
Isabelle Delacour se promenait dans les jardins très privés du domaine Delacour et songeait à tout et rien, elle appréciait l’instant présent. La soirée était douce et ces moments de quiétude lui faisaient le plus grand bien. Elle avait pris sa retraite en tant que leader du Clan Delacour trois années auparavant en faveur de l’aînée de ses petits-enfants. D’ailleurs, la petite fille qui courait vers elle à toute vapeur était une copie conforme de ladite petite-fille. Le temps que son cerveau réagisse, la boule d’énergie l’avait atteinte et lui enserrait les mains en la regardant avec des yeux déterminés:
-Maman est malade! Où est Fleur Delacour?!
En sentant le contact, Isabelle Delcour faillit s’évanouir.
-C’est impossible…
Fleur Delacour était une personne régalienne. Tout dans son attitude et son apparence transperçaient la dignité de sa fonction de Leader. Veela jusqu’aux bouts des ongles: grande, blonde, yeux bleus, une silhouette de sportive de haut niveau et une beauté inhumaine. Bien que sa grand-mère et sa mère aient toutes deux rencontré un homme comme âme-soeur, Fleur était une veela. Jamais le sang ne se diluait. Elle était actuellement en tournée diplomatique en Egypte pour affirmer et rassurer sur le pouvoir du Clan et surtout, la bonne administration et protection. Elle avait su s’imposer intelligemment et fermement dans sa fonction, et suscitait beaucoup de respect.
Elle était en pleine réunion avec des hautes dirigeantes quand sa mère fit une apparition imprévue, le visage constellé de confusion et agrippa Fleur par le bras:
-Veuillez nous pardonner!
Et Fleur n’eut que l’instinct de ne pas attaquer sa génitrice par réflexe de défense et de se laisser happer par sa magie.
Elles atterrirent dans le salon du domaine Delacour. Fleur assura son équilibre et lança un regard d’incompréhension à sa mère et grand-mère, également présente.
-Mais que se passe-t-il?
-Madame Fleur Delacour?
Fleur se tourna vers la voix. Une petite-fille émergea de derrière les deux femmes.
-Oui, à qui ai-je l’honneur?
Fleur observait avec intensité la jeune personne. Quelque chose l’intriguait au plus profond d’elle par rapport à cette petite. Elle se sentit bizarre.
-Rose Minerva Granger.
Fleur perdit toute sa dignité et laissa échapper un étrange son d’étonnement.
-Vous êtes mon autre parente. La personne qui a brisé le cœur d’Hermione Granger en la quittant juste après l’avoir mise enceinte.
Fleur s’écroula sur un fauteuil qui s’était empressé de venir se poser derrière elle.
-Je me moque bien de vous mais maman est gravement malade et malgré tout ce que nous avons essayé, elle ne guérit pas. Elle a diagnostiqué que son mal était créé par le lien magique qui vous unit. Je suis venue vous demander de mettre fin à ce lien afin qu’elle aille mieux.
Fleur retrouva enfin sa capacité à parler.
-Tu es la fille d’Hermione? Ma fille… notre enfant?
-C’est ce que j’ai dit.
-Hermione est malade?
-Idem.
-Elle a besoin de moi?
-Vu votre manque flagrant d’intelligence, je ne comprends pas comment vous avez pu attirer le regard de maman.
Fleur plissa les yeux face à la pique et retrouva sa contenance et son cerveau. Elle se leva de sa haute stature et s’avança vers Rose. C’était impressionnant et intimidant. Isabelle décida que son arrière petite-fille était courageuse pour oser soutenir un tel regard, une telle prestance. Mais après tout, c’était son sang, sa lignée. Fleur s’arrêta et Rose déglutit. Et à l’étonnement général, Fleur s’agenouilla et détailla ses traits. Rose était indéniablement veela. Elle se voyait à son âge. Mais les quelques tâches de rousseur, la forme du nez et l’éclat des yeux, c’était Hermione. Son âme-soeur qui l’avait quittée sans un mot, sans se retourner, il y a sept ans. Et à l’évidence, porteuse de leur enfant. Fleur étendit doucement ses bras et enlaça son enfant, pour la première fois. Rose se raidit mais sentit une douceur et une chaleur familières la caresser.
Les quatre générations de Delacour -car selon les lois de la magie, Rose était une Delacour, la preuve en était que les sortilèges de sécurité du bâtiment l’avaient laissée entrer sans rechigner.
