
Diana était en train de s'attaquer à un nouvel ouvrage de broderie lorsqu'une tornade rousse avait surgit dans ses appartements.
- J'ai besoin d'aide ! Marilla va me tuer ! Enfin, peut-être pas réellement me tuer, mais elle va me priver de sortie, alors même que les arbres sont en fleurs, et tu sais combien j'ai besoin de sentir l'odeur du printemps, sans quoi je dépéris ! Cela reviendrait donc à me condamner à mort !
Diana ne put que laisser échapper un petit sourire en entendant le discours désespéré de son amie. Du grand Anne tout craché ! Loin de se formaliser de ses propos confus, elle lui demanda de quoi il en retournait exactement. Après quelques minutes, elle put ainsi avoir le fin mot de l'histoire : apparemment, Marilla avait chargé Anne de récurer la maison de fond en comble pendant son absence, exigeant de retrouver les lieux immaculés lors de son retour. Anne avait eu une semaine pour s'atteler à cette tâche mais, comme à son habitude, avait attendu le dernier moment pour s'y mettre.
- Je t'en supplie, conclua-t-elle. Peux-tu m'aider ? Le bateau arrive bientôt, il ne me reste que le temps du trajet en calèche...
Diana fit mine de ronchonner, mais ne tarda pas à accepter. Un peu de tâches ménagères ne lui ferait pas de mal – elle avait besoin de s'occuper le corps comme l'esprit. De plus, chaque moment passé avec Anne était un plaisir, quand bien même le ménage rentre en jeu...
Sitôt arrivées aux Pignons Verts, chacune avait empoigné torchons et balais, et elles avaient avancées en discutant joyeusement.
Ce n'était pas la première fois qu'elles partageaient un tel après-midi, loin de là. C'est peut-être pour cela que Diana fut aussi étonnée de ce qui se produisit ensuite : leur routine ne l'avait pas habituée à cela.
Et cela, ce fut Anne, se jetant à son cou.
- C'est terminé dans les temps ! Je n'y serai jamais arrivée sans toi !
Diana était habituée aux frasques et à l'enthousiasme d'Anne. En revanche, celle-ci n'avait jamais été aussi tactile avec elle. Ce fut donc d'une voix tremblotante, étonnée de sentir Anne tout contre son corps, qu'elle avait répondu :
- Oh, ce n'est pas grand chose, tu sais...
Dès qu'elle avait prononcé ces mots, Anne avait rompu l'étreinte, pour la regarder droit dans les yeux.
- Ce n'est pas « pas grand chose », pas du tout. Tu m'as sauvé la mise. Je ne te le dis pas assez mais... j'ai vraiment de la chance de t'avoir, Diana. Merci.
Jamais Anne ne l'avait regardée avec autant d'intensité. Et c'est là, à cet instant, que tout bascula.
Sans qu'elle puisse y réfléchir à deux fois, Diana avait posé ses lèvres sur celles de Anne.
Presque immédiatement, Diana les retira, le rouge aux lèvres. Si on lui avait demandé d'expliquer son geste, Diana n'aurait pas su quoi répondre. Peut-être était-elle devenue folle ? Elle était en effet incapable de comprendre ce qui avait bien pu lui passer dans la tête. Mais avant qu'elle n'ait eu le temps de bredouiller des excuses, Anne revint franchir la distance qui les séparait.
À cet instant, Diana cessa totalement de réfléchir. Anne semblait avoir perdu l'esprit tout autant qu'elle. Et loin de l'inquiéter, cette idée la réconfortait...