Hermione a totalement échoué à un examen ?

Harry Potter - J. K. Rowling
F/F
G
Hermione a totalement échoué à un examen ?
Summary
Hermione revient d'un examen de mauvaise humeur. Elle l'a raté. Pire, son travail était tellement mauvais qu'on ne lui a pas laissé l'opportunité de se défendre. Mais qu'est-ce qui est arrivé ?
Note
Bonjour,Ce texte est très "académique".Je souhaitais aborder un sujet qui m'intéresse depuis longtemps de par son potentiel.J'ai utilisé le livre "Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin" de Eliane VIENNOT et Diane LAMOUREUX, aux éditions iXe, pour un certain nombre de passages théoriques. C'est leur recherche, leur propriété. J'ai adoré cet ouvrage et sa pédagogie sur le sujet.J'espère leur rendre un femmage et avoir bien compris leur travail dans ma ré-écriture.Si ce texte est dérangeant à cet égard, mes excuses et je le retirerai.C'est avec respect, curiosité et plaisir que j'ai rédigé ces lignes qui ne parleront pas à tout le monde.J'ai délibérément évité le débat sur l'écriture inclusive et/ou épicène car ça n'était pas le cœur de mon idée, ici.Concernant l'Académie française, j'ai pris en compte de nombreuses lectures dans la presse pour et contre ses positions sur la langue française.Je crois personnellement que toutes les langues doivent se critiquer, être pensées positivement et se penser pour le grand nombre.Ce dernier point en rappelant qu'une langue est faite pour communiquer, qu'elle doit donc être pansée avec altérité.Si cette thématique vous parle, vous questionne, allez voir le spectacle "La faute de l'orthographe: la convivialité"! Enjoy ;-)

“Le genre masculin ne sera plus regardé, même dans la grammaire, comme le genre le plus noble, attendu que tous les genres, tous les sexes et tous les êtres doivent être et sont également nobles”.

Requête des dames de l’Assemblée nationale, article 3 du projet de décret adressé à la Législative, 1792, France.

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Fleur avait préparé une réception/fête de grande envergure pour célébrer le énième diplôme de sa chère et tendre et future épouse (encore à faire sa demande), Hermione Granger.
Pas du tout fâchée, elle avait accepté que ses deux invités maximum soient son meilleur ami Harry et sa mentor de toujours, la professeuse McGonagall. Du point de vue de Fleur, cela lui permettait de peaufiner les détails car elle avait été fort prise par ses fonctions de Leader Delacour ces derniers temps.

Quand elle sentit les barrières de défense s’abaisser à l’arrivée des trois noms cités, tout était prêt. D’abord, moment en famille et plus tard, foule.
-Félicitations mon am…
Fleur avait déjà lancé les sorts de feux d’artifice intérieur, une musique épique et ouvert grand les bras pour enlacer la prodige que celle-ci, tout en jurant en français avec une pointe de wallon, fila fissa vers son bureau sans lui prêter la moindre attention.
Fleur regarda Harry et Minerva décontenancée et le regard empli de questions. Les deux semblaient hésiter entre rire ou tenir un minimum de sérieux. Ce fut Harry qui se décida:
-Elle n’a pas réussi.
Fleur attendait la chute à sa blague et se tourna vers Minerva.
-Le jury a refusé son examen et ne lui a pas accordé de défense orale.
Fleur en perdit sa dignité d’alpha et ouvrit grand la bouche sans parvenir à produire un son pendant de longues secondes.
-Attendez, on reprend: Hermione Jane Granger, la sorcière la plus brillante de sa génération -voire sur plusieurs générations, héroïne de guerre, précédemment cheffe de département au Ministère anglais de la Magie, inventrice de plusieurs sorts et potions brevetées…
-Future co-Leader du Clan Delacour même si elle n’est pas encore au courant, ajouta malicieusement Harry.
-...postulante et meilleure personne qualifiée pour être diplomate au Ministère belge de la Magie auprès des autres nations en tous genres, a été recalée sans cérémonie ???
-Ca résume bien, oui. Confirma Minerva.
-Impensable, impossible, imp-Hermione!
-Joli néologisme mais si.
-Ok, un verre et l’histoire.

