
Humeurs noires
Chapitre 10
Humeurs noires
I
Le voyage merveilleux n'avait duré que quelques heures. Il s'était trouvé au carrefour des ailes, là où décollent les escaliers, il y avait eu une sorte de grand bourdonnement, ou un trépignement, une foule de petites têtes noires grimpant un escalier, telle une vague, un nom scandé comme un slogan sportif, joyeusement, ivreusement, et puis...
oo**o**oo
Le garçon était étendu sur les dalles de la terrasse du château.
Il était trois heures de l'après-midi.
Le soleil froid caressait doucement son visage immobile, sur lequel passait quelque fois un nuage d'ombre. Il s'était encore perdu dans ses pensées, elles s'enchaînaient comme les perles d'un collier-puzzle qu'on accroche l'une à l'autre, des paroles parfois incomplètes, des ébauches de paroles, de drôles d'images sans images – parfois c'était verticalement qu'elles émergeaient, semblant non commandées par la précédente, sans briser le rythme solitaire, elles coulaient, tranquillement, coulaient encore à perte de vue, si bien qu'il oubliait jusqu'à sa propre existence et quand il revenait c'était pour retrouver une vie étrangère, comme lorsque l'on est enfant et que de retour chez soi après de longues vacances nos parents nous semblent des imposteurs.
Puisqu'il lui fallait un instant pour se reconnaître, puisqu'il était parvenu à croire par une étrange illusion d'optique qu'en dehors de ces réflexions rien d'autre n'avait jamais été, il se disait que cette vie de Severus Snape n'était pas tout, et ne devait pas être si importante...
« Malefoy t'a mis en quarantaine on dirait bien... »
L'adolescent ouvrit les yeux. La lumière de janvier était si crue que le paysage qu'il vit fut tout d'abord monochrome. Il y avait une jeune fille brune accroupie à son chevet, les courbes de ses membres assouplissant la chute des plis de sa jupe feutrée ; derrière elle, assis sur un créneau, Evan Rosier, les cheveux blancs mais les yeux bleus, longue frange lisse balayant de travers les yeux, ses jambes pendant le long de la dent de pierre ; adossé à une fenêtre, Wilkes, les cheveux un peu plus longs, les yeux sombres, reposait ses genoux sur le sol.
- Bonjour, murmura Severus, décontenancé.
Les couleurs revinrent, dorant la chevelure de blé d'Evan Rosier, roussissant légèrement le blond de Wilkes, imprimant la bouche rouge de Bellatrix. Dans la position où il se trouvait, Severus avait une vue imprenable sur sa poitrine ; il s'avoua que ce genre de choses avait une certaine majesté. C'était donc cela qui plaisait tant à Lucius...
- Vous vous êtes fâchés, c'est ça ?
Sa voix n'était nullement ironique. Un sourire maternel était même sur ses lèvres.
- Pourquoi dis-tu cela ? demanda à son tour Severus.
Oh, il le savait bien pourtant... Depuis qu'il avait surpris Lucius en train de vomir dans les toilettes du dortoir, ce dernier détournait la tête dès qu'il le voyait, se mettait à discuter bruyamment avec Avery (« Décidément, je le déteste celui-là »), quand il ne lui jetait pas des regards méchants. Severus comprenait très bien. Il l'avait vu faible et devait payer.
- Parce que je te vois errer tout seul, comme un pauvre petit bébé sans sa man-man... dit Bellatrix.
Severus ne sut quoi répondre ; il se redressa, sentit le contact de ses cheveux lourds et gras revenant contre ses joues. Cela faisait plusieurs jours qu'il connaissait à nouveau une période de complet désespoir.
Pendant quelques semaines, il avait pourtant cru que sa ronde dans les cercles de l'enfer avait pris fin. Après être allé de surprise en surprise, découvrant que ce qu'il percevait auparavant de Lucius Malefoy, par le biais d'une distance quasi stellaire, était presque entièrement faussé par sa perspective, Severus s'était finalement retrouvé dans une position qu'il n'avait jamais crue possible, lui qui rêvait tant de reconnaissance : près de Lucius, Lucius Malefoy lui parlant comme à un égal, Lucius Malefoy le flattant... Il avait cru à une amitié avec le Serpentard le plus éminent de Poudlard, le capitaine de l'équipe de Quidditch, fils unique d'une puissante famille, renommé à juste titre pour ses connaissances en magie noire ; celui dont il était... Comme il s'était fourvoyé – ou alors il avait tout gâché lors de cette maudite soirée, ce qui était pire.
Il souffrait d'autant plus qu'il ne pouvait s'en vouloir qu'à lui même, stupide d'avoir cru que Lucius pouvait s'intéresser au Pouilleux de Poudlard (« Reprenons les mots de Potter »), et n'avait de cesse de flétrir le jeune imbécile qui avait d'un coup de sa patte maladroite enterré à jamais le seul espoir de sa vie par un stupide et si déraisonnable accès de compassion.
- Je ne sais pas ce qui s'est passé entre toi et Malefoy, reprit Bellatrix, mais moi, je t'estime beaucoup, tu sais... Cette maison est remplie de nazes, mais un type aussi bon que toi en potions et magie noire, ça ne court pas les rues... Ça ne te dirait pas d'aller à Pré-au-Lard avec nous demain ?
Elle lui proposait son amitié... N'était-ce pas encore une illusion ? Quelque chose en elle lui était douloureux, l'intérêt de Lucius pour elle sans doute, mais Bellatrix était un membre éminent de la Maison Serpentard, respecté et écouté, et l'idée qu'elle le considère, lui propose d'entrer dans sa bande... Enfin il ne serait plus seul, et il serait loin des imbéciles, et près des gens qui comptent.
Pourtant, cette perspective qui l'aurait extrêmement satisfait il y a quelques mois ne lui causait à présent aucun plaisir, car la souffrance l'avait placé à une hauteur nouvelle où rien ne pouvait plus lui procurer de joie.
Il hésita un instant.
oo**o**oo
La veille.
- Comme tu es affectueux avec tes amis, Sirius, tu es une crème ! Plus que ça ! Tu es la mousse au chocolat de l'amitié ! Est-ce parce que ta mère est...
- Voyons… Une vieille peau sans cœur ?
- Oui, est-ce donc parce que ta mère est une vieille peau sans cœur que tu es si serviable avec nous tes meilleurs amis ?
- Serviable ? Où as tu vu que Sirius était serviable ? fit une voix sarcastique.
- Moony, pourquoi es-tu si dur avec moi ?
- C'est la pleine lune qui approche. Il mord.
- Au fait Moony, ça avance avec ta copine ?
- Quelle copine ?
- Laodemia.
- Arrêtez avec ça… grogna Remus.
Laodemia passa derrière un rayonnage avec deux de ses amis ; c'était une élève de Gryffondor à la carrure de colosse. James ricana et Remus pencha davantage sa tête dans son livre comme s'il désirait s'y engouffrer pour disparaître.
- Peeeter, lutina Sirius de sa voix grave et suave, mon p'tit Peeeter... Hé ! « Petit, Peter », ça se ressemble non ?
- Sirius, ar-ar-rête...
