
Hermione essuyait ses larmes et retenait avec peine des soupirs. Ce n’était pas la première fois pourtant mais à chaque fois, l’émotion la submergeait. Les sentiments dans tous les sens, elle reprenait son souffle. C’était tellement injuste. Qui avait donc imaginé un tel scénario? Quelle douce folie… Emmitouflée dans un plaid poncho, elle sortit ses mains de cette couverture pour sécher ses joues et se tourna vers sa compagne. Ladite compagne la regardait l’air pensif en écoutant le générique de fin. Là aussi, Hermione contenait difficilement le torrent de ses pensées. L’autre femme tendit une main stable pour receuillir une larme et la gouter.
-Le pire, c’est que ce ne sont pas des larmes de crocodile.
Hermione s’offusqua presque. Elle regarda la blonde dans les yeux et vit la vérité. Elle s’offusqua pour de bon.
-Tu n’as pas de coeur! s’exclama-t-elle.
-Moi? Tu ne peux quand même pas espérer que je me transforme en guimauve face à “ça”.
-N’insulte pas le plus grand film de tous les temps!
-N’exagérons pas…
-Mon film préféré!
-Ca, c’est exagéré.
-Fleur!
-Mon amour, remets en route ton merveilleux cerveau et analyse logiquement cette mascarade. C’est impossible que ces deux-là se soient trouvés et vivent une vraie histoire d’amour. Enfin, elle vient de la haute société et lui, il n’est rien. Et cette planche… ils auraient pu s’en tirer tous les deux.
Fleur, tout à son explication, manqua complètement le regard embué de sa petite-amie se transformer en celui digne d’un basilique. Heureusement pour la veela, les propriétés de l’animal reptilien étaient encore hors de portée de la plus brillante sorcière de sa génération.
-Et sache que même National Geographic a sorti un documentaire sur cette question de la planche, siffla Hermione, comme un serpent.
-Je ne sais pas qui est ce National Geographic mais il ne faut pas avoir passé ses ASPIC pour prouver l’évidence. C’était plus que faisable.
-Bon sang Fleur! Fais un peu preuve de romantisme et ne juge pas mes goûts!
Hermione s’était levée du sofa en tremblant de rage cette fois. Et pour la seconde fois, Fleur rata tous les avertissements.
-Mon amour, je ne juge pas. Je constate.
-Et il ne t’a pas traversé l’esprit que ce film, c’était aussi nous?!
Confuse, Fleur ne comprenait pas.
-Hum…
-Toi, l’héritière Delacour, richissime, inhumainement belle et surtout, future Leader des clans d’Europe! Pratiquement une princesse sans le titre et bientôt, une reine! Et moi, la sang-de-bourbe, sans rien à offrir!
Fleur fronça les sourcils, elle détestait cette appellation.
-On n’aurait jamais dû se rencontrer! 2 mondes! 2 espèces différentes! 2 femmes! Un voyage semé d'embûches pour être ensemble malgré les regards des sociétés!
-Hum…tu nous compares à Jack et Rose ? Mais, ça n’a rien à voir!
-Si! Eux aussi ont vécu ces moments!
-Ben non, 1 femme et 1 homme…
Et Fleur creusait elle-même sa tombe.
-C’est l’idée! Comment ai-je pu tomber amoureuse d’une personne aussi insensible!
-Ah mais rassure-toi, je ne te laisserai jamais tomber, il y aura toujours de la place pour toi sur ma planche.
Fleur tentait de rattraper le coup même si elle n’avait rien compris… et se coucha donc dans sa tombe.
-Zut! Assez! Je m’en vais! Au revoir!
Et comme ça, Hermione se transporta ailleurs, loin d’une Fleur qui était figée et estomaquée. sur fond des dernières notes du film Titanic.
Cela faisait une semaine. Une semaine interminable où Hermione avait refusé de répondre à une Fleur qui maitrisait difficilement sa colère -envers elle-même car elle avait l’impression que c’était elle le problème. En désespoir de cause, elle décida de sortir l’artillerie lourde. Elle alla chez Harry et Luna le we suivant.
Dans le salon du square Grimmauld, Harry servait le thé. Il connaissait moins bien Fleur bien sûr. Mais la relation de la veela avec sa meilleure amie -quasi soeur- lui avait permis de la découvrir, de l’admirer et de se réjouir qu’Hermione ait trouvé une personne aussi parfaite pour elle. Donc, que Fleur soit là, assise, défaite, à raconter qu’Hermione l’avait lâchée en une sortie digne d’un péplum hollywoodien le dépassait. La Gryffondor était complètement et irrévocablement amoureuse de l'héritière.
-Attends, Fleur, rembobine.
-Ca veut dire quoi “rembobiner” ? demanda cette dernière.
-Revenir en arrière, expliqua Luna.
