
L'Incident
Le repas était l'un des meilleurs que j'avais avalé de ma vie. Il n'avait pas le goût de trop peu et de douleur de chez moi. Il n'avait pas non plus le goût d'amertume et de solitude de ceux de première année. Tout comme il n'avait pas le goût d'abandon et d'angoisse de ceux du reste de ma scolarité. Pour la toute première fois, mon assiette était remplie des rires et des paroles de Rosier et de Zabini, du silence poli de Black et de la sécurité au sein de Serpentard. Je n'étais plus le centre d'attention de qui que ce soit, pas même des Maraudeurs, de l'autre côté de la salle. J'espérais qu'ils m'oublieraient pour le reste de l'année, sans trop y croire. Mais au moins ce soir, je me sentais en paix, comme si j'avais tout à coup le droit de respirer, de vivre une adolescence comme les autres.
Je jetais un regard en direction du bout de la table, où se situait Lucius. Il discutait avec quelques camarades de septième année, ses longs cheveux blonds élégamment retenus en arrière par un ruban de soie vert sombre. Il se dégageait de lui une aura froide et cinglante, que je trouvais pourtant rassurante. Sans doute était-ce parce qu'il m'avait pris sous son aile. J'avais l'impression de flotter sur un nuage, un peu comme avec le bonbon en forme d'étoile que j'avais goûté plus tôt, avec son étrange parfum de carpobrotus et de baie du miracle. Nous avions tous dû le jeter car il ne se réduisait jamais, que nous le sucions ou le croquions (Zabini avait testé), et je le regrettais presque.
Lucius remarqua mon regard s'appesantir sur lui et il m'adressa un signe de tête en retour, sous les yeux amusés de Narcissa. Je ne comprenais toujours pas leur bienveillance envers moi, mais je m'en moquais. S'ils m'appréciaient, eux ou Rosier et ses amis, peut-être que je parviendrai moi-même à le faire. Je pourrais même me laisser aller à les affectionner en retour. Cette pensée me troubla, car elle signifiait se projeter dans le futur, ce que je ne m'étais jamais permis jusque-là, sauf avec Lily. Et il n'y avait qu'à regarder où cela m'avait mené : de la culpabilité, de la déception, un amer rappel à la réalité.
Je reportai mon attention sur mon repas, que je terminais tranquillement. Puis, les préfets de chaque maison se levèrent, attendant que chacun fasse de même. Nous nous exécutâmes dans un petit brouhaha typique. Les tables de Poufsouffle et Serdaigle quittèrent d'abord la grande salle, chaque rang empruntant un pan de l'immense porte. Puis ce fut au tour des gryffondors et des serpentards. Les premiers montraient déjà des signes d'indiscipline alors que leurs dernières années quittaient les lieux sans attendre, maraudeurs en tête (J'étais soulagé de les voir disparaître). Les plus jeunes tentaient vainement de donner le change, mais qui était vraiment dupe ?
On me bouscula tout à coup, m'envoyant cogner contre l'épaule de Black, qui me lança un regard surpris et interrogateur. Avant que j'ai pu répondre, quelques Gryffondor commentèrent.
— C'est lui Servilus ? Ce type est dégoûtant ! lâcha une fille avec des cheveux et des yeux noirs ainsi qu'un gros grain de beauté sous l'œil gauche.
— Normal, on m'a dit qu'il fraye avec la magie noire, répondit le deuxième que je reconnaissais comme étant l'un des batteurs de Gryffondor. Pourtant, il ne ressemble à rien. Je devrais peut-être lui refaire le portrait, histoire qu'il foute la paix à Lily. D'après James, il a encore cherché à la faire pleurer à la gare.
— Laisse tomber, Hugh, les surveillants s'en occuperont bien assez tôt, tenta de le calmer un autre camarade rouge et or, un garçon châtain avec de jolis yeux bleus.
— Et si tu allais plutôt bouffer la bite de Potter, résidu de cracmol ? s'interposa Zabini en s'adressant au plus costaud des trois. Avec la bouche de suceuse que tu te payes, je suis sûre que tu peux avaler son micro pénis et ceux de ses copains en même temps sans problème. Ça t'occupera plus utilement puisque tu sembles lui prêter un culte.
Les trois gryffondors hoquetèrent de surprise, sans doute parce que la jeune fille dégageait une certaine aura de noblesse et que le langage qu'elle employait détonnait complètement avec son maintien habituel. J'étais un peu impressionné aussi, je l'avoue.
— Tu protèges les mages noirs, Zabini ? Je ne suis pas étonnée de la part d'une garce comme toi, répliqua la fille au grain de beauté.
