur la cheminée, manquant de s'étaler de tout son long dans les cendres ? 

« Quelque chose ne va pas avec papa ? » 

Ce fut James qui prit la parole, Albus, encore trop apeuré de savoir si sa mère allait le gronder ou non.

La rousse avait les traits tirés, et le teint pâle. Elle se passa une main sur le visage, s'asseyant contre le flanc de son fils, à même le lit. Elle berçait Lily dans ses bras comme si sa fille avait encore 5 ans, et sembla peser ses mots.

« Il y a eu un incident au ministère. » 

Elle offrit un regard appuyé à Albus, pesant le pour et le contre dans ce qu'elle semblait pouvoir dire. 

« Je ne sais pas véritablement ce qui se passe, Minerva était partie chercher votre père après ton accident Albus. Miner-...le professeur McGonagall - elle se reprit, espérant toujours inspirer chez ses enfants un quelconque respect professoral pour Tatie McGo. perdu d'avance - m’a cependant dit qu’il semblerait que Severus Snape soit en vie et soit actuellement au ministère. »

Un glapissement simultané sorti de la bouche d'Albus et de Scorpius, que tous semblaient avoir oublié. Sa mère observa à tour de rôle les garçons et Scorpius, dont le mutisme semblait prendre fin, sorti de sa torpeur.

« C'était lui, dans la lumière…c'était lui… ».

La tête blonde s’agitait et les yeux gris du garçon regardait le vide, semblant se rappeler quelque chose que seul lui pouvait voir.

Albus, groggy, ferma les yeux. Ses forces avaient du mal à revenir, et sa magie avait été mise à rude épreuve dans la cabane hurlante comme l’avait confirmé rapidement Poppy. Il se souvenait d'une lumière, d'une force gravitationnelle inexplicable et d’une ombre. Une silhouette qui s'était pressée contre ses paupières closes. La silhouette d'un homme tout de noir vêtu, qui souffrait et dont la douleur l'avait transpercé. Cela pouvait-elle être la silhouette de Severus Snape ?

Son cœur parut imploser. Il sentit des larmes inexpliquées couler sur ses joues, et un doigt léger vint les essuyer. Il rouvrit les yeux, implorant sa mère qui le regardait tendrement.

« Il est en vie ? » 

Ce n'était qu'un souffle auquel il se rattacha. 

Sa mère, comme son père, savait la fascination qu'éprouvait le jeune serpentard pour le maître des potions.

Les significations qu'on donnait au nom avait de l'importance dans le monde magique… Ginny s'était toujours demandé si la fascination qu'avait Albus Severus pour le Severus d'origine était dû à l'amour et la reconnaissance que portait Harry à Severus Snape d'avoir été l'homme qu'il avait été dans le passé. Ou bien était-ce parce que le prénom Severus liait plus intensément qu'ils ne l'avaient prédit son fils et l'homme ? Ils n'avaient jamais eu de réponses, même si elle se doutait que ce soir, et les évènements qui s'étaient passés dans la journée n'étaient pas une coïncidence. Ils avaient toujours répondu, Harry plus qu'elle, aux questions avides de leur fils sur l'homme qu'il tenait en haute estime et qu'Harry évoquait avec respect.

Ils étaient fiers que la mémoire de Severus se transmette à leur fils, même s'ils craignaient quelques fois une étrange aliénation face à cet engouement quelque peu vif pour un jeune homme de son âge. 

Ils auraient sûrement dû freiner ses ardeurs. Le regard inquiet du jeune Malfoy la conforta dans l'idée qu'ils avaient peut-être raté quelque chose.

Elle se massa les tempes, regardant son fils d’un œil attentif et inquiet. Il s'accrochait à sa réponse qui tardait à venir.

