Regulus...
"Qu'est-ce que tu donnerais pour entendre ma voix une dernière fois ?"
Je me souviens de cette soirée avec Sirius, Remus, Peter, Lily, Dorcas, Marlene, Mary et toi, bien sûr. Je me rappelle de détails stupides, comme de ton poids sur mes genoux dans ce large fauteuil de velours rouge, du sourire de Remus quand Sirius a pris sa main, du rire de Dorcas et Marlene qui retentissait à l'unisson dans mon salon, ou de l'air désespéré de Peter et Mary qui semblaient partager une conversation télépathique que nous autres, mortels romantiquement réceptifs, ne pouvions percevoir. Je sens encore dans ma main tes doigts froids quémander un peu de chaleur entre mes phalanges brulantes. J'entends à nouveau les autres ricaner en inscrivant des questions qu'ils semblaient trouver amusantes sur des morceaux de parchemin. Je te revois, si concentré, la langue pointant au coin des lèvres, écrire la tienne sur le bout de papier que tu avais calé sur ton genou noueux. Je me rappelle mon hésitation, mon indécision quant à ce que j'allais inscrire sur le mien. Quand Marlene était passée avec le bol, tu lui avais souri en glissant ton parchemin minutieusement plié dedans. Elle t'avait rendu ton sourire. Personne n'avait jamais compris comment, et pourtant, tu adorais Marlene. Sans doute qu'elle te rappelait ton frère, mais en plus extérieure, moins attachée à toi, et tu t'étais accroché à elle. Étonnamment elle te l'avait rendu et tu étais la seule personne à avoir le privilège d'échapper à ses sarcasmes incessants. Toujours est-il que le bol s'était rempli de parchemins.
Chacun, chacune avait pioché, recevant une question signée ou non d'un de nos amis.
"Si la police m'arrêtait sans explications, que supposerais-tu que j'ai fait ?"
"Quelle est la chose la plus embarrassante que tu aies dite lors d'un date ?"
"Pourquoi dit-on du lipstick si ça ne colle pas vraiment les lèvres entre elles ?"
Quand ce fut mon tour... Je me souviens de la légère nervosité que masquait mon sourire, lorsque j'ai pioché. Le parchemin était plié en quatre, j'ai mis plusieurs secondes à l'ouvrir. Lorsque j'ai vu ton écriture serrée et soigneuse sur le papier, je n'ai pu m'empêcher de sourire. Tout le monde a compris que la question venait de toi, rien d'autre n'aurait pu me faire sourire comme ça. Ils m'ont tanné pour que je lise, et j'ai découvert avec eux ta question.
"Qu'est-ce que tu donnerais pour entendre ma voix une dernière fois ?"
Sur le coup, je n'ai pas su quoi répondre. Je t'ai regardé, ton visage aux traits pâles et fins était anxieux, mais tu m'as souri. J'ai bafouillé quelque chose sans trop de sens, une réponse banale, générique, mais que je pensais pourtant vraie.
- N'importe quoi, ai-je dit. Si ça me permet de t'entendre encore, tout est bon à jeter.
Tu as souri de nouveau, et les autres ont sifflé. Tes joues se sont teintées de vermeil, tu t'es caché dans mon cou. J'ai caressé tes boucles noires en passant le bol à Dorcas.
Aujourd'hui, je repense souvent à ce que je donnerais pour t'entendre de nouveau. Percevoir encore ton souffle sur ma peau alors que tu me murmure des mots d'amour à l'oreille. Poser la main sur ta gorge et sentir vibrer tes cordes vocales tandis que tu ris.
Je pense que la réponse n'a pas changé. "N'importe quoi si cela me permet de t'entendre une dernière fois". Mais aujourd'hui, ce n'importe quoi est devenu plus concret.
A mes côtés, Lily dort tranquillement. Ses longs cheveux roux s'emmêlent sur l'oreiller, elle est belle. Elle ne te ressemble en rien, et, pourtant, je crois que je l'aime, presque autant que ce que je t'ai aimé.
Malgré cela, je donnerais tout pour te revoir une dernière fois. Tout.
Et la culpabilité de ce que cela implique est terrible, mais véridique.