- « Petit, Peter, Pettigrew » !
- Peter, ton nom est un poème, conclut James, le sourire joliment couronné par ses tifs ébouriffées.
- Continuez et on va se faire virer par Pince.
- Remus, je te trouve bien coincé aujourd'hui... Il y a de l'eau dans le gaz avec ta copine, c'est ça ?
Le loup-garou enfouit sa tête dans les mains puis dans son livre, terrassé.
- C'est possible d'avoir un peu de silence ici ?
L'injonction fit taire les Maraudeurs. Lucius s'était levé du pupitre où il travaillait seul, revenu depuis peu du terrain de sport.
- Mmm, ça bosse dur dites-moi, murmura James.
- Tiens, il s'est coiffé aujourd'hui, murmura Sirius.
- Sirius, un mot de plus et je te tue, siffla Remus.
- Euh... oui, balbutia Peter.
Le Serpentard se rassit et continua à écrire, avec des gestes inhabituellement éthérés. Ses cheveux mouillés élégamment disciplinés en arrière accentuaient la noblesse de son port de tête, ses yeux ouverts à moitié ce qu'il y avait d'hautain dans sa pose.
- Ennemi à trois heures... chuchota James.
Un nez crochu se profila entre deux livres de Kassandra Blatavsky non loin de Lucius. Puis il disparut.
- Des nouvelles dans le journal, monsieur Black ?
Sirius haussa les épaules en parcourant indolemment les titres.
- Non... Personnellement, sa disparition ne me gêne pas du tout.
- Là où elle était, elle ne te causait pas grand tort.
Sirius brandit un article de la Gazette du 10 janvier où l'on voyait sous la photographie d'une jeune fille blonde la légende « Disparition à Beauxbâtons ».
- Erreur, répliqua-t-il avec une grimace de dégoût, Narcissa avait beau être en France la plus grande partie de l'année, pendant les vacances il arrivait que mon père l'invite.
- Ta cousine qui disparaît pendant les vacances, dit Peter en grattant sa tête fauve, et ensuite ce Serpentard qui meurt... Il se passe de drôles de choses en ce moment.
Severus se cacha dans le rayon botanique et soupira. Lucius était à quelques mètres et il hésitait à aller s'excuser pour ce qui s'était passé hier. Il n'en avait pas le courage. Le fait que les Gryffondor soient potentiellement témoins de la scène n'arrangeait pas les choses.
- Severus !
- Walden ?
- Ça va ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Pourquoi me poses-tu cette question alors que ta question « ça va » est pure convention et que ma réponse est censée être, quelque soit la réalité de mon état physique ou mental, « oui et toi » ?
Macnair le regarda quelques secondes sans rien dire, la bouche ouverte. Puis il lâcha : - T'es sûr que ça va Severus ?
Les yeux du jeune Snape pivotèrent à droite, puis à gauche.
- Oui.
- On a une belle vue de la croisée. Il n'y a pas un nuage.
- En effet.
Macnair a changé de sexe pendant la nuit ? Si ça continue il va se mettre à me parler tricot, songea Severus avec effroi.
- J'ai écrit à mon arrière grand-père - il occupe un poste important aux archives du Ministère - pour qu'il m'apprenne des choses sur la famille Russell. J'ai reçu la réponse ce matin. Je voulais t'en parler pendant le cours de Défense, mais McKinnon m'aurait pris comme vampire.
- Dis-moi tout Walden, je meurs d'impatience.
- Hé bien d'abord, tout ce que m'avait dit ma mère est juste : « nobles, fous, fauchés et maudits »... De plus, d'après mon arrière grand-père, le père du préfet, Bonimentus Russell, était un séducteur fêtard, et il en est mort. L'emblème de leur famille est un triton, et leur devise « Fluctuamus sed fluamus libenter », « Nous flottons mais nous coulons volontiers ».
Severus eut un sourire mauvais qui fit étinceler ses yeux comme des pépites. D'après ce qu'il avait entendu hier, ce n'était pas dans l'eau que Russell Père s'était noyé... Et Macnair ferait bien d'en tirer des conclusions pour lui-même.
- Alors… Quelles conclusions en tires-tu sur sa mort ?
- Je ne sais pas encore... Bon, je te laisse, je dois aller chez les Médipsychomages.
- Tu n'y es pas déjà allé hier ? s'étonna Severus.
- Si.
Il s'en alla. Severus fit mine de s'intéresser à un ouvrage sur la culture des Mandragores, surveillant le club des Glandeurs du coin de l'œil. Quand songeront-ils à décamper ? Ils occupent des places pour rien. La voix de Roger Wilkes derrière la photographie animée d'un horrible bébé racine le fit sursauter.
« Je suis crevé... L'entraînement était affreux aujourd'hui. Tu as vu Malefoy ? Il jouait comme un pied. S'il fait ça au prochain match, on va se faire battre par Poufsouffle... Je ne sais pas ce qu'il a fait pendant les vacances, mais il a l'air liquidé. » « Toujours rien avec Bella en tout cas », répondit le visage d'Evan Rosier de l'autre côté de l'étagère. « T'es con ! » « Tiens, Snape... »
Ils firent le tour de l'étagère pour le rejoindre.
- On cherche des livres sur les Kobolds pour un exposé... dit Rosier en posant sur lui son regard franc à la forme placide.
La lumière de la croisée enflamma les cils blonds de ses yeux trop grands. Il se pencha légèrement vers son cadet, et son camarade put voir les pâles tâches de rousseur qui coloraient son nez retroussé.
- Roger a encore rien foutu, il faut dire que c'est un sportif.
La mâchoire carrée, les épaules et les bras enveloppés dans la cape noire, le relief du cou blanc, la cravate rayée, le pull-over et le pantalon de flanelle au mouvement fluide et harmonieux : les yeux de Severus descendirent machinalement du visage jusqu'aux pieds. Il était à peine plus grand que lui, tout comme Wilkes… Severus n'avait jamais accordé d'importance à l'apparence physique, mais il s'était souvent dit que Rosier était presque beau. Aujourd'hui le « presque » semblait superflu.
Lucius n'était pas le seul visage sur lequel il était agréable de laisser reposer ses yeux, mais il avait été le premier – ce jeune homme blond aperçu peu avant le banquet de rentrée, que le petit Snape avait identifié quelques temps après comme étant « Lucius » ou « Malefoy », élève de quatrième année. Depuis, sa magnétique singularité ne s'était jamais éteinte, et peut-être était-ce parce que son sang coulait plus vite qu'à sa vue l'instant semblait plus coloré. Comme si ce visage était plus vivant que les autres, songea amèrement Severus, alors qu'en fait il ne faisait que vivre plus vite.
Ces visages pigmentant sa vie, la rendant plus « palpitante », il y en avait eu d'autres depuis qu'il était entré à Poudlard...