« Je ne sais pas mon chéri. Minerva n'a pas pu m'en dire plus.  Mais peut être que ton père nous éclairera sur la situation, j’attends de lui à ce qu’il passe ici plus tard. Tu devrais te reposer. »

Le désir de mettre ses enfants au lit au vu de l'heure tardive s'évanouit devant les regards curieux de James et Lily. Ils n'allaient, à première vue, pas s'endormir sans avoir vu leur père, quand bien même cela allait durer des heures avant qu'Harry ne passe le bout de son nez ici. Elle jura qu'il avait sûrement beaucoup à faire si tout cela était avéré. 

Elle se leva, alla demander à Pomfresh si elle pouvait leur emprunter quelques lits pour la nuit, et après un marmonnement de la vieille infirmière comme quoi elle aurait aimé pouvoir elle aussi aller au ministère si ce qu'avait dit Minerva avant de partir était vrai, elle lui accorda d'un geste quelques pyjamas et désigna les lits près de ceux d'Albus.

« Les enfants, nous attendons votre père ici, puisque personne n'est disposé à retourner dans son dortoir, mais d'abord, une douche, en pyjama et un lit chacun. » 

Son ton était on ne peut plus clair.

Malgré l'amour débordant qu'elle mettait dans ses ordres, cela n'en restait pas moins un ordre. Ils s'exécutèrent tous, et seul Scorpius sembla hésiter. Elle avait remarqué le pyjama en trop dans la pile que lui avait tendue Poppy, elle donna ce dernier à Scorpius avec un petit sourire encourageant. Draco Malfoy n’avait pas été informé de la présence de son fils à l’infirmerie, le sachant père attentif, elle s’était étonnée de ne pas le voir auprès de Scorpius. Sans doute cela avait-il à voir avec le fait que Scorpius semblait en bonne santé. Le serpentard la regarda, de son air ennuyé, avant d'accepter d'un merci respectueux le pyjama, suivant le cortège silencieux des Potter vers les salles de bains de l'infirmerie.

Les enfants étaient encore tous sous la douche lorsque la cheminée dans le bureau de l'infirmière se mit à ronronner. Ginny, tenant la main de son fils Albus qui semblait perdu entre le sommeil et l'éveil, vit son fils se pencher, parfaitement réveillé désormais, pour apercevoir l'homme grand et apprêté sortir de l'âtre à la suite du professeur McGonagal. Élégamment habillé, les cheveux châtain clair tirant sur quelques mèches grises, le visage aux traits fins et anguleux lui donnant une sagesse sombre, l’homme semblait dominer la pièce avec une ombre sereine.

Non. Décidément, ce n'était pas Harry. 

Ni même Severus - Albus l'avait presque espéré-. 

Ginny pourtant le reconnut avec peine. Un collègue d'Harry. Un nom étrange. Sommus ? Sonus ? So…

« Somnius Galdrar, enchanté. Nous nous sommes déjà rencontrés au ministère, je travaille avec votre mari. » 

L'homme s'était avancé et n'avait pas attendu la directrice de Poudlard pour se présenter. Sans doute le regard méfiant de Ginny l’avait poussé à montrer patte blanche plus tôt que la coutume n’oblige. 

La directrice ne semblait pas lui tenir rigueur de n’avoir point respecté le décorum, Minerva faisait son âge ce soir et ne semblait plus tenir debout. Le dénommé Somnius - Ginny cherchait dans sa mémoire quand leur chemin avait pu se croiser - avait aussi remarqué le chancellement de la vieille lionne, et matérialisa sans peine d'un geste las de la main une chaise que la directrice apprécia à sa juste valeur en s'affalant dessus. Minerva semblait au bout de sa vie, si tant est qu'il lui en restait encore un bon tronçon.

« Où est mon père ? » 

Ginny aurait volontiers réprimé son cadet d'une attitude si impolie, si la question ne lui brûlait pas les lèvres à elle aussi. Elle s'excusa auprès de l'homme qui balaya la gêne d'un geste de main, un sourire aux lèvres. L’homme se perdit un instant dans la contemplation de son plus jeune fils, semblant chercher quelque chose dans le regard émeraude du serpentard.  

