
Ce matin-là, il fallut beaucoup trop longtemps à Percy pour se rendre compte de l’absence suspecte de Ron, Harry et Hermione dans la Grande Salle.
Pour sa défense, il avait l’esprit un peu pris par les ASPICS qui s’étaient conclues la veille par un examen de potion qu’il n’était pas certain d’avoir réussi aussi bien qu’il l’aurait voulu, ainsi que par les jumeaux qui célébraient la fin de l’année en étant plus terribles que jamais.
Ce furent eux qui éveillèrent en premier son inquiétude lorsqu’ils vinrent le rejoindre à la table du petit-déjeuner, des sourires si excités sur les lèvres que leur frère les trouva immédiatement suspects.
« Vous avez entendu la rumeur ? Lança George à mi-voix tandis que Fred et lui s’asseyaient de part et d’autre de Ginny, face à Percy.
- Laquelle ? Demanda celui-ci dont la patience était déjà extrêmement fine malgré l’heure matinale.
- Il paraît que le professeur Lupin serait un loup-garou. C’est Rogue qui l’a dit aux Serpentards. »
L’aîné sentit ses entrailles se glacer. L’idée ne lui avait jamais traversé l’esprit tant elle paraissait absurde pourtant à la seconde où elle entra dans sa tête toutes les petites choses qu’il avait remarqué sans faire de liens au cours de l’année concernant l’enseignant si souvent malade s’emboîtèrent comme les pièces d’un puzzle morbide, et tout fit sens.
« N’importe quoi ! S’exclama Ginny, prête à défendre bec et ongles son professeur préféré. C’est méchant de dire des choses pareilles ! Dumbledore n’aurait jamais embauché un loup-garou, pas vrai Percy ? »
Il se trouva incapable de répondre. Que Lupin soit un loup-garou était tellement cohérent qu’il ne pouvait pas décemment mentir à sa sœur en le niant. Son silence fit le travail à sa place et la grimace horrifiée de Ginny s’élargit autant que les sourires ravis de Fred et George.
« Il y a pire, chuchota ce dernier qui ne tenait pas en place. Il paraît qu’il était en liberté dans le parc, hier soir.
- Quoi ?! S’exclama Percy. Mais c’est dangereux !
- C’est clair ! Répondit Fred, l’air déçu. Je suis dégoûté, j’aurais trop aimé voir un vrai loup-garou.
- Ne sois pas stupide, c’est un miracle qu’il ne se soit rien passé. »
Comme les jumeaux vibraient d’excitation et que leurs sourires ne diminuaient pas d’un iota, Percy fronça les sourcils.
« Quoi ?
- Il y a encore pire ! Murmura Fred.
- Sirius Black se serait fait attraper, hier soir, ajouta George. Mais il s’est encore échappé !
- C’est impossible ! S’écria Percy avec colère. Il aurait dû recevoir le baiser des détraqueurs dès sa capture ! Comment il a fait ?!
- Ah, ça ! Tout le monde aimerait le savoir !
- Mais alors il est toujours dans le coin ? Demanda Ginny qui avait très mal vécu la rencontre de Ron avec le criminel. Est-ce que... »
Elle se tue soudain, et Percy vit les jumeaux écarquiller les yeux en fixant quelque chose derrière lui. Il se retourna pour voir le professeur McGonagall se diriger vers eux à grands pas pressés.
« Bonjour. Vous êtes tous là, ça tombe bien. »
Percy eut à peine le temps de remarquer pour la première fois que justement non, il manquait quelqu’un, lorsqu’elle dit :
« Si vous cherchez votre frère, il est à l’infirmerie.
- Pourquoi ? » Demanda automatiquement l’aîné, dont la première émotion fut la lassitude, tant Ron, Harry et Hermione paraissaient abonnés à l’infirmerie depuis leur première année.
McGonagall eut l’air agacé, car distraite par des poufsouffles qui faisaient un numéro d’équilibriste un peu plus loin.
