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Harry Potter - J. K. Rowling
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Cet OS a été écrit dans le cadre du 4SPIC du serveur Potterfictions (rejoignez nous : https://discord.gg/862aSNBDk6), un défi d'écriture à quatre mains !Pour des raisons de sécurité, nos contraintes sont disponibles en fin d'OS.(Enfin c'est surtout pour pas vous spoiler)Nous remercions très chaleureusement nos bêtas de compétitions : Hydrus et Wekake <3Et un big up pour les organisatrices très vilaines <3Un P'tit Kou

Depuis le perron de Gringott d’où il sortait, Kingsley Shacklebolt prit quelques instants pour s'accoutumer à la lumière du jour. Du sommet des marches, il pouvait observer le Chemin de Traverse qui ruisselait devant lui. Coloré par les centaines de citrouilles qui jonchaient les pavés, lévitaient au-dessus des passants ou pendaient sur les façades, il avait retrouvé son dynamisme d’antan. Ce n’était pas seulement l’euphorie de l’approche des fêtes d’Halloween qui l’animait, la ferveur de la rue n’avait cessé de croître depuis la fin de la guerre, un an et demi plus tôt. 

— Monsieur le Ministre ! salua un sorcier inconnu en contrebas qui avait soulevé son chapeau en son honneur.

Sa notoriété et le respect acquis lors de ses années de service en tant qu’Auror lui avaient permis d'accéder à la fonction de Ministre de la Magie. En la mémoire de ceux tombés sous Voldemort, Kingsley avait accepté. Dès lors, il s’était acharné pour rendre au monde des sorciers son rayonnement et la paix qu’il méritait. L’animation retrouvée du Chemin de Traverse était une des plus belles récompenses qu’il pouvait recevoir pour son travail. 

D’apparence, la ruelle était fidèle à ce qu’elle avait été autrefois. Mais les habitués avaient dû faire le deuil du commerce des baguettes d’Ollivander, une affaire de famille fameuse depuis l’an 382 avant JC, pour faire place à un couple d’américains qui avaient repris le monopole. La vraie différence que chacun avait pu remarquer avec enthousiasme venait de l’Allée des Embrumes. Désormais débarrassée de la plupart des tentacules du marché de Magie noire grâce au dur labeur des Aurors, elle jouissait d’un nouveau costume. Kingsley n’était pas peu fier de cette réussite. De son initiative, les anciens étals de substances illicites et les boutiques de contrebande en tout genre avaient fait place à de nombreux bars et restaurants. Elle avait été renommée l’Allée des Embrasseurs et prospérait de ses nouveaux établissements. Il n’y avait plus que les ivrognes tardifs récalcitrants à la fermeture pour troubler sa tranquillité. 

Si la guerre avait laissé des traces profondes et indélébiles, Kingsley était persuadé qu’à l’image du Chemin de Traverse, le monde magique était en train de se relever encore plus fort pour atteindre un avenir radieux sans mage noir. 

Kingsley prit la direction de la cheminée la plus proche pour l’emprunter. Avant de s’y engouffrer, il inspira un grand coup. Une fois qu’il aurait emprunté le réseau pour se rendre au Ministère, il serait sollicité dans tous les sens. Une signature par-ci, un conseil par-là, une autorisation quelconque ou encore une brève interview lui seraient jetées à la figure dès qu’il aurait posé le pied sur le parquet de l’Atrium. 

Avant de se rendre à son bureau, Kingsley fit un crochet à l’étage des Aurors. Il devait s’entretenir avec leur responsable au sujet de formalités qu’il ne pouvait plus repousser et aujourd’hui, il se sentait d’humeur à prendre son temps. Il pouvait bien, l’espace de cinq minutes, s’arrêter boire le café avec ses anciens collègues et les nouvelles recrues qui composaient le service. Parmi ces dernières, il retrouva Harry Potter et Ron Weasley affalés sur leurs chaises en train de débattre sur les derniers résultats de Quidditch. De ce qu’il entendit, si le Club de Flaquemare s’était qualifié, c’était uniquement à cause d’un des batteur des Pies de Montrose, ce que réfutait l’autre. 

Ce fût Harry qui remarqua en premier la présence de Kingsley, qui attendait en silence qu’ils aient fini leur conversation.

— Monsieur le Ministre ! Se raidit-il, imité par son ami qui venait tout juste de prendre un coup de coude. 

Kingsley rit pour lui-même des joues empourprées qui faisaient disparaître les tâches de rousseur de Weasley. Il avait bien conscience que le relâchement auquel il venait d’assister ne reflétait pas les efforts qu’ils avaient fournis depuis leur intégration. Accompagnés de leur camarade Granger, ils avaient rejoint la formation d’Auror à leur sortie de Poudlard un an auparavant. Chaque membre du Trio d’or s’était alors illustré à sa manière. Harry serait très prometteur une fois sur le terrain tandis que Weasley se révélait être un stratège né. Seule leur amie n’avait pas poursuivi ce cursus. Ses notes plus qu’excellentes lui avaient octroyées la première place de la classe, mais contre toutes attentes, elle avait préféré s’orienter chez les Langues-de-Plombs. 

— Messieurs ! Alors comment se passe cette deuxième année de formation ? questionna Kingsley qui avait décidé de ne pas leur tenir rigueur de cette petite incartade. 

Tout le monde avait bien le droit de souffler de temps en temps. 

— Oh ! Très bien Monsieur, répondit Harry avec un sourire timide. J’ai seulement hâte de pouvoir faire mes preuves sur le terrain !

Dès son arrivée au Ministère, Kingsley n’avait pas pu s’empêcher de garder un œil sur ce garçon. Au-delà de leur liens tissés au sein de l’Ordre du Phénix, il se retrouvait un peu en Harry. Il était demandeur, toujours prêt à s’investir corps et âmes dans les causes qu’il trouvait justes et possédait un certain talent, qui n’était plus à démontrer, pour la magie. C’était toujours avec plaisir qu’il venait lui rendre visite quand il s’offrait le temps de discuter. 

Kingsley allait prendre congé quand Harry l’interpella.

— Attendez ! J’ai, enfin, on a une question à vous poser. Sous les encouragements silencieux du Ministre il continua : ça fait un moment que nous n’avons pas de nouvelle de notre euh, amie, Hermione, Hermione Granger, Monsieur, et comme elle est aux Langues-de-Plomb maintenant, personne ne veut nous renseigner. Est-ce que vous pouvez nous dire si au moins elle va bien ?

— Très certainement, Harry. Vous vous doutez bien que vous auriez été tenu au courant s’il était arrivé quoi que ce soit, rassura de son mieux Kingsley avec un sourire qu’il espérait sympathique. 

En réalité, il n’en savait rien. S’il suivait de près les interventions des Langues-de-Plomb, il n’avait eu aucune mention de Miss Granger depuis un moment. Sa présence dans un dossier ne lui avait pas plus été signalée que son absence. 

De retour à son bureau, Kingsley n’avait pas posé ses fesses depuis trente secondes que le claquement d’une paire de talons sur un sol de pierre le sortit de sa torpeur. Il troqua son expression pensive contre un sourire. Marlène entra dans son bureau sans frapper et prit un air sévère en constatant qu’il n’avait pas encore enfilé sa robe d’apparat.