« Vous devez être Albus ? » 

Sa voix trembla lorsqu’il appela son fils par son prénom. Il n'avait sûrement pas l'habitude de parler à un enfant, Ginny en mettait sa main à couper, mais son ton était doux. Maladroit. 

« Je travaille avec votre père. Si cela ne vous dérange pas et que votre mère m’y autorise, j’aurai quelques questions au sujet de l’incident de tout à l’heure.» 

Levant les mains dans un signe de paix maladroit, il regarda Ginny, cherchant son approbation, n’ayant semble-t-il pas l’idée de brusque qui que ce soit. 

Ginny jeta un regard à Minerva qui, même sous le coup de la fatigue, s'assura de toute la splendeur de son rôle. 

« Le directeur Galdrar, du département des mystères, est venu en personne et avec l'accord de madame la Ministre et du directeur Potter pour pouvoir s'entretenir avec monsieur Potter. » 

Le décorum qu'elle mettait dans sa phrase était nécessaire pour prendre l'ampleur de la mesure prise en urgence ce soir. 

« Il semblerait que le retour de Severus soit lié avec l'incident de monsieur Potter. continua-t-elle, Harry arrivera plus tard, il se charge du transfert de Severus dans une aile sécurisée du ministère pour le soigner. »

« Donc Severus Snape est vivant ! »

Les adultes se tournèrent vers l'enfant alité qui avait laissé échapper un soupir de soulagement, une expression sauvage sur son visage. L'homme du ministère, tout aussi concentré qu'il l'était, porta un regard neuf et intéressé à Albus que Ginny intercepta avec une drôle de sensation. Son fils allait être examiné sous toutes les coutures, elle le sentait. Harry avait intérêt à rappliquer. Elle se détendit cependant, voyant l'homme la couver du regard, attendant avant de faire un pas vers son fils. C'était déjà ça de gagné.

« Albus, mon chéri, avant d'assaillir monsieur de questions, je pense qu'il vaudrait mieux que tu répondes aux siennes, d'accord ? » 

Elle regarda son fils, son ton ne demandant aucune revendication.

Elle se pressa d'ajouter à l'attention cette fois ci de l'homme. 

« Ne faites pas trop durer. Mon fils a besoin de repos. »

Il acquiesça, avec douceur, il s’asseya sur un petit tabouret, au pied du lit d’Albus.

« J'aurai préféré faire ça demain matin, mais nous avons jugé qu'il valait mieux ne pas attendre si cela devait impliquer une incidence publique. Mes questions seront brèves, soumises à discrétion, et je m'en irai avant que vos enfants ne reviennent de leur douche, madame je vous le promets. » 

Il asséna un sourire étrangement convaincant, malgré l'idée saugrenue que Ginny se faisait de cet homme qui, avec toute la bonne volonté du monde, ne savait pas faire un franc sourire sans avoir l'air à côté de la plaque. Elle haussa un sourcil, tapotant sur Albus qui semblait ne plus pouvoir se contenir. Trop d'informations se bousculaient dans son cerveau. Elle voyait d’ici ses oreilles fulminer. 

Minerva resta assise, écoutant. Elle avait réussi à tirer cela de l'homme. Galdrar mènerait son interrogatoire express dans l'enceinte de son école sous la surveillance de la directrice et de la mère. L'homme n'avait pas paru plus embêté que cela. Il resta debout, agitant sa baguette, faisant apparaître une petite boule lumineuse qui prit place entre eux. 

« C'est un sort d’enregistrement. Puis-je commencer ? » 

Ils acquiescèrent. Mais son regard était rivé sur Albus. Seule son approbation comptait. 

« Etes vous Albus Severus Potter, fils de Harry James Potter et Ginevra Weasley ? » 

Le jeune serpentard acquiesça. 

« Avez-vous, à 15h25, pénétré dans le lieu connu sous le nom de « Cabane Hurlante » du village de Pré-Au-Lard en compagnie de monsieur Scorpius Malfoy ? »

 Il acquiesça de nouveau. 