Quelques instants plus tard, les trois se trouvaient dans le bureau privé de Fleur autour d’un verre.
-Au vu du CV d’Hermione, les examens communs furent une formalité pour elle. La dernière épreuve à défendre -également oralement- était une dissertation en français.
-Mais Hermione est francophone de par sa mère, certes français de Belgique mais ne me dites pas que la référence était le français de France ?!
-Oui et non. Et oui, elle parle parfaitement français mais elle y a amené sa touche personnelle…
-... qui nous échappe un peu, anglophones, compléta Harry.
Fleur était perplexe.
Minerva sortit un parchemin, la dissertation, et invita Fleur à la lire. Ce qu’elle fit. Après plusieurs minutes ponctuées d’exclamations de surprise, elle ne put retenir un éclat de rire rond et capiteux.
-Je comprends mieux! Ça a dû déplaire à souhait! Dites-moi que vous avez le souvenir de la scène pour ma pensine! C’est trop bon!
-J’ai tout enregistré, confirma Minerva.
Et Fleur se plongea dans la scène. Dans l’auditoire, quelques personnes sur les gradins pour assister au moment et le jury, assis, composé de cinq hommes et deux femmes.
Invisible dans ce passé, elle vit sa bien-aimée, tout sourire, se lever à l’appel de son nom pour débattre avec le jury de son papier. Un représentant de l’Académie française prit la parole.
-Madame Granger, mes collègues et moi-même avions placé de grands espoirs en vous et vous nous avez énormément déçus.
Hermione fronçait les sourcils.
-Nous avons même atteint la conclusion que ceci, dit-il en brandissant le parchemin dans son poing fermé, est le pire essai jamais reçu par cette éminente Institution.
Silence de mort dans l’auditoire et rage contenue dans les yeux de la jeune sorcière.
-Et en quoi cela, svp ? Hermione avait pris un ton semblable à une lame de rasoir qui visait la jugulaire.
-Bien que le fonds soit correct et votre développement digne d’être publié, la forme est irrespectueuse de notre patrimoine et indigne de vous. C’est une insulte pour tous, vous compris.
-Elaborez que le public participe au débat, exigea-t-elle et ce que son nom lui permettait de faire sans hausser le ton.
L’homme feuilleta pour la forme le document et lança des exemples de cet irrespect en touffe à l’assemblée, anxieuse et curieuse.
-Eh bien, prenons… “Les arrondissement et les communes sont inondEES”, vous répondez à la question “êtes-vous curieux et imaginatif” “ je LA suis”, vous parlez de Minerva McGonagall en tant que “professeuSE”, pour citer les Lumières vous dites “les hommes philosophes du 17e siècle” comme s’il fallait préciser leur sexe! En parlant de “falloir”, vous avez partout noté “ELLE fallait” ou encore “ELLE est possible que…”! Vous suggérez de renommer la Déclaration universelle des droits de l’Homme en “Déclaration universelle de la personne humaine”! “vuE mon expérience”! Vous n’avez jamais accordé le participe passé de Marot, je cite “J’ai lu toute cette étude, excepté les trois derniers tests réalisé le mois dernier”, où sont les S de ‘exceptés’ et ‘réalisés’ ?!
L’homme était devenu rouge et suait.
-Dois-je continuer ? demanda-t-il à Hermione. Vous vous prenez pour une poète, un auteur peut-être?
-Ca ne sera pas nécessaire, je vais, à défaut de défendre le fonds de ma dissertation, me charger de sa forme qui vous a outré, dirait-on. Je suis autrice, sans aucun doute. Poétesse, pas encore, mais merci du compliment. Et je vous remercie d’avance de ne pas m’interrompre.
Elle balaya le jury de ses yeux perçants avant de dire:
-Je vais vous rappeler un peu l’histoire de votre Institution mère. Quand en 1635, Richelieu crée l’Académie française et lui confie la tâche de créer un dictionnaire national, cela déclenche la “Querelle des femmes”. Au 17e siècle existe un état de rapport de force entre les sexes, déjà débuté bien avant, défendu par des masculinistes qui en appellent à un “ordre naturel”. Pour rappel, jusqu'à la fin du 16e siècle, cette dispute était politique (est-ce que les femmes peuvent gouverner), familiale (les femmes peuvent-elles ne pas obéir à leur mari?) et sociale (les femmes peuvent-elles exercer les mêmes fonctions que les hommes?). Les intellects débattent de tout ceci dans un schéma précis : la redistribution des pouvoirs liés à la formation des Etats modernes, à savoir le déssaisissement des potentats locaux de leurs prérogatives au profit des monarques. Ce déssaisissement rendu possible par la création, puis par le développement massif des ‘fonctions publiques’ de l’Etat. Ces postes ne requérant que des capacités intellectuelles auqxuelles beaucoup aurait pu prétendre mais un groupe s’y était taillé un monopole depuis le 12e siècle: les chrétiens de sexe mâle.
Inutile, face à de tels cerveaux que les vôtres, de vous faire l’affront de résumer la misogynie chrétienne dans la majorité des domaines.
Le combat des femmes, la Querelle de ces siècles, se déroule aussi sur le terrain de la langue où les réformateurs font pression sur le monde des lettres à coup de “il ne faut pas dire ceci mais cela”. Les femmes de lettres défient les partisans d’une domination masculine grâce à leurs écrits. Elles luttent, résistent face à ces assauts incessants de machisme. Mais dans ce 17e siècle, des linguistes vont développer des discours légitimant les inégalités, également sur le terrain de la langue. La question des noms de métiers et de fonctions prestigieuses fut un domaine qui fâcha : officière, clergesse sont deux exemples parlant. On tente de neutraliser les sonorités qui identifiaient les noms féminins (contre la logique de l’ancienne langue qui marquait non le féminin mais la différence des sexes afin d’éviter les ambiguïtés). “Philosophesse” recule vite face aux ennemis de la femme et on doit désormais adjoindre à ‘philosophe’ le mot ‘femme’ pour lever la confusion -ce qui permit de forcer l’idée qu’une femme philsophe soit non naturel et doit être souligné dans son caractère exceptionnel et non régulier. Voilà qui amène une énième barrière d’accès aux professions qui seront dorénavant considérées uniquement pour les hommes, êtres absolus.