— Marlène, quel plaisir de vous voir ! accueillit-il son assistante.

— Monsieur Shacklebolt ! Vous êtes Ministre, vous avez des obligations, et ce sourire ne me fera pas tomber dans le panneau ! Allez, allez, on se lève et on s’habille, le photographe de la Gazette du Sorcier attend !

— Une minute, Marlène, est-ce qu’on vous a mentionné une potentielle absence de la nouvelle Langue-de-Plomb Granger ?

Marlène était de ces femmes qui mettaient du rouge à lèvre trop rouge, portaient des couleurs trop disparates pour en apprécier les teintes et dont la voix était une octave trop proche de lui briser un tympan. Mais Marlène était une pensine en elle-même. Sa mémoire ne lui faisait jamais défaut et elle lui avait mieux servi qu’un carnet de note depuis son entrée en fonction. 

— Miss Hermione Jean Granger ? Négatif Monsieur, si elle n’est pas à son poste en ce moment même, vu l’heure, j’ignore bien où elle peut se trouver. Allez allez, trêve de bavardages, on s’active !

Tard dans la soirée, Kingsley était encore penché sur un dossier,  malgré ses yeux fatigués. Les aiguilles en forme de baguette indiquaient vingt-trois heures passées sur l’horloge face à lui. Cette journée qui avait si bien commencée avait fini par être éprouvante. Il s’était fait harceler une grande partie de l’après-midi par des notes de service récalcitrantes et, quand il avait enfin pu se plonger sur le cas Granger, des doutes s’étaient installés. Son responsable qui ne l’avait pas vu depuis plusieurs jours avait d’autres Fléreurs à fouetter que l’absence d’une recrue. Dans son service, beaucoup de jeunes venaient tenter l’expérience avant de finalement lâcher en cours de route face aux difficultés des épreuves imposées. Des sorciers lambdas, peut-être, oui, mais pas un ancien membre de l’Ordre.

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En quelques jours, l’absence de Granger s’était faite remarquer au sein du Ministère. Les spéculations allaient bon train sur les raisons qui la poussaient à manquer le boulot alors qu’il était de notoriété publique qu’elle était un élément sérieux et ponctuel. Le premier réflexe général avait été d’imaginer le pire des scénarios. Connaissant son passif, il était facile de penser à l’implication de n’importe quel mage noir et le retour de forces obscures. Cependant, les croyances sociales tendent à privilégier ce qui est le moins anxiogène, et bientôt une version des faits fleurit sur toutes les lèvres : Hermione serait partie au bras d’un Portoricain, charmée par ses accents de soleil, et n’était pas prête de revenir. Balivernes. D’accord, Weasley n’était peut être pas le parti de l’année selon Sorcière Hebdo, mais planter sa carrière pour des abdos luisants ne collait pas avec son caractère consciencieux. 

Pour Kingsley, il y avait Strangulot sous Pierre Philosophale. Si le défaut de sa présence n’était pas professionnel, il y avait peut-être lieu d’ouvrir une enquête. Ses plus proches amis étaient inquiets. Harry était inquiet. Cela devait être une raison suffisante pour le commun des mortels de garder un œil sur cette affaire. Encore trop tôt pour ouvrir un dossier cependant, les éléments étaient trop peu nombreux pour le constituer. 

Mais Ron Weasley, en tant que petit ami de l’intéressée, accéléra le processus. Avec une déclaration de disparition en règle auprès de son supérieur hiérarchique, les Aurors allaient être sur le coup. L’ouverture de l’enquête déchaîna les notes de services qui diffusèrent la disparition officielle de Granger. Les bruits de couloirs avaient changé en conséquence. On s’était arrêté de penser qu’une fille comme elle avait pu partir avec un inconnu au profit de théories plus sombres. Un membre du Trio d’or qui disparaissait, c’était alarmant, et Kingsley espérait éviter la panique générale.

Les questionnements se multipliaient tandis que les langues se déliaient. Il était apparu que chacun avait un avis sur le sujet ou un commentaire à faire sur son attitude devenue louche ces derniers temps. Certains l'avaient toujours trouvée étrange. Pour d'autres, elle avait perdu la raison. La carrière de Langue-de-Plomb était faite pour les durs à cuirs, ce qu’elle n’était apparemment pas. Mais le motif pouvait être aussi plus obscur; un fantôme du passé lié aux Mangemorts, peut-être, ou encore aux Horcruxe, sait-on jamais.

 

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Cela faisait exactement dix jours que Granger avait été aperçue pour la dernière fois, et aujourd’hui, il faisait beau. Kingsley avait ressorti cette tunique bleue à paillettes qu’il aimait tant et il discutait devant le bureau des Aurors avec le maître de formation. Webster Boot était l’un des meilleurs Aurors qu’il connaissait. Il avait refusé d’en prendre la direction à la fin de la guerre, préférant enseigner et former. Kingsley restait persuadé qu’il avait pris cette décision suite au décès de son fils, comme pour se rapprocher de jeunes de son âge avant sa mort. 

Ils venaient de faire le point sur les éléments trop peu nombreux de l’enquête et Kingsley s’en allait pour regagner ses quartiers. Son bureau était situé au centre du Ministère. Pour y accéder, il fallait monter dans les ascenseurs aux parois de verre. Marlène avait réussi à convaincre le Ministre, à force de patience, et surtout de manigances dans son dos, à faire installer des colibris enchantés à l’intérieur des cabines. Les volatiles étaient couverts d’un charme permettant à quiconque montait dans ces ascenseurs de conserver un certain niveau d’anonymat. Pourtant, quand Kingsley aperçut une tignasse rousse à l’intérieur de cet ascenseur, ce soir-là, vers minuit, il sut tout de suite que c’était un Weasley.

— Weasley ! Qu’est-ce qu…

— Monsieur, s’il vous plaît, il faut que vous répondiez à mes questions ! Ils ne veulent rien nous dire à Harry et à moi sur Hermy, je veux dire, Hermione. On a besoin de réponse, je veux savoir ce qui est arrivé à ma copine. Je suis en train de devenir taré à tourner en rond sans avoir la moindre idée d’où elle peut être, débita Ron dans un flot de paroles entremêlées. 

Ce n’était plus un futur Auror qui se tenait devant Kingsley, mais un adolescent apeuré au bord de la crise de panique. Le plus jeune de la fratrie Weasley, à moins qu’il ne s’agisse de l’avant dernier, avait le visage creusé par les cernes, les cheveux dans un état déplorable et sa chemise, tachée, sortait de son pantalon. Kingsley l’invita dans son bureau et insista pour lui servir une tasse de thé aux arômes marocains offerts par son homologue des pays du Maghreb. Rien que les effluves qui s’en échappaient avaient la propriété de détendre ceux qui s’en imprégnaient. Les effets apaisants de la plante mirent moins d’une minute à se faire ressentir et le garçon relâcha enfin ses nerfs tendus. 

— Bien. Maintenant on peut discuter, constata Kingsley qui avait pris place sur son fauteuil. 

— Je suis désolé, je sais pas ce qu’il m’a pris, réalisa Ron avec horreur, c’est juste que je n’arrive plus à réfléchir, mon cerveau revient sans cesse à Hermione, ça me bute de ne pas savoir ce qu’il lui arrive. 

