
Chapter 2
Les vacances de Noël avaient opéré sur Aster une véritable métamorphose, à la manière d'un alchimiste transformant le plomb en or. Le temps passé au Square Grimmaurd, loin des regards scrutateurs de Serpentard, avait été une période d'introspection intense, un creuset où son ancienne personnalité timide et effacée avait fondu pour laisser place à une nouvelle version de lui-même, plus forte et plus audacieuse.
La destruction de la potion avait agi comme un catalyseur, brisant les chaînes de son obsession pour Blaise et Théo et libérant une énergie qu’il avait longtemps réprimée. Il était revenu à Poudlard non pas en Aster Black, l'ombre discrète qui se fondait dans le décor Serpentard, mais en Aster, une présence qui ne pouvait plus être ignorée.
Son style vestimentaire avait radicalement changé. Exit les robes sombres et les couleurs neutres. Il avait adopté une esthétique gothique, presque théâtrale. Du noir, toujours, mais rehaussé de touches de pourpre profond, de bleu nuit, d’argent antique. Des chemises de soie noire à jabot, des vestes de velours cintrées, des pantalons ajustés mettaient en valeur sa silhouette fine et élancée. De lourdes bagues argentées ornaient ses doigts longs et effilés, et un collier d’onyx, héritage familial, brillait à son cou. Ses cheveux, auparavant lissés en arrière, étaient désormais coiffés en une cascade de mèches noires corbeau qui encadraient son visage aux traits affinés, accentuant la pâleur de sa peau et l’intensité de son regard émeraude.
Mais le changement le plus frappant résidait dans son attitude. Le regard fuyant avait fait place à un regard direct et perçant, teinté d'une ironie mordante. Il marchait la tête haute, le dos droit, déambulant dans les couloirs de Poudlard avec une assurance nouvelle qui surprenait et parfois intimidait ses camarades. Fini la timidité et les hésitations. Il répondait désormais du tac au tac, ses paroles acérées et sarcastiques désarçonnant même les Serpentards les plus arrogants. L'ancien Aster, effacé et silencieux, n'était plus qu'un lointain souvenir.
Pansy et Millie, d'abord stupéfaites par cette transformation, étaient secrètement ravies de retrouver leur ami plus affirmé et plus… amusant. Elles le bombardaient de questions, intriguées par le secret de cette métamorphose soudaine. Aster éludait leurs questions avec un sourire narquois et des réponses évasives, préférant garder pour lui les tourments qu'il avait traversés pendant les vacances.
Il y avait cependant une ombre au tableau de ce nouveau départ. Depuis son retour, Aster évitait soigneusement Blaise et Théo. Le souvenir cuisant de la potion, de la tentation à laquelle il avait failli succomber, le rongeait encore. Il ne supportait pas l’idée de croiser leur regard, de peur qu’ils ne devinent la noirceur qui avait un instant envahi son cœur. Il se contentait de les observer de loin, à la dérobée, se torturant en silence du spectacle de leur bonheur partagé, un bonheur auquel il n’avait plus le droit de rêver.
Un matin, alors qu'il se rendait en classe de potions, il croisa Blaise dans un couloir désert. Leurs regards se croisèrent une fraction de seconde, et Aster sentit son cœur se serrer douloureusement dans sa poitrine. Il baissa rapidement les yeux et s’apprêta à passer son chemin quand Blaise l’interpella.
"Aster ? Attends." La voix de Blaise était douce, teintée d'une hésitation inhabituelle.
Aster se figea, le souffle suspendu. Son premier réflexe fut de fuir, de disparaître dans le dédale des couloirs de Poudlard. Mais quelque chose le retint. Une étrange curiosité, mêlée d’une pointe d’appréhension, et peut-être aussi un soupçon de masochisme. Lentement, il se retourna, affrontant le regard de Blaise.
Blaise se tenait à quelques pas de lui, l’air parfaitement à l’aise, un léger sourire jouant sur ses lèvres. Il portait sa tunique de Serpentard avec son élégance habituelle, un air de nonchalante assurance qui avait toujours agacé – et fasciné – Aster.
“Ça va, Black ?” demanda Blaise, sa voix suave et assurée résonnant dans le couloir désert. “Tu… tu as l’air différent.” Son regard glissa sur la tenue d’Aster, un éclair d’amusement dans ses yeux noirs.
Aster haussa un sourcil, un sourire ironique se dessinant sur ses lèvres. “Différent ? En quoi ? Ai-je enfin réussi à atteindre le summum de la laideur qui te révulse tant ?”
Blaise rit, un son riche et mélodieux. “Touché. Mais non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Tu as… évolué. Disons que le chrysalide Black a enfin laissé éclore un… papillon gothique plutôt intrigant.”