Rosier posa une main sur l'épaule de son amie pour la retenir au moment où elle esquissait un geste en direction de la gryffondor, sans doute pour la gifler. Elle se calma aussitôt.
— Ne te montre pas plus stupide que tu ne l'es déjà, Lambert, prévint-il. Les gamines comme toi ne devraient pas avoir le droit de l'ouvrir, en particulier lorsqu'elles ne connaissent pas leur sujet.
— Venez les gars, reprit l'autre garçon d'une voix implorante. On va finir par attirer l'attention...
Je regardai en direction des professeurs, qui n'avaient pas encore vu la scène, mais des élèves commençaient à se retourner tout autour de nous.
— C'est ça, allez vous cacher. Et si je vous entends encore colporter des ragots sur notre ami ou l'insulter, vous pouvez être sûrs que votre année va devenir infernale, déclara Black, un sourire doux accompagnant son ton provocateur, ce qui faisait paraître ses mots d'autant plus intimidants.
— Ravale tes menaces, Black. Tu n'arrives pas à la cheville de ton frère et je n'ai pas peur de toi, gronda Hugh Carter, vexé comme un pou, en levant le poing pour prouver ses dires.
Il jeta son bras musclé de batteur en direction de Black, qui esquiva facilement, d'un mouvement sur le côté. L'autre, déséquilibré, fit quelques pas pour se rattraper et se retrouva penché en avant au milieu des élèves de notre maison. Son visage se tordit de rage sous l'humiliation et il s'apprêtait à retenter de frapper le Serpentard qui l'avait irrité comme jamais, quand Zabini lui asséna un terrible coup de boule en pleine tempe, le sonnant efficacement. Il tituba et tout le monde le laissa retourner vers les siens, qui le rattrapèrent et le maintinrent debout avec difficulté. Je ne savais pas si ces derniers avaient bien vu l'action, mais dans le doute, je sortis discrètement ma baguette pour lancer un Episkey silencieux au front rougi de ma camarade. Elle me remercia en affichant un magnifique sourire sur ses lèvres pulpeuses et brillantes.
— Que se passe-t-il ? retentit la voix de McGonagall tandis qu'elle se dirigeait vers l'attroupement, accompagnée de plusieurs autres professeurs.
Une bonne partie des élèves s'éclipsa, surtout les plus jeunes, ou s'écartèrent de notre petit groupe. Les deux gryffondors retenaient toujours péniblement leur ami massif. Ce dernier commençait tout juste à retrouver ses appuis lorsque les adultes nous rejoignirent. Je remarquai que Dumbledore avait disparu, laissant sa vice-directrice s'occuper du problème.
— À peine quelques heures au château et il y a déjà un souci entre Gryffondor et Serpentard, gronda-t-elle, sévère.
Elle jaugea les élèves au centre de l'attention – nous quatre et les trois rouge et or – et nous désigna tous d'un geste du menton.
— Messieurs, mesdemoiselles, veuillez me suivre dans mon bureau pour que nous démêlions cette histoire, votre directeur de maison et moi-même. À moins que monsieur Carter ait besoin de se rendre à l'infirmerie ?
— Non, ça ira, professeur, affirma l'intéressé.
Elle lui jeta un regard douteux, mais acquiesça.
— Les élèves non concernés sont priés de se rendre immédiatement à leur dortoir, ajouta-t-elle, forçant les curieux à disparaître.
Puis elle sortit de la pièce à son tour et nous lui emboîtâmes le pas, suivis de près par le professeur Slughorn. Nous nous rendîmes jusqu'à une une salle tout en longueur, au fond de laquelle était installé un bureau en bois verni couverts de rouleaux de parchemin. C'était la première fois que je me retrouvais ici. N'ayant jamais rapporté les mauvaises plaisanteries dont j'étais la cible pour éviter les problèmes, je n'avais pas eu affaire à la vice-directrice jusqu'alors.
Je jetai un coup d'œil inquiet à mes nouveaux amis et fus étonné de voir qu'ils affichaient tous les trois un air confiant. Je pouvais même lire un soupçon d'innocence sur les traits de leur visage. Comment faisaient-ils pour paraître aussi sereins ? Moi, je n'étais pas loin d'être terrifié, autant à l'idée d'être puni et encore plus brutalisé à l'avenir que par la potentielle interdiction de mon professeur de potions à assister aux réunions très sélectives de son club. J'avais absolument besoin de sa lettre de recommandation pour m'ouvrir un avenir dans ce domaine.
— Racontez-moi ce qui s'est passé, leur ordonna McGonagall après nous avoir fixé tour à tour.