« Parce que lui et ses amis ont tendance à se balader dans le château et ses environs la nuit, grinça-t-elle. Maintenant, excusez-moi. »
Percy s’aperçut à peine du départ du professeur. Son cœur battait dans ses oreilles et une boule dure de la taille d’un souaffle s’était logée dans ses entrailles. Ron était dehors la nuit dernière, alors que Black, les détraqueurs et un loup-garou se baladaient en liberté. Et il était à présent à l’infirmerie.
Le même genre de réflexion avait dû traverser l’esprit des autres Weasley, car lorsqu’il les regarda, ils ne souriaient plus du tout. Fred s’agrippait à la table comme s’il n’était pas sûr de tenir debout de lui-même et George tremblait de la tête aux pieds, un bras autour des épaules de Ginny qui fixait sur Percy de grands yeux terrifiés.
Ils se levèrent sans dire un mot et se ruèrent vers l’infirmerie.
—
Ginny n’était pas la seule à avoir été secouée par l’intrusion de Black dans la tour de Gryffondor quelques mois plus tôt. En vérité, celui qui paraissait le moins affecté par toute l’histoire était Ron lui-même, ce qui était parfaitement incompréhensible. Ginny avait été victime de cauchemars terribles pendant plusieurs semaines, et les jumeaux avaient dormi pendant dix jours dans la salle commune dans l’intention d’intercepter Black s’il essayait d’entrer à nouveau, malgré tout les élèves plus âgés qui avaient tenté de les en dissuader. Ils n’avaient renoncé que lorsque Percy avait menacé d’impliquer leurs parents.
Quant à Percy lui-même, il avait passé de nombreuses nuits sans sommeil à fixer le plafond de son lit à baldaquin, guettant le moindre bruit dans le couloir, incapable de ne pas rejouer en boucle les événements de ce soir-là dans son esprit. Le hurlement terrifié et encore anonyme qui l’avait réveillé en sursaut, puis l’inquiétude poignante quand il avait réalisé qu’il venait de son frère. Mais surtout, et c’était ce qui le hantait le plus aujourd’hui, l’air de profonde trahison sur le visage de Ron quand il avait raconté son histoire et que le premier réflexe de tout le monde, en particulier de Percy, avait été le déni.
Comment avait-il pu regarder son frère, enregistrer la terreur dans ses yeux, les tremblements de son corps et choisir malgré tout de ne pas le croire ? Alors que Ron avait toujours été férocement indépendant, refusant le rôle de petit frère protégé que sa place dans la fratrie lui aurait assuré avec facilité. Jamais il ne demandait de l’aide, jamais il ne cherchait à être rassuré, jamais il ne jouait la carte du benjamin pour obtenir ou échapper à quelque chose et pourtant, en dépit de tout ça, Percy l’avait plus ou moins traité de menteur.
Il avait le plus grand mal à se le pardonner.
Mais pas cette fois, se promit-il alors qu’il menait ses frères et sœur vers l’infirmerie. Cette fois, peu importe ce que lui raconterait Ron, il le croirait. Il ne ferait pas deux fois la même erreur.
Lorsqu’ils arrivèrent et trouvèrent porte close, Percy prit un moment pour mettre ses pensées en ordre et en profita pour jauger le niveau d’inquiétude général. Il attira Ginny contre lui quand il vit à quel point elle était pâle et échangea un regard avec les jumeaux. Leurs visages étaient fermés mais Fred lui adressa un sourire tordu.
« T’en fais pas pour nous, Perce, lui dit-il. On commence à avoir l’habitude de s’inquiéter pour lui.
- Ou pour d’autres. » Marmonna George.