« Avez-vous été témoin d’un incident que vous ne sauriez expliquer ? » 

Il acquiesça. 

« Avez-vous observé une distorsion dans la magie sous une forme physique particulière ? Une lumière vive par exemple ? »

Albus croisa les bras, fronçant les sourcils comme lorsqu’il réfléchissait, pesant le pour et le contre.

« Pas une lumière. Je vois ça plus comme une faille. C'est ce qu'a dit Scorpius, je pense qu’il a mieux observé ça que moi. C'était une faille. Comme un éclair qui explose. Je pense que je qualifierai tout ça de faille moi aussi… »

Si l'homme semblait noter mentalement l'intervention du jeune homme avec un intérêt certain, il ne fit aucun commentaire.

« Mais, monsieur Potter, avez-vous été en contact avec cette faille ? »

Albus fronça les sourcils, tordant sa bouche en une moue contrite. 

« Je ne sais pas. Je pense que oui. J'ai perdu le contrôle de ma magie. C’était assez physique. Je ne pouvais rien faire d'autre que d'y entrer”. C'est là que je l’ai vu. Snape. J'avais les yeux fermés, ça j'en suis sûr. Mais je l'ai vu comme je vous vois vous !  »

Les sourcils du plus agé se froncèrent légèrement, assez visible cependant pour que Ginny le perçoive. Galdrar mit plus de temps, semblant chercher une question qu'il devait sans doute formuler dans sa tête.

« Pensez-vous avoir une connexion magique quelconque avec monsieur Snape, monsieur Potter ? »

La question les prit de court. Ginny alterna entre son fils et l'homme, jaugeant la solidité et le sérieux de la question. En quoi son fils pouvait bien avoir un lien avec un homme censé être mort depuis 21 ans ? Les histoires d’un père à son enfant ne nourrissaient pas une connexion magique. Spirituelle à la rigueur. 

Elle regarda Minerva qui paraissait songeuse elle aussi. Jugeant opportun de répondre à la question tandis que son fils ne savait à peine comment la comprendre.

« Ecoutez monsieur Galdrar, mon fils n’a pas de connexion avec Snape. De n’importe quelle sorte d’ailleurs.»

« Non en effet. » 

Albus la coupa, épuisé, et sa mère se tourna vers lui, inquiète.

« Sincèrement je ne pense pas, continua le jeune serpent. Enfin, excepté le prénom et les souvenirs que m’a partagé mon père. Même si je suis fasciné par cet homme et ce qu’il a fait, il est vrai ! Mais je ne pense pas être connecté magiquement avec lui. J'adore son histoire depuis petit, peut être un peu trop j'en conviens quelques fois, et ce n'est pas Scorpius qui vous dira le contraire ! Mais je doute qu'une connexion magique me lie à cet homme. »

Somnius écoutait attentivement. Il regardait Albus avec insistance. Puis il se tourna cette fois-ci vers Ginny. Elle en fut surprise elle-même, s’attendant à une réponse sensée que ce Galdrar pourrait bien leur donner.

“La magie peut nous surprendre. C’est une science qu’il nous faut dompter chaque jour. Nous nous arrêterons ici ce soir. Je demanderai à votre mari s’il est admis qu’un médicomage puisse prendre les mesures magiques de votre fils avec son accord.” 

“Voyez avec mon mari.”

C'était la seule réponse qu'elle pouvait donner. Et il sembla s'en accommoder fort bien. Un sourire apparut de nouveau sur les lèvres fines du sorcier, tirant ses traits en une mimique séduisante - bien malgré lui pensa-t-elle. Il se pencha lentement en un salut respectueux, et s'en alla vers la cheminée. 

Il laissa cependant échapper une dernière parole avant de s'évanouir dans les flammes.

« Ne vous inquiétez pas monsieur Potter, votre père ramènera monsieur Snape en bonne santé. Vous pourrez dès lors lui poser toutes les questions qui assaillent votre esprit depuis des années. Madame Potter. Madame la directrice. Bonne soirée. ».