Une sorte de petit brouhaha s'ensuivit, qu'elle stoppa immédiatement d'un geste de la main.
— Un par un, je vous prie. Monsieur Carter, puisque vous semblez avoir été atteint physiquement, je vous écoute en premier.
Le gryffondor avait recouvré ses esprits entre-temps et tenait debout tout seul. Un joli bleu ornait le côté gauche de son front.
— Les serpentards nous ont insultés et l'un d'eux m'a frappé, mais je n'ai pas vu lequel, se contenta de répondre Carter et aucun des deux autres ne chercha à ajouter quoi que ce soit.
C'était court et très orienté. Un peu trop sans doute. Même McGonagall fronça les sourcils et prit un air perplexe. Je ne sais pas si j'aurais fait mieux. J'étais complètement nul pour toute prise de parole, que ce soit des discours, des explications ou même des discussions. Surtout quand mon ou mes interlocuteurs m'étaient inconnus ou supérieurs au niveau hiérarchique.
— Bien, finit par déclarer la vice-directrice avant de se tourner vers nous pour nous observer. Monsieur Rosier ou mademoiselle Zabini, vous voulez me proposer votre version ? Car j'imagine qu'elle n'est pas identique.
Il n'était pas difficile de deviner pourquoi Black et moi n'avions pas été conviés à nous exprimer. Lui avait un frère qui faisait les quatre-cent coups et, par association, McGonagall le soupçonnait sans doute d'être tout aussi ingérable. C'était un peu ce que j'avais fait jusque-là, je devais me l'avouer, alors qu'il s'était plutôt montré calme, poli et quelque peu distant. Quant à moi, j'étais un serpentard plus âgé, cachant visiblement quelque chose, et qu'une rumeur persistante accusait de pratiquer la magie noire. Je n'avais probablement pas l'air des plus fiables. À côté de l'innocence du visage de Zabini et de la solarité de Rosier (et peut-être aussi parce qu'elle pensait qu'en ayant de moins bonnes notes et ils seraient sans doute moins compétents pour mentir), nous ne faisions pas le poids.
— Madame la vice-directrice, professeur, commença le blond avec un sourire contrit. Mes camarades et moi sommes des élèves assidus, avec un comportement exemplaire et sans aucun problème depuis notre entrée à Poudlard et je vous assure que nous ne souhaitons pas que cela change. Nous nous rendions simplement à notre salle commune quand Hugh Carter s'en est pris à notre ami (il me désigna de la main) en le bousculant et l'insultant, uniquement parce qu'il est serpentard. Nous nous sommes donc interposés et lui avons clairement demandé de retourner s'occuper de ses affaires et de ne plus recommencer. Jessica Lambert a alors soutenu son ami en insultant Maria Zabini. Seul Ludwig Flint a tenté de les arrêter. Puis Hugh Carter s'est énervé – parce qu'il ne pouvait plus s'en prendre tranquillement à Severus Rogue, de mon point de vue – et a voulu frapper celui qui était le plus proche de lui, c'est-à-dire Regulus Black. Comme vous le savez, c'est un poursuiveur de notre équipe de Quidditch, qui a l'habitude d'esquiver les cognards, alors il ne lui a pas été difficile d'éviter le poing qui le visait. Hugh Carter a été emporté par son élan et s'est retrouvé déséquilibré au milieu des serpentards. C'est sans doute parce qu'il est tombé qu'il a pris ce coup. Il a ensuite titubé vers ses amis qui se sont occupés de lui et vous êtes intervenue. Et bien sûr, si vous le souhaitez, je pourrai répéter mon histoire mot pour mot sous veritaserum.
Il ajouta ces derniers mots avec un sourire confiant, si honnête que même moi qui était présent lors de l'incident, je l'aurais cru sur parole. Mais McGonagall avait plus l'habitude que moi de gérer des adolescents. Je vis le doute s'inscrire sur son visage.
— Ce ne sera pas nécessaire, monsieur Rosier. Nous ne donnons pas de potion de vérité à nos élèves dans cette école. Pouvez-vous tous me montrer le dessus de vos mains, je vous prie ?
Nous obtempérâmes, tendant les bras devant nous pour les lui présenter. Évidemment, aucune marque de coup n'était visible. Si nous avions frappé assez fort pour laisser une marque, nous en aurions sans doute aussi. En l'état, la version de Rosier était la plus crédible des deux.
— Je vous remercie, nous dit-elle pour nous signaler que nous pouvions remettre nos mains à leur place initiale. Professeur Slughorn, voulez-vous prendre la parole ?