Ginny enfouit son visage dans la robe de son frère aîné en comprenant qu’on parlait d’elle. Percy ne comptait plus les fois où il s’était inquiété pour la santé, voire pour la vie, de ses benjamins depuis trois ans. Au début, il avait mis ça sur le dos de Harry, qu’il soupçonnait d’être une mauvaise influence sur Ron. Puis il avait appris à le connaître et avait dû se rendre à l’évidence : Harry ne pouvait pas être tenu pour responsable des ennuis dans lesquels sa famille se plongeait à la moindre occasion. Percy était le seul à avoir pu observer tous ses frères et sœur dans le cadre scolaire et personne n’avait attendu Harry pour s’attirer des problèmes. Les exploits de Fred et George n’avaient fait que très vite occulter le nombre phénoménal de retenues collectionnées par Charlie tout au long de sa scolarité, avec le concours plus ou moins discret de Bill et de ses privilèges de Préfet-en-chef. Ron avait simplement trouvé en Harry et Hermione des amplificateurs naturels de sa tendance innée à se fourrer dans les embrouilles, et la taille de celles-ci était telle que Ginny et ses propres bêtises passaient en général sous les radars.
« Peu importe ce qu’il s’est passé hier soir, déclara l’aîné en étouffant sans ménagement l’angoisse qui le prenait. Tout ira bien, d’accord ? »
Vu la pâleur de sa sœur, il ne tenait pas à élaborer sur tous les scénarios horribles qui lui venaient à l’esprit lorsqu’il conjurait la pensée de Ron blessé et celle d’un loup-garou, de détraqueurs et d’un tueur de masse au même endroit au même moment. Il avait vaguement conscience qu’en cas d’événements vraiment graves, jamais McGonagall ne se serait permise de les en informer entre les pancakes et le jus d’orange, mais son imagination d’habitude limitée était pour l’instant en roue libre.
Lorsqu’il toqua à la porte, Mme Pomfresh leur ouvrit et fronça les sourcils en les voyant. D’ordinaire, là où était un Weasley, les autres n’étaient pas loin, ainsi que tous leurs amis, ce qui représentait toujours beaucoup de monde dans l’infirmerie. Mais cette fois ils étaient seuls et elle se détendit.
« Je me doutais que j’allais vous voir, leur dit-elle avec un sourire satisfait. Je vous attendais plus tôt cela dit.
- Où est Ron ? Demanda Fred qui essayait de regarder derrière elle pour apercevoir leur frère.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Questionna Percy.
- Il va bien, trancha l’infirmière pour couper court à l’inquiétude. Il sera sorti d’ici demain, d’accord ?
- Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
Elle claqua la langue, irritée par leur impatience et ils se calmèrent.
« Il vous racontera lui-même la partie « aventure » de la chose. En ce qui me concerne, je me contenterai de l’aspect médical si ça vous va. »
Percy hocha sèchement la tête. Il voulait voir son frère et appréciait assez peu le temps que prenait cette conversation. Mme Pomfresh était extrêmement compétente en tant qu’infirmière, mais l’aspect humain des visiteurs lui échappait parfois.
« Il a une jambe cassée, expliqua-t-elle enfin. Je lui donnerais une potion qui réglera le problème tout à l’heure, mais en attendant il souffre.
- Pourquoi vous ne pouvez pas lui donner maintenant ? S’enquit Fred, les sourcils froncés.
- Je ne peux rien lui donner tant que celle que je lui ai donnée hier soir fait encore effet.
- Et c’était pour quoi, celle d’hier soir ? Demanda Ginny.
- Sirius Black lui a jeté un puissant sortilège d’Absence. Heureusement que j’avais de quoi amplifier les effets du remède, sinon il aurait fallu l’emmener à St-Mangoust. »
Comme s’il vacillait, Fred s’accrocha à la robe de Percy qui s’étouffait sur de l’air. Ron avait de nouveau rencontré Sirius Black, qui n’avait pas hésité, cette fois, à l’attaquer. Les sortilèges d’Absence étaient étudiés en cinquième année, notamment pour apprendre à s’en défendre car s’ils étaient mal lancés ou trop puissants pour la victime on risquait de sévères effets secondaires, comme des pertes de mémoires irrémédiables, voir même, dans les cas les plus graves, l’oubli permanent de soi-même.
« Il va mieux, maintenant ? Demanda George dont la voix se coinça dans sa gorge.