Albus ne pouvait avoir l'air plus joyeux. Il observa la cheminée comme si le père noël allait y descendre aussi prestement. Ginny regardait les flammes s’évanouir lorsqu’elle entendit plus qu’elle ne vit son aîné..

« C'était qui ce mec ? ».

Ginny leva les yeux au ciel. L'impolitesse de James était un point qu'elle avait sensiblement du mal à oublier.

 

 

La douleur était atroce.

Le sang ne pouvait s'empêcher de couler.

L'esprit se murait derrière les remparts que la douleur faisait tomber une à une.

Le cœur battait irrégulièrement, manquant de rompre sa litanie à chaque mesure.

Il mourait. Il était mort. Mort. Et dans la mort, il se sentit libre. Une douce chaleur le prit tandis que le froid se succédait à la légèreté d'un chapitre clos. Il avait fait son devoir. Il était mort, offrant ce qu'il avait à offrir au fils de la femme qu'il avait aimé. À jamais. Harry Potter mourrait, ou sauverait le monde magique. Il n’en avait plus cure désormais. Albus Dumbledore ne pourrait jamais le hanter dans l'au-delà, si tant est qu'il le rejoindrait là-bas, pour ne pas avoir tout tenté. Il y avait donné sa vie. 17 ans de son existence.

S'il l'avait fait par amour pour Lily Evans, il lui était arrivé de penser, perdu dans le bureau directorial, à tous les doutes qui l'avaient assailli quelques fois. Il était égoïste. Il se savait égoïste, mais il ne pouvait, dans ses derniers instants, s'empêcher d'espérer un avenir pour le jeune Harry. Lily aurait aimé un avenir pour son fils. Lily aimait son fils. Et quand bien même lui ne l'aimait pas, il avait menti lorsqu'Albus lui avait demandé s'il faisait cela par attachement pour le garçon. À jamais pour Lily, avait-il dit. Mais il savait tout aussi bien que l'amour qu'il éprouvait pour Lily le poussait forcément à attacher de l'affection pour le jeune homme quand bien même il ne lui avait pas rendu en classe. Quand bien même il s'était trouvé infâme et mesquin face à cet enfant, tant pour donner le change face à ses serpents que pour son malin plaisir à martyriser le fils Potter. Qu'il n'avait pas su voir à la juste valeur qu'il aurait aimé lui donner maintenant qu'il se remémorait toute sa vie.

Harry Potter. Quel gâchis.

Severus, rendant son dernier soupir, espéra qu'il survivrait. Le survivant devait survivre, qu'importe ce que les plans d'Albus avaient de tordus, qu'importe. Il espéra de tout son cœur, de toute son âme, qu'il survive.

« …-BUS»

La mort avait un drôle de timbre paniqué qu'il prit pour une véritable ironie. 

Des enfants. 

Voilà ce qui l'attendait en enfer ? Un au-delà moqueur et désespéré s’imposait à lui. Voilà donc son châtiment. Se demandant bien ce qu'il pouvait y avoir de pire dans sa mort qu'une tripoté de gamins dans une salle de classe pour l’éternité il ne s’attendait pas à pire. Il était bien mort pourtant, un doute le prit. Il pria presque, la douleur envolée, pour que quiconque décidant de lui accorder les enfers, lui donne une autre pénitence qu'un cours éternel de potion.

Il n'éprouvait aucune douleur. Il n'avait plus mal. Il était bien mort. Il ne respirait plus, il ne sentait plus son coeur battre. Il n'y avait plus rien qu'il ressentait, quand bien même ce cri étrange l'avait fait prendre connaissance de son ouïe encore en marge de fonctionner. Il éprouvait la mort avec un étrange pressentiment. Comme quelque chose qui ne tournait pas rond dans l'inconnu fictif.

Quelque chose ne tournait définitivement pas rond lorsqu'il sentit ses os craquer, ses muscles se tendre, et son cou le brûler atrocement alors qu'il était aveuglé par une lumière blanche qu'il sentit presque brûler sa rétine.