-Ah, d’accord.
-Il me faut plus de contexte. Jamais Hermione ne ferait jamais ça sortit de nulle part. Vous faisiez quoi avant tout ça?
-C’était notre soirée “moldue”.
-Votre quoi?!
-Comme Hermione vient d’une famille de moldus, j’ai voulu en apprendre plus. Je n’ai pas choisi cette option à Beauxbâtons. Bref, on a instauré une soirée par semaine où elle m’introduit à des activités de son monde. Et là, elle voulait me montrer un “film”. Je connaissais le concept mais n’en avais jamais vu. Je l’ai laissée choisir.
-Laisse-moi deviner, la coupa Harry, Titanic?
-Oui! Tu connais ?
-A moins d’avoir vécu dans une grotte, et encore, tous les moldus connaissent au moins la référence.
-A ce point?
-Bien sûr! Tu l’as vu, tu comprends!
Silence.
-Fleur, reprit gentiment Luna comme son époux avait les yeux écarquillés par l’horreur. Comment as-tu réagi face à ce film? Comment était Hermione? Tu as aimé?
-J’ai réagi, eh bien, je n’ai pas réagi en soi. C’était nul. Je n’ai pas compris qu’elle soit si émue tout au long et même pleure! Donc non, je n’ai pas aimé.
Luna se mit à rire gentiment. Quant à Harry, il récupérait sa voix.
-Ah la vache Fleur! Tu es une veela dans de beaux draps! Hermione avait un poster de ce film dans son dortoir à Poudlard! Sa tasse préférée, perdue durant la bataille, était à son effigie! Elle est allée au cinéma le voir plus de 15x! Plus, si on compte les rediffusions! En fait, c’est sûrement une centaine de fois! Elle connaît les dialogues par coeur!
Luna frotta affectueusement le dos de son époux pour l’aider à se calmer et se tourna vers Fleur.
-Et qu’as-tu dit d'autre?
Fleur réfléchit.
-Hum… Je me souviens lui avoir dit que cette histoire de planche était ridicule, grosso modo. Et que jamais, jamais, une telle rencontre et un tel amour ne pourraient exister dans la vraie vie. Ca l’a bien énervée je crois. Car elle nous a comparés à cet étrange couple bien que je ne vois pas la ressemblance.
-Fleur! Cette question de la planche divise les fans depuis que le film est sorti! C’est sérieux comme débat!
Luna regarda, surprise, Harry.
-Et évidemment qu’elle vous compare à Jack et Rose! Bon sang, elle en pince pour toi depuis notre 4e année et le Tournoi! La femme impossible à atteindre, qui ne la regarderait jamais, trop loin de tout ce qui compose son univers!
-Mais, vous le savez maintenant, je l’avais vue. Elle est mon âme-soeur.
-Que tu n’as avoué qu’après qu’elle ait fini ses études de masters, qu’elle a faits en Inde pour tenter de t’oublier!
-Bien sûr! Elle était une enfant durant le Tournoi. Je voulais lui laisser l’opportunité de vivre sa vie d’ado avant de me dévoiler.
-Et comment pouvait-elle le savoir?! Tu as remarquablement caché votre lien et elle était malheureuse persuadée que tu ne savais même pas qu’elle existait! Alors oui, le parallèle est simple entre vous et son film préféré de tous les temps.
-Et le tien aussi, dirait-on, ajouta Luna. Je ne savais pas, c’est mignon.
-Titanic n’a rien de mignon! “Tu as plus de chance de voir des anges sortir du trou de balle que de fréquenter une fille comme ça!” C’est de la poésie pure!
-Tellement choupinou.
Fleur leva un sourcil parfaitement sculpté, pas vraiment d’accord avec la définition de poésie.
-Bref, Fleur, laisse-moi te dire que tu es mal barrée.
Fleur prenait conscience de l’ampleur de son erreur.
-J’ai foiré, je crois.
-Yep.
-Allons, ça n’est pas si horrible que ça en a l’air.
-Elle m’a quittée.
-Tu as insulté son amour.
-Chéri, pas la peine de retourner le couteau dans la plaie. Et bien que j’entende que Titanic soit votre religion, je pense aussi qu’Hermione y est allée un peu fort. Et la connaissant, elle se dit probablement la même chose mais est trop fière pour le reconnaître, voire honteuse. Et toi, Fleur, elle t’a fait passer un message.
-Quel message? demanda une Fleur confuse.
-Le coeur d’une femme est un océan de secrets.
Fleur la regardait perplexe. Harry aussi pour le coup, il ignorait que Luna l’avait vu.
-Elle ne veut pas que ça finisse comme dans Titanic. Et arrête de penser à la planche! précisa-t-elle face à au visage contrit de la blonde. Elle veut aller au-delà…
-Hum…
-Heureusement, tu es plus douée pour diriger ton Clan que pour décoder un message aussi simple. Quoique ça soit quand même inquiétant.