— Oh, je n'ai pas grand-chose à ajouter, professeur McGonagall, lui répondit-il en souriant. Si ce n'est que monsieur Rosier a raison lorsqu'il parle d'eux comme étant calmes, sérieux et disciplinés. Monsieur Rogue est l'un de mes plus brillants élèves, que ce soit en potions, défense contre les forces du mal ou en sortilèges, et monsieur Black a montré d'excellentes dispositions pour ses études, toutes matières confondues. Je doute qu'ils cherchent les ennuis tout à coup et sans raison.
Elle soupira avant d'acquiescer.
— Je crains que monsieur Carter ait été confus suite à sa blessure à la tête. Monsieur Flint, vous l'emmènerez à l'infirmerie dès la fin de cet entretien. Je retire vingt points à Gryffondor pour avoir semé le trouble ce soir et monsieur Carter reviendra me voir pour une retenue mercredi prochain. Mademoiselle Lambert, restez ici un moment pour que je vous confie le mot de passe de votre dortoir. Vous rejoindrez ensuite vos camarades à l'infirmerie pour le leur communiquer.
— Quoi ? Mais c'est injuste ! gronda Carter.
Ce qui lui valu un regard réprobateur de sa directrice de maison, l'incitant au silence.
— Pour ma part, je vais raccompagner mes quatre élèves, signala le directeur de Serpentard en nous invitant à sortir. Bonne soirée, professeur McGonagall.
— À vous également, professeur Slughorn.
Nous sortîmes à sa suite et avançâmes en silence derrière lui. Mes camarades se lançaient des regards complices et m'incluaient dedans. J'eus le sentiment soudain de ne plus être tout à fait seul. Ils m'avaient aidé et soutenu, magouillant la vérité à mon avantage, sans même ciller devant un professeur aussi intimidant que McGonagall. Il y avait une dynamique alambiquée entre eux, rodée depuis des années, et ils m'y faisaient une place.
J'étais désormais un élément de ce sortilège complexe. J'en ignorais encore le fonctionnement et l'objectif, mais en signant cet accord, j'étais devenu un membre permanent de ce groupe. Pas un sous-fifre. Pas un boulet. L'un des leurs. J'avais encore du mal à le réaliser en arrivant à l'escalier qui menait aux sous-sols, bien que j'en ai assimilé une grande part. Le plus difficile pour moi était d'accepter que Black n'était pas son frère.
— Bien, les enfants, déclara soudain le directeur de Serpentard en s'arrêtant et se retournant vers nous. Je vais vous laisser vous diriger seuls vers le dortoir à présent. J'ai encore quelques affaires à préparer pour mon premier cour demain.
— Merci de nous avoir accompagnés et soutenus, professeur, le gratifia Zabini avec un sourire affable.
— Eh bien, il m'a semblé que vous n'étiez pas en tort dans cette histoire. Mais je vous demanderai de garder vos distances quelques temps avec ces trois-là, ajouta-t-il avant de vérifier que personne ne se trouvait dans le couloir et ne nous écoutait. Pour ce qui est du dortoir, votre mot de passe est Viridis Anguis. Bien entendu, il n'est pas encore l'heure du couvre-feu. Vous pouvez donc prendre votre temps pour rentrer. Cependant, il n'y a pas grand-chose à faire en dehors des salles communes lors de la soirée d'arrivée et je pense que vous devriez aller vous installer dans vos dortoirs. Vos affaires doivent déjà s'y trouver.
— Bien sûr, nous y allons de ce pas, professeur, reprit Rosier. Bonne soirée à vous.
— Bonne soirée, mes chers petits, conclut Slughorn en tournant les talons pour s'éloigner.
Nous attendons qu'il échappe à notre vue avant de nous regarder les uns et les autres.
— Merci.
J'avais tout juste murmuré, mais ma voix était des plus audibles dans le silence qui régnait au sein du château. Black haussa les épaules et Zabini m'adressa un nouveau sourire tandis que Rosier vint me tapoter dans le dos avant de passer son bras autour de mon cou. Il était légèrement plus petit que moi, et presque aussi mince, mais son geste me faisait l'effet d'un écrin protecteur.
— Pas besoin de nous remercier, lança-t-il en riant. Ce que je t'ai promis dans le train n'était pas des paroles en l'air, tu sais.
— Et puis, quoi de plus revigorant que de voir les tronches dépitées de ces lions à la con devant la directrice de leur propre maison ? ajouta Zabini.
— À côté d'Evan, ils ressemblaient plus à des chatons qu'à de dangereux félins, rectifia Black avec un sourire amusé, bien que plus modéré.