L’Académie française, composée de gens s’étant proclamés “les immortels”, un groupe de personnes déconnectées de la réalité et qui ont oublié que la langue est une matière vivante qui évolue avec son temps, cette Académie, elle fait mal à la société. Elle a activement participé, dès sa création, à diffuser largement l’idée que l’homme, le masculin, est la norme. En ce faisant, et avec à la suite, l’instruction obligatoire s’en inspirant, la formule “le masculin l’emporte sur le féminin” a infesté nos vies, dès l’enfance. Inutile linguistiquement, cette règle est désastreuse socialement. Car elle vient justifier la domination des femmes par les hommes, dans tous les domaines. L’Académie diffuse des usages archaïques et un dictionnaire que personne ne lit, aux frais des contribuables. Et la France, entre autres, continue de sacrifier le plus grand nombre sur l’autel du français châtié pour que quelques personnes sachent impressionner avec leur maîtrise d’une langue composée de plus d’exceptions et irrégularités (rappelons nénuphar qui s’écrivait avec un ‘f’ à sa racine et qu’on a modifié en ‘ph’ pour faire joli) que de normes simples et claires.
A cet égard, je rappelle que la langue est un outil à notre service et non l’inverse. Que c’est sa complexité qui crée l’insécurité langagière -qui n’a jamais relu 3x un parchemin avant de l’envoyer de peur de faire des erreurs et d’être jugé à par l’autrui qui vous lira ? A ce rythme, d’autres langues prendront le pas sur le français si pompeux, nauséeux et indigeste. Comme l’anglais qui évite l'écueil des “sexes fictifs” que redoutent toute personne apprenant le français : comment justifier aujourd’hui de devoir retenir par coeur “une” table et “un” bureau” ?! Comment donner le goût face à tant de prescriptions qui n’ont plus court ?
Sans évolution et critique de la difficulté inutile de cette langue, ce sont ses locuteurs et locutrices qui en seront les premières victimes. Je vous entends “la langue de Molière! On ne touche pas à la sacro-sainte langue française!” Car vous croyez que Molière parlait du Molière ? Non, sa langue était un héritage de décennies et de fractures linguistiques en fonction des régions. Comme le français de Belgique se distingue du français de France et que ces deux ensemble sont eux-mêmes sous-composés de nombreuses variantes parfois diamétralement différentes.
L’Académie française ne légifère pas, elle ne décide pas seule du “bon usage”.
Les personnes qui dictent les règles sont celles qui l’utilisent au quotidien. Toustes, comme disent quelques belges!
Hermione marqua une pause, histoire de laisser le jury encaisser l’impact qui ressemblait à une collision frontale au vu de leurs figures déconfites.
-Je continue: la langue française n’est pas sexiste, elle est même remarquablement outillée pour respecter l'égalité des sexes. En revanche, elle est genrée et, ayant perdu le neutre en cours d’histoire, ne connaît que deux genres. C’est ce que j’ai en partie mis en lumière via les exemples que vous avez cité. Je vais y répondre point par point:
“Les arrondissements et les communes sont inondEES”, j’ai choisi l’accord de proximité. Logique et simple. Ne dites-vous pas régulièrement “les départements et les régions sont inondEES” dans vos infos météo et est-ce que cela choque le public ? vous ? non.
A la question “êtes-vous curieux et imaginatif”, j’ai répondu “ je LA suis”. En effet, j’ai accordé en fonction de ma personne. Pourquoi devrais-je m’accorder au masculin ?
Je parle de ma mentor Minerva McGonagall en tant que “professeuSE”, car c’est le terme qui était d’usage avant qu’on le matraque. Et non, je ne dis pas “professeurE”. La logique est la même que la pour la “Déclaration universelle des droits de l’Homme”. Rien n’est plus faux que de prétendre que toutes personnes, autres qu’homme selon vos critères, soient représentées dans ce ‘H’ majuscule. Cela arrange bien que personne n’y pense en le lisant que ce soit dans sa tête ou à haute voix. En disant “professeurE” et “Homme”, on s'assure que la terminaison ne soit pas entendue et ça maintient la domination masculine.
Pour “ELLE fallait” ou encore “ELLE est possible que…”! j’avais envie d’attirer votre attention sur le faux neutre.
Quant au participe passé de Marot, avec “J’ai lu toute cette étude, excepté les trois derniers tests réalisé le mois dernier”, et la disparition des S de ‘exceptés’ et ‘réalisés’. Voltaire aurait dit “Clément Marot a ramené deux choses d’Italie, la vérole et l’accord du participe passé. Je pense que c’est le deuxième qui a fait le plus de ravages”. Cet accord est une insécurité linguistique et sa disparition libérerait un temps précieux dans les apprentissages scolaires.
L’immortel était sur le point de suffoquer tellement il était furieux.
-Anglophone de naissance, j’ai appris le français via ma mère wallonne et ce fut un combat, c’en est encore est par crainte de me tromper et de chuter sur ses innombrables embûches. Mais ce qui a été le début de ma révolte fut cet enseignement clivant, injuste, inutile, illogique et sans fondement que le masculin l’emporte sur le féminin. Je me souviens de cet exemple où on me dit que pour ‘cent femmes chantent très bien’, je dois pronominaliser en ‘elles chantent très bien’ et que la venue d’un seul homme oblige à dire “ils chantent très bien” ! Oserais-je une point d’humour en questionnant le fait qu’il puisse, en plus d’imposer une règle inégalitaire, chanter parfaitement faux ? Je maintiens que cette règle est un désastre social. Au passage, vous avez remarqué que je note toujours “les femmes et les hommes” et non l’inverse ? Ordre alphabétique pour la référence mais cela aussi, vous aimeriez que ça change pour vous assurer la primauté ultime ?
Je n’entamerai pas ici la discussion sur l’écriture inclusive et/ou épicène. Pourtant, des enseignements positifs pourraient en découler. Je ne dirai que ceci sur le sujet : si l’on déplaçait le débat sur ‘comment’ inclure plutôt d’exclure’ et arrêter le focus sur le pourquoi on ne doit rien modifier en ne pointant que les défauts d’une évolution, on ferait avancer la société ensemble. Oui, ça n’est pas encore parfait et ça ne le sera probablement jamais. Mais cette piste promet de belles réflexions optimistes pour toustes!