Fleur regarda Harry qui avait dorénavant les yeux brillants.
-Tu as compris le message toi?
-Oh que oui.
-Et vous ne me direz rien?
-Oh non, on va s'asseoir avec du pop-corn. Faire des paris sur combien de temps tu vas mettre pour piger. Et regarder cette série avec beaucoup d’amusement! Mais je vais être bon prince et te donner un indice : “Pour que ce jour compte!”
-Ca ne veut rien dire!
-Blasphème! Sors d’ici païenne!
-Tu es toujours la bienvenue Fleur, rigola Luna.
Elle entendit vaguement Harry demander à Luna quand elle avait vu le film pour en connaître une réplique et une Luna rêveuse répondit ne l’avoir jamais regardé mais imaginer que ça serait bien quelque chose que dirait cette fameuse Rose.
Penaude, Fleur Delacour partit dans la nuit étoilée pour s’envoler vers sa résidence. L’air frais et l’exercice lui éclaircissaient habituellement l’esprit. Mais pas ici. Elle atterrit sans avoir trouvé de réponse. Le sommeil la fuyait et elle ne sombrait pas. Quelle ironie.
Le lendemain, le visage chiffonné par une nuit blanche à ruminer, elle descendit prendre son petit-déjeuner en famille. Autour de la table, sa petite sœur, Gabrielle, et sa grand-mère, Isabelle, actuelle Leader. Elles la regardèrent, prises de court face à tant d’aura de tristesse. Et Fleur raconta, à nouveau, son Titanic. Car elle avait décidé d’appeler ainsi cette première et incompréhensible dispute. Elle la comparait à un iceberg qu’Hermione aurait tenté de lui indiquer tout au long de leur conversation jusqu’à ce qu’elle, Fleur, heurte le colosse à défaut d’avoir prêté attention aux signes. Sa grand-mère ne comprenait rien non plus. Par contre, sa sœur éclata de rire à la fin à en avoir mal.
-Tu n’as vraiment rien compris?!
Fleur scrutait avec curiosité une Gabrielle bien plus au fait qu’elle, semblait-il.
-Non. Mais stp, éclaire-moi.
-Tu me donnes quoi en échange?
-Mon éternelle gratitude.
-Rien à foutre. Je veux du concret.
-Gabrielle! l’apostropha leur grand-mère! Ta sœur a besoin d’aide! Alors change de ton!
-Mais! Non! Fleur, je veux ta dédicace de la capitaine des Harpies!
-Ah, je dois bien admettre que moi aussi, j’en suis jalouse.
-Mamy!
-Alors? Ton Hermione vaut bien ce sacrifice…
-Espèce de… Deal!
-Parfait! Je la veux transférée dans mon coffre d’ici le dîner! Pas le souper hein! Si c’est fait, je t’inonde de mon savoir!
-Je te déteste!
-Peut-être mais tu vas me vénérer sous peu. J’ai vu Titanic plusieurs fois avec mes camarades moldus à l’école. Moi.
-Même moi, je l’ai vu une fois, rajouta une couche la Leader.
Fleur leva les yeux au ciel.
Une semaine encore plus tard, Hermione regardait avec culpabilité le portoloin que Fleur lui avait envoyé avec l’instruction précise de l’activer pour 19h en lui écrivant “pour que ce jour compte, rendez-vous sous l’horloge”. Elle était confuse face à cette référence et à l’horloge qui la toisait, la narguait avec son tic-tac qui torturait son impatience. Ca faisait 2 longues semaines qu’elle n’avait plus vu sa Fleur et elle s’en voulait pour la stupidité de cette situation. Elle savait pourquoi elle avait réagi aussi violemment, émotionnellement mais elle s’était mal exprimée et avait obtenu un résultat inattendu. Elle était souvent passée chez Harry et Luna qui l’avaient réconfortée tout en souriant d’une manière qui lui rappelaient Fred et Georges quand ils manigançaient un mauvais coup. Elle aurait même juré avoir entr’aperçu Gabrielle qui se serait précipitée de partir à son arrivée au square Grimmauld.
L’horloge sonna l’heure et elle se sentit happée par l’artefact.
