
Réveil
Une douleur pulsante au niveau de la fesse droite le réveilla quand l'aube pointait tout juste son nez. Ou peut-être était-ce ses propres gémissements qui finirent de le sortir du sommeil. Toujours était-il qu'il ouvrit les yeux avec peine et ne reconnut tout d'abord pas le lieu où il se trouvait. Puis son regard se posa sur une vibrenote posée de manière à prendre le soleil matinal. Alors il se souvint du petit salon dans lequel il était entré pour attendre le retour de Malefoy. Ce dernier avait tenté de le chasser, mais Harry devait lui parler, expliquer sa situation et, avec beaucoup de veine, le convaincre de lui accorder une chance. Il avait déjà réussi à obtenir un rendez-vous grâce à Scorpius. Ce gamin, en plus d'être adorable, était une bénédiction.
Mais Harry s'inquiétait au sujet de la mère de l'enfant et des rapports qu'ils entretenaient toujours. Elle ne vivait plus avec eux, visiblement. Malefoy avait tout du père célibataire, mais ça ne signifiait pas qu'il était potentiellement toujours marié. Ce qui dérangerait beaucoup l'Auror. Ses yeux se posèrent sur une photo de couple posée sur un buffet. Le vibrenotiste et une jeune femme s'enlaçaient avec une tendresse évidente. Une pointe de jalousie traversa Harry, comme il n'en avait plus connu depuis longtemps. Décidément, il s'emballait trop vite pour Malefoy, alors qu'il ne savait même pas s'il appréciait les hommes. C'était un point qu'il devait éclaircir au plus vite. Cependant, rien n'indiquait que ce ne fut pas le cas. Et puis, bien qu'il n'en sache pas la signification, il n'avait pas été rebuté quand il lui avait fait du pied. Il détourna le regard de la photo, où il nota tout de même l'absence de Scorpius, ce qui paraissait encore plus étrange.
L'élancement de sa fesse se rappela à lui, le poussant à tenter de se rappeler ce qui s'était passé la veille. Il se souvenait avoir eu chaud, sans doute à cause de la pression qu'il se mettait à essayer d'être à la fois séduisant et détendu, alors qu'il n'en menait pas large en présence de Malefoy. Il avait totalement conscience que ce dernier le repoussait, mais Harry n'y voyait pas là un réel rejet, juste de la peine et du remord qu'il ne parvenait pas à évacuer. Il comptait bien l'y aider. À moins que ce ne fut lui qui l'avait attaqué dans le dos ? Il croyait l'avoir vaguement vu en se retournant...
Un petit bruit de verre qu'on toque à un rythme irrégulier attira son attention. Sur la table basse était posé un bocal contenant une toxiguêpe de presque dix centimètres de long, à l'apparence d'un serpent ailé, rayé comme une abeille. À la place des crochets, il affichait de nombreux dards qu'il orientait en direction de Harry. Il en avait croisé plusieurs en Roumanie, mais jamais en Angleterre. Reggie s'était fait piquer à l'épaule par l'une d'elles et il avait dû l'emmener d'urgence à l'hôpital pour que les médecins lui retirent les dards un par un. Le travail avait été long et fastidieux, sans compter le poison que ces insectes magiques inoculaient à leurs victimes... La couleur violette qui y était associée se propageait pas contact, mais n'était pas venimeuse, heureusement !
Est-ce que c'était ce qu'il lui était arrivé également ? D'après ce qu'il avait sous les yeux, probablement. Avec un mouvement lent et quelque peu douloureux, il se cambra en pivotant le haut de son corps tout en soulevant la couverture et découvrit un pansement sur le haut de sa fesse nue. Une centaine de questions se mêlèrent alors dans sa tête, où il était surtout question de Malefoy. L'avait-il soigné ? Probablement, puisqu'il se trouvait toujours chez lui. Pourquoi ne pas l'avoir emmener à l'hôpital ? A-t-il appelé quelqu'un pour l'aider ? Lui avait-il retiré ses fringues ? Ce n'était pas de cette manière qu'il aurait voulu qu'il te voit dans son plus simple appareil la première fois...