-Explique-nous Rose, stp, demanda Appoline.
Rose comprit tout de suite ce qui lui était demandé.
-Je vis en Australie avec maman, mamy et papy. Maman est une “mediwitch” renommée et travaille à l'hôpital de magie et à l'hôpital moldu. Elle porte le nom de Tomkink, oui le patronyme de l’auteur du livre l’Histoire de Poudlard. C’est sous ce nom que maman me présente partout dont l’école. Elle a voulu s’assurer que vous ne nous retrouviez pas. Tout allait bien. Mais il y a quelques semaines, maman est tombée malade et personne ne parvient à l’aider. Cinq jours de ça, son état a empiré drastiquement. Elle se meurt. Je l’ai suppliée de me parler car je sentais qu’elle savait ce qui n’allait pas. Elle m’a avoué que c’était le “lien” qu’elle partage avec mon autre parente qui la détruisait. Elle a refusé de me donner votre nom. Ce sont mes grands-parents qui ont cédé à force de supplications. Et me voilà. Je veux que vous aidiez ma mère en renonçant à votre “lien”.
Un silence oppressant suivit ces explications.
-Quel langage, quelle intelligence pour ton âge. Hermione a une fille digne d’elle, souffla Appoline.
-Hermione soigne par la magie et la médecine moldue, s’extasia Isabelle.
-Oui. Elle a même développé une nouvelle forme de médecine qui allie les deux méthodes.
-Incroyable…
Seule Fleur se taisait. Rose la regardait, anxieuse.
-Tu ne savais rien de moi avant la semaine dernière.
Rose confirma.
-Il est impossible de détruire le “lien” dont tu parles.
Rose se rétrécit pour la première fois et sur son visage, on vit la petite fille apeurée.
-Mais cela ne signifie pas que je ne peux pas l’aider. Je vais tout faire pour qu’elle aille mieux.
Rose éclata en sanglots et ne sut pas vers qui se tourner. Appoline comprit le dilemme de sa petite-fille qui se sentait seule en ces lieux. Elle se leva et offrit un refuge. Rose s’y laissa aller et pleura à bouillons. Fleur aurait aimé être celle qui console son enfant mais elle ressentait à quel point celle-ci se méfiait d’elle. Elle ne voulut pas s’imposer malgré ce que lui hurlait son instinct. Elle fit signe à sa grand-mère de la suivre dans son bureau. Là, Fleur s’affala sur sa chaise de travail.
-Hermione et moi avons une enfant.
Elle était blanche.
-Et quelle enfant!
-Grand-mère!
-Tu ne peux pas m’empêcher de ressentir de la fierté! tu l’as vue?!
-Oui, je n’ai fait que ça! Par Merlin! Elle lui ressemble tellement.
-Oui. Et elle est aussi la future Leader du Clan Delacour.
-Elle vient seulement de nous revenir et encore. Et tu parles déjà de…
-Tu l’as senti aussi. Elle a hérité, de toi, l’alpha.
-Je sais.
-Il faut l’éduquer.
-Pas maintenant. Rose ne sait rien de ce que signifie être une veela. Encore moins de son héritage matériel. Et elle choisira.
-Mais…
-Non. Ma fille ne se verra pas imposer une vie qui n’est pas la sienne.
-Bien sûr. Que vas-tu faire?
-Retrouver Hermione.
Fleur et Rose émergèrent de la cheminée de la résidence Granger. Rose se retrouva dans son élément tandis que Fleur inspectait du regard le salon. Le salon de la maison où sa famille vivait. Elle entendit Rose parler et des voix adultes lui répondre. Tout aussi vite, un couple âgé vint à sa rencontre. Fleur reconnut les parents d’Hermione. Elle s’avança et leur tendit la main. Mais à la place de lui rendre la politesse, les grands-parents se jetèrent dans ses bras, les larmes aux yeux.
-Merci! Merci d’être revenue!
Fleur s’était attendue à être mal accueillie, à ce qu’on lui en veuille, à bien des choses. Mais pas à ceci.
-Notre fille a tellement espéré votre retour même si elle n’en parlait pas. On le savait.
Cela l’ébranla.
-Où est-elle?
Ils désignèrent l’étage. Rose lui ouvrit la voie. Enfin, elles arrivèrent devant une porte fermée. Rose la regarda avec des yeux teintés d’émotions diverses et contraires.
-C’est ma maman là. Elle a tout fait pour moi. Svp…
Fleur se baissa à sa hauteur et osa entourer ses épaules.