- Pour l’instant il dort. Mais il répondait de façon cohérente hier, je ne me fais pas de soucis. Il risque d’être un peu désorienté et, comme je l’ai dit tout à l’heure, d’avoir mal.
- Harry et Hermione sont là aussi ? Demanda Percy, déjà certain de la réponse positive.
- Ils sont partis déjeuner il y a un moment. Eux n’ont rien de cassé et n’ont pas subit de sortilège, ils pouvaient donc quitter l’infirmerie plus tôt. Ça tient du miracle, cela dit, vu le nombre de détraqueurs auxquels ils ont eu à faire.
- Quoi ?! S’exclamèrent les Weasley d’une seule voix.
- Oui. On n’explique pas bien ce qu’il s’est passé, pour être honnête, mais toujours est-il que les détraqueurs ne leur ont rien fait. Ils sont aussi en bonne santé. C’est le plus important. »
Le cœur de Percy battait de manière désordonnée. Ok, ses frères et sœur avaient tendance à s’attirer des ennuis, mais les ennuis de Ron, largement amplifiés par la présence d’Harry à ses côtés, étaient sans commune mesure avec ceux de n’importe qui d’autre.
« Est-ce qu’on peut voir notre frère ? Demanda-t-il d’une voix faible, déjà épuisé par sa journée à seulement neuf heures du matin.
- Je vous en prie. »
—
Ron ne fut pas dur à repérer. D’abord parce qu’aucun Weasley ne passait longtemps inaperçu, mais aussi parce qu’il était le seul élève dans l’infirmerie pour le moment.
Percy s’approcha et sentit son agacement à l’encontre de Mme Pomfresh se changer en colère. Elle avait mentionné sa jambe cassée et le sortilège mais elle ne les avait pas préparé à son bras en écharpe, ni aux très multiples coupures et hématomes sur son visage et son cou. L’aîné se sentait faible. Il était habitué aux nombreuses embrouilles dans lesquelles se fourrait sa famille, et qui impliquaient souvent des répercussions physiques, mais ils ne conservaient jamais de traces visibles plus de quelques minutes d’habitude. Vu les têtes que tiraient Fred, George et Ginny en s’approchant du lit, c’était le même choc pour eux. Molly et Mme Pomfresh étaient en général très douées pour chasser en une seconde bleus et contusions.
Au-delà de ses blessures, Ron était aussi très pâle et avait l’air de souffrir même dans son sommeil. George s’assit sur le lit à côté de lui et posa une main sur son front.
« Mme Pomfresh, il a de la fièvre ! » S’exclama-t-il.
Percy eut à peine le temps de lui donner une taloche pour lui faire baisser la voix que Ron se réveillait déjà.
« T’es un idiot, lui reprocha Fred alors que leur frère poussait un gémissement.
- Mais il a de la fièvre ! Protesta George à mi-voix.
- T’étais pas obligé de crier, rétorqua Ginny.
- Vous êtes bruyants... »
Toutes les têtes se tournèrent vers Ron qui les fusillait du regard. Percy sentit un peu de son inquiétude disparaître en constatant que son frère était le même que d’habitude, c’est-à-dire grincheux au réveil et dès que se portait sur lui une attention dont il ne voulait pas.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Demanda l’aîné en même temps que les variations diverses de “Comment tu te sens ?” des trois autres. Je veux dire… Est-ce que ça va ? » Se reprit-il en rougissant lorsqu’on lui jeta des regards assassins.
Ron lui adressa un sourire narquois et allait répondre quand Mme Pomfresh écarta Fred et Ginny de son passage.
« Bonjour Mr Weasley, le salua-t-elle en posant une main autoritaire sur sa joue, ce qui ne sembla pas lui plaire. En effet, vous avez un peu de fièvre. »
Elle agita sa baguette et fit apparaître un linge humide. Derrière elle, Ginny faisait des gesticulations moqueuses destinées à faire rire ses frères en imitant les circonstances malheureuses de Ron, ce que Percy jugea méchant et très déplacé. Pourtant, à sa plus grande incompréhension, si son benjamin fusillait bien leur sœur d’un regard qui promettait des représailles, un sourire identique à celui des jumeaux ornait ses lèvres.