— L’enquête suit son cours, William, je suis sûr que tes collègues la retrouveront en un rien de temps et…

— Ronald. 

— Pardon ? 

— Mon prénom c’est Ronald. Ron, Monsieur, pas William. 

— C’est ce que j’ai dis ! Pardonne moi mon garçon, c’est vrai que toute cette histoire commence à me fatiguer et même si j’ai foi en nos équipes, moi aussi je me fais du soucis pour elle, tu sais. Nous sommes une grande famille au Ministère et je…

— Par Merlin, c’est pas vrai !? C’est vous qui l’aviez ? s'exclama Ron interrompant une nouvelle fois le Ministre.

Sans en demander la permission, il se leva pour attraper un des livres qui trônait sur le bureau de Kingsley. Il le retourna dans tous les sens pour s’assurer qu’il s’agissait bien de l’objet auquel il pensait avoir à faire. La couverture en cuir Chagrin marron était gravée d’un H majuscule enjolivé de lianes sans feuilles.

— Tu connais l’existence de ce carnet ? Il fait partie des preuves perquisitionnées dans les affaires personnelles de Granger, mais comme personne ne sait comment l’ouvrir, il a atterri entre mes mains pour que j’y jette un œil. Je dois bien admettre qu’il me donne du fil à retordre. C’était une sacrée bonne sorcière votre amie. As-tu, par hasard, l’idée de ce qu’il renferme ? demanda Kingsley avec espoir.

— Oh non, c’est son intimité, et elle la protège bien.

— Ah.

— Mais je sais comment l’ouvrir par contre. Ne faite pas l'étonné comme ça, elle a donné son mot de passe à quelqu'un de confiance, dit Ron en gonflant le torse de fierté avant d’ajouter avec un clin d'œil : confidences sur l'oreiller.

Kingsley observa avec grande attention Weasley qui tenait à présent sa baguette dans la main droite et le livre dans la gauche. Il pointa le H, fit le geste de tourner et d’abaisser en récitant : 

“ Aluminium Oxygène Holmium Molybdène et Radium”

 

Les lianes s’animèrent pour se retirer de la gravure à la manière d'un Filet-du-Diable qui se rétracte sous la lumière. Ils avaient enfin accès au contenu du livre.

 

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Hermione pousse la porte numéro 7, marche droit d’un pas déterminé entre les rangées de fioles, murmure un décompte à voix basse, presque inaudible. Baguette en lumos.

Hermione , accélère le pas :

— Cent-six A, cent-sept A, cent-huit A, cent-un B, AH !

 Hermione prend deux fioles, lit l’étiquette.

— Témoignage de ‘___’ , 29 juillet 1983… Procès d’une Vélane, Kity Thomas, 29 juillet 1983.

Hermione met les fioles dans sa poche, quitte la salle.

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— …sley ! Kingsley !

Le Ministre de la Magie cligna des yeux et revint progressivement à la réalité.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda-t-il en se frottant les yeux.

Le livre qu’il tenait entre ses doigts tremblants ne montrait plus qu’une page vierge et il le posa d’une main trémulante sur le bureau.

 

C’était une découverte majeure pour l’enquête qu’ils avaient faite à travers ce bouquin. Des recherches approfondies permirent d’en apprendre plus sur son origine et son fonctionnement. Le carnet était bien plus qu’un simple journal, il s’agissait d’un recueil de souvenirs. Des souvenirs d’Hermione. Une fois déverrouillé, son fonctionnement ressemblait à celui d’une pensine et plongeait le lecteur au cœur des fragments de sa mémoire qu’elle avait souhaité conserver. Mais l’objet était dysfonctionnel. Les pensées apparaissaient de manière aléatoire, jamais dans le même ordre et parfois, il pouvait s’écouler plusieurs jours sans qu’il ne fonctionne. Le problème venait également des images qui devenaient vagues à des moments clés et brouillaient l’identité des personnes qu’elle rencontrait. En étudiant le livre avec assiduité, les Aurors comprirent – mais trop tard – que la lecture répétée des souvenirs les altérait davantage.

La conclusion qu’ils en tirèrent fût que le journal était détraqué. Quelqu’un l’avait trafiqué en toute connaissance de cause, probablement dans une tentative de destruction. L’objet étant d’une grande puissance magique, à défaut de s’en débarrasser, cette personne avait tout juste réussi à le modifier pour que son exploitation en devienne presque impossible. 

Cependant, il lança tout de même les Aurors sur un début de piste. 

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La pluie tombait dru depuis plusieurs minutes à présent mais elle valait toujours mieux que l’épais brouillard qu’elle venait de remplacer. Le voile du smog londonien s’était levé et avait emporté avec lui l’air lugubre qu’il jetait sur la rue. Du haut de leurs places incertaines, les lampadaires éclairaient l’étroit passage d’une lueur dorée. Des citrouilles décoratives dans lesquelles on avait découpé des visages projetaient un autre éclairage au travers de leurs têtes de crabes de feu ou de Fléreurs. Certaines lévitaient au-dessus des quelques passants qui se précipitaient pour se mettre à l’abri. Un sorcier qui se couvrait la moitié du crâne avec un pan de sa robe, s’en prit une qui flottait plus bas que les autres. Il râlait encore lorsqu’il passa devant Kingsley et Boot. 

Les deux hommes piétinaient dans une flaque d’eau en train de se former, à demi protégés par le porche d’un magasin fermé. Ils attendaient que vingt-et-une heure sonne l’ouverture de l’établissement dans lequel ils devaient se rendre.

La découverte du journal de Granger avait apporté des éléments nouveaux et fait avancer l’enquête. Sa disparition portait enfin des preuves tangibles grâce aux souvenirs qu’elle avait rassemblés. Même si les mots n’avaient pas encore été prononcés, les soupçons étaient portés sur des personnes de son entourage.

Le premier fragment découvert avec Weasley avait été analysé avec plus de minutie par les Aurors, avant de comprendre que les images s’altéraient avec la répétition du visionnage. La seule partie exploitable était un nom sur une étagère : Kity Thomas, propriétaire d’un ancien speakeasy légalisé avec la réhabilitation de l’ancienne Allée des Embrumes.

La dimension que prenait cette enquête avait incité Kingsley à s’impliquer dans sa résolution. Pour qu’un membre de l’Ordre, première de sa classe depuis son entrée à Poudlard, future Langue-de-Plomb avec les bases de la formation d’Auror et appartenant au Trio d’Or disparaisse, il fallait l’élite sur cette affaire. Accueillis par un gobelin grossièrement vêtu d’un nœud papillon noir, Kingsley et Boot traversèrent d’épais rideaux rouges dont l’odeur rappelait celle d’un vieux grenier. De petites tables rondes encadraient une scène en vieux bois sur laquelle trônait un piano droit. L’endroit était régularisé depuis peu et dégageait encore cette ambiance clandestine qui avait séduit ses habitués.

— C’est étonnant de voir un gobelin au service d’un sorcier, dit Boot alors qu’ils s’installaient au comptoir en parcourant la pièce du regard. 

— Pas lorsque l’on sait qu’il considère mon espèce plus proche de la sienne que de la votre.