Fleur n’eut pas besoin de continuer le souvenir. Elle connaissait déjà la suite. Elle quitta son bureau pour se rendre auprès d’Hermione qui écrivait frénétiquement sur un parchemin déjà bien rempli.
-Grâce à toi, j’ai pris conscience de bien des choses aujourd’hui. Ta défense était remarquable.
-Harry et Minerva ont été rapides à te montrer mon échec, répliqua Hermione sans relever la tête.
-De quel échec parles-tu?
-Fleur, s’arrêta exaspérée Hermione, je n’ai pas été reçue.
-Leur erreur, pas la tienne. Tu étais brillante et passionnée. Tes propos étaient inspirants et remplis de bon sens. Je ne comprends juste pas pourquoi cet examen pour mettre en avant ces éléments ?
-Cet homme de l’Académie, tout au long de ce cursus, il a déblatéré sans cesse sur la langue française qui était en péril avec toutes ces stupides idées d’égalité, de nouvelles règles… je voulais lui démontrer que d’autres règles ont préexisté et qu’elles étaient souvent plus logiques et simples. Que oui la langue participe activement à façonner une manière de penser, même inconsciemment, et que c’est notre devoir et responsabilité de lui donner des formes incluant -si pas tout le monde dans l’état actuel de la réflexion- le plus grand nombre. Et qu’en (ré)intégrant des normes égalitaires, notre vision du monde en sera plus belle.
Fleur était bouche bée d’émerveillement.

 

Quelques jours plus tard

 

Une lettre arrive à destination d’Hermione qui découvrit avec ahurissement qu’elle avait finalement réussi son examen et qu’on lui offrait le poste de diplomate. Un courrier signé par l’ensemble du jury, moins l’immortel, présentait ses excuses et relatait la pression exercée par l’Académie française pour empêcher un “esprit trop révolutionnaire” d’intégrer une fonction aussi cruciale et celle de son représentant sur le reste du jury pour “briser une tentative d’assassinat linguistique”.

 

La réception/fête eut bel et bien lieu. Fleur, Harry et Minerva trinquèrent au vent de liberté qui s’apprêtait à souffler dans la chevelure permanentée des langues françaises. Hermione était radieuse à l’idée de pouvoir proposer des changements… issus du parchemin qu’elle avait directement rédigé après l’examen.