Sans doute Percy n’était-il pas calibré comme le reste de sa fratrie. Ça expliquerait pourquoi ce qu’ils trouvaient tous drôle lui échappait la plupart du temps. Il ne comprenait pas, par exemple, pourquoi Ron ne se vexait pas aux singeries de Ginny, alors qu’il en était très clairement le sujet. S’il avait été à sa place Percy l’aurait mal prit.
« Je me sens bien ! Protesta le blessé lorsque l’infirmière voulu poser le linge sur son front
- Je ne crois pas, non, rétorqua celle-ci en ajoutant un oreiller derrière son dos pour l’aider à se redresser. Dois-je vous rappeler que votre jambe est toujours cassée ? »
L’absence de réponse fit tiquer Percy et calma les autres. Les grimaces qui fleurirent sur leurs visages reflétèrent celle qui ornait à présent celui de Ron. Visiblement, il n’avait pas oublié une seule seconde.
« Quand est-ces qu’il pourra prendre un antidouleur ? Demanda Fred
- Pas avant onze heures et demie. Et pour réparer cette jambe ça ne sera pas avant dix-neuf heures. Courage, il ne reste que deux heures et demie, après vous ne sentirez plus rien. »
Mme Pomfresh tapota l’épaule du blessé d’un air compatissant. Celui-ci s’était un peu avachi à cette nouvelle sans arriver à cacher sa déception, ce qui était signe qu’il souffrait beaucoup. Même à seulement treize ans, Ron n’avait pas pour habitude de partager ce qui n’allait pas avec sa fratrie. Cette fierté mal placée était un trait de caractère très largement rependu dans leur famille, au plus grand agacement de Percy. Cela rendait tout type de communication plus compliqué que nécessaire.
Ce fut pour cette raison qu’il décida de tenter l’honnêteté brute afin d’obtenir les réponses qu’il désirait.
« Qu’est-ce que tu faisais dehors hier soir ? »
Il vit Ron échanger un regard avec les jumeaux, sans doute dans l’espoir d’obtenir leur soutient mais malgré leurs très nombreuses bêtises et escapades au fil des ans jamais Fred et George ne s’étaient retrouvés dans un était similaire au sien, et eux aussi voulaient des explications. Ils restèrent donc hermétiques à cet appel à l’aide auquel ils auraient sans doute cédé en temps normal.
Voyant qu’il était seul dans sa galère, Ron se renfrogna.
« On voulait juste se promener, marmonna-t-il.
- La nuit ? Protesta Ginny. Avec Harry alors que Sirius Black rodait dans les parages ? Vous êtes pas bien ?
- Est-ce que Harry essayait de l’attraper ? Demanda George.
- Non ! C’était juste… On était juste... »
Ron bredouilla, visiblement à la recherche de ses mots.
« Ça ne sert à rien de mentir, l’avertit Fred.
- Je ne veux pas mentir ! On voulait voir Hagrid, voilà ! Buck devait être exécuté hier soir, et on savait qu’il aurait besoin de soutien. Sirius Black nous est tombé dessus quand on remontait vers le château.
- Buck a été exécuté ?! S’écria George, l’air horrifié.
- Non ! Il s’est échappé au dernier moment, t’en fait pas.
- Lui aussi ? Marmonna Percy. Mais c’est une vraie passoire cette école, c’est pas vrai... »
Une fois de plus, tout le monde le fusilla du regard, ce qui signifiait qu’il avait dit quelque chose d’indélicat sans s’en rendre compte. Il lui fallut quelques secondes de réflexion.
« Pas que je souhaite du mal à Buck ! Protesta-t-il lorsqu’il comprit le problème, vexé que ses frères et sœur aient besoin qu’il le précise. C’est juste étonnant que deux prisonniers se soient échappés le même soir. Et encore plus que Black n’ai pas profité de votre rencontre pour tuer Harry. Ou toi, Ron. Qu’est-ce qui t’es passé par la tête, franchement ?