La voix au timbre de printemps avait forcé les deux hommes à se retourner pour faire face à la créature qui avait surgi sans leur dos. D’autres mots n’auraient pu mieux convenir tant il était difficile de décrire la femme à l’âge incertain qui se tenait derrière le bar. Ses cheveux argentés ondulaient avec légèreté sur ses épaules et contrastaient avec l’absence de rides sur sa peau. Mais son regard était de ceux qui avaient vécu et beaucoup trop vu. 

— Boot, je te présente Kity Thomas, la Vélane de notre visite.

— Monsieur le Ministre, que me vaut l’immense honneur de votre présence dans mon humble établissement ?

— Je ne porte pas cette étiquette ce soir. C’est mon chapeau d’Auror que j’ai remis le temps de résoudre une affaire qui me fait du souci. Mais je laisse Boot diriger les opérations, je ne suis là qu’en soutien. Boot ?

— Hum… Oui oui tout à fait, reprit l’Auror qui sortit de sa contemplation, nous somme là à propos de Granger, Hermione Granger. Son nom fait les gros titres en ce moment et nous cherchons à éclaircir les circonstances mystérieuses de sa disparition. 

Les premiers clients de la soirée commençaient à créer un fond sonore qui obligeait à tendre l’oreille pour s’écouter parler. Rapidement, la fumée qui se dégageait des pipes et des portes-cigarette déjà allumés se colla au plafond pour n’en apercevoir que la couleur délavée. Le piano était son propre musicien et s’était mis à jouer un air de jazz inconnu. 

— Je lis la presse, la Gazette du Sorcier et compagnie, c’est important pour les affaires. Mais je ne vois pas ce que j’ai à faire avec la Miss. 

— Certains éléments ont apporté votre nom sur ce dossier et nous tenons à dénouer ce point. Répondez simplement aux questions en toute honnêteté et nous n’aurons pas à user du Veritaserum : Connaissez vous la disparue ?

— Pas personnellement.

— L'avez-vous déjà rencontrée ?

— Il est possible qu’elle ait déjà mis les pieds ici. Oh, excusez-moi un instant. Anteoculatia !

La Vélane avait sorti sa baguette de sous sa courte robe bleutée et avait visé l’opposé de la salle. Boot s’interrogea sur l’endroit où elle avait pu la dissimuler sous le peu de tissu qui l’habillait. La victime, un petit homme corpulent presque affalé sur une jeune sorcière d’à moitié son âge, se releva en hurlant. Il agrippait son cuir chevelu sur lequel était en train de pousser une énorme paire de bois.

— Je suis curieuse de voir comment tu vas expliquer ça à ta femme, Barclet ! Comme ça y’a pas qu’elle qui a des cornes maintenant ! 

Le dénommé Barclet lança un flot de jurons à l’adresse de Kity Thomas, mais alors qu’il s’en approchait avec colère, il fût soudain expulsé par un claquement de doigt de la part du gobelin. 

— Hum, original. Des bois ? Pourquoi des bois ? D'habitude ce sont des cornes ! commenta Kingsley, amusé par la scène.

— Je vais être franche avec vous, Messieurs, non pas parce que la présence du Ministre m’y oblige, mais plutôt parce que je ne vois pas ce que je pourrais vous raconter d’autre à part ceci : ce sort, c’est votre demoiselle qui me l’a inspiré. Ne me demandez pas quand, je n’en ai plus aucune idée, mais elle est venue un soir avec ce que j’ai d’abord supposé être son ami. Mais le ton est monté entre eux et elle a finit par lui demander à quel moment il comptait quitter sa femme, car s’il ne le faisait pas, elle devrait lui faire pousser des bois pour le forcer à faire passer le message. À quelque chose près. 

— Qui était la personne avec elle ? demanda Boot, intéressé par cette révélation. 

— Oh, est-ce que j'oserais dénoncer un “ex”-Mangemort ? Tout ce que je peux ajouter c’est que ses cheveux d’un blond platine ferait rougir n’importe laquelle de mes cousines.

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Drago Malefoy marchait dans les couloirs du Ministère. Au mois de septembre, il avait commencé un cursus de loi magique. Il avait emprunté ces couloirs sans discontinuer depuis, mais la situation était différente. Un mauvais sentiment de déjà-vu lui tordait l’estomac alors qu’il entendait deux paires de chaussures bon marché grincer derrière lui. Le son désagréable était accompagné d’un murmure inintelligible, tout juste perceptible, mais qui lui vrillait les tympans.

La rumeur courait, les Aurors venaient chercher un Malefoy, un ancien Mangemort, à nouveau. Il ne se laissa pas guider par les officiers, il connaissait déjà le chemin. Dès que la guerre avait touché à sa fin, lui et beaucoup d’autres élèves avaient été interrogés, encore et encore, par des agents trop zélés. Quand il fut poussé d’un coup d’épaule dans la salle d’interrogatoire, il eut de nouveau cette sale impression, comme un an auparavant, avant sa condamnation : il n’était pas traité comme un témoin mais comme un suspect.

L’odeur de la salle obscure commença par lui monter aux narines et il plissa élégamment le nez, digne dans son dégoût. Une chaise inconfortable l’attendait et l’air était saturé de magie, presque irrespirable. Drago savait qu’il ne pourrait même pas lancer un Accio s’il essayait. Tous les sorts posés sur les murs, les meubles, réprimaient le moindre usage de magie.

Le jeune homme s’assit, droit, et attendit. Il ignora le bois froid qui lui donnait envie de frissonner, l’impression d’enfermement qui lui donnait envie de vomir et il offrit son sourire le plus poli à l’Auror qui entra dans la pièce quelques instants plus tard.

Reconnaissez-vous avoir été dans ce bar avec la personne de Hermione Jean Granger ?

Drago se pencha sur la table et observa attentivement le nom du bar calligraphié soigneusement. Il hocha la tête une fois, ferme.

Reconnaissez-vous avoir pris un thé vert “infusé à 90°C et des biscuits, du jour-même”, lit l’Auror religieusement, en compagnie de cette même jeune femme.

Drago leva les yeux au ciel. C’était le début. Quoi qu’il ait pu faire ou dire, il allait en être accusé pendant les heures à venir. Les lèvres scellées, il hocha la tête.

— Pouvez nous expliquer pourquoi elle vous a menacé de vous faire pousser des "bois" ? 

La seule réaction qu'obtint l'officier fut un regard levé vers le ciel accompagné d'un haussement d'épaules. 

Monsieur Malefoy, commença lentement l’Auror en plongeant la main dans sa robe, accepteriez-vous de vous soumettre à cet entretien sous Veritaserum ?

Il ponctua sa question en posant une petite fiole sur la table.

Monsieur, sauf votre respect, à partir du moment où vous me demandez de boire ceci, ce n’est plus un entretien, c’est un interrogatoire.

Drago recula contre le dossier rigide, tendu. Il savait que cela arriverait, mais il ne pensait pas qu’on lui demanderait à partir de la deuxième question.

Monsieur Malefoy, vous avez reconnu avoir passé une partie de la soirée avec Mademoiselle Hermion-

C’est Madame, corrigea Drago avec un claquement de langue.

L’Auror lui adressa un regard surpris puis se tourna vers le mur dans son dos, comme pour s’assurer que tous ses collègues avaient bien entendu, de l’autre côté. Le blond se maudit d’avoir réagi aussi promptement.

Avec Madame Hermione Jean Granger, corrigea l’Auror comme si rien ne s’était passé. Quelles relations entretenez vous avec cette femme ?