« J'ai dû mal à croire qu'un professeur donne une autorisation pour ce genre de livres. » « Sauf votre respect, c'est pourtant le cas. Regardez. Agni. C'est écrit. » « Je suis parfaitement capable de lire. Mais les Serpentard, on les connaît. » « Dans ce cas madame, c'est de la discrimination, j'irai me plaindre au directeur. » « C'est bon... Je vais le chercher, votre livre. » C'était il y a plusieurs années, le garçon brun en bleu de la bibliothèque qui parlait à Mme Pince, un frêle adolescent accoudé au guichet, se balançant tranquillement sur un pied avec grâce et une sorte de féminine nonchalance. Dans son souvenir, ses yeux gris aux longs cils étaient assortis au bleu de ses vêtements. Severus aurait voulu le connaître, devenir son ami, mais il savait qu'il n'y arriverait jamais. À cette époque il était encore dans le Dortoir des Petits, aussi ne savait-il pas tous les noms des grands de sa maison. Il avait cru revoir le garçon quelques jours plus tard à la bibliothèque, puis l'avait oublié, s'en était souvenu une poignée de fois depuis, mais ne l'avait plus jamais revu.
- Alors ?
- Après réflexion, je crois que c'est dans le livre de Janotus Mineur sur les farfadets que vous trouverez le plus de choses. Et si vous n'avez pas assez il y a la bibliographie...
- Merci. T'es un as Snape ! chuchota Rosier.
« Sincérité forcée », pensa Severus. Je ne l'aime pas vraiment lui non plus, à vrai dire. Mais je ne peux m'empêcher de l'apprécier lorsqu'il est gentil avec moi.
- Silence ! siffla Pince.
- C'est bon, c'est bon, fit Rosier.
La bibliothécaire continua son tour.
- Vieille bique, murmura Wilkes.
Severus quitta la bibliothèque à la fermeture, sans avoir osé aborder Lucius.
Il sortit quelques mètres derrière lui, entouré d'une poignée d'élèves. Le jeune homme avait l'air pensif, il n'avait pas ce petit air décidé et vaniteux que Severus lui avait vu maintes fois.
- Je sais ce que tu penses… Il est beau n'est-ce pas ? glissa soudain une voix à son oreille.
La phrase le pétrifia. C'était Peeves.
- Qu'est-ce que tu racontes ? siffla Severus.
L'esprit frappeur fit une cabriole et brandit un livre de poésie française - il était connu pour lire des poèmes à voix haute de manière impromptue et l'avait sans doute subtilisé à la bibliothèque - qu'il se mit à feuilleter.
- Voyons, Baudelaire… Oh Lucius, tu es la BEAUTE.
Le blond jeune homme au regard froid se retourna en entendant ce mot prononcé si fort. Severus eut l'impression que son sang se figeait instantanément dans ses veines. Ce n'était pas possible, c'était un mauvais rêve, un délire de sa peur… Qu'il meurt si cela était vrai – l'instinct de conservation est bien peu de chose, étant donné qu'à cet instant disparaître en explosant d'un coup comme une motte de terre ne l'eut pas froissé.
- Oui, corrigea Peeves, la beauté de la p'tite Bellatrix est particulière, tu es d'accord avec moi Severus…
Constatant que cette phrase ne le concernait pas, Lucius poursuivit son chemin, au grand soulagement de Severus. Mais Peeves n'avait pas dit son dernier mot… Il s'ennuyait ce jour-là, et avait décidé de mettre à profit certaines observations qu'il avait faites récemment : pendant les vacances de Noël, au détour d'un couloir, son regard était tombé sur deux Serpentard en grande conversation. Pour être plus exact, la conversation était surtout faite par l'un des deux Serpentard, l'autre se contentant de hocher la tête en évitant le regard de son camarade. Mais plus le premier parlait, plus l'autre semblait s'enhardir à développer ses réponses, et l'élève plus âgé semblait très intéressé par ce que disait le deuxième moins loquace. Les joues du morne petit étudiant, d'habitude si pâle, brillaient d'une rougeur inédite. Sa main gauche, qui ne tremblait devant personne... tremblait légèrement. Peeves avait vu tout cela ; il avait vu Lucius Malefoy. Un sourire s'était peint sur son visage méchant.
- Je ne savais pas que tu « reluquais » les élèves, Peeves, répliqua sans conviction Severus en accélérant le pas.
- Tu te méprends, répondit l'esprit d'un air sérieux en le suivant… J'ai quelque chose pour toi dans cet ouvrage.
- Ah bon ?
- « Je suis belle, ô mortels, comme un rêve de pierre… » Tu ne trouves pas que ça le dépeint bien ? fit Peeves en désignant le dos de Lucius.
- Tu penses ce que tu veux.
- Ne sois pas si perturbé voyons... « Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour, est fait pour inspirer au poète un AMOUR… »
Severus sursauta, sentant comme un coup dans son estomac.
- « Eternel, et… muet, ainsi que la matière… » lut plus doucement Peeves, se régalant de l'incompréhension qui se lisait sur le visage de l'adolescent.
Ils arrivèrent aux grands escaliers. Ils étaient encombrés par les élèves se rendant au grand hall pour le repas du soir. Severus stoppa, paniqué, ne sachant que faire pour se débarrasser du harceleur, qui poursuivait sa lecture, accentuant certains mots.
- « Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ; j'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes… »
Lucius s'était arrêté pour discuter avec Avery.
- « Je hais le mouvement qui déplace les lignes, et jamais je ne pleure et jamais je ne ris. »
Je l'ai vu pleurer pourtant, et rire… Accroupi sur le carrelage, l'air terrifié. Riant timidement lors des dîners. Pressé de lui parler à l'oreille dans la classe d'alchimie, ou heureux et souriant comme un enfant.
- « Les poètes, devant mes grandes attitudes, que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments, » Hum, c'est vraiment tout lui, tu ne trouves pas ? « …consumeront leurs jours en d'austères études ; car j'ai, pour fasciner ces dociles amants, de purs miroirs qui font toutes choses plus belles : mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles ! » Oh, Pleurnichus [nb : traduction de 'Snivellus'], c'est eux que tu regardes, pas vrai, ses purs yeux clairs ? Tu devrais lui dire ton sentiment, tu ne crois pas ? Je pense que tu es son type.
Le Serpentard braqua sur lui un regard effaré.
- Oui, Severus, il faut te déclarer. Ouvrir ton cœur.
- Déclarer… quoi ?
- Voyons, tu sais de quoi je veux parler ! susurra le spectre dans le creux de son oreille. Tu crois que ça ne se voit pas ? Tu crois qu'on ne devine pas ton sale genre ? HE, LUCIUS !
Non, non, non, pitié, pas ça, pas ça…
Des élèves s'arrêtèrent, les regards se posèrent sur Peeves, Severus et Lucius. Lucius et Avery se tournèrent vers le fantôme.
- Snape veut te dire quelque chose ! clama Peeves.
Severus essaya de l'empoigner, sans résultat.
- Snape regarde ton c…
- PEEVES !
L'esprit frappeur stoppa d'un coup son envolée. Un type à lunettes venait de l'interpeller. Il parvint à sa hauteur.
- Encore en train d'embêter un élève et de dire des âneries je vois ? constata Gwénolé Kouign-Aman.
Peeves marmonna quelque chose d'incompréhensible.
- Albus Dumbledore a été trop bon en vous hébergeant ici, commenta McAlistair en le rejoignant. Excellent réflexe, Gwénolé.
- Merci patron !