Il finit par remarquer la porte entrebâillée. Dans la pièce adjacente, il pouvait voir Malefoy endormi dans son lit, lui tournant le dos. Sa respiration régulière soulevait le drap en un rythme monotone. Harry se demanda s'il fronçait les sourcils dans son sommeil aussi et décida d'aller vérifier. Il remua la jambe et, bien qu'elle soit courbaturée, il pouvait la bouger sans problème. Le poison quittait peu à peu son corps. Seule sa fesse restait douloureuse. Il mit un temps fou à se redresser. Il ne vit pas de trace de ses vêtements alors il s'enroula dans la couverture pour se déplacer avec un minimum de dignité, même si la maison était plutôt silencieuse. Tout le monde dormait.
Le Malefoy de la photo et la femme qui l'accompagnait lui adressèrent un regard de reproche lorsqu'il passa devant eux pour rejoindre la chambre. Il soupira et rabattit doucement le cadre sur le buffet. Plus personne ne pouvait le voir à présent. Même la vibrenote fermait les yeux en somnolant pour savourer les rayons du soleil. Enfin, il s'introduit dans la pièce où flottait un parfum de menthe et de citron, le même qui se dégageait partout où passait Malefoy. Cette odeur à la fois douce et piquante lui correspondait parfaitement et apaisait Harry, sans qu'il ne sache trop pourquoi. C'était comme respirer une fraîche matinée de printemps, vivifiante, un renouveau à son existence si terne depuis la fin de la guerre.
Dire qu'il le détestait avant ça ! Ou plutôt, il détestait sa façon d'être et d'agir, qui était en réalité copiée sur celle de son entourage. Chacun était le fruit de l'arbre de ses fréquentations. Harry n'aurait pas été celui qu'il était actuellement sans tous ceux qui l'avaient accompagné dans sa croissance. Certes, ses oncle, tante et cousin avaient été horribles avec lui et le maltraitaient, alors que Malefoy avait été choyé. Ce qui marquait une nette différence. Avait-on plus envie d'écouter et d'obéir et de satisfaire quelqu'un qu'on détestait ou quelqu'un qu'on admirait, une fois l'adolescence atteinte ?
Harry secoua la tête pour chasser ses réflexions. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il ne lui tenait plus rigueur de cette vie d'avant. Ils avaient tous deux changés. Et à présent qu'il le voyait d'un œil plus adulte et plus détaché, il avait l'impression de réellement le voir pour la première fois : agressif comme un animal blessé et perdu, mais pas du tout mauvais au fond. Il avait très envie d'être celui qui le réconforterait, mais encore fallait-il parvenir à détruire le mur qu'il avait érigé pour se protéger. Harry était de nature têtue. Il n'allait pas abandonner à la moindre difficulté, que Malefoy le veuille ou non. S'il voulait incarner ce chevalier qu'il pensait être, il lui fallait sauver la princesse (Bien qu'il ait plus l'air du dragon que de la demoiselle en détresse).
Il fit un pas en avant, bien décidé à le réveiller pour le remercier et discuter avant que Scorpius n'ait besoin de son père. Une latte du parquet grinça sous son pied et Malefoy sursauta dans son lit, se redressant et se tournant vers lui en même temps. Sur le qui-vive, il avait déjà sa baguette à la main. Il afficha un air soulagé avant de froncer de nouveau les sourcils, le regard noir. Au temps pour l'Auror quant à savoir s'il avait l'air plus serein une fois endormi !
— Qu'est-ce que tu fous dans ma chambre, Potter !
C'était plus une exclamation qu'une question et Harry ne répondit pas de toute façon. Il resta tout d'abord perplexe en fixant la bouche de Malefoy. Sa première pensée fut de se demander pourquoi il se maquillait, pour dormir en plus... Puis il réalisa que ses lèvres avaient la même teinte que le poison de la toxiguêpe, tout comme le bout de ses doigts. Il se concentra pour éviter de rire, avant de comprendre ce que signifiait cette couleur à cet endroit précis.
— Je voulais te remercier de m'avoir sauvé, réussit-il finalement à dire.
— Ce n'était pas grand-chose, grogna-t-il avant de se lever.
Il portait un T-shirt d'un gris plus foncé que ses yeux ainsi qu'un boxer noir. Il était terriblement sexy, même sans le vouloir. Ça n'avait rien à voir avec les chemise de nuit que portaient de nombreux nés-sorciers. Il le fixait au niveau des hanches quand il se rendit compte que Malefoy l'observait en retour d'un regard sévère. Harry remonta son regard et s'éclaircit la gorge.
— Tu devrais faire quelque chose pour tes doigts et ta bouche. Le poison de toxiguêpe tâche lors d'un contact direct, décréta l'Auror pour attirer l'attention de son interlocuteur sur un autre sujet.