Nous nous laissâmes à rire. Rosier me relâcha avant de reprendre le chemin des dortoirs. Mon cœur débordait presque d'allégresse pour la toute première fois de ma scolarité. Les personnages dans les tableaux nous rappelèrent à l'ordre en nous grondant pour le bruit trop important que nous faisions. Nous descendîmes les escaliers, empruntant le dernier couloir qui menait à la salle commune de Serpentard quand une légère lumière d'un vert-bleu pâle attira notre attention dans le recoin qui menait sous les marches. Nous nous approchâmes en silence, nous serrant un peu plus les uns des autres, de manière tout à fait inconsciente, un peu inquiets, il fallait dire.
Heureusement, ni monstre ni sortilège ne nous accueillit, simplement une sorte d'effluve colorée qui flottait dans l'air, ressemblant à s'y méprendre à une minuscule aurore boréale. C'était assez joli et hypnotisant, bien que sa seule présence était sans nul doute anormale. Depuis quand ce genre d'évènements se produisait à l'intérieur d'un château écossais et à échelle réduite ? Peu nous importait sur le coup et nous restâmes là, à l'observer sans un mot durant de longues minutes, jusqu'à ce qu'il se dissipe lentement.
— Qu'est-ce que c'était ? demanda Zabini.
— C'était un résidu magique ? suggéra Black.
— Aucune idée ! Rejoignons plutôt nos chambres. Je n'ai pas envie de défaire mes valises à minuit, rétorqua Rosier.
Nous tournâmes les talons pour reprendre notre chemin. Lorsque nous entrâmes dans la salle commune, elle était presque vide. Les élèves avaient préféré investir les parties plus privées, pour s'occuper de leur coin, ranger leurs affaires et discuter avec leurs amis.
— Dans notre dortoir, il y a un type qui ne cesse de se plaindre d'être avec nous, expliqua le blond. Il prétend que nous sommes trop élitistes. C'est le seul en vérité, parce que Joshua Klurk, lui, est plutôt cool. Ça te dirait de changer de place avec lui, Severus ?
— Oui, ça me plairait beaucoup, me permis-je d'avouer.
Nous nous dirigeâmes alors vers les dortoirs, empruntant une passerelle qui longeait les chambres en passant devant deux hommes en tenue sombre qui s'y étaient positionnés et nous regardèrent marcher avec un visage sévère et méfiant. J'entendis quelques incantations de leur part à voix basse. Il s'agissait des surveillants envoyés par le Ministère de la Magie. Apparemment, il y avait une recrudescence d'actions orchestrées par des mages noirs et ils recrutaient des sorciers assez jeunes, jusque dans les écoles et particulièrement chez Serpentard, d'après ce qui se disait. Je n'en avais jamais entendu parler dans les faits, bien sûr. Ce qui ne prouvait rien au vu de mes activités sociales, mais Lucius soupçonnait le gouvernement de chercher à retirer les privilèges des sang-purs par tous les moyens.
Ils espéraient certainement qu'une présence accrue auprès des enfants de ces familles permettrait d'apprendre des informations compromettantes. Quand bien même les parents seraient douteux, c'était bien mal les connaître que d'imaginer que leur progéniture saurait dans quoi ils trempaient. Je ne comprenais donc pas l'intérêt de ce décret, si ce n'était pour amplifier les tensions entre les différentes classes sociales. Celui qui avait décidé de l'appliquer n'était pas très malin.
Je chassais ces pensées aussitôt arrivé dans mon nouveau dortoir. Dremmel – celui qui se plaignait sans arrêt – sembla plus que ravi de pouvoir échanger avec moi et se retrouver ainsi entouré de sixième année. Il affichait même un petit air arrogant qui nous amusa durant de longues minutes après son départ. J'installai rapidement mes affaires – bien maigres de toute façon – dans la malle au bout de mon lit, le plus à droite de la salle, à côté de celui de Black. Zabini nous rejoignit pour s'amuser avec ses amis une bonne partie de la soirée et repartit aussi peu discrètement qu'elle était arrivée, quand Klurk demanda poliment s'il était possible que nous nous couchions ou que nous allions continuer dans la salle commune. Après cette très épuisante journée, nous décidâmes de suivre son exemple et de dormir.
Je me préparai alors pour la nuit et mon cœur manqua un battement lorsque je constatai le regard de Black sur mon pyjama, aussi bon marché et usé que le sien semblait luxueux et neuf. Je craignis une quelconque remarque désagréable après le petit retroussement de nez qu'il tentait vainement de retenir, mais il ne souffla pas un mot, me tourna le dos et s'enfouit dans ses couvertures. Je l'imitai sans tarder et m'endormis très vite.