L'esprit frappeur se répandit en excuses et s'enfuit en tremblotant. Le blond retira ses lunettes, plongea ses yeux outremer dans ceux de Snape et sourit. Un regard perspicace et pénétrant, perçant et persuasif… Le Serpentard eut la même impression que lorsqu'il avait tenté de sonder son âme la première fois : ce regard lui était familier. Où l'avait-il déjà vu ? Il ne l'avait pas seulement déjà vu, il en avait aussi entendu parler. « Les yeux du mage s'éclaircissent tandis que la pupille s'ouvre… » Un sourire ironique. « Je vois… » Mais ces yeux là n'étaient pas bleus… « A quoi l'on reconnaît la pratique de l'occlumancie. »
- Dis-moi Severus, dit le Médipsychomage en le fixant toujours aussi intensément. Serais-tu intéressé par mon cours de danse bretonne ?
Le Serpentard répondit non et s'engouffra dans la grande salle.
* * *
Il ne mangea presque rien au dîner. Sa fourchette retournait les aliments, les coupait, les soupesait, en essayait quelques bouchées, sans faim, sans se rendre compte du regard étonné que posaient ses voisins de table sur la statue muette et courbée qui répétait les mêmes gestes comme un malade épuisé. Ce qu'avait dit Peeves l'avait empli d'un coup d'une tristesse énorme, d'un fardeau écœurant… Car il avait eu l'impression que le fantôme disait vrai. C'était ça… Et ce mot de l'énigme, sans le surprendre vraiment, dévastait ses nerfs.
Pourtant, au fond, était-ce vraiment cela la source de sa douleur ? Parfois il avait l'impression que celle-ci était une sève qui montait d'une source indéfinie – et disparue pour lui aujourd'hui – pour se répandre dans un arbre sombre qui était son corps, fiel insurmontable.
Une fois descendu dans les appartements de sa maison, il gagna le dortoir et tira les lourds rideaux de velours vert. Lorsque la dernière bougie s'éteignit, l'étoffe verte devint noire ; les draps et la couverture qui recouvraient le garçon semblèrent se dissoudre, puis s'épaissir, et il eut l'impression qu'on lui gavait la gorge de ouate.
* * *
L'ancien préfet de Serpentard était un peu moins le sujet de conversation qu'au début de la semaine lorsque le lendemain matin Severus Snape emprunta l'escalier qui menait aux cachots de la classe de Potions. Dans la salle de cours, la voix de James Potter disant qu'ils auraient moins de retenues à présent parvint tout de même à ses oreilles.
Agni finit par se montrer, Severus l'aperçut dans l'encadrement de la porte parler à un élève d'une autre classe. C'était Lucius, et le professeur de potions avait sa main posée sur son épaule. Vision désagréable. Ainsi il y avait un autre élève préféré dans sa vie…
Lucius se retira ; Agni passa l'arche de la porte et salua son assistance.
- Tout d'abord, je vous rends les devoirs que vous aviez à faire pendant les vacances de Noël. Manifestement, certains d'entre vous semblent avoir renoncé définitivement à ouvrir un livre. À croire que le monde est né et s'est développé dans leur petit crâne omniscient.
La moitié de la classe fronça le sourcil, cherchant le sens que pouvait avoir cette dernière phrase.
- M. Lupin, déclara le directeur de Serdaigle en lui tendant la première copie de la pile, le travail finit toujours par payer.
Le visage du Gryffondor s'éclaira ; James et Sirius le félicitèrent. Severus s'en voulu d'avoir été battu par Lupin, mais savourer le visage vert de cette larve de Pettigrew (« l'anticipation du châtiment ») le consola un peu.
- M. Potter, c'est mieux que la dernière fois… M. Black, c'est correct. Mais en travaillant un peu vous pourriez faire beaucoup mieux. Melle Ollivander, c'est trop bavard. Melle Hopkins, c'est tout juste.
Severus se demanda s'il avait bien rendu sa copie lundi. Peut-être qu'une page avait glissé, et qu'Agni allait lui dire de lui refaire la page manquante. Ou peut-être qu'il avait égaré sa copie tout simplement.
- Miss Délurette, c'est maladroit comme toujours. M. Macnair, c'est moyen. Hum, M. Snape…
Agni avait quasiment murmuré son nom et lui tendit sa copie, l'air gêné, ouvrit la bouche, puis finalement ne dit rien et continua la distribution. Macnair était sidéré d'avoir réussi à avoir une meilleure note que Severus Snape. Ce dernier regardait le chiffre rouge ajouté près de son écriture fine et soigneuse, aussi surnaturel qu'une lune verte dans un ciel bleu. « Vous êtes malheureusement tombé dans le piège du hors-sujet ».
- La dernière… Pettigrew bien sûr. Si encore la fréquentation de Black et Potter pouvait vous améliorer… mais il semble que ce ne soit pas le cas.
Le minuscule adolescent tourna des yeux larmoyants vers ses deux amis, comme s'il espérait qu'ils prennent sa défense.
Quant à Severus, la boule dans son estomac grandissait, il s'efforça de se retenir durant toute cette heure interminable pour ne pas pleurer, évitant de regarder du côté des Maraudeurs qui devaient se moquer de lui copieusement. La cloche sonna sa délivrance, et ignorant le « On fait moins sa grosse tête, crétin » chuchoté par Potter à son oreille, il se dirigea vers la sortie, avec le projet de descendre s'enfermer dans son oubliette pour plusieurs heures…
À peine avait-il parcouru le premier couloir en direction de son cachot qu'il retrouva Peeves.
- Oh… Mais tu as l'air bien triste, Snape-qui-grogne. Est-ce à cause de ce que je t'ai dit hier ? Aurais-je touché une fibre sensible du petit insecte noir de Serpentard ? Du soir au matin nous le voyons s'affairer, silencieux, docile et muet, désespérant de silence et d'obéissance, ouvrant la bouche pour attraper faveurs et compliments… Et si laid, si laid que sa mère a dû pousser un cri en voyant sa bouille torve après qu'on l'eut passée sous l'eau !
Voyant le front de Severus devenir rouge, le spectre eut une pirouette d'excitation.
- Pauvre femme ! Accoucher d'une telle chose ! Et cet enfant qui ne nettoie même pas sa laideur ! Qui se complaît avec ce visage et cette chevelure pleine de crasse ! Par Merlin, son pauvre père devait être obligé de le laver lui-même pour qu'il ne fasse pas honte à sa famille !
À la vue de l'expression horrifiée que le visage de l'adolescent venait de prendre le spectre stoppa ses railleries. Severus brandissait sa baguette, tremblant, la peau des bras soulevée de chair de poule.
- Immobulus, siffla-t-il.
Le spectre eut à peine le temps de réagir qu'il se retrouva congelé.
Le garçon prit le premier escalier qu'il rencontra et le descendit au galop pour cacher ses larmes, mais à cause de sa respiration suspendue, ce temps lui parut triple. Sa tête s'était mise à parler toute seule, comme s'il entendait et sentait des choses qui n'étaient pas autour de lui, brusquement revenues d'un autre univers : de l'eau, de la mousse, un peigne en fer, un claquement contre de la chair mouillée. Des cris, des choses indicibles, un petit animal, lui.