«..- médicomagesassermentés. »

La douleur monta d'un cran, puis plus rien.

Lorsqu'il ouvrit les paupières, l'arrière-pensée d'une salle de classe éternelle lui glaça le sang. Ce qu'il vit réellement, battant des paupières, n'était pas mieux.

James Potter.

Putain !

Il était condamné à passer sa putain de mort avec James fucking Potter.  Quelque chose clochait pourtant.

« Severus. Vous m’entendez ? »

Deux yeux vert émeraude vinrent attraper les siens qui peinaient encore à voir quoi que ce soit. Lily ? Pourquoi les yeux de Lily Evans étaient sur le visage de James Potter ? Son ennemi honnis depuis l'enfance qu'il avait tant prié ne pas revoir de l’autre côté du voile.

« Professeur Snape ? ».

Cette voix. Il la reconnaîtrait aisément.  Son regard quitta difficilement les yeux verts qui n'étaient décidément pas à leur place, et vinrent se planter sur ceux marrons chocolats qui le regardaient avec une inquiétude qu'il aurait volontiers refoulé d'un claquement de langue s’il n’avait pas été dans l’incapacité de bouger. 

Non. Ces yeux marrons. Ce timbre de voix insupportable. Les boucles châtaines qui agrémentaient le visage au-dessus de lui. Hermione Granger. C'était Hermione Granger. Qu'est-ce qu'Hermione Granger avait eu la brillante idée de mourir ?

« Madame la ministre, monsieur Potter. Je suis désolé, il faut que je fasse examiner monsieur Snape par mes hommes. Puis je dois mener “l'éveil” donc si vous pouviez… ». 

Tiens, ce timbre de voix lui était étranger. Il ne comprenait rien à ce que la voix chaude avait dit, mais il avait autorité sur Granger. C'était quelque chose qu'il savait apprécier, même dans la mort.

Les deux silhouettes qui se massaient à ses côtés semblèrent se lever avec réticence. Laissant un autre homme s'approcher, et s'asseoir à sa droite. Il entendit une porte se fermer en un frottement à peine perceptible. Et tandis que la lumière se fit plus douce, il sentit une main rassurante presser son visage et ses yeux. Une chaleur couva son regard qu'il avait fermé sous la caresse habile, et lorsque l'inconnu retira sa main, il avait recouvré la vue. Et cela parfaitement. 

Devant lui, un homme, qu'il jugea d'une quarantaine d'années bien tassée, et dont le port de tête rendait l'allure imposante. Cet homme le regardait comme il aurait lui-même sondé l'âme de ceux en qui il devait lire les plus sombres secrets. Il frissonna. Albus ou encore le Seigneur des Ténèbres avaient ce genre de regard que même un maître occlumens tel que lui ne pouvait défier trop longtemps.

Il frissonna ? Sentant la panique monter.

« Monsieur Snape. Calmez vous. Je ne vous veux aucun mal. »

Le ton était clair. Calme. Précis. Le regard toujours  enfoui dans le sien, l'homme vint prouver ses talents soupçonnés en art de l'esprit en venant rassurer par une légilimencie douce les sentiments pressés du maître des potions. Il insuffla en lui une litanie rassurante, tel le chant de l'eau qui arborait les rivières en amont des forêts de haute montagne.

« Vous êtes en sécurité. Vous n'avez rien à craindre de moi. » 

Ses protections étaient faibles. Il s'était laissé aller. Il s'en voulu presque, avant que la sérénité qui le prit ne lui fasse le plus grand des biens. Cela faisait longtemps que son esprit n'avait pas été aussi apaisé. Aussi clairvoyant et serein. Peut-être qu'il n'avait pas atterri en enfer, finalement.

« Je vous laisse vous reposer. Dormez Severus. »

La voix lui parut déjà bien lointaine, mais elle se fit rassurante et le berça en boucle avant qu'il ne sombre dans un sommeil profond. Il n'aperçut même pas les trois langues-de-plomb rentrer dans la chambre, baguettes en main…

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