Aster laissa échapper un rire bref et sec. “Intrigant ? J’espérais plutôt terrifiant. Faut croire que je devrai redoubler d’efforts.”
Blaise s’approcha d’un pas, ses yeux noirs fixés sur ceux d’Aster. “Tu es plus… piquant. Moins… transparent.” Il marqua une pause, le dévisageant avec une intensité qui fit frissonner Aster malgré lui. “Dis-moi, Black, à qui dois-je l’honneur de cette… métamorphose ?”
Aster haussa les épaules, feignant l'indifférence. "L’ennui, peut-être. Ou l’envie soudaine d’effrayer les premières années. Qui sait ?"
Blaise sourit, un sourire qui n’atteignait pas ses yeux. "Tu sais, Black, à Serpentard, les changements soudains de comportement sont rarement… anodins. On dit que tu nous évites, Théo et moi. J’espère que ce n’est pas… personnel ?”
Une pointe de culpabilité traversa le cœur d’Aster. Il n’avait pas vraiment réfléchi à l'impact de son changement d'attitude sur les autres. Trop absorbé par ses propres tourments, il n'avait pas réalisé que son éloignement pouvait être mal interprété.
"Personnel ? Pourquoi le serait-ce ?" répondit-il froidement, sa voix teintée d'un sarcasme glacial. "Nous n'avons jamais été particulièrement proches, si je ne m'abuse."
Blaise haussa un sourcil, un éclair de surprise traversant son regard. "Certes. Mais… il me semblait que nous nous entendions… correctement. Enfin, suffisamment pour échanger quelques mots de temps en temps, sans vouloir s’entretuer.”
Il marqua une pause, son regard fixant celui d’Aster avec insistance. "À moins que… tu ne caches quelque chose, Black ?"
La question de Blaise, directe et incisive, fit mouche. Aster sentit ses défenses se fissurer. Il avait tellement répété ce rôle, celui du Serpentard froid et distant, qu’il en avait presque oublié comment être vulnérable. L’espace d’un instant, il fut tenté de tout avouer, de confesser la vérité sur ses sentiments, sur la potion, sur la lutte intérieure qui le déchirait. Mais la peur du rejet, de l’humiliation, était trop forte.
Il se redressa, affichant un masque d’arrogance. "Cacher quelque chose ? Quelle idée étrange. Je ne vois pas ce que je pourrais bien cacher à… toi.” Il accentua le pronom personnel d’un ton moqueur.
Blaise ne se laissa pas démonter. Son sourire s’élargit, dévoilant une lueur dangereuse dans ses yeux noirs. "Ne joue pas à ce jeu avec moi, Black. Je suis un Serpentard, souviens-toi. Je sais reconnaître un mensonge à des kilomètres."
Il s’approcha encore un peu, brisant l’espace personnel d’Aster, le forçant à soutenir son regard. "Alors ? Vas-tu me dire ce qui te tracasse ? Ou dois-je… enquêter par moi-même ?" Sa voix était basse et menaçante, un murmure qui ressemblait à un sifflement de serpent.
Aster ressentit un frisson parcourir son échine. Il savait que Blaise n’était pas du genre à faire des menaces en l’air. S’il décidait d’enquêter, il finirait par découvrir la vérité. Et alors…
Il prit une profonde inspiration, essayant de maîtriser le tremblement de sa voix. "Tu perds ton temps, Zabini. Je n’ai rien à te dire." Il tenta de le contourner, mais Blaise lui barra le passage.
"Vraiment ?" Blaise pencha la tête sur le côté, l’observant avec une intensité qui le troubla. "C’est pourtant l’impression que j’ai… depuis le Bal des Ombres."
Le Bal des Ombres. Le souvenir de cette soirée, de la danse avec Daphné, de la promesse empoisonnée de la potion, revint le hanter. Il avait cru pouvoir effacer ce souvenir, le refouler au plus profond de sa mémoire. Mais Blaise venait de rouvrir la plaie, et la douleur était aussi vive que le premier jour.
Il serra les poings, ses ongles s’enfonçant dans sa paume. "Le Bal des Ombres ?" répéta-t-il, sa voix rauque. "Qu’est-ce que ça peut bien te faire ?"
Blaise sourit, un sourire froid et calculateur. "Disons que… j’ai entendu certaines rumeurs… des rumeurs… intéressantes. Et j’aimerais bien… entendre ta version des faits."
Aster se débattait entre la panique et la colère. Comment Blaise avait-il eu vent de… quoi au juste ? Quelles rumeurs pouvaient bien circuler à son sujet ? L’idée que son secret – quel qu’il soit – soit dévoilé, exposé au grand jour, le terrifiait. Il ne supportait pas l’idée d’être jugé, méprisé, la risée de Serpentard.
"Des rumeurs ?" répéta-t-il, sa voix tremblante malgré ses efforts pour paraître calme. "Je ne sais pas de quoi tu parles."