Et soudain il revit son père : il prenait sa chaise, il la tirait jusqu'à sa mère, s'asseyait face à elle, son nez busqué violent comme une flèche, et entamait son procès.
Maman…
Morte depuis si longtemps déjà… Une petite femme faible.
Et le petit insecte pleurnicheur de Serpentard s'arrêta dans un trou au plus profond de l'école, et pleura en silence, comme un arbuste submergé de sève malade.
II
La neige tombe sans cesser, innombrable et hurlante de lumière comme le Soleil.
Pour le petit garçon qui gratte son parchemin de sa plume et de ses doigts noircis, elle est le manteau de sa solitude et la pureté à laquelle il n'aura jamais droit.
Parfois, il tourne son regard vers la fenêtre. Londres fumeux et populeux est devenu silencieux comme les abysses, la nuit quand tombe la neige.
Pauvre petit rat de bibliothèque, perdu dans l'abîme du monde.
Pauvre petite créature aux yeux sombres que n'a jamais traversé la lumière d'une fairy.
Les livres lui avaient ouvert un au-delà merveilleux, un monde de noms et de pensée où il pouvait oublier qui il était, oublier qu'il vivait. Oublié, son propre nom ; oublié, tout ce qu'il avait vécu ; oubliés, son corps et ses souffrances, le son des lourdes chaussures paternelles montant l'escalier jusqu'à sa chambre.
Parfois, à travers ses livres, tournant le dos à la fenêtre, il percevait la lumière d'un autre monde.
Il se disait alors que le purgatoire d'où il pouvait entrevoir la lumière d'en haut, s'il joignait tous les efforts de son esprit en s'élevant à force d'études et de lectures, il pourrait le quitter et connaître le monde du plein soleil, là où les mérites des âmes sont reconnus et où les souffrances s'apaisent enfin dans une bienheureuse chaleur.
Il se disait que la vie était un long sommeil et qu'il se réveillerait un jour ou l'autre.
Oui, il devait exister un lieu où les Justes étaient récompensés.
Il devait…
oo**o**oo
Lorsque le jeune Serpentard rouvrit les yeux et sécha ses larmes, ses précieux grimoires étaient à terre sur le pavement rude des cachots.
« Vérité des visages », le livre que lui avait prêté Angus Russell et sur lequel il s'exerçait à reconnaître l'expression de quelqu'un qui mentait, était ouvert à une de ses dernières pages – on y voyait le tampon de la librairie dans lequel il avait été acheté : Chemin de Traverse, Fleury et Bott, 1969.
Mais Severus n'avait jamais remarqué qu'il y avait quelques mots inscrits au crayon de papier en travers de la page, dans un alphabet étrange – comme une note prise hâtivement. L'écriture avait quelque chose d'enfantin.
Pantachroagèrasèdè
Leukai t'égénon to trichés ék mélainan
Gona d'ou pheroisi.
Ego dé philèmm' abrosunan touto kai moi
To lampron érôs aéliô kai to kalon lelogché. (Sap.)
Le Serpentard se demanda d'abord ce que cela voulait dire, qui était ce « Sap. », puis où il était.
Il se releva et baissa la tête. Ses pieds étaient posés sur la même piste de jeu que celle qui menait à la salle du cours d'alchimie.
Il se trouvait sur la case du Noir.
Alors il revit en imagination l'enfant au poisson sombre de son rêve, se rappela les propos qu'avaient tenu le vieux Novalis, le professeur d'alchimie, sur le Grand Œuvre qui réalise la pierre philosophale : « Le Noir est la première étape à atteindre, mais elle n'est pas la plus facile pour autant. Car c'est le retour de la matière à l'état brut, la perte de toutes les illusions de l'homme sur le monde. Seul celui qui réussit le Noir Parfait peut prétendre à avoir une chance de créer la pierre philosophale, de réussir la Transmutation des corps, mais aussi de l'âme. »
Pourtant, d'après le chemin parcouru dont il avait vaguement mémoire, il devait se trouver dans la partie ouest des cachots – et à en juger l'étroitesse du corridor et les portes minuscules qui le jalonnaient, dans le couloir de service réservé aux elfes de maison. L'heure du déjeuner allait bientôt retentir. Il n'avait pas faim, mais s'il ne mangeait pas la faim le rattraperait sans qu'il s'y attende.
Porté par la transparence de la mélancolie qui suit l'épanchement du chagrin, glissement en profondeur doux comme une ivresse, Severus était sur le point de faire demi-tour, lorsqu'il entendit des bruits de voix.
Les sourcils froncés, il s'arrêta devant la porte d'où cela semblait provenir. C'était la voix chevrotante d'un vieillard.
« Je comprends que le jeune maître n'ait pas voulu que Madame sa mère ne s'occupe pas d'elle s'il venait à décéder. Pauvre Madame, elle est si sensible. Depuis que le jeune Monsieur est mort, la pauvre Madame a presque complètement perdu l'esprit, c'est à peine si elle se rappelle de son fils. Elle est toute seule maintenant, et ce n'est pas le pauvre vieux Stinky qui pourra la consoler ! Pauvre Madame, oh pauvre Madame ! Le père, puis le fils ! C'est la malédiction des Russell, quel malheur ! Et dire que c'est la faute de ce vieux fou de Stinky ! Oh, bien sûr, le Maître n'a jamais été très joyeux. Mais, depuis quelque temps, Stinky voyait Monsieur tout pimpant, il pensait que Monsieur n'était plus déprimé. Alors Stinky n'aurait jamais imaginé que Monsieur... Si seulement Stinky avait su... ! Le jeune Monsieur a toujours été très bon avec Stinky. Il lui a décerné une médaille pour bons et loyaux services. Il lui a prêté des vêtements quand Stinky avait froid. Stinky s'occupait de lui lui depuis qu'il n'était qu'un bébé. Mais Stinky devait le protéger, et il a échoué. Il doit en tirer les conséquences. »
« Donnez-moi ce sabre, elfe stupide ! »
C'était la voix de Melle Méliès, l'androgyne directrice de Serpentard et professeur d'astronomie. Severus se rappela de ce qu'avait dit Russell à son sujet lors de la soirée de Noël... « Si vous saviez ce que j'ai appris, vous n'oseriez plus aller à ses cours... »
« S'il vous plaît Madame la Professeur », reprit la première voix, « laissez Stinky s'acquitter de sa dette ; si Stinky ne peut pas expier, laissez Stinky s'occuper de Mademoiselle Mélanie ! Si ma maîtresse ne peut pas s'occuper du familier dans l'état où... Oh, oh, pauvre maîtresse ! Stinky, lui, peut s'occuper de Mademoiselle Mélanie ! »
« Taisez-vous crétin d'elfe. On nous écoute. »
Severus tressaillit. Il n'eut pas le temps de s'enfuir car la petite porte s'ouvrit aussitôt et une main aux ongles crochus l'empoigna et le tira à l'intérieur. Deux yeux bruns aux sourcils en accent circonflexe le toisèrent ; une bouche féminine se tordit en une moue soupçonneuse.
- Alors, Severus Snape ? Que faisiez vous là ?