Des relations personnelles qui ne regardent qu’elle et moi.

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Helmut Weiss referma la porte de la salle d’interrogatoire avec un soupir.

Alors ?

Kingsley regarda l’Auror auprès de qui il avait fait ses classes soupirer.

Il est têtu comme un Hippogriffe, il ne lâchera rien. Tant que l’on n’a rien de mieux qu’un rendez-vous dans un café comme preuve de sa relation avec Granger, ce sera difficile de lui faire avouer quoi que ce soit. Ce n’est pas à l’école d’avocats que l’on apprend à éviter les questions comme ça. Comme quoi, Azkaban ça vous change un homme…

Pensif, Kingsley le regarda s’éloigner en de grandes enjambées lestes. Helmut avait été désigné pour mener les interrogatoires plus parce qu'il savait faire preuve d’une grande impartialité que pour son expérience. Beaucoup d’Aurors plus jeunes auraient été capables de faire avaler de force de Veritaserum à Drago Malefoy, sans aucun remord. Si la guerre était finie et les peines effectuées, les tensions subsistaient par endroits.

Le Ministre de la Magie secoua la tête pour chasser ces pensées inopportunes. Cette affaire regardait les Aurors et il avait un poste à responsabilités. Il ferait bien de s’en rappeler.

Deux jours plus tard, Kingsley croisa Helmut dans les couloirs des Langues-de-Plomb et lui demanda des nouvelles de leur suspect.

Oh, on continue de le faire venir tous les jours au Ministère mais ça ne donne rien. On continue à lui poser les mêmes questions et il donne toujours les mêmes réponses. On ne se fatigue plus ! Hier j’ai changé de ton, je lui ai demandé s’il avait déjà couché avec elle ! Eh bien il a eu beau furieusement rougir, il s’est contenté de répéter la même chose. J’ai rarement vu autant de détermination à protéger une relation, il doit beaucoup l’aimer ! Ah, il serait temps que j’y aille ! s’exclama-t-il après avoir jeté un Tempus .

Kingsley le salua et repartit à ses occupations. Alors comme ça, Drago Malefoy aurait entretenu une relation romantique avec Hermione Granger ? Si tel était le cas, il était intéressant de lui demander de l’aide pour déchiffrer son carnet et ses notes. Depuis deux semaines que le temps s’écoulait, les chances de la retrouver en un seul morceau s’amenuisaient, selon les Aurors.

 

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HERMIONE marche dans les couloirs du Ministère de la Magie, Département des Mystères. Chuchotements. HERMIONE s’arrête, écoute.

HERMIONE , chuchote pour elle-même :

— Je reconnais cette voix…

. . . , ton pressé et agacé :

— Je croyais qu’on avait un accord ? Nous ne nous connaissons pas, au Ministère.

. . . , ton craintif :

— C’est une urgence. Nous devons nous débarrasser des preuves, retrouvez-moi dans la Forêt Interdite, demain, à vingt-trois heures.

. . . :

— Très bien. Allez-vous en maintenant, c’est dangereux.

. . . , ton nonchalant :

— Enfin, tout le monde sait que j’adore le danger !”

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— Alors ?

Ron Weasley émergea péniblement des sorts de mémoire d’Hermione et posa le livre sur la surface la plus proche. Il avait fallu trois mentions de son prénom pour qu’il s’extirpe des pages du livre.

Kingsley ne s’approcha pas : la salle de repos des Aurors avait déjà bien dépassé sa limite d’accueil et ce pauvre Ron ne savait plus comment respirer. Il avait été décidé qu’il tenterait de lire certains des souvenirs, sa proximité avec Hermione étant un atout majeur pour déchiffrer certains indices. Quoique certains auraient pu objecter qu’on ne pouvait pas faire confiance à son jugement et à son interprétation.

— Il a besoin d’air, éloignez-vous ! tonna-t-il.

La pièce s’évida lentement de ses occupants, certains qui avaient mieux à faire, d’autres qui ne voulaient pas provoquer la colère du Ministre de la Magie. Quand il ne resta plus qu’une dizaine de personnes, toutes concernées de près ou de loin par la disparition d’Hermione, Kingsley s’approcha du jeune Weasley qui regardait pensivement la couverture du livre.

— Qu’as-tu découvert ?

Ron récita, du mieux qu’il put, ce dont il se souvenait. Mais les mots s’échappaient de sa bouche dans un flot incontrôlé, vomi d’émotions et d’informations rendues pêle-mêle aux Aurors.

— …Elle a dû vouloir les rejoindre ! Mais c’est sûrement un piège, il faut qu’on aille l’aider !

Kingsley arrêta d’écouter quand le jeune homme se mit à tourner en rond en répétant que c’était un piège, et que sa dulcinée n’était pas assez stupide pour tomber dedans et que… Le Ministre leva les yeux au ciel. Garder son calme n’était peut-être pas le fort du roux. Il fit signe aux Aurors réunis dans la pièce, qui s’amassèrent autour de lui.

— Je veux deux personnes qui préparent une battue. Ron Weasley ne vient pas avec nous, même chose pour Harry Potter. Il me faut deux autres Aurors pour réinterroger Drago Malefoy. Il sait peut-être quelque chose. Je veux que tout le monde soit prêt à partir dans deux heures.

En réponse à ses ordres, les Aurors quittèrent la pièce les uns après les autres et Kingsley était sur le pas de la porte quand Ron l’interpella.

— Oui, Monsieur Weasley ?

— J’ai besoin de participer aux recherches. S’il vous plaît, Monsieur le Ministre.

Kingsley réfléchit. Hermione Granger avait sauté à pieds joints dans un piège, et son compagnon souhaitait la retrouver vivante quand les chances que cela se produise étaient minces. Ron l’observait avec de grands yeux inquiets, dans l’expectative, et en voyant qu’il ne se décidait pas, il répéta :

—  S’il vous plaît, Kingsley. J’ai besoin de savoir que j’ai fait tout ce que je pouvais pour l’aider.

Kingsley hocha la tête, puis le renvoya d’un geste de la main. Il était urgent qu’il envoie un hibou à la Directrice de Poudlard pour la prévenir. Ensuite, il devait assister au nouvel interrogatoire de leur principal suspect.

Quand le Ministre de la Magie redescendit, Malefoy venait à peine d’entrer dans la salle d’interrogatoire. Il eut tout juste le temps de se glisser dans la salle d’observation que les premières paroles étaient échangées.

— Bonsoir, ou bonjour, à vrai dire je ne sais pas bien quel moment de la journée nous sommes. Vos cellules sont un peu sombres.

Kingsley pouffa. Bien sûr que Malefoy allait être insupportable. Il adoptait déjà une attitude défensive, bras croisés, avachi élégamment sur son siège.

— Monsieur Malefoy, nous avons des questions supplémentaires à vous poser.

— Vous semblez toujours avoir plus de questions. Je crois l’avoir déjà dit à vos collègues, plusieurs fois : la relation que j’entretenais avec Hermione Granger ne regarde qu’elle et moi.

— Monsieur Malefoy, nous avons de nouveaux indices qui nous font penser qu’Hermione est en danger. Nous savons qu’elle s’est rendue, seule, dans la Forêt Interdite, sur le domaine de Poudlard. Si vous savez quoi que ce soit , il faut nous le dire.