-Ta mère et toi pouvez et pourrez toujours compter sur moi.
-Vous êtes partie, murmura l’enfant.
-L’histoire est plus complexe que ça. Nous en reparlerons.
Fleur se releva et prit une profonde inspiration avant de frapper pour signaler sa présence et d’entrer.
-Bonjour Fleur.
Allongée sur un lit semblant fort confortable et entourée de livres, Hermion Jean Granger, la sorcière la plus brillante de sa génération, membre du Trio doré, gisait dans un état de grande faiblesse. On aurait dit que toute couleur avait déserté son corps au profit d’un gris de mauvaise augure. Sa voix était faible et ses gestes pesants. Seule la lumière dans son regard attestait que la vie, la vraie, ne l’avait pas encore quittée. Et Fleur contempla submergée d’émotions trop longtemps refoulées, la personne qu’elle aimait. Qu’elle aimait depuis qu’elle l’avait sentie en descendant du vaisseau de Beauxbatons pour participer au Tournoi des trois sorciers. Tant d’années passées et tant de partages.
-Tu as l’air en forme.
Fleur se tendit.
-Ca fait un bail.
Fleur craqua.
-Tu es partie! Partie! sans un mot et avec notre enfant! sans te retourner! 7 ans Hermione!
-C’est un bon résumé de la situation. Mais je crains que l’histoire soit plus compliquée que ça. Car de mon point de vue, je suis partie car tu ne voulais pas de moi.
Fleur resta bouche bée en entendant cette version. Plusieurs secondes.
-Comment ça?! Comment aurais-je pu ne plus vouloir de toi! Je t’aime! Tu es mon âme-soeur, la seule! Et la mère de notre enfant !
-Comment ?!
Hermione était sur le point de rétorquer mais une quinte de toux sombre et profonde l'entraîna dans un cycle de convulsions.
La sorcière britannique se réveilla en douceur en sentant un gant mouillé lui éponger la sueur poisseuse de son visage. Mais ce qui l’avait ramenée, c’était le “lien” qui l’énergisait comme cela lui avait tant manqué. Elle ouvrit les yeux et vit, sans étonnement, que Fleur l’enveloppait de sa magie. Elles se dévisagèrent plus sereinement.
-Pourquoi?
-Pourquoi quoi?
-Pourquoi ne m’as-tu pas cherchée?
Fleur semblait peser les mots justes pour s’exprimer.
-Après la fin de la guerre, quand j’ai été enfin libre de dévoiler que ma relation avec Bill était une ruse, un subterfuge pour me permettre de rester en Grande Bretagne et me battre à tes côtés, toi. Tu te souviens sûrement que le Ministère de ton pays n'accueillait pas à bras ouverts les "créatures magiques” insoumises.
Hermion confirma.
-J’étais enfin libre de te révéler mes sentiments et la véritable nature de ce qui nous unissait. J’étais tellement effrayée que tu me repousses ou sois dégoûtée par mon sang. Non Hermione (celle-ci avait voulu protester), il faut bien te rendre compte que j’étais intimidée par tout que tu étais et doutais d’être assez bien pour toi. Mais quand tu m’as acceptée, quand tu as retourné mes sentiments sans retenue, j’étais comme ivre. Ivre de bonheur.
-Fleur… Ca a toujours été toi depuis ma 4e année.
Fleur retint ses larmes en apprenant cette révélation. Tant de temps perdu.
-Mais ce matin-là, tu étais partie.
-J’avais été rappelée par le Clan. La fin de Voldemort avait des conséquences retentissantes pour les créatures magiques. Je devais être présente. Mais j’aurais voulu vivre ce premier réveil à tes côtés. Te découvrir encore et encore. Débuter une vie avec toi. Et j’avais profité de ce voyage rapide pour récupérer ceci.
De sa poche, Fleur sortit une bague ouvragée, ancienne, portant les armoiries Delacour.
-Je prévoyais de te demander en mariage.
Hermione était sans voix mais la retrouva.
-Je ne comprends pas… quand je te n’ai pas trouvée au réveil, je suis descendue et j’ai croisé Ron qui m’a dit que tu étais partie en déclarant avoir fait une énorme erreur avec moi et qu’il te fallait partir.
Ce fut au tour de Fleur de perdre momentanément sa voix.