- Je me suis perdu.
L'élève se trouvait à présent face à une scène bizarre : Melle Méliès, les bras croisés, attendant apparemment d'autres explications, tandis qu'à ses côtés un elfe de maison tout rabougri avec une petite barbe blanche et un smoking noir de majordome portait une tablette funéraire. Sur cette tablette avait été fixée une photo en noir et blanc, la photo d'un garçon brun, du garçon brun de la bibliothèque qu'il avait remarqué en première année… Sous cette photo était inscrit en lettres capitales « REST IN PEACE, LITTLE ANGE ».
- Vous vous sentez bien Severus ?
- Le garçon sur la photo, il...
Stinky fronça les sourcils et changea la position de ses mains, la deuxième se dégagea de sur la dernière syllabe du mot « ange » :
REST IN PEACE, LITTLE ANGUS
C'est sa tablette funéraire ? Mais alors c'était lui ce garçon dans la bibliothèque ?
Ses yeux incrédules parcoururent le reste du cachot. Le contenu de sa petite oubliette n'était qu'une plaisanterie à côté de ce qui se trouvait dans le bureau de la jeune femme. Du sol au plafond des étagères biscornues ployaient sous la masse de bocaux remplis de minéraux inconnus, de boyaux et de fœtus bizarres. Sur le bureau, dans un grand aquarium posé sur une table, une créature sombre mi-poisson mi-serpent tournoyait tranquillement, semblable aux organes luisants des corps disséqués qui baignaient dans le formol autour d'elle.
Severus reconnut Melle Mélanie, l'affreuse anguille du défunt préfet.
- Ils ne comprennent pas pourquoi nous aimons tant la magie noire, le sang, les ossements et toutes ces « choses gluantes », les Gryffondor et autres joyeux plaisantins, déclara Méliès en plongeant sa main griffue dans l'eau verdâtre. Mais c'est parce que c'est cela la vie, anatomie, non-sens et désespoir. Nous le savons vous et moi, et nous en faisons un art pour le rendre digne d'être vécu.
- C'est l'anguille de Russell…?
- Ce n'est pas une anguille, corrigea l'elfe Stinky. Les anguilles ne ressemblent pas à ça. C'est une murène.
Elle devait être en tout cas douée de parole, à en juger le nombre de fois que Severus avait vu le préfet monologuer avec elle dans le dortoir en lui distribuant de petites chips.
- Je ne sais pas ce que vous faisiez ici, dit Melle Méliès, mais vous tombez à pic. Vous allez monter indiquer à cet elfe où se trouvent les appartements de Serpentard. Il doit y ramener cette murène.
Le vieil elfe joignit les mains et baissa les oreilles.
- Madame ne veut donc pas que Stinky s'en occupe ?
- Votre… « maître » a écrit ces mots sur la lettre qu'il nous a laissé : « Je vous charge de vous occuper de mon familier, l'inconscience de ma vieille mère n'étant plus à prouver. » C'est écrit en noir sur vélin. Regardez. A présent, cette porte que vous voyez-là ouvre sur un escalier. Montez-le et vous vous retrouverez directement dans les cachots de votre maison.
L'elfe de maison se résigna et emprunta l'escalier en compagnie de Severus, faisant léviter l'aquarium, ses mains fripées tendues devant lui.
- Les murènes naissent des larmes des Néréides, expliqua-t-il à l'apprenti-sorcier en grimpant les marches. Chaque fois que son maître pleure, le familier grandit en taille.
Celle-ci était vraiment très longue ; son maître avait dû beaucoup pleurer.
L'escalier les mena effectivement derrière un lambris de la luxueuse salle commune des Serpentard.
- Où faut-il la mettre ? demanda Stinky.
- Je suppose qu'il faut la monter dans notre dortoir, là où elle était auparavant, déclara Severus.
- Mais qui s'en occupera ? demanda l'elfe.
- Je ne sais pas… Je pense que je le ferai si personne ne se propose. Dans ce cas, mieux vaut peut-être la laisser ici en attendant.
Stinky posa l'aquarium sur un guéridon. Après avoir salué l'animal de Feu son maître, il s'éclipsa afin d'aller transplaner hors de Poudlard.
La murène attira vite une poignée de spectateurs, essentiellement des dernières années.
- Mais regardez moi qui voici, s'exclama Parkinson, Mademoiselle Mélanie !
- Moi qui croyais qu'on allait être débarrassé de cette horreur... opina Gabriel Sanchez, le gardien de l'équipe de Quidditch.
- Vous vous rappelez quand le grand Bob l'avait mise dans les toilettes et avait tiré la chasse d'eau ? On avait bien rigolé ce jour-là, fit Parkinson.
- Mais... C'est impossible d'aspirer un animal de cette taille, objecta Severus.
- À l'époque, il y a six ans, elle était beaucoup plus petite, précisa Parkinson. Les poissons comme ça mutent à un certain moment de leur existence. N'empêche que Russell qui n'avait jamais craqué jusque là... Il n'a pas supporté qu'on lui ait fait disparaître sa murène. Il s'est mis à pleurer comme une fontaine en poussant des cris aigus, le visage rouge comme une fraise. Si Malefoy ne s'était pas dévoué pour aller la récupérer, je crois bien que je l'aurais giflé pour qu'il se taise.
Et il se croit drôle cet imbécile ? Bande de crétins, pensa Severus. Si on lui avait tué sa salamandre, il n'aurait peut-être pas pleuré devant tout le monde, mais il aurait été désespéré.
- À cette époque c'était le Grand Bob qui faisait la loi... dit Sanchez en lissant son bouc. Mais Russell refusait de lui prêter allégeance, et il avait son physique contre lui faut bien l'avouer. Un petit cloporte, mais fier comme un coq et féroce comme une teigne ! Il me donnait des coups sous la table avec sa chaussure-sabot...
- Tu l'avais cherché.
- Peut-être... Mais il ne faisait rien comme les autres, ça ne jouait pas en sa faveur. Par exemple, il écrivait toujours au moins un rouleau de plus, comme s'il ne pouvait pas se contenter du maximum requis.
Comme moi, pensa Severus non sans inquiétude... Je vais peut-être finir comme lui, la corde au cou.
- Et puis... Il sentait l'eau de Cologne... Il parlait comme un adulte... C'était un gros prétentieux. Et il était toujours enrhumé... On n'a pas idée d'être toujours enrhumé comme ça.
- Tu parles, je suis sûr que c'est le Grand Bob qui lui avait lancé un sort de Reniflus, répliqua Avery.
- Tu critiques, tu critiques, mais tu participais je te signale !
- Moi, au moins, j'ai des remords ! Le pauvre Angus, il ne pouvait même pas courir pour nous échapper avec sa jambe...
- Le « grand Bob » ? demanda Severus.
- Robert Nott. Il était en dernière année quand nous étions en première. Chaque année il choisissait un « petit » comme souffre-douleur.
Severus avait peine à croire qu'Angus Russell avait été le canard boiteux de Serpentard… Pourtant de nombreuses choses s'expliquaient à présent.