Kingsley plissa les yeux quand Drago Malefoy se redressa lentement sur sa chaise, les traits plissés par l’inquiétude. Voilà qui était intéressant. Était-il proche d’elle à ce point ? L’aimait-il ?

Il regarda autour de lui, comme gêné par les mots qui allaient sortir de sa bouche.

— Elle était différente ces derniers temps. Elle a toujours été différente, mais cette fois-ci était à part. Elle a trouvé quelque chose, ou quelqu’un, et c’était gros. Peut-être un peu trop pour elle. Si elle est allée dans la Forêt Interdite, ça veut dire qu’elle a surestimé ses capacités ou qu’elle ne pensait pas être en danger. Peut-être les deux.

L’Auror qui l’interrogeait se dépêcha de noter ce qui sortait de la bouche du blond. Impatient d’obtenir plus d’informations, il lui posa d’autres questions.

— Quand vous êtes-vous rapprochés ? Quiconque est allé à Poudlard sait que vous ne vous entendiez pas du tout, que s’est-il passé ?

Drago poussa un long soupir et sembla enfin se décider à livrer quelques vérités aux Aurors.

— Après la guerre, on s’est rapprochés, à son initiative. Elle a fait le premier pas vers moi, elle voulait des reliques, des vieux objets. C’était la première personne à me parler comme un être humain. Je lui ai donné ce qu’elle voulait. Et… On a trouvé, je dirais, des relations communes. Ça nous a beaucoup rapprochés. C’est tout ce que vous saurez..

 

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Toc toc toc.

La porte en bois massif s'ouvrit en grinçant sur l’imposant garde-chasse. Hagrid dû accueillir ses visiteurs à l’extérieur, car ils étaient trop nombreux pour tous rentrer dans la cabane. Une dizaine d’Aurors avaient transplané jusqu’à Pré-au-lard pour se rendre ensuite dans l’enceinte du château. La nature exceptionnelle de cette enquête demandait des mesures équivalentes. Kingsley avait donc accompagné le groupe, ainsi que Harry et Weasley cadet. 

— Hagrid ! Merci de t’être libéré pour nous ce soir, salua Kingsley en faisant disparaître sa main dans celle du demi-géant.

— Vous plaisantez, Monsieur le Ministre ? Il s’agit tout de même de notre Hermione ! Je n’allais pas vous laisser fouiller la Forêt Interdite sans moi. 

— Et votre aide nous sera très précieuse, intervint Boot qui menait l’opération. Vous devez être une des rares personnes qui connaisse assez la forêt pour nous guider.

— Oh ça oui je la connais bien, mais après moi il y a Harry qui la connaît comme sa poche ! Pas vrai Harry ? Euh… Enfin, je n’aurais peut-être pas dû dire ça… 

Le regard alarmé de Harry montrait bien qu’il aurait préféré ne pas être mêlé à la conversation de cette manière.

— Hum… c’est vrai ça, Potter ? questionna Boot, vous ne nous l’avez pas signalé quand on vous a présenté le déroulé de l’inspection.

— Ce que Hagrid voulait dire par là, c’est que Harry a eu plusieurs opportunités de visiter la forêt pendant ses années à Poudlard, mais dans un cadre plutôt disciplinaire, si je ne m’abuse ?

Kingsley avait répondu avant Harry pour lui éviter l'embarras de le faire. Le connaissant, il aurait bredouillé une réponse qui n’aurait eu de sens que pour lui-même. S’il pouvait lui éviter des ennuis inutiles, autant le faire.  

Avant de se lancer dans l’exploration de la forêt, Boot fit un rapide rappel des procédures de sécurité ainsi que des éléments qui les avaient conduits jusqu’ici. Pour Hagrid et les renforts déployés ce soir-là, il exposa en détail le dernier souvenir visionné du journal de Granger.

 

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— Hermione ? Hermione ?

….

— Granger ? Est-ce qu’il y a quelqu’un ? Granger ?

….

Les fouilles avaient débuté depuis plusieurs heures maintenant. Les membres des recherches s’étaient divisés en plusieurs groupes de trois afin de couvrir le plus de terrain possible. Au moindre indice découvert, ils devaient lancer des étincelles violettes dans le ciel pour en marquer l’emplacement sans s’arrêter. Lorsqu’ils retrouveraient Hermione, elles devront être vertes. 

Kingsley faisait équipe avec Weasley et un Auror d’une trentaine d'années. Ils avaient croisé un bon nombre de choses et créatures étranges. Sans les voir, il avait senti la présence des Centaures qui les observaient dans l’ombre. Seul le bruit éloigné des sabots avaient confirmé ses soupçons. Le rouquin paraissait plus courageux que son aîné de prime abord, mais il suffisait de croiser la moindre araignée pour revoir son jugement à ce sujet. Le teint livide et les joues creusées, ces recherches lui tenaient à cœur plus que quiconque dans cette battue. On cherchait sa petite-amie après tout, et les heures s’allongeaient sans allumer le moindre espoir. 

Les voix éraillées de ses compagnons finirent par convaincre Kingsley d’abandonner pour ce soir. Sur le point d’annoncer le repli, c’est la bouche entrouverte qu’il leva les yeux vers le ciel imité par les deux autres. Quelqu’un avait fait jaillir des étincelles depuis sa baguette. Dans le noir total qui couvrait la forêt interdite, la cîme des arbres s’illumina de rouge.

Éreintés par le sprint qu’ils venaient de faire, ils rejoignirent un autre groupe qui courait dans la même direction. Parmi eux, il y avait Harry qui échangea un regard paniqué avec son ami. Dans le silence le plus total, ils continuèrent d’avancer en direction du signal. Ils ne devaient plus être loin, Kingsley le sentit avant de le voir.

C’était la brise venue à leur rencontre qui leur avait apporté ce relent tiède. Un souffle humide et nauséabond recouvrait les effluves de leurs sueurs, effaçant les subtiles arômes des pins. Dans leurs inspirations, il ne restait que le parfum violent d’une porcherie, lourd et carné. C’était l’odeur de la putréfaction, l’odeur de la mort.

Rapidement, il fallut contrôler et maintenir Weasley à l’écart.  Les hurlements dans sa voix cassée égalaient les déferlements de violence dont il usait pour tenter de s’approcher du corps. Ou du moins ce qu’il en restait. Harry, abattu, s’était écrasé sur ses genoux sans sourciller à l’impact des rochers. Le spectacle avait de quoi faire flancher les esprits les plus solides.

Le médicomage légiste était formel, les vers présents sur le corps attestaient sa décomposition depuis plus d’une quinzaine de jours, date approximative de la disparition. Les restes étaient en partie momifiés. Le processus avait été accéléré par la toile d’araignée qui la retenait prisonnière. Si elle n’avait pas été dévorée jusque-là, c’est que ces bestioles éprouvaient peu d’intérêt pour les cadavres et préféraient tuer leurs proies elles-mêmes pour une meilleure conservation. La victime était donc déjà morte au moment de sa mise en cocon. Les Aurors qui l’avaient découverte avait pris soin de le découper avec précision pour la délivrer. Ses multiples entailles qui lui avaient déchiqueté la peau dataient du moment du meurtre, car oui à ce stade, l’accident ou le suicide n’étaient plus à considérer.