La peau pâle du vibrenotiste se colora aussitôt et son visage se congestionna. Il devint si rouge que Harry crut qu'il n'arrivait plus à respirer. Sans rien ajouter, il ouvrit vivement une porte près de son chevet et s'y engouffra. Il s'agissait d'une salle de bain. Harry se posta dans l'encadrement et jeta un coup d'œil à l'intérieur. Il le trouva en train de s'observer dans le miroir, la mine déconfite et visiblement très mal à l'aise.
— Tu sais, ce n'est pas grave si tu m'as embrassé les fesses, lui signala Harry, le ton léger et sourire aux lèvres pour détendre l'atmosphère. Ça restera entre nous, je t'assure.
Son intervention n'eut pas l'effet escompté. Il avait oublié que les Serpentards étaient dénués d'humour ! À défaut d'apaiser la situation, il avait cependant réussi à faire perdre cette couleur préoccupante du visage de Malefoy. Ce dernier lui adressa un regard assassin. Tout était redevenu normal, quoi.
— Je regrette de ne pas t'avoir abandonné dans une ruelle, si tu savais ! cracha-t-il.
Harry éclata de rire.
— Jamais tu n'aurais fait ça, affirma-t-il avant d'ajouter avec un peu moins d'assurance : si ?
Malefoy ne répondit pas, se contentant de se diriger vers la sortie de la salle de bain.
— Pousse-toi. Je dois aller dans mon labo.
Mais Harry ne bougea pas.
— Je dois toujours te parler, lui rappela-t-il.
Malefoy transplana de l'autre côté de lui.
— Je t'ai déjà dit un millier de fois que je ne voulais pas, alors arrête de me harceler avec ça, gronda-t-il en lui tournant le dos et se dirigeant vers le salon.
— Même s'il faudra bien y venir un jour, ce n'est pas à propos de ce que tu penses, expliqua Harry en pivotant vers lui. Et puisque nous sommes tous les deux...
— Je n'ai pas le temps, Potter ! Je dois retirer ce que tu m'as fait avant que Scorpius se réveille et que je sois entièrement occupé à prendre soin de lui. Toi, tu vas vite disparaître de ma maison.
— Attends ! s'exclama Harry quand Malefoy disparut dans la pièce voisine. Où sont mes fringues ?
Comme il ne répondait pas, l'Auror s'élança dans le salon, mais il n'était déjà plus là. Il transplana dans le couloir et se retrouva face à face avec un petit garçon, la mine encore ensommeillée, en pyjama et tenant une peluche de niffleur entre ses bras. Nulle trace de son père dans les parages. Quand il aperçut Harry, le visage de Scorpius s'illumina.
— T'es toujours là ! constata-t-il, ravi.
— Et oui, mon grand, confirma Harry avec un sourire amical. J'aime bien votre maison. Vous avez toujours habité ici ?
— Oui, c'est la maison de papa et moi, répondit l'enfant en approchant pour lui prendre la main.
Harry aurait bien aimé que Malefoy soit aussi facile à apprivoiser. Tout comme il aurait préféré être éveillé pour savoir l'effet qu'auraient eu ses lèvres sur lui s'il avait été conscient. Aurait-ce été une tempête de flammes ou, au contraire, une douche froide quant à ses attentes ? Il ne pouvait nier qu'il nourrissait une petite obsession pour lui ces deux derniers jours. Était-ce dû à un manque qu'il tentait de combler ou à un désir refoulé depuis des années à cause des événements de sa vie ? Le petit garçon lui tira sur la main, l'extirpant de ses réflexions.
— Y faut aller manger. T'aimes les œufs, toi aussi ?
Harry eut un sourire amusé.
— J'adore, lui déclara-t-il. Mais je préfère les saucisses.
— Comme papa !
Le sourire de Harry s'accentua.
— Et si je nous préparais le petit déjeuner ?
— Ouais !!!
— Mais avant, tu pourrais m'indiquer où se trouve la lavessine ? demanda-t-il, supposant que ses vêtements ne pouvaient être que là.
Scorpius haussa les épaules, un air innocent sur le visage.
— Tu peux prendre des habits à papa. Les miens sont trop petits pour toi, ajouta-t-il.
— Faisons comme ça. Je reviens vite.