Blaise haussa un sourcil, incrédule. "Vraiment ? Tu ne sais pas de quoi je parle ? Parlons alors de Daphné Greengrass. Du Bal des Ombres. De… disons… une certaine intimité entre vous deux."
Aster le regarda, sidéré. Des rumeurs sur lui et Daphné ? C’était absurde ! "Quoi ?" s'exclama-t-il, incrédule. "Moi et Daphné ? Mais c’est ridicule !"
Un sourire amusé éclaira le visage de Blaise. "Ridicule ? C’est pourtant ce qui se dit dans les couloirs. On raconte que la Reine de Serpentard a pris l’héritier Black sous son aile… et peut-être même… sous sa couette."
La colère monta en Aster, brûlante et intense. D’où pouvaient bien sortir de telles calomnies ? "C’est n’importe quoi !" s'écria-t-il, indigné. "Je n’ai rien à voir avec Daphné ! Nous avons simplement dansé ensemble au Bal, c’est tout !"
Blaise pencha la tête sur le côté, l’observant avec une intensité qui le troubla. "Simplement dansé ? Vraiment ? Parce que d’après les témoins, la danse était… assez… passionnée. Et les regards échangés… plutôt… éloquents."
Aster serra les poings, ses ongles s'enfonçant dans sa paume. Il sentait le piège se refermer sur lui, l'enfermant dans une toile de mensonges dont il ne voyait aucune issue. Il devait absolument mettre fin à ces rumeurs absurdes, avant qu’elles ne prennent des proportions démesurées.
Il prit une profonde inspiration, essayant de maîtriser le tremblement de sa voix. "Écoute, Zabini," dit-il, son ton plus grave, plus assuré. "Je ne sais pas qui a inventé ces histoires, mais il n'y a rien entre Daphné et moi. Rien. Nous ne sommes que des camarades de maison, c'est tout."
Blaise le regarda fixement, semblant peser ses mots. Puis, à la surprise d'Aster, un sourire se dessina sur ses lèvres. "D'accord, Black," dit-il, sa voix plus douce. "Je te crois. Mais… tu comprends que je devais te poser la question, n’est-ce pas ? Ces rumeurs sont… assez persistantes. Et… disons que Daphné a une certaine réputation…"
Un mélange de soulagement et de frustration parcourut Aster. Soulagement que Blaise semble le croire, frustration face à l'absurdité de la situation. L'idée que quelqu'un ait pu inventer une telle histoire, le liant à Daphné Greengrass, lui paraissait incroyable.
"Une réputation ?" répéta-t-il, son ton teinté d'ironie. "Et quelle est donc cette réputation ?"
Blaise haussa les épaules, un sourire amusé éclairant son visage. "Disons qu'elle n'est pas connue pour… sa timidité. Ni pour sa… fidélité. En matière de relations, bien sûr."
Aster fronga les sourcils. Il n’avait jamais prêté attention aux rumeurs qui circulaient sur Daphné, trop absorbé par ses propres préoccupations. Mais il savait que la Reine de Serpentard était une figure puissante et intrigante, et qu’elle n'hésitait pas à utiliser tous les moyens à sa disposition pour arriver à ses fins.
"Je vois," répondit-il froidement. "Et tu penses que je serais assez stupide pour m’impliquer avec quelqu’un comme elle ?"
Blaise rit doucement. "Stupide ? Non, je ne dirais pas ça. Intrépide, peut-être. Ambitieux, certainement. Se rapprocher de Daphné Greengrass, c’est se rapprocher du pouvoir, de l’influence. Certains Serpentards seraient prêts à tout pour cela."
Aster le regarda fixement, une lueur de suspicion dans ses yeux. "Et toi, Zabini ? Serais-tu prêt à tout pour le pouvoir ?"
Le sourire de Blaise s’évanouit, remplacé par une expression plus sérieuse. "Le pouvoir est un outil, Black. Comme une baguette magique. Tout dépend de la façon dont on l’utilise." Il marqua une pause, son regard noir perçant celui d’Aster. "Et moi… j'ai l’intention de l’utiliser à bon escient."
Il se détourna, s’apprêtant à partir. "Réfléchis à ce que je t’ai dit, Black. Et… fais attention à toi. À Serpentard, les apparences peuvent être trompeuses. Et les rumeurs… peuvent avoir des conséquences… inattendues."
Il lui adressa un dernier regard énigmatique avant de disparaître au détour du couloir, laissant Aster seul, perplexe et troublé. Les paroles de Blaise résonnaient dans sa tête, semblables à un avertissement sibyllin. Il devait découvrir qui était à l’origine de ces rumeurs, et pourquoi. Et surtout, il devait se méfier de Daphné Greengrass. Elle était peut-être plus dangereuse qu’il ne le pensait.