L’inspection des lieux n’apporta pas le lot de réponses que chacun attendait. Le seul indice qui fut récolté, en mille morceaux, était une baguette de vigne avec les restes d’un ventricule de Dragon déchiqueté. Tout portait à croire qu’il s’agissait de celle de la victime mais il faudrait attendre le rapport d’expertise des Baguettologues pour s’en assurer.

 

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Sectumsempra .

— Hum… Pardon ? demanda Kingsley, sorti de sa rêverie. 

Voilà plusieurs jours qu’ils avaient découvert le corps de Granger et l’avaient transporté à la morgue du Ministère pour autopsie. Le rapport était tombé aujourd’hui et Boot était venu en faire le résumé au Ministre de la Magie.

— Le sort qui a été utilisé contre elle est un Sectumsempra , un sortilège très peu connu par les sorciers. Les relevés de son utilisation sont très limités et son créateur inconnu de nos registres, continua Boot. 

— Sur ce point, je peux vous renseigner : c’est une création de Rogue, Severus Rogue. Ancien Mangemort pour le compte de l’Ordre du Phénix. Très peu, en effet, en connaissent l’existence. Cela devrait vite réduire la liste de vos suspects. 

— Intéressant… On va pouvoir creuser cette piste. Mais là où on risque de tomber sur un os, sans mauvais jeu de mot, c’est sur le lanceur. 

— Comment ça ? demanda Kingsley avec intérêt. 

— Eh bien, le service de Baguettologie a enfin réussi à confirmer qu’il s’agissait bien de celle d’Hermione qu’on a retrouvée dans la forêt… Boot hésita un instant avant de poursuivre. Ça n’a pas été de la tarte, mais ils ont également réussi à retracer ses derniers sorts. C’est comme ça qu’on a pu déterminer l’origine du Sectumsempra. On a utilisé sa propre baguette contre elle avant de la détruire. 

Kingsley reconnut que c’était un geste malin de la part du meurtrier. Certes, il aurait pu être risqué d’utiliser une baguette qui ne lui appartenait pas, surtout pour un sort de cette puissance. Mais ainsi il protégeait la sienne de la traçabilité des sortilèges. Les Aurors auraient beau avoir des suspects, il ne servirait à rien d’étudier leurs historiques magiques. Sans preuves et sans aveux, le dossier allait se retrouver dans une impasse. 

 

Avec un cadavre sur le dos, les enquêteurs n’avaient désormais guère d’autre choix que de démêler le mystère. Le Ministre de la magie était constamment sur leur dos et exigeait d’être tenu au courant de chaque avancée. L’affaire était devenue publique et la presse se donnait à cœur joie d’en faire les gros titres à travers des théories de plus en plus obscures. Leur principal suspect était sous surveillance constante en cellule et ne déviait pas de son discours. L’ensemble du Ministère était sous tension et chaque effectif pouvant contribuer de près ou de loin à ce dossier était monopolisé. Les seules personnes qui étaient tenues de rester à l’écart comprenaient la famille Weasley et Harry. Ce dernier avait été relégué contre son gré à des tâches administratives délaissées par ses comparses engagés sur le dossier Granger. Kingsley le voyait ronger son frein à chacune de ses visites quotidiennes au service des Aurors. Une fois, il le vit à moitié affalé sur la table, la jambe gauche tremblante de nervosité, en train de s’arracher les cuticules jusqu’au sang. L’anxiété et la fatigue se lisaient sur ses traits tandis que ses nerfs semblaient être mis à rude épreuve, car il sur-réagissait au moindre bruit qui l’entourait. 

C’était dans l’optique de lui changer les idées qu’un jour Kingsley arriva comme à son habitude chez les Aurors. A quelques pas à peine du bureau de Harry, il fut interpellé par Boot: 

— Ah Kingsley ! Vous êtes pile à l’heure !

— À l’heure ? Ah oui, c’est vrai que c’est aujourd’hui que vous allez enfin utiliser le Veritaserum. 

— Vous n’étiez pas là pour ça ? On va enfin pouvoir tirer quelque chose de ce fichu Malefoy.

À ce nom, Harry, qui n’avait pas perdu une miette de l’échange, se leva d’un bond. 

— Vous êtes en train d’interroger Drago ?! 

— Potter, vous savez très bien qu’étant mêlé à cette histoire, nous n’avons pas le droit de vous partager ce genre d'informations, gronda Boot.

— Ça va faire des jours qu’il a disparu mais c’est simplement que vous le reteniez prisonnier ! Il n’a rien à faire avec Hermione !

— Harry, calme toi. Il faut que tu saches que ton amie entretenait probablement une liaison avec un ex-Mangemort. Je sais que ça peut te faire un choc supplémentaire d’apprendre ça et c’est une des raisons pour laquelle nous ne t’avons pas mis au courant, intervint Kingsley d’un ton paternaliste. 

Harry qui ne tenait plus en place renversa l’intégralité du contenu de son bureau et de celui de ses voisins. Parchemins et plumes volèrent dans tous les sens alors qu’un encrier allait se fracasser contre le mur, répandant de grosses tâches noires sur des avis de recherche animés. Plusieurs personnes passèrent la tête dans l’encadrement des portes pour comprendre l’origine de ce chaos, mais lorsqu’ils croisèrent le regard menaçant du Ministre, ils tournèrent aussitôt les talons. Boot était sur le point d’intervenir avec sa baguette pour calmer le forcené, mais Kingsley lui fit signe de s’abstenir. 

Au bout de quelques minutes, quand il ne restait plus aucun dossier à faire voltiger ni chaises à éclater, Harry s’adossa contre une cloison et se laissa glisser jusqu’à toucher terre. Les doigts agrippés à ses cheveux, il semblait être proie à un débat intérieur dont lui seul connaissait l’origine.  

— Harry… ? demanda Kingsley avec prudence.

— Vous n’y êtes pas. Vous n’y êtes pas du tout! Vous êtes complètement à côté de la plaque! 

La voix d'Harry était proche du hurlement à présent. 

— Hermione et Drago n’ont jamais eu de liaison ensemble. C’était avec moi, c’est moi l’amant dans l’histoire.

— Potter, vous êtes en train de nous avouer que vous aviez une aventure avec Miss Granger, que vous nous auriez cachée depuis le début de l’enquête ? C’est une entrave très grave ! Et punissable, qui plus est, répondit Boot outré par cette révélation. 

— Non, non, non ! Vous ne comprenez rien. C’est avec Drago que je suis en couple depuis plusieurs mois. 

Les deux hommes n’eurent pas le temps de réagir à cette nouvelle qu’un Auror les interrompit dans leurs réflexions : ils venaient d'accéder à un nouveau souvenir du journal d’Hermione.

 

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HERMIONE , parcourt divers articles de journal :

— …des années de service en tant qu’Auror… acquis respect de la population… notoriété au sein du Ministère… ancien membre de l’Ordre… Popularité permet d’accéder au rôle de Ministre de la Magie… L’élu entre chez les Aurors… coffre de Gringotts forcé… dégâts à déplorer, la banque ne commente pas… Confusion sur l’allée des embrumes… perquisition infructueuse des Aurors, reste-t-il des partisans du Mage Noir dans nos rues ?... Ouverture d’un café sur l’ancienne Allée des Embrumes… le début d’une économie ! … scandale au Ministère… tous blanchis… Harry Potter entre chez les Aurors, favoritisme ou talent pur ?”