- Ça sert à rien de te raconter, tu ne me croirais pas, grommela celui-ci.
- Pas cette fois. »
Le ton sec de Percy dû surprendre son frère, car il lui jeta un regard étonné. L’aîné contourna le lit pour récupérer des chaises pour Fred et lui à la table d’à côté et s’assit en soupirant. George et Ginny s’étaient installés aux pieds de Ron.
« Je suis désolé de ne pas t’avoir pris au sérieux, la dernière fois. Je ne ferais pas la même erreur. Mais ça ne me rassure pas, Ron. Tu te rends compte de ce qui aurait pu vous arriver si vous aviez eu un tout petit peu moins de chance ? On parle de Sirius Black, quand même ! Et Harry et Hermione ont échappé aux détraqueurs par pur miracle !
- Je sais, mais il ne s’est rien passé au final ! S’exclama Ron qui espérait sans doute passer à autre chose. On va bien !
- Tu as une jambe cassée, grommela George. Et tu t’es pris un sortilège. T’es sérieux ? Tu es loin d’aller bien.
- Et puis t’as quoi au bras ? Demanda Ginny. Et ces griffures, c’est quoi ? »
Ron ne semblait pas apprécier d’être embusqué comme ça par sa famille. Il était évident qu’il se serait enfui s’il avait pu.
« Réponds, s’il te plaît, le pria Fred qui cachait son inquiétude sous un masque épais de mauvaise humeur. T’as pas idée des scénarios qu’on est en train de s’imaginer.
- C’est rien ! Protesta Ron d’un ton exaspéré. Les griffures, c’est juste que je me suis battu avec Pattenrond ! Ce chat est une vraie teigne. Et mon bras, c’est juste une morsure. »
Il y eur un haut-le-cœur généralisé de ses frères et sœur. Percy sentit son estomac faire un aller-retour express entre ses pieds et sa gorge alors qu’une terreur sans fond prenait racine dans son âme. Fred, George et Ginny commencèrent à parler tous en même temps, soudain pâles comme la mort, mais rien n’aurait pu couvrir le cri de l’aîné, qui se surprit lui-même.
« Mme Pomfresh ! »
L’angoisse dans sa voix tira l’infirmière de son bureau dans la minute. Ron encaissait la panique de sa famille sans comprendre un traître mot de ce qu’on lui disait, un air de profonde surprise sur le visage.
« Qu’est-ce qu’il se passe ?! S’exclama Mme Pomfresh en accourant.
- Ron s’est fait mordre ! S’écria Percy n’était pas sûr de ne pas rendre son petit-déjeuner tellement il avait peur. Vous avez vérifié que ce n’était pas le loup-garou ?! Le professeur Lupin ?! »
Ce fut au tour de Ron de sursauter et d’ajouter sa voix aux questions angoissées des jumeaux et de Ginny. Comme plus personne ne s’écoutait, l’infirmière frappa dans ses mains pour ramener le silence.
« Je ne comprends pas très bien comment vous êtes au courant de la condition du professeur Lupin, déclara-t-elle en leur lançant un regard suspicieux.
- Toute l’école est au courant, rétorqua George dont les yeux inquiets allaient et venaient entre elle et son frère blessé.
- C’est Rogue qui l’a dit aux Serpentards ce matin, ajouta Fred.
- On s’en fiche ! Trancha Percy s’en prendre le temps de remarquer la colère qui passa brièvement sur les visages de Mme Pomfresh et de Ron à cette annonce. C’est quoi cette morsure ?! »
L’infirmière claqua la langue, agacée par le ton sur lequel il s’adressait à elle.
« Ce n’est pas une morsure de loup-garou, répondit-elle d’un ton sec. Vous vous doutez bien que j’ai vérifié.
- C’est quoi alors ? Demanda Ginny.