Quand elle rouvrit les yeux, elle était dans une chambre inconnue et étrangement familière. Sur le lit, une robe pastel aux tons blancs et roses l’attendait ainsi qu’une parure ostentatoirement luxueuse. Avec une note à son intention l’invitant à l’enfiler, signée de Fleur. Elle s’exécuta et patienta. Peu après, Dobby apparut et lui demanda de bien vouloir la suivre. Ils prirent un ascenseur, arrivèrent dans une pièce raffinée mais continuèrent et sortirent sous la voie lactée. Là, dans toute sa splendeur de veela, Fleur se tenait, nerveuse? Dans son habit cérémonielle, militaire, dangereusement affûtée. Elles étaient sur un bateau de taille raisonnable. Pas un son, pas un souffle de vent, pas un battement de cils. Mais elle entendait son coeur et celui de son aimée, battre la chamade. Fleur fixait ses yeux bleus devenus aussi sombres que l’océan les entourant. Confuse et émue, de revoir sa compagne, elle s’avança vers elle. Mais elle s’arrêta quand elle réalisa que Fleur posait un genou à terre pour lui présenter un écrin qu’elle ouvrit délicatement pour dévoiler une bague délicatement ouvragée. Hermione lâcha un cri silencieux de surprise.
-Ermione. Mon amour. Depuis que j’ai croisé ta route, il y a tant d’années, j’ai su que tu étais mon âme-sœur. Ce tournoi fut la meilleure chose qui me soit arrivée car il m’a mené à toi, et je lui suis reconnaissante pour ça.
Un orchestre philharmonique apparut magiquement et se mis à jouer le thème “Rose”.
-Je voudrais te présenter mes excuses pour ma stupidité et mon comportement. La coutume veela veut que ça soit moi qui propose, puisque tu n’es pas veela et je t’ai fait perdre ta patience. Je ne veux plus jamais être éloignée de toi. C'était comme si des centaines de poignards m'avaient transpercé tous en même temps... Je ne pouvais plus respirer, je ne pouvais plus penser... ou juste à la douleur que j’éprouvais. Et je veux être à tes côtés, avec toi pour l’éternité. J’avais prévu de te demander ta main mais je ne savais pas comment. Cette bague a été enflammée par la dragonne de la 1ère tâche, forgée et ouvragée par des gobelins d’Inde -où tu as étudié tes masters. Je me présente à toi, humblement, pour te demander en mariage. Ermione Granger, voulez-vous m’épouser? Tu es la seule à m’avoir jamais vue pour qui je suis. Je peux te promettre que si tu sautes, je sauterai aussi. Toujours. Alors, mademoiselle, où allons-nous?
-Dans les étoiles.
-Est-ce un oui?
-Oui.
Fleur se releva, rayonnante et enlaça tendrement sa fiancée qui la regardait le visage transfiguré par le bonheur. La bague fut échangée. Elle voulut embrasser sa veela mais celle-ci posa une main sur son épaule et l’autre sur sa taille. L’orchestre, qu'Hermione avait oublié, se remit à jouer, c’était “My heart will go on”. Et là, alors que Fleur l’entrainait dans une danse lente et gracieuse, une voix s’éleva. C’était trop réel pour être vrai. Elle vit, bouche bée, Céline Dion émerger des musiciens et chanter en live ce monument de la chanson. Elle hésita presque un instant à se recentrer sur sa future épouse qui en fut amusée mais savourait l’effet qu’avait sa surprise. Pendant quelques minutes hors du temps, elles virevoltèrent , seules au monde. Quand Miss Dion eut fini et que la dernière note fut jouée, Fleur embrassa passionnément Hermione. Quel apothéose sous un feu d’artifice qui déchira le ciel étoilé et fit craquer le silence revenu.
-Maintenant, Ermione, je veux te dessiner avec ce bijou et uniquement ce bijou…
Le cœur de l’océan semblait pulser de lui-même. Et les femmes retournèrent dans le bateau.
Quelque part sur le continent, loin de cette touchante scène, Harry, Luna et Gabrielle trinquaient au couple.
-Je n’en reviens toujours pas que mon idiote de sœur n’avait pas compris que son Ermione n’attendait que ça!
-C’est vrai que c’était assez fou et amusant de la voir s’enfoncer!
-Elle avait pourtant été claire!
-N’exagérons pas. Il y avait plus direct pour lui faire comprendre le message.
-Mais Luna, elle lui a parlé de la planche!
-Ah cette planche, que d’encre et de mots coulés pour elle.
-N’empêche, j’aurais donné cher pour voir cette demande. J’ai tenté de la dissuader de citer trop Titanic. Ça devait dégouliner…
-Connaissant Hermione, elle a dû adorer.
-Et comment, diable, a-t-elle fait pour avoir Céline Dion?
Au réveil, Hermione admira la bague à sa main et se lova contre Fleur, heureuse. La veela souriait, complète, au côté de son âme-soeur.
-Ermione?
-Mmm?
-Juste pour le dire quand même… lorsque nous aurons une fille, hors de question de l’appeler Joséphine.
-Ca ne m’avait même pas effleuré l’esprit. Tu me prends pour qui?
-Parfait. Je t’aime.
-Moi aussi. Pour info, ça sera Rose et c’est non négociable.
Elles se sourirent, complices.