Il le revit lui donnant le tuyau d'une formule pour remplir de vermine le cuir chevelu de Potter, ce jour où il cherchait la bouteille de Macnair. « Celle-là, c'est moi qui l'ait inventée », avait-il déclaré. Il se souvint des insinuations de Bellatrix au sujet d'une jambe anciennement trop courte, de Peeves faisant l'oraison d'Angustus Russell, d'Avery accusant ses camarades de ne pas se sentir coupable du suicide de son ami… Son « ami » Angus qui ne l'appelait, lui Avery, jamais par son prénom.
Beaucoup de choses s'expliquaient... Et c'était pourtant cette même personne, ce garçon charmant qu'il avait vu à la bibliothèque il y avait quatre ans. Lui qui croyait connaître les gens qui l'entouraient... Comme les autres il vivait à travers ses rêves.
oo**o**oo
Les illusions du petit Serpentard débarqué à Poudlard n'avaient duré que quelques heures.
Il s'était trouvé au carrefour des ailes, là où décollent les escaliers, il y avait eu un grondement, une foule de petites têtes noires grimpant un escalier, telle une vague, un nom scandé comme un slogan sportif, comme une incantation... Ils célébraient leur dieu. « POTTER ! POTTER ! VAS Y POTTER ! »
Il n'avait pas raté la cible, le preste élève aux binocles. Et tout avait été fini.
« J'ai trouvé ça dans les escaliers monsieur le directeur... » marmonna le concierge. « Il a l'air sous le choc. »
oo**o**oo
À présent il se trouvait sur la terrasse, si haut que les nuages glissaient autour du château comme des navires, et il était trois heures de l'après-midi.
Il s'était encore perdu dans ses pensées.
- Alors, dit Bellatrix, c'est d'accord pour Hogsmeade ?
Une discussion antérieure émergea dans le cours de son esprit, et il vit l'occasion.
- Une minute... Le dernier jour avant les vacances de Noël, lors de la soirée, tu m'avais dit que je ne savais pas ce que Lucius pensait de moi. Qu'est-ce que tu voulais dire par là exactement ?
Il allait enfin savoir. Quoi que ce fût, étant donné sa situation, il ne pouvait pas tomber plus bas.
- Ce que je voulais dire, c'est que tu crois que Lucius a une certaine image de toi, alors que c'est faux.
- Il... me critique ? questionna anxieusement Severus, tournant toujours le dos à la jeune fille.
- Oh, il ne s'agit pas de ça ! s'exclama celle-ci en riant. Quand je dis « ce qu'il pense de toi », ce que je veux dire c'est qu'il n'a pas derrière la tête les mêmes idées que toi.
"Les mêmes idées que moi "... devinerait-elle que j'admire Lucius ? Que je…? Est-ce que ça impliquerait tout de même qu'il me méprise ?
- Comment t'expliquer ça, Severus, il y a des gens qui ont... des mœurs spéciales. Quand Malefoy te parle d'amitié, ça va bien au-delà j'en ai peur... Ce qu'il pense de toi... Comment te le dire sans t'effrayer ?
- S'il te tournait autour c'était pas pour faire de l'arithmancie, ricana Rosier.
- Hé ! siffla Wilkes. Il a l'air traumatisé. On dirait que c'est le choc de sa vie.
- Lucius est... « homosexuel » ? murmura Severus.
Il n'aurait jamais cru devoir interpréter les paroles de Bellatrix de cette façon là, tout comme ses joues rouges. Lui, Lucius… Deux représentations contradictoires : les sodomites dégoûtants dont parlaient les gens de sa famille et ces illustres figures de la magie noire qu'on savait avoir tenté toutes les transgressions – lumineux émaux de ténèbres qu'il admirait depuis sa petite enfance.
- Tu es vraiment innocent. Ça saute aux yeux que c'en est un, répondit Bellatrix.
Innocent, innocent... Ils s'étaient tous donnés le mot. Pour lui, Lucius avait toujours été une incarnation de la virilité, sans doute à cause de sa pratique du Quidditch, de son regard « pénétrant » de marin dont on sait bien qu'ils sont de solides gaillards, de la façon dont ce regard se posait sur Bellatrix et peut-être même du « mâle » de son nom (il oubliait momentanément le Lucius rougissant de la bibliothèque, le Lucius à la jambe agitée d'un tic nerveux, le Lucius de la classe d'alchimie qui se tortillait sur sa chaise comme un enfant, et il ne lui venait pas à l'esprit que la « virilité » de Lucius n'avait jamais choisi la couleur de ses yeux, ni la consonance de son nom de famille).
- Ce n'est pas parce que ça... « saute aux yeux » que c'est la vérité, enchaîna Severus.
Macnair accusait Lucius de meurtre, ensuite Bellatrix de goûts infâmes. Mais après tout, ce n'était pas la première fois qu'elle le disait... Severus espérait apprendre quelque chose de nouveau, et elle lui rabâchait de vieux trucs, toujours ses mêmes interprétations qui lui faisaient voir la réalité à travers son filtre personnel... comme Macnair.
- Je le sais de source sûre, répliqua Bellatrix.
Severus se retourna brusquement et la jeune fille eut un bref mouvement de recul. Macnair, encore lui. Quoique... Non, ça ne pouvait être lui. Bellatrix n'écouterait pas un quatrième année, et Macnair n'avait jamais prétendu que Lucius était homosexuel. Walden Macnair... il ne l'avait plus beaucoup vu ces derniers jours : il passait toutes ses fins d'après-midi chez les Médipsychomages... « Eux ils m'écoutent, au moins ».
- Hé bien, c'est d'accord pour Hogsmeade.
- Parfait… Evan, il te reste des fondants au chocolat ?
- Prends le paquet, répondit le blond sur un ton désabusé.
- Bellatrix, si tu continues à manger comme ça tu vas devenir grosse comme une barrique, la taquina Wilkes.
- N'importe quoi. Severus, on va au lac dire bonjour au kraken... Tu viens avec nous ?
- Je ne peux pas, j'ai cours de Défense dans cinq minutes.
- Ah, McKinnon... dit Rosier. Elle est grave celle-là.
C'était pourtant la même femme qu'ils massacreraient avec la plus grande cruauté cinq ans plus tard... Rosier rit, puis glissa quelques mots à l'oreille de Severus pour être sûr que Bellatrix ne l'entende pas : « Si Bella t'intéresse, je crois que ce qui la branche, c'est les mecs qui lui disent des méchancetés. »
Son cadet fronça les sourcils et quitta la terrasse.
Il avait accompli la moitié du chemin jusqu'au cours de McKinnon lorsqu'il vit une silhouette à la démarche pimpante lui rappelant fort celle de Russell, faire route vers lui.
C'était Dumbledore.
- Bel après-midi Severus, n'est ce pas ?
- En effet.
- Comment allez-vous ?
- Hum, bien.
- J'y pense... M. Kouign-Aman, un des Médipsychomages avec qui vous vous êtes entretenu en début de semaine, m'a fait part de son grand étonnement à votre sujet.
- Son grand étonnement ?
- Il pense que vous possédez des dons d'occlumens. C'est une prédisposition très rare. Je suis moi-même un spécialiste d'occlumancie. Si vous le désirez, je pourrais vous donner des cours pour développer cette faculté.