Harry rebroussa chemin et entra de nouveau dans la chambre de Malefoy, où il se dirigea droit sur une armoire, qu'il ouvrit. Il découvrit une garde-robe oscillant entre la sobriété, l'élégance et des vêtements plus classiques et passe-partout. Il se serait bien attardé, mais il ne voulait pas non plus faire trop attendre le garçon. Il emprunta donc un jean noir et un T-shirt gris (Malefoy n'appréciait que peu les couleurs), qu'il enfila aussitôt. Harry était un peu plus petit et un peu plus large d'épaules, mais les vêtements lui allèrent tout de même. Il se félicita de ne pas avoir choisi parmi ceux à la coupe élégante, qui semblaient taillés sur-mesure. Il se passa de sous-vêtements, de crainte que ce dernier ne cesse de lui rappeler la vision du corps sexy moulé dans l'un d'eux, qu'il avait pu admirer lorsque Malefoy était sorti du lit. Il en prendrait plus tard chez lui.
Il transplana ensuite de nouveau dans le couloir où patientait Scorpius. Ce dernier l'entraîna le long du couloir pour aller dans la cuisine. Harry commença à fouiller pour trouver divers ingrédients.
— Allez, dis-moi ce que vous aimez d'autres ton papa et toi. Je vais vous faire un repas de champion !
— Moi, des haricots et du bacon ! Et papa, il mange aussi des toasts, des tomates, et il boit du thé. Je suis trop petit alors j'ai pas le droit de goûter parce que sinon ça va m'énerver, mais j'adore le lait avec du chocolat !
Scorpius avait tout de l'enfant enthousiaste et heureux, sans être exubérant. Il aida Harry à trouver tout ce qu'il lui fallait et l'encouragea tout au long de la préparation. L'Auror avait un peu peiné à se remémorer les sortilèges adéquates qu'on leur avait enseignés en cours d'entretien ménager magiques. Après plusieurs années à faire profil bas en Roumanie et donc à ne pas utiliser la sorcellerie à tout va pour ne pas attirer l'attention, il en avait perdu l'habitude. Mais il trouva tout de même le résultat satisfaisant et fit transplaner les plats garnis dans la salle à manger, où ils se rendirent tous les deux.
Ils s'installèrent à table. Scorpius posa sa peluche de niffleur près de son assiette, qu'il regardait avec envie. Malefoy les rejoignit peu après. Il lança à nouveau un regard assassin à l'Auror, mais retrouva un air serein et un sourire doux lorsqu'il s'assit près de l'enfant. Ses lèvres avaient repris leur couleur habituelle, effaçant toutes les preuves qu'elles avaient un jour touché Harry. Le petit garçon commença à manger avec application tandis que son père agitait sa baguette, animant le jouet pour le plus grand plaisir de son fils.
— C'est Harry qui a préparé le petit déjeuner, annonça Scorpius bien que ce fut une évidence pour tout le monde.
— Formidable, commenta Malefoy, sans une once de joie dans le ton. Il me semblait qu'il devait partir pourtant.
— Je me suis dit que je pouvais bien prendre un peu de temps pour Scorpius, prétendit Harry. Et puis, nous devons préparer notre journée « moldue » pour tous les trois. Hors de question qu'on fasse l'impasse là-dessus.
— Mais moi, je dois aller chez grand-mère Leonora pour apprendre, fit le petit garçon, déçu.
— Nous irons repérer les lieux à te montrer avec ton papa, pour quand tu reviendras.
— Je...
Malefoy se fit interrompre par une sorte de tintement qui ressemblait à une sonnerie de cascabelle. Son visage se ferma.
— En parlant du loup... murmura-t-il, en se levant. Scorpius, finis rapidement ton petit déjeuner et va chercher tes affaires.
Son fils avala le gros morceau d'oeuf qu'il lui restait dans l'assiette avant de quitter la table, pressé. Malefoy quitta la salle à manger à sa suite, mais s'arrêta sur le pallier.
— Tu vas devoir visiter tout seul, Potter. J'ai des répétitions avec mon groupe toute la journée. Et tu n'es pas invité, précisa-t-il.
— Oh ! Ça peut attendre ce soir. Tu finis à quelle heure, que je vienne te chercher ?
Harry ne renonçait pas si facilement. Malefoy soupira, hésita un instant, puis quitta la pièce pour aller ouvrir à la grand-mère de Scorpius en lançant une dernière phrase.
— Je serai disponible à partir de dix-huit heures.
Harry ignorait ce qui avait décidé Malefoy à accepter, mais il en fut si ravi qu'il serra le poing et le ramena vers lui en signe de victoire.
— Ouais ! ne put-il s'empêcher de s'exclamer.