-Je me souviens avoir croisé Ron en partant. Oui, j’ai dit avoir fait une erreur mais pas énorme. Et l’erreur en question était justement que je n’aurais pas dû douter de toi en croyant que tu me repousserais. J’étais furieuse contre moi! Mais si heureuse! Je planais plus que lorsque je vole! Et quand je suis revenue, plus tard, avec la bague, je lui ai demandé où tu étais. Il n’y avait que lui dans les parages. Il m’a répondu que tu étais partie. Je t’ai cherchée Ermione. Longtemps, des années. Tu es si douée que je n’ai pas su trouver le moindre indice. Particulièrement à cause du fait que tu as, je-ne-sais-comment, sceller notre lien pour m’empêcher de te sentir.
Le silence qui suivit ce récit était électrique.
-Depuis que je t’ai rencontrée à Poudlard, j’ai étudié tout ce que je pouvais sur les veelas. Je voulais tout savoir de toi. Quand j’ai découvert le concept “d’âme-soeur”, j’ai été profondément triste en pensant que je ne serais jamais personne pour toi sinon l’amie du frère de ton compagnon. Au fil de mes lectures, j’ai trouvé un ancien sortilège qui permet à l’une des deux parties de se soustraire du lien.
Fleur était choquée d’apprendre tout ça et particulièrement l’existence d’un tel sortilège.
-Et Ron m’a aidée à partir. Il ne cessait de me répéter que tu avais eu ce que tu voulais et ne te retournerais pas sur quelqu’un comme moi.
Pour la première fois, Fleur se fâcha.
-Ron! Je vais le tuer! Il a toujours voulu être avec toi et je pouvais sentir toute sa jalousie! Après ta disparition, il n’a pas arrêté de déblatérer que vous auriez été parfaitement bien ensemble et que je t’avais volée! Il fallu l’intervention combinée d’Harry et de Molly pour le remettre à sa place, et encore!
Toutes ces révélations ne signifiait qu’une chose: 7 années d’incompréhension qui les avaient séparées.
-Rose? questionna Fleur relevant un sourcil parfaitement sculpté pour cacher un visage désespéré à la mention de leur enfant. Un choix de prénom intéressant.
-Je ne voulais pas la couper totalement de toi.
-C’est un magnifique prénom. Et notre fille est incroyable. Tu as accompli tant de choses remarquables.
Hermione la questionna du regard.
-Rose ne tarit pas d’éloges à ton égard. Et de colère à mon encontre.
-Je n’ai jamais dit un mot négatif te concernant, ni mes parents. Mais elle avait des questions et parler de toi était si difficile… j’ai fait l’erreur de la laisser imaginer et élaborer les pires théories.
-Ne t’inquiète pas, je comprends. Nous en reparlerons. Pour le moment, la priorité est de te guérir. Ton diagnostic est correct, comme toujours, c’est notre lien qui est la cause de ta lente mort. Une fois formé, le lien est indestructible et se renforce au fil du temps passé ensemble. Après la première union, il est crucial de passer du temps ensemble pour sa santé. Ça n'a pas eu lieu. Pendant ces 7 années, j’ai vécu dans la peur constante de ne plus le sentir car tu serais morte à cause de moi. Que tu aies survécu si longtemps sans être malade plus tôt relève du miracle. Bien que je ne devrais pas être étonnée. Tu es la plus puissante sorcière que j’ai jamais rencontré et pourtant, j’ai voyagé à travers le monde. Mais maintenant que je suis là, que nous sommes réunies, tu vas aller mieux. Nos cœurs magiques vont se reconnecter et le lien va te guérir. Tu vas déjà mieux.
Ce n'était pas une question mais un état de fait. Et oui, Hermione sentait que ça allait déjà mieux.
-Je voudrais vous emmener dans le domaine Delacour pour ta convalescence. Tu es une Delacour et les lois de fonctionnement de notre magie font que, au sein de notre forteresse, entourée de notre puissance, tu seras comme dans un cocon de guérison. Bien sûr, je ne peux rien t’imposer à toi, notre fille, ni tes parents. Je peux apparaître jour après jour pour partager ma magie mais cela retardera ta complète guérison.
-Il faut leur demander ce qu’ils préfèrent. Pour ma part, j’accepte. J’ai suffisamment frôlé la mort depuis que je suis petite pour ne pas souhaiter m’en éloigner quand elle est si ridicule.
-Bon. Je vais aller parler à ta famille.
-Notre famille.
Fleur sourit face à la correction. L’avenir s’éclaircissait enfin et elle avait hâte de le découvrir ensemble, avec sa famille.