- Je... Je ne sais pas si...
- Je ne vous demande pas une réponse immédiate, prenez le temps d'y réfléchir. Venez me voir dans mon bureau quand vous aurez décidé.
oo**o**oo
- J'ai trouvé ça dans les escaliers monsieur le directeur... grommela Argus Rusard. Il a l'air sous le choc. Si j'attrapais les petites canailles qui ont fait ça... Quel dommage que vous ayez interdit les châtiments corporels en succédant à M. Dippey...
Sur ces mots le concierge laissa entrer un petit bonhomme dont les cheveux noirs étaient maculés de liquide rose ; il portait suspendue à son cou par une ficelle une grande pancarte en carton qui disait " LAVE-TOI ".
Albus Dumbledore quitta son bureau et s'approcha de l'élève.
- Bonjour... Dis-moi, qu'est-ce qui t'est arrivé ?
L'enfant resta muet.
- Il ne vous dira rien. Il ne parle pas, dit Rusard.
Le vieux sorcier toucha le liquide et le sentit.
- C'est du shampoing.
- Il y en a partout ! Et qui va nettoyer ça, encore…
- Laissez-moi avec lui Argus, s'il vous plaît.
- Bonne chance, marmonna Rusard le sourcil dubitatif, en s'éclipsant, l'air vaguement écœuré.
Dumbledore sourit en observant le nouvel élève : ses cheveux sombres coupés en un court carré encadraient un visage aux courbes encore enfantines, malgré le nez marqué.
- Nous sommes seuls maintenant. Comment t'appelles-tu ?
- Sev'rus Snap', répondit le Serpentard, les yeux brillants.
- J'ai l'impression qu'il y a un gros chagrin dans ta gorge, Severus Snape. Tu es triste parce que tu es loin de chez toi et que tu ne pensais pas que tes camarades seraient semblables à tous les autres garçons des autres écoles... Mais il n'y a pas de honte à pleurer.
La poitrine du garçon se souleva, de grosses larmes coulèrent le long de ses joues rondes.
- Viens, lui dit le directeur en posant sa main sur son épaule.
Il l'amena devant un oiseau de feu aux ailes magnifiques.
- Regarde-le Severus, murmura-t-il.
La voix du vieux sorcier était douce et chuchotante, comme le son d'une cendre grise qu'on remue dans un brasier à peine luisant.
- C'est un Phénix. Il est né au soleil de la lointaine et haute Héliopolis, et ses larmes peuvent soigner tous les maux. Il brûle de toute sa splendeur pendant un temps, puis meurt et renaît de ses cendres. Regarde comme il est beau... Cela ne te console-t-il pas ?
Le petit Serpentard s'essuya les yeux et secoua la tête négativement.
oo**o**oo
Rien ne parvient à me consoler.
Descendu après le dîner dans cette cachette que lui avait offerte la pitié de Dumbledore, Severus observa son reflet dans le miroir. « Vérité des visages »… Malgré toutes les émanations vagues de sa conscience, il exprimait la vérité de son être : le sarcastique, cynique garçon avait toujours été malheureux ; son corps reflétait sa déchéance, sa cruelle vérité, non pas une apparence sans importance qui serait le masque de son âme vraie. Maigre, noir, et pâle, racine sans soleil, survivant à la frêle lueur de ses livres.
Comme il haïssait ces cheveux… Tout en son visage, en lui, le dégoûtait. Il ouvrit le tiroir de sa petite table, se regarda à nouveau dans la glace, les ciseaux à la main. Lucius aura beau aimer tous les hommes et toutes les femmes du monde, jamais il n'aimera quelqu'un comme moi. Le bruissement des lames ; qu'a-t-il fallu pour qu'il en arrive là ? Il voulait les châtier et se châtier lui, se laver, disparaître. Baissant le bras, il posa son regard sur les chutes, morbides comme des membres de poupée qu'on a séparé de leur corps.
Un bruit de porte le fit tressaillir, suivi d'une voix grave mais jeune.
- Jolie petite planque… Comment tu l'as eue ?
Severus n'eut pas le temps de se retourner ; la voix de Lucius se transforma en contact dans son dos, en bras autour de sa taille, contre son ventre, en menton posé à la jointure de son épaule et son cou fébriles.
- Excuse-moi pour la dernière fois, dit-il d'une voix douce. J'étais énervé. Je ne pensais pas ce que je disais.
Son bras droit se détacha et il fit glisser sa main sur sa joue.
- Qu'est-ce qui est arrivé à tes cheveux ?
- Je les ai coupés.
- Pourquoi ? Ils avaient une si belle couleur.
- Je… Je voulais changer.
Severus n'avait pas trouvé de meilleure réponse.
- C'est dommage, répondit Lucius. Moi, j'aime beaucoup les cheveux longs.
L'adolescent lâcha la paire de ciseaux ; Lucius s'en empara aussitôt et la rangea dans sa poche.
- Tu ne crois pas que ça m'irait bien ?
Il prononça une formule magique.
- Juste un essai, dit Lucius après avoir relâché son étreinte.
Severus se retourna : le mirage de magnifiques cheveux longs luisait à présent de chaque côté du visage de Lucius d'un éclat lunaire. Mais ses yeux étaient étranges, comme s'il était ivre. Ce n'était pas une ivresse d'alcool, mais assez semblable à sa façon d'être lors de la classe d'alchimie, quand il le regardait en souriant.
- Tu viens à Hogsmeade avec moi après-demain ?
- En fait… j'ai déjà promis à Bellatrix.
- Black ? Tu préfères voir Black ?
- Non…
Le visage de Severus était très beau à la lumière des bougies. Ses longs yeux noirs paraissaient si intenses, comme emplis de souffrance, immenses. Lucius passa sa main dans les mèches coupées de son cadet, elles repoussaient entre ses doigts, et il le serra contre lui ; Severus aurait souhaité que cette étreinte ne finisse jamais.
La vie était belle. Pourquoi en avait-il jamais douté ? Était-il possible qu'à certains moments de son existence, il eut préféré demeurer dans le néant de son sommeil plutôt que de vivre ce qu'il avait à vivre ?
Ce soir-là, Severus rejoignit la salle commune le cœur léger. Les deux Médipsychomages le précédaient de quelques mètres, car leur chambre se situait sur le chemin qui menait aux appartements de Serpentard.
L'élève vit l'assistant tendre à l'ami de McGonagall un bouquet de roses blanches.
- Tenez. Je les ai cueillies moi-même. Vous pourrez les offrir à Minerva?
- Cueillies... dans la serre de Mme Chourave je suppose ?
- Hum... Oui.
- Ah, l'amour, Gwénolé... Que ne ferait-on pas par amour ?
- Vous croyez que... ?
- Je ne crois plus, j'en suis sûr.
- Pourtant je n'ai pas réussi à lire en lui...
- Je n'ai peut-être pas des dons d'occlumens comme toi, mais je sais poser les bonnes questions.
L'assistant se gratta le menton.
- Ce n'est pas surprenant quand j'y réfléchis. Cela colle parfaitement.
- Élémentaire, mon cher, élémentaire...
à suivre