- Ça, demandez à votre frère. Il refuse de me répondre. »
Tandis qu’elle s’éloignait, sans doute atteinte dans son amour-propre, tous les regards se braquèrent sur Ron qui fixait ses mains avec l’air buté de celui qui trouve que ce qui lui arrive est parfaitement injuste.
« Alors ? Demanda Percy. Je veux des réponses concernant ton bras et ta jambe. Maintenant.
- Pour ma jambe, c’était Black, marmonna le blessé. Il voulait atteindre Harry, alors il s’en est pris à moi en sachant qu’Harry nous suivrait. Il m’a traîné un peu trop près du saule cogneur qui m’a touché. »
L’aîné était tellement préoccupé par la rage que lui inspirait le criminel qu’il ne vit pas les regards peu convaincus qu’échangèrent les jumeaux.
« Et pour mon bras, je sais pas, ajouta Ron d’un ton précipité, comme s’il voulait couper court à la conversation. Je me suis débattu alors il m’a lancé un sortilège. Puis je me suis réveillé ici et mon bras était comme ça. Même Harry et Hermione ne savent pas ce qu’il s’est passé. C’était peut-être Pattenrond ? J’en sais rien... »
Il y avait un millier de points qui méritaient d’être éclairci dans cette histoire, dont un certain nombre que Percy avait du mal à avaler, mais il se souvint qu’il avait promis de croire ce qu’on lui dirait, aussi décida-t-il de se taire. Il vit alors Ron frissonner et enregistra la fatigue dans ses yeux.
« Tu as besoin de repos, déclara-t-il en posa une main apaisante sur son bras. On va te laisser. Mais j’ai besoin que tu me promette de ne jamais refaire ce genre chose. Ça aurait pu être très grave, Ron. Tu nous as tous inquiétés.
- Désolé, marmonna celui-ci, mais je ne pense pas que je peux promettre ça, Percy. Je ne cherche pas particulièrement les ennuis, tu sais ? C’est juste que…
- C’est juste que tu es ami avec Harry Potter, résuma Fred en haussant les épaules, un sourire affectueux et ironique sur le visage.
- Et que tu es un Weasley, ajouta Ginny avec une étrange fierté.
- Et que tu es Ron, conclue George qui prit sa main pour la lui tapoter d’un air tragique. Toutes mes excuses, c’est vrai que ça fait beaucoup à gérer d’un coup. »
Percy aurait voulu qu’ils reprennent tous leur sérieux, car il n’y avait pas matière à rire. Est-ce qu’ils ne réalisaient pas que Ron, ainsi que Harry et Hermione, auraient pu mourir hier soir ? Que ça devenait une habitude pour eux que de finir leurs années scolaires en risquant leurs vies ? Et cela angoissait d’autant plus Percy qu’il ne serait plus là pour les surveiller l’année prochaine, et que Fred et George avaient peut-être de nombreuses qualités, mais qu’ils n’étaient pas connu être de très bons exemples pour Ron et Ginny.
Cependant, en voyant ses frères et sœur plaisanter et rigoler ainsi, même le blessé malgré ses bâillements de plus en plus évidents, l’aîné se dit qu’il aurait le temps de revenir sur le sujet plus tard. Le plus important pour l’instant était que Ron allait bien et que Percy ne remettrait pas en doute sa version des faits, trop soucieux de conserver la confiance de son frère.
Il aurait été attristé d’apprendre qu’il s’y prenait trop tard. Ce que leur avait raconté Ron n’était que très moyennement basé sur la réalité, et suivait un scripte que ses amis et lui avaient passé une bonne partie de la nuit à inventer et apprendre, pour la sécurité de Sirius. Les jumeaux et Ginny auraient la vraie version des faits seulement un an plus tard, mais Percy, lui, à cause de sa réaction face à Ron quand Black s’était introduit dans la tour de Gryffondor, n’apprendrait la réelle destinée de Croutard et la bonne version des événements de cette nuit-là que de longues années après. Bien trop tard pour qu’il puisse y faire quoi que ce soit.