                           

 

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Le vendredi soir s’était instauré un rendez-vous hebdomadaire avec toutes les personnes impliquées dans l’affaire. L’objectif était de faire le point sur toutes les avancées et les découvertes que chacun avaient pu faire durant la semaine afin que tous aient les mêmes informations. Sur un immense tableau noir, chaque indice qui y figurait était apparu grâce à la magie au fur et à mesure que les intervenants les partageaient. Autour de la photo animée d’Hermione, qui avait été prise lors de son admission au Ministère, se trouvaient divers liens tirés vers une note, un objet, une illustration. 

Si quelqu’un arrivait dans la pièce en cet instant, il pourrait y voir aléatoirement “Sectumsempra”, “journal inspiration Jedusor”, “Portoricain”, “Forêt interdite = Poudlard ?”, “Velane” écrit en gros et en rouge sur la photo de Kity Thomas, “Drago ??? → Weasley cocu Greengrass cocue”, le résumé des souvenirs visionnés, les articles mentionnés dans le dernier souvenir, des articles sur Harry Potter. 

                                             

Un cliché du Survivant était apparu dès les premiers éléments de l’enquête. Mais plus ils s’accumulaient, plus sa photo prenait de la place. A présent, elle était presque aussi grande que celle de Granger qui souriait de toutes ses dents. Les spéculations silencieuses commençaient à peser lourd dans la balance. Personne n’osait formuler ce que chacun pensait tout bas : le fameux Harry Potter était devenu le suspect numéro 1. 

 

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— Et le mobile alors ? demanda un Auror au fond de la salle.

— Granger avait découvert sa liaison avec Malefoy. Sa menace de lui faire pousser des bois et non des cornes prend tout son sens maintenant, répondit Boot avec assurance. Le Patronus du garçon est un cervidé ! Cela expliquerait également l’utilisation du Sectumsempra inconnu du grand public. 

— Vous avez interrogé Weasley, non ? Il en pense quoi, du fait que son meilleur ami aurait pu tuer sa petite-copine ? interrogea un jeune officier d’une trentaine d'années. 

— N’en parlez pas… Quand ils se sont croisés dans les couloirs l’autre jour, il est rentré dans une telle colère qu’on a dû user de la magie pour les tenir éloignés. Ron était à deux doigts de commettre un meurtre en plein coeur du Ministère. Fallait voir ça ! J’ai renouvelé mon inventaire d’insultes ce jour-là. 

— Alors quoi ? C’est ça la conclusion de notre affaire ? Le grand Harry Potter, l’élu, le sauveur, celui-qui-a-survécu-deux-fois, celui-qui-a-vaincu-celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom (ce titre est beaucoup trop long), est devenu un meurtrier ? 

— La guerre, ça change les gens. Il a vécu des horreurs qui ont dû lui faire vriller le cerveau à ce jeune garçon. 

— Mais ce n’est pas parce que la Gazette du Sorcier a rendu son verdict en le déclarant coupable que nous ne devons pas continuer l’enquête pour prouver son innocence ! insista le jeune Auror qui ne pouvait décemment pas croire à la culpabilité de Harry. Il a bien un alibi pour l’heure du crime qui a été déterminée par les magico-légistes, non ?

— Son alibi c’est Malefoy. Autant dire que la parole d’un amant, ex-Mangemort de surcroît, n’a aucune valeur juridique auprès du Magenmagot. On a un mobile et un nombre conséquent de preuves indirectes qui le relient à ce meurtre ! De plus, on a affaire à un crime personnel : la violence du sort utilisé en est la preuve et on sait que Granger ne côtoyait personne en dehors de son cercle d'amis. 

L’officier qui n’était toujours pas convaincu par les explications de Boot continua :

— D’accord, mais pourquoi ce journal alors ? Elle semblait bien récolter des preuves contre quelqu’un ! 

La dizaine d’Aurors présents dans la salle échangeaient des messes-basses et avis sur le sujet. Un brouhaha s'élevait à mesure que les opinions divergeaient. Quand certains étaient convaincus de la culpabilité de Potter, d'autres considéraient encore que l’image du héros qu’ils en avaient ne collait pas avec celle d’un assassin. Les pour et les contres étaient partagés de manière équitable et Boot dut appeler au silence pour répondre à cette interrogation. 

— C’est Kingsley Shacklebolt qui a apporté la réponse à ce point. En faisant fonctionner son réseau d’informateurs, il a découvert, à grand regret, que Potter avait usé de son nom pour entrer dans la formation d’Auror sans passer les examens. Vous les avez tous passés ici, et vous savez à quel point ils sont compliqués et apportent de la légitimité à vos postes. L’examinateur qui a validé son test a déjà été mis à pied par le Ministre en personne. 

À cette révélation, les discussions repartirent de plus belle pour ne plus s’arrêter. Tous désormais semblaient voir en Potter un coupable, mais également un traître. Seul le jeune officier paraissait abattu et n’avait plus les mots pour tenter de défendre en vain l’image déchue de celui qui les avait tous sauvés. 

 

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Depuis que les accusations s’étaient portées sur Harry, Kingsley s’était tenu en retrait de l’affaire. Son affection pour le garçon aurait pu altérer son jugement ainsi que son professionnalisme et interférer dans l’enquête. Être Ministre de la Magie ne justifiait pas d’intervenir pour innocenter un suspect que tout désignait comme coupable. On l’aurait accusé à son tour d’user de son pouvoir pour rendre grâce à son petit protégé. 

Sur le perron de Gringott où il se rendait, les marches étaient glissantes des premières neiges tombées la veille. Le Chemin de Traverse avait rangé son costume d’Halloween depuis des semaines déjà et avait revêtu celui des fêtes de fin d’année. Parée de rouge et de vert, la rue sentait la cannelle, bercée par les chants de Noël. Kingsley s’arrêta un instant pour s’imprégner de la légèreté qui s’en dégageait avant de s’engouffrer dans la banque des Sorciers.  

Une fois laissé seul par le Gobelin dans son coffre, il se dirigea vers une étagère sur laquelle reposait de multiples objets et paperasse. Sur l’une d’entre elles, il posa le dossier apposé de la mention “CLASSÉ”. Juste à côté trônaient deux fioles. La première contenait le souvenir du témoignage de Kingsley lors du procès de Kity Thomas, la Vélane gérante du bar clandestin acquittée en conséquence. La deuxième portait le nom de Granger sur une étiquette. Il s’agissait là de son dernier souvenir, celui qu’il avait réussi à lui arracher dans la Forêt Interdite avant qu’elle n’ait le temps de l’intégrer à son maudit journal. Il s’attarda un instant sur le classeur contenant les preuves blanchies à l’encontre de certains membres du Magenmagot à qui il devait son élection au poste de Ministre. 

Weasley basculait doucement dans la folie, Malefoy ne pourrait plus jamais travailler pour le Ministère ou qui que ce soit d’autre, et Harry devrait passer le restant de ses jours à Azkaban. C’était regrettable pour ces jeunes dont la vie était à présent détruite, mais rien de tout ça ne serait arrivé si Granger n’avait pas fourré son nez dans les affaires des autres.